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Décisions

Conseil Conc., 20 mars 2003, n° 03-A-03

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Avis

Acquisition de la société Comareg par la société France Antilles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de Mmes Toulemont, Sevajols par Mme Hagelsteen, présidente, M. Jenny, vice-président, Mmes Aubert, Perrot, MM. Charrière-Bournazel, Lasserre, membres.

Conseil Conc. n° 03-A-03

20 mars 2003

Le Conseil de la concurrence (section III B),

Vu la lettre du 20 décembre 2002, enregistrée sous le numéro 02-105A, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence, en application des dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce, d'une demande d'avis relative à l'acquisition, par la société France Antilles, de la société Comareg ; Vu le livre IV du Code de commerce et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-4 et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 pris pour son application ; Vu les observations présentées par la société France Antilles et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteures, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société France Antilles entendus ; Les représentants de La Poste entendus conformément aux dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce et les représentants de la société SPIR Communication entendus en l'absence des parties, conformément aux dispositions de l'article L. 430-6 du Code de commerce ; Adopte l'avis fondé sur les constatations et les motifs ci-après exposés :

I. - Les entreprises parties à l'opération

A. - L'OPÉRATION NOTIFIÉE

1. L'opération envisagée consiste en l'acquisition par la société France Antilles auprès de la société Vivendi Universal Publishing, de 100 % du capital et des droits de vote de la société Comareg. L'accord entre les parties a été signé le 16 octobre 2002.

2. En cédant le groupe Comareg et sa filiale de distribution Delta Diffusion, Vivendi Universal achève de se désengager des activités de médias publicitaires et de vente d'espaces. L'objectif d'un tel désengagement amorcé dès 1998, était de financer des acquisitions jugées plus stratégiques et de contribuer à résorber l'endettement de Vivendi Universal.

B. - France Antilles

3. Le capital de la société France Antilles est détenu à 100 % par des membres de la famille X Le directeur général est M. Philippe X La société France Antilles et la société Socpresse sont les deux pôles autour desquels s'organise aujourd'hui le groupe de presse créé initialement par Robert X.

4. Outre leurs liens historiques, les sociétés France Antilles et Socpresse sont contrôlées par des actionnaires communs. Les membres de la famille X qui détiennent 100 % du capital de la société France Antilles, sont ceux qui détiennent 70 % de la société Socpresse. De plus, certains membres des directoires et des conseils de surveillance sont communs. Ainsi, le directeur général de France Antilles, Philippe X, est président du conseil de surveillance de la société Socpresse, Michèle X, présidente du conseil de surveillance de France Antilles, est membre du conseil de surveillance de Socpresse, et Michel X est membre des conseils de surveillance des deux sociétés.

5. Compte tenu de ces liens entre les sociétés France Antilles et Socpresse, l'activité de la société Socpresse et de ses filiales a été prise en compte dans l'analyse concurrentielle de la présente concentration.

6. La société France Antilles et ses filiales sont spécialisées dans la presse payante régionale et dans la presse d'annonces gratuite. Elles ont réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total consolidé de 304 millions euros, dont 191 millions en métropole et 109 millions dans les Dom Tom. Ces sociétés éditent 7 quotidiens régionaux dans les DOM-TOM. En métropole, elles éditent également 7 quotidiens régionaux dont L'Union, Paris Normandie et L'Est Eclair et 19 hebdomadaires et bi-hebdomadaires régionaux.

7. La société Socpresse et ses filiales sont actives dans le secteur de la presse quotidienne nationale, avec Le Figaro, dans le secteur de la presse quotidienne régionale avec, notamment, Le Progrès, Le Dauphiné libéré, La voix du Nord et dans le secteur de la presse magazine avec Madame Figaro. La société Socpresse et ses filiales ont réalisé en 2001 un chiffre d'affaires mondial de 1,154 milliards euros, dont 1,134 milliards euros en France.

8. Le groupe France Antilles a cherché à se développer dans un secteur connexe à son activité principale de presse d'information locale, celui de la presse gratuite, en acquérant, en 1992, Atout Magazine, un groupe de journaux gratuits localisé en Champagne. En 2001, il a également repris les titres de journaux gratuits qui avaient été crées par des journaux de la presse quotidienne régionale rattachés à la Socpresse (Progrès de Lyon et Dauphiné Libéré).

