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Décisions

CA Amiens, 1re ch., 29 avril 2003, n° 02-02646

AMIENS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Chabrol (Epoux), Thévenin, Vétérinaires Chauvin-Thévenin (SCP)

Défendeur :

Lasseigne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lannuzel

Conseillers :

M. Bougon, Mme Delon

Avoués :

SCP Tételin Marguet, de Surirey, SCP Le Roy, SCP Selosse Bouvet, André

Avocats :

Mes Mathieu, Simeoni, Clavel

TGI Compiègne, du 3 avr. 2002

3 avril 2002

Vu le jugement rendu le 3 avril 2002 par le Tribunal de grande instance de Compiègne qui a:

- déclaré Mme Lasseigne recevable en sa demande,

- prononcé la résolution de la vente en date du 25 janvier 1998 faite par les époux Chabrol de la jument dénommée "Fougère du Bois" au profit de Mme Lasseigne sur le fondement de l'article 1641 du Code civil,

- condamné les époux Chabrol à payer à Mme Lasseigne:

- la somme de 15 244,90 euros (100 000 F) en remboursement du prix du cheval,

- celle de 2 408,38 euros (15 797,92 F) représentant les dépenses effectuées depuis l'acquisition du cheval,

- celle de 1 524,49 euros à titre de dommages et intérêts,

- celle de 914,69 euros (6 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné Mme Lasseigne à restituer la jument "Fougère du Bois" aux époux Chabrol,

- condamné le docteur Thévenin et la SCP "Chauvin et Thévenin" à garantir les époux Chabrol des condamnations prononcées à leur encontre, à hauteur de la somme de 4 573,47 euros (30 000 F),

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,

- condamné les époux Chabrol aux dépens;

Vu les appels interjetés de cette décision par les époux Chabrol, d'une part, et M. Thévenin et la "SCP Chauvin-Thévenin", d'autre part, selon déclarations respectivement remises au secrétariat-greffe de la cour le 21 et le 27 juin 2002;

Vu l'ordonnance de jonction des procédures rendue le 27 septembre 2002 par le magistrat de la mise en état;

Vu les conclusions des époux Chabrol du 21 octobre 2002 tendant à l'infirmation du jugement déféré et demandant à la cour:

- A titre principal:

- de déclarer Mme Lasseigne irrecevable en son action en résolution de la vente sur le fondement du vice caché,

- A titre subsidiaire:

- de limiter les conséquences de la résolution de la vente sur ce fondement à la restitution du prix,

- de déclarer Mme Lasseigne mal fondée en ses demandes en nullité de la vente pour erreur ou en résolution de la vente pour manquement à l'obligation de délivrance,

- Pour le cas où les demandes de Mme Lasseigne seraient accueillies:

- de déclarer le docteur Thévenin entièrement responsable des conséquences du mauvais diagnostic des radiographies de la jument "Fougère du Bois" par application de l'article 1147 du Code civil,

- de condamner en conséquence in solidum le docteur Thévenin et la SCP "Chauvin-Thévenin" à les garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais d'expertise, article 700 du nouveau Code de procédure civile et dépens taxables qui seraient prononcées à leur encontre au profit de Mme Lasseigne,

- condamner tout succombant à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les écritures de M. Thévenin et de la SCP "Chauvin-Thévenin" du 28 octobre 2002 concluant à l'infirmation de la décision entreprise et demandant à la cour de débouter les époux Chabrol de leurs demandes en les condamnant, ou tout succombant à leur payer la somme de 3 050 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les conclusions de Mme Lasseigne, épouse Leducq, du 26 septembre 2002 comportant appel incident sollicitant à titre principal la résolution de la vente pour vice caché, subsidiairement sa nullité pour erreur; très subsidiairement sa résolution pour défaut de délivrance conforme et demandant à la cour de condamner M. et Mme Chabrol à lui payer:

- 15 244,90 euros à titre de remboursement du prix avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 1998, date de l'assignation en référé, et capitalisation des intérêts,

- 2 408,37 euros au titre des frais consécutifs à la vente,

- 9 180 euros au titre des frais de nourriture et de pension, outre 333,80 euros au titre des frais de vétérinaire,

- 15 250 euros à titre de dommages et intérêts tant sur le fondement de l'article 1382 du Code civil que sur celui de l'appel abusif,

- 7 600 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu le rapport d'expertise en date du 28 février 2000 déposé par le professeur Mouthon, expert commis par ordonnance rendue le 20 mai 1998 par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Compiègne;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 janvier 2003;

Attendu que Mme Lasseigne a acquis le 25 janvier 1998 des époux Chabrol une jument dénommée "Fougère du bois" moyennant le prix de 100 000 F (15 244,90 euros) qu'une boiterie étant apparue au début du mois de mars 1998 et une échographie pratiquée le 27 de ce mois ayant révélé une pathologie d'insertion proximale du suspenseur, l'acquéreur a, par acte d'huissier en date du 24 avril 1998, fait assigner les vendeurs devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Compiègne en invoquant le vice caché affectant l'animal et en sollicitant l'organisation d'une mesure d'expertise;

Attendu qu'en engageant à l'encontre des époux Chabrol, ses vendeurs, une action en référé trois mois après la vente litigieuse Mme Lasseigne a agi dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil et a substitué à celui-ci la prescription de droit commun commençant à courir à partir de la conclusion de la vente de sorte qu'ayant fait délivrer l'assignation devant le Tribunal de grande instance de Compiègne le 30 mars 2000 son action est recevable sans que les dispositions des articles 284 et suivants du Code rural et celles du décret n° 90-512 du 28 juin 1990 relatives aux vices rédhibitoires dans les ventes d'animaux domestiques puissent lui être valablement opposées dès lors qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire du professeur Mouthon "qu'aucun symptôme n'était observable au moment de la vente" ce qui exclut que l'animal objet de celle-ci était alors atteint de "boiteries anciennes intermittentes", vice rédhibitoire visé à l'article 285 du Code rural pour les chevaux et pour lequel l'acquéreur doit agir dans le délai de dix jours de la livraison comme il est dit aux articles 1 et 3 du décret précité;

Attendu que le professeur Mouthon a constaté que la jument acquise par Mme Lasseigne présentait deux types de lésions, la première consistant en une anomalie de la 3e phalange de l'antérieur droit révélatrice d'une légère décalcification résultant soit d'une déformation congénitale soit d'un coup reçu au niveau du sabot antérieure à la vente puisque figurant sur la radiographie réalisée le 21 janvier 1998 par le docteur Thévenin et la seconde caractérisée par des troubles sur l'antérieur gauche observé lors de l'expertise du 5 août 1998 de nature tendineuse dont la cause réside selon l'expert dans le fait que l'animal pour atténuer les douleurs ressenties à l'antérieur droit prenait un appui plus important sur l'antérieur gauche ce qui a entraîné l'apparition d'une tendinite et donc de la boiterie lors du travail de dressage en vue duquel il avait été acquis ; que ces conclusions du professeur Mouthon qui les a maintenues et justifiées après avoir précisément répondu aux dires des parties ne sont démenties par aucune pièce produite aux débats;

Attendu qu'il est ainsi établi que la jument "Fougère du Bois" était affectée lors de la vente du 25 janvier 1998 d'un vice caché la rendant impropre à l'usage auquel elle était destinée, l'expert relevant que "aucune utilisation sportive n'est envisageable dans l'état actuel des choses" et précisant même que les "lésions sont encore susceptibles d'aggravation" ; que l'action rédhibitoire de Mme Lasseigne doit par suite être accueillie;