France Antilles a ensuite pris une participation de contrôle dans la société SEJG, détentrice de la marque et des licences de franchise Paru Vendu. Cette société, créée par un ancien cadre du groupe Comareg, a lancé un nouveau concept de presse gratuite en s'appuyant sur un réseau de franchisés. Le titre Paru Vendu s'est développé très rapidement puisque 5 éditions ont été créées en 2000, 17 en 2001 et 26 en 2002.

9. A ce jour, la société France Antilles et ses filiales détiennent près d'une centaine de titres de journaux gratuits, dont 12 par l'intermédiaire de sociétés franchisées. Le chiffre d'affaires de la société France Antilles et ses filiales dans le secteur de la presse gratuite en métropole a progressé très rapidement et s'est élevé en 2001 à 47,5 millions euros.

10. Les journaux gratuits de France Antilles sont actuellement distribués par La Poste ou Médiapost.

C - Comareg

11. La société Comareg et ses filiales sont spécialisées principalement dans le secteur de la presse d'annonces gratuite. Le groupe Comareg a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires global de 341 millions euros, dont 229 dans le secteur de la presse d'annonces gratuite.

12. Le groupe Comareg édite près de 160 journaux gratuits, sous le titre Bonjour, diffusés sur l'ensemble du territoire français. Il dispose de titres dans la plupart des régions françaises, avec une très forte implantation dans le Nord, la région Rhône-Alpes et la région parisienne.

13. Les journaux gratuits de Comareg étaient jusqu'à présent distribués par sa filiale Delta diffusion, spécialisée dans la distribution d'imprimés sans adresse.

II. - Les caractéristiques principales du secteur de la presse d'annonces gratuite

A. - LE PRODUIT

14. Les journaux d'annonces gratuits sont composés de petites annonces et d'annonces publicitaires. Ils ne comprennent aucun, ou très peu, de contenu éditorial. La diffusion de la plupart de ces journaux est hebdomadaire. Leur distribution s'effectue principalement par portage dans les boîtes aux lettres (68 %) ou par dépôt, en particulier à Paris ou dans les très grandes agglomérations.

15. La plupart des zones géographiques sont couvertes par au moins un titre de presse gratuite. En 2000, 392 titres de journaux d'annonces gratuits ont été recensés par la Direction du développement des médias (DDM), 1,8 milliards d'exemplaires ont été distribués, générant un chiffre d'affaires global (publicité commerciale et petites annonces) de 633 millions d'euros.

16. Les recettes sont tirées de l'insertion d'annonces publicitaires (80 % du chiffre d'affaires) et de petites annonces émanant des particuliers (20 % des recettes). Ce sont cependant les petites annonces qui servent de moteur à la diffusion des gratuits, un journal gratuit sans petites annonces n'ayant aucun intérêt pour ses lecteurs, et donc pour les annonceurs.

B. - LES MARCHES CONCERNES PAR LA PRESSE D'ANNONCES GRATUITE

17. Les journaux d'annonces gratuits répondent à plusieurs besoins : ils permettent aux lecteurs de prendre connaissance des petites annonces et des annonces publicitaires, aux professionnels de faire de la publicité et aux particuliers ou aux professionnels de faire publier leurs petites annonces. Le marché des publicités commerciales et celui des petites annonces sont interdépendants et sont liés à l'audience ou au lectorat. En effet, il n'existerait pas de marché des publicités commerciales en l'absence de lectorat et il n'existerait pas de lectorat en l'absence de petites annonces.

Le lectorat de la presse d'annonces gratuite

18. Chaque titre de presse gratuite est distribué dans une zone géographique locale et il n'y a pas de substituabilité entre le journal gratuit d'une zone et ceux diffusés dans d'autres secteurs géographiques. Dans un avis du 29 mai 1986, relatif au secteur de la presse gratuite en région PACA, la Commission de la concurrence a estimé que "Compte tenu du rôle de communication sociale qu'elles assurent, les publications gratuites sont nécessairement diffusées dans une aire restreinte comprenant une communauté urbaine suffisamment homogène et dense qui correspond généralement à une aire de chalandise du secteur de la distribution". En l'absence de données précises sur l'audience de chaque titre, on se réfère aux tirages.

Le marché de la publicité commerciale dans les journaux gratuits

19. Dans plusieurs avis et décisions de la Commission puis du Conseil de la concurrence(notamment l'avis du 29 mai 1986 précité, les avis 93-A-13 et 98-A-14, les décisions 89-D-05 et 96-D-44), il a été considéré qu'il existait un marché de la publicité dans la presse d'annonces gratuite, de dimension locale, et que la publicité dans la PQR n'était pas substituable.

20. Dans l'avis du 29 mai 1986 précité, la Commission de la concurrence a considéré que "La publication gratuite constitue de ce fait un moyen adapté techniquement aux besoins publicitaires de distributeurs ou d'entreprises de services locaux. La gratuité du produit lui assure l'audience d'un vaste public et, en particulier, de la fraction de celui-ci la plus difficile à toucher par l'intermédiaire des autres moyens de communication, en raison de son isolement culturel, économique ou social. Aussi les publications gratuites bénéficient-elles d'un taux de pénétration exceptionnellement élevé et supérieur à celui de tous les autres médias". L'avis conclut : "le marché de la publicité par voie de journal gratuit dans une aire de chalandise donnée constitue un marché en soi".

21. Dans la décision 89-A-05, le Conseil de la concurrence a également considéré que la presse gratuite et la presse quotidienne régionale (PQR) n'étaient pas des supports publicitaires substituables et n'étaient donc pas sur le même marché : "La presse gratuite, dont la diffusion est hebdomadaire ou bimensuelle, est distribuée par portage essentiellement en milieu urbain.

Dépourvue de sélectivité, elle atteint sur une zone donnée, toutes les couches de la population sédentaire et son taux de pénétration est plus important que celui de la presse quotidienne régionale. Le coût de l'espace publicitaire y est deux à trois fois moindre. Ces deux formes de presse, qui présentent des profils différents, susceptibles d'influer sur l'efficacité du message publicitaire, n'apparaissent donc pas substituables".

22. Les caractéristiques du secteur et le comportement des entreprises n'ayant pas évolué de manière substantielle depuis 1986 et 1989, les analyses de la Commission puis du Conseil de la concurrence paraissent toujours pertinentes.

23. Selon les données communiquées par l'Institut de Recherche et Etudes Publicitaires (IREP), les recettes publicitaires de la presse gratuite, qui prennent en compte les journaux d'annonces gratuits ainsi que la presse municipale gratuite et les journaux d'information gratuits, se sont élevées à 886 millions d'euros en 2001. Selon les données de la direction du développement des médias, les recettes publicitaires de la presse gratuite se sont élevées, en 2000, à 495 millions d'euros. Il s'agit essentiellement d'annonceurs locaux des secteurs de la construction et travaux, de l'habitat, de l'immobilier, de l'automobile, du commerce de détail et des services et loisirs. Lorsque l'annonceur appartient à un groupe ou à un réseau national, les investissements publicitaires dans les journaux gratuits sont généralement décidés localement.

Le marché des petites annonces dans les journaux gratuits

24. Les petites annonces peuvent être publiées sur différents supports : presse gratuite, PQR, presse quotidienne nationale, journaux spécialisés ou encore sites Internet. L'intérêt de chaque support varie la plupart du temps en fonction du type d'annonce. Pour un appareil de petit électroménager, la presse gratuite sera adaptée alors que pour la vente d'une résidence secondaire, la presse nationale ou thématique pourra être préférée.En ce qui concerne les offres d'emplois, les offres pour les emplois peu qualifiés sont fréquemment publiées dans la presse gratuite alors que les annonces pour la recherche de cadres le seront dans la presse nationale (Figaro Emploi Cadres par exemple).

25. Comme pour la publicité, les caractéristiques de la presse gratuite, un prix moins élevé et un taux de pénétration exceptionnel sur une zone géographique précisément ciblée, en font un support non substituable aux autres pour l'insertion de petites annonces.

26. Le chiffre d'affaires généré par l'insertion de petites annonces dans la presse gratuite est évalué par la DDM à 138 millions euros pour l'année 2000, et, par l'IREP, à 168 millions euros pour l'année 2001.

C. - LA STRUCTURE DE L'OFFRE

27. Le secteur de la presse gratuite est très concentré. Quatre opérateurs principaux ont une couverture étendue à une grande partie du territoire national : Comareg et Spir Communication (160 titres chacun), France Antilles (100 titres) et S3G (50 titres). A l'exception de Comareg, filiale de Vivendi Universal Publishing, les trois leaders de la presse gratuite sont adossés à des groupes de presse : le groupe Hersant (France Antilles), le groupe Ouest-France (Spir Communication) et le groupe Sud-Ouest (S3G). Il subsiste peu de petits éditeurs indépendants, présents sur quelques marchés locaux (Lithographic, la Maubeugeoise Edition Cie, .).

28. Ensemble, les sociétés Socpresse, France Antilles et leurs filiales réalisent un chiffre d'affaires de plus d'1,4 milliards d'euros. L'implantation des deux sociétés dans le secteur de la presse quotidienne régionale est très nette dans les régions Nord, Picardie, Ardennes, Normandie, Bourgogne et Rhône-Alpes, et explique que les titres de gratuits de France Antilles soient concentrés dans ces régions.

29. Le chiffre d'affaires consolidé du groupe Ouest France est estimé, en 2000, à 762 millions euros. Le quotidien régional Ouest France (42 éditions locales et 284 millions de chiffre d'affaires) est le premier quotidien français en termes de diffusion payée.

30. Le groupe Sud-Ouest regroupe 5 quotidiens régionaux dont le journal Sud-Ouest, épine dorsale du groupe, La Charente Libre (Angoulême), La République des Pyrénées et L'Eclair Pyrénées à Pau. Outre le secteur de la presse d'annonces gratuite, le groupe s'est diversifié dans l'édition de livre, la radio et la télévision locale.

III - Bilan concurrentiel

A - L'EFFET DE L'OPERATION SUR LES PARTS DE MARCHE ET LA STRUCTURE DE L'OFFRE

Au niveau national

31. Après la concentration, l'ensemble France Antilles-Comareg disposera de près de 260 titres de presse gratuite répartis sur l'ensemble du territoire national, devant Spir (160 titres) et S3G (50). Le nouveau groupe disposera d'un maillage territorial inégalé.

32. En termes de diffusion, la nouvelle entité diffusera, après l'opération, plus de 50 % des exemplaires, soit environ 800 millions, devant Spir (42 %, soit environ 650 millions) et S3G (8 %, soit environ 100 millions).

33. En ce qui concerne les parts de marché en chiffre d'affaires, l'IREP donnait, en 2001, les estimations suivantes :

<emplacement tableau>

34. Après la concentration, la nouvelle entité France Antilles-Comareg deviendra leader avec [30-40] % des recettes globales ([30-40] % des recettes publicitaires et [20-30] % des recettes de petites annonces) devant Spir ([20-30] % des recettes globales).

Au niveau local

35. L'opération envisagée aura directement pour effet, sur certains marchés locaux où sont présents à la fois un titre de France Antilles et un titre Comareg, soit de créer des "monopoles" locaux au profit des deux titres France Antilles-Comareg, là où il n'existe pas de titre de presse gratuite concurrent, soit de renforcer d'éventuelles positions dominantes lorsque d'autres titres sont distribués.

36. Pour les titres Comareg, ont été pris en compte les titres détenus par Comareg ainsi que le titre NRS Châteauroux édité par Comareg NR, détenue à 50 % par Comareg et 50 % par La Nouvelle République du Centre Ouest.

37. Pour France Antilles, ont été pris en compte les titres détenus par France Antilles et ses filiales, les titres détenus par la société SEJG ainsi que les 12 titres détenus par les 8 franchisés SEJG "indépendants". L'inclusion des franchisés dans le périmètre du marché contrôlé par le franchiseur est conforme à la pratique décisionnelle du Conseil, de la Commission et du ministre (affaires M. 1221Rewe/Meinl et M 1684 Carrefour/Promodès, arrêté du ministre du 5 juillet 2000 dans l'affaire Carrefour/Promodès).

Sur 10 marchés, les deux titres de presse gratuite de France Antilles et Comareg seront en position de monopole.

38. Il s'agit des marchés suivants :

- Troyes

- Grenoble

- Voiron

- Epernay

- Chalons-en-Champagne

- Chaumont

- Saint-Dizier (édition de Saint-Dizier)

- Montceau les Mines (éditions de Montceau-les Mines, Charolles et d'Autun)

- Sens

- Auxerre

Sur les 8 premiers de ces marchés, les titres de presse régionale sont édités soit par France Antilles, soit par Socpresse.

Sur 4 marchés locaux, les deux titres de France Antilles et de Comareg seront en concurrence avec des titres appartenant à des indépendants, non adossés à un groupe de presse.

39. Il s'agit des marchés suivants :

<emplacement tableau>

Enfin, sur 26 marchés, les deux titres de France Antilles et de Comareg resteront en concurrence avec au moins un titre de Spir Communication ou de S3G.

40. Il s'agit des marchés suivants :

<emplacement tableau>

B.- LES EFFETS SUR LES PRIX SUR LES MARCHES CONCERNES

41. France Antilles soutient que, quel que soit l'effet de l'opération sur ses parts de marché et le nombre de ses concurrents, sa marge de manœuvre pour augmenter les prix sera réduite, ceux-ci étant essentiellement déterminés par le taux d'audience et l'élasticité-prix de la demande étant exceptionnellement forte.

42. Elle produit à l'appui de ces arguments des calculs de corrélation qui montreraient que le prix au mille de la page de publicité dans un titre de presse gratuite est une fonction croissante du taux d'audience de ce titre, mais est, en revanche, complètement décorrélé de la position concurrentielle à l'intérieur d'une zone géographique donnée.

43. Toutefois, les calculs de corrélation simple fournis par France Antilles, régressant le prix moyen facturé pour 1000 pages sur le taux d'audience d'un titre (pourcentage de lecteurs réguliers), ne permettent pas, par définition, d'affirmer que le prix ne dépend que de cette variable et d'aucune autre. Seul un calcul de corrélation multiple, testant la pertinence d'une relation entre le prix et d'autres variables possibles, telles que la situation concurrentielle sur le marché concerné, ou le nombre absolu de lecteurs, aurait pu donner une telle indication.

44. Par ailleurs, France Antilles s'appuie sur les questionnaires recueillis auprès de 45 annonceurs, dans le cadre de l'instruction de la demande d'avis, qui permettraient de constater une très forte élasticité prix de la demande d'espaces publicitaires, 57 % des annonceurs ayant répondu qu'ils changeraient de support, ou réduiraient la part de leur budget publicitaire, si le prix augmentait de plus de 5 %. Ces déclarations confirment, selon elle, que les autres supports de communication locale que sont les prospectus, les annuaires, les catalogues, la presse quotidienne régionale ou la radio locale, constituent pour les annonceurs des alternatives susceptibles d'exercer une pression concurrentielle très forte sur le prix des espaces publicitaires dans la presse gratuite. Cette pression serait, de plus, facilitée par la grande volatilité de la clientèle, le taux de renouvellement annuel étant supérieur à 30 %.

France Antilles soutient que les annonceurs sont insensibles à toute stratégie visant à les fidéliser, tels les contrats de longue durée ou les offres de couplage entre des espaces dans la presse gratuite et dans la presse quotidienne régionale.

45. Cependant, les 45 réponses reçues au questionnaire envoyé, dans le cadre de l'instruction, aux 500 clients les plus importants de Comareg et France Antilles, ne peuvent être utilisées pour estimer, de façon fiable, l'élasticité-prix de la demande d'espaces publicitaires dans les annuaires. La sélection de 500 annonceurs, parmi un total d'environ 29 000 clients recensés par Comareg et France Antilles, en fonction de l'importance de leur chiffre d'affaires, introduit déjà un biais dans la représentativité dans l'échantillon consulté. Au niveau des réponses, cette distorsion est encore amplifiée par un biais de non réponse, le fait de répondre ou de ne pas répondre ne pouvant être considéré comme assurant la représentativité des réponses reçues par rapport à l'ensemble de l'échantillon. Le faible nombre de réponses reçues doit, par ailleurs, amener à inclure une forte marge d'erreur dans la lecture des résultats. Plus généralement, ce type d'enquête ne permet de recueillir que les intentions affichées des demandeurs et ne peut se substituer à un calcul d'élasticité-prix fondé sur l'évolution observée des volumes et des prix. La valeur aberrante de l'élasticité-prix de la demande avancée par France Antilles, soit une chute de 40 % de la demande pour 5 % d'augmentation de prix, s'explique par l'ensemble de ces facteurs d'erreur et non par une définition erronée du marché comme le suggère France Antilles. Une telle élasticité ne s'expliquerait, en effet, que s'il existait des substituts très proches à la publicité dans la presse gratuite, analyse démentie par les écarts de prix et les différences de cibles constatés pour les autres supports.

46. En ce qui concerne les petites annonces, les autres supports disponibles ne constituent pas des alternatives susceptibles d'imposer une contrainte concurrentielle au nouvel ensemble dans la mesure où le prix de l'insertion de petites annonces dans la presse payante est plus élevé et où Internet n'offre pas des taux de pénétration comparables.

47. En outre, la pression concurrentielle exercée par l'offre d'espaces publicitaires dans la presse quotidienne régionale devrait être particulièrement limitée pour les marchés sur lesquels ces titres de presse sont édités par France Antilles elle-même ou par Socpress, dont les liens avec France Antilles ont été rappelés ci-dessus, dans la mesure où ces titres de presse payante récupèreraient une partie des annonceurs qui changeraient de support. Au contraire, la présence simultanée sur les marchés d'espaces publicitaires et de petites annonces dans la presse gratuite, la presse payante et Internet, pourrait permettre au nouvel ensemble d'offrir des tarifs promotionnels pour la publication sur plusieurs supports.De telles offres couplées ont été relevées sur les marchés des petites annonces.

48. France Antilles affirme qu'il s'agit de cas isolés et marginaux et qu'il n'existe pas d'offres couplées pour la publicité commerciale. Selon elle, ces offres n'ont aucun intérêt pour les annonceurs, compte tenu des caractéristiques propres à la presse gratuite, d'une part, et à la PQR, d'autre part. Elle fait valoir que, de façon principale, les annonceurs ne sont pas communs aux deux supports, et que, pour ceux qui utilisent les deux, les campagnes de publicité diffèrent selon le support.

49. Cependant, les insertions publicitaires étant négociées au cas par cas, il n'a pas été possible de vérifier l'inexistence d'offres couplées entre la presse gratuite et la PQR. Le fait que les annonces publiées peuvent être différentes sur les deux supports n'exclut pas que les conditions tarifaires dont bénéficient les annonceurs sur l'un des supports soient liées à leur utilisation de l'autre. Or, la position du nouvel ensemble sur les marchés locaux de la presse gratuite et de la presse quotidienne régionale précisés ci-dessus pourrait conférer à ces offres, si elles se généralisaient, un effet d'éviction vis-à-vis des petits éditeurs indépendants d'un groupe de presse régionale.Il conviendrait donc de prendre acte des déclarations faites en séance par France Antilles concernant son intention de ne pas mettre en place un tel mode de commercialisation.

C.- LES EFFETS SUR LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE GRATUITE

50. Les journaux gratuits peuvent être distribués dans les boites aux lettres ou dans des présentoirs, en dépôt. La distribution des journaux gratuits est un élément déterminant du développement de la presse gratuite, la qualité de la distribution garantissant l'audience, et donc le chiffre d'affaires en publicité commerciale comme en petites annonces.

51. Les principaux groupes spécialisés dans la presse gratuite, Spir, Comareg et S3G, ont intégré la fonction de distribution en créant des filiales spécialisées. Le groupe Spir dispose de la société Adrexo, le groupe Comareg de la société Delta Diffusion et le groupe S3G de la société Distri G. D'autres éditeurs de journaux gratuits comme la société Lithographic ou, plus récemment, le groupe France Antilles, font distribuer leurs journaux d'annonces gratuits par le groupe La Poste.

52. Les sociétés de distribution ont diversifié leur activité en distribuant, en sus des journaux gratuits, d'autres imprimés sans adresse. Au stade de la distribution dans les boites aux lettres, "une poignée" contient généralement un titre de presse gratuite et divers prospectus. Les termes "imprimés sans adresse (ISA) " ou "publicité non adressée (PNA)" sont équivalents, ils regroupent les journaux d'annonces gratuits et les autres imprimés ou prospectus. Il est extrêmement difficile pour un distributeur d'ISA d'être présent au niveau national sans bénéficier, soit d'un réseau existant (La Poste), soit du volume procuré par la distribution de journaux gratuits. Le représentant du groupe La Poste a expliqué en séance que la distribution des journaux gratuits procurait aux distributeurs d'ISA un chiffre d'affaires récurrent qui leur permet d'amortir les frais fixes.

53. Sur le marché national des ISA, les principaux opérateurs étaient, jusqu'en 2001, La Poste (30-40 %), Delta Diffusion (20-30 %) et Adrexo (20-30 %), le reste du marché national se partageant entre une dizaine d'opérateurs locaux.

54. Le ministre de l'Economie et des Finances a autorisé par lettre du 14 août 2001, le rapprochement des activités de distribution d'imprimés sans adresse (ISA) de Comareg et du groupe La Poste. Les activités de distribution d'ISA de Delta Diffusion doivent être dans un premier temps apportées à Médiapost. Dans un second temps, La Poste doit apporter à Médiapost le volume d'affaires de son activité ISA. A l'issue de l'opération, Comareg détiendra une participation minoritaire d'au minimum 22 % du capital de la nouvelle entité (Newco), le solde étant détenu par Sofipost.

55. An niveau horizontal, l'opération déjà autorisée emporte la réduction de trois à deux du nombre des distributeurs d'ISA sur le marché national, Newco et Adrexo restant les deux seuls distributeurs de journaux gratuits en zone urbaine. Parallèlement, l'opération doit s'accompagner d'une clarification du rôle de La Poste, cette dernière arrêtant toute distribution d'ISA en zone urbaine et s'engageant à ouvrir son réseau de distribution en zone rurale à tout opérateur d'ISA.

56. Selon le représentant du groupe la Poste, la nouvelle entité Newco devrait réaliser un chiffre d'affaires de l'ordre de [.] millions d'euros, dont [.] millions d'euros pour la presse d'annonces gratuite et [.] millions pour la distribution des autres imprimés. La distribution des journaux de Comareg et de France Antilles représenterait près de [.] millions d'euros chaque année.

57. Un contrat d'exclusivité, d'une durée de [.] ans, au profit de la nouvelle entité pour la distribution des journaux d'annonces gratuits de Comareg constitue un élément essentiel du rapprochement entre Médiapost et Delta Diffusion. Aux termes de ce contrat, Comareg s'engage à faire distribuer par la nouvelle entité Newco ses journaux d'annonces gratuits, une clause de minima fixant une quantité minimale de journaux gratuits à distribuer au cours des [.] premières années. En outre, ce contrat précise que Newco s'engage [.]".

58. France Antilles a signé avec le groupe La Poste une convention pluri-annuelle aux termes de laquelle, La Poste, puis Newco, bénéficieront d'un contrat d'exclusivité d'une durée minimale de [.] ans pour les titres Paru Vendu, Les Nouvelles de l'Immobilier et Atout Magazine, avec l'engagement de faire distribuer par La Poste et par Newco au moins [.] millions de journaux gratuits par an. A la suite de l'acquisition de la société Comareg par France Antilles, France Antilles devait, de plus, détenir une participation minoritaire proche de 20 % et un siège sur les huit au conseil d'administration de Newco.

59. La substitution de la nouvelle entité France Antilles-Comareg à Comareg dans le rapprochement prévu avec La Poste est de nature à rendre l'accès aux marchés de la presse gratuite plus difficile pour les petits éditeurs qui n'ont pas développé leur propre réseau de distribution, en ce qu'elle renforce les liens verticaux entre le principal éditeur de gratuits et La Poste.En effet, on ne peut exclure que, compte tenu des liens existant entre Newco et France Antilles/Comareg, cette dernière obtienne des tarifs et des conditions de distribution privilégiés. En séance, le représentant de La Poste a précisé que les écarts de prix, pour la distribution des journaux gratuits, pouvaient s'élever à 20 %. A cet égard, les responsables de la société SEJG estiment, qu'aux termes de la convention pluri-annuelle France Antilles-La Poste, ils bénéficient d'une réduction de l'ordre de [.] % des tarifs habituellement pratiqués par La Poste. Les conditions non tarifaires, telles que les délais entre la livraison des exemplaires par l'éditeur et leur distribution ou la possibilité d'être distribué en exclusivité "dans la poignée", constituent d'autres avantages déterminants pour les éditeurs.

60. Cependant, en séance, le représentant du groupe La Poste a indiqué qu'une stratégie de développement de son activité serait assignée à la nouvelle société et que ceci impliquait qu'elle adopte un comportement de stricte neutralité à l'égard des éditeurs d'ISA et de gratuits, c'est-à-dire qu'elle leur consente les mêmes conditions dès lors que leurs demandes seraient équivalentes.

61. France Antilles a, pour sa part, déclaré ne pas être intéressé par la clause d'exclusivité négociée par Comareg dans ses accords avec La Poste. Elle estime que cette clause est peu efficace dans la mesure où un autre journal gratuit peut, dans la même journée, être placé dans les boîtes aux lettres par un autre