Attendu que les époux Chabrol, dont il n'est pas établi qu'ils sont des professionnels de l'activité d'élevage équine ni qu'ils avaient connaissance du vice affectant le cheval vendu, ne sont tenus en application de l'article 1646 du Code civil qu'à la restitution du prix, soit en l'espèce la somme de 15 244,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2000, date de l'assignation devant le tribunal valant mise en demeure de payer et capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente ; que ces derniers s'entendent au sens de l'article 1646 précité des dépenses directement liées à la conclusion de la vente et ne comprennent pas les frais de soins vétérinaires, de pension ou de maréchalerie engagés postérieurement à la vente d'un animal atteint d'un vice caché ; que Mme Lasseigne, qui n'établit pas avoir dû exposer des débours liés à la conclusion de la vente du 25 janvier 1998 et n'invoque que des dépenses qui par leur nature sont exclues du champ d'application de l'article 1646 du Code civil ou la réparation d'un préjudice distinct, sera déboutée des demandes qu'elle forme, d'une part, au titre des frais consécutifs à la vente en ceux-ci compris les frais de nourriture et de pension et, d'autre part, à titre de dommages et intérêts alors que par ailleurs le recours des époux Chabrol étant partiellement accueilli ne présente aucun caractère abusif;

Attendu que si les comptes rendus radiographiques de la jument "Fougère du Bois" rédigés par le docteur Thévenin le 21 janvier 1998 comportent pour l'antérieur droit la mention "favorable à une utilisation sportive" et pour l'antérieur gauche la mention "favorable" alors que selon l'expert judiciaire l'utilisation sportive est exclue et si cette erreur de diagnostic a concouru à la réalisation de la vente intervenue quatre jours plus tard, les époux Chabrol ne peuvent obtenir la garantie du docteur Thévenin et de la SCP "Chauvin-Thévenin" au titre de la restitution d'un prix de vente auquel du fait de la résolution de la vente ils n'ont plus droit et alors que l'animal litigieux doit leur être remis et qu'il n'est pas soutenu que l'état de ce dernier est imputable au vétérinaire ; qu'ils seront déboutés de leur appel en garantie;

Attendu que M. et Mme Chabrol, parties perdantes, seront condamnés aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme Lasseigne la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre de l'instance devant la cour; que l'équité commande en revanche de ne pas faire application au profit du docteur Thévenin et de la SCP "Chauvin-Thévenin" des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs : LA COUR statuant par arrêt contradictoire; Reçoit les appels principaux et l'appel incident en la forme; Infirme le jugement en ce qu'il a condamné les époux Chabrol à payer à Mme Lasseigne la somme de 2 408,38 euros représentant les dépenses effectuées depuis l'acquisition du cheval et celle de 1 524,49 euros à titre de dommages et intérêts et a condamné M. Thévinin et la SCP "Chauvin-Thévenin" à garantir les époux Chabrol des condamnations prononcées à leur encontre, à hauteur de la somme de 4 573,47 euros; Et statuant à nouveau de ces chefs; Déboute Mme Lasseigne de ses demandes en payement de frais inexactement désignés comme consécutifs à la vente et de dommages et intérêts; Déboute M. et Mme Chabrol de leur demande en garantie formée à l'encontre de M. Thévenin et de la SCP "Chauvin-Thévenin"; Confirme le jugement en ses autres dispositions; Y ajoutant, Dit que les intérêts au taux légal sont dus par les époux Chabrol sur la somme de 15 244,90 euros à compter du 30 mars 2000 et que ceux dus pour au moins une année entière se capitaliseront et produiront eux-mêmes intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil; Déboute Mme Lasseigne de sa demande formée au titre des frais de nourriture et de pension; Condamne M. et Mme Chabrol à payer à Mme Lasseigne la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre de l'instance devant la cour; Déboute M. Thévenin et la SCP "Chauvin-Thévenin" de leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne M. et Mme Chabrol aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP "Selosse - Bouvet & André" et de la SCP "Tételin - Marguet et de Surirey", avoués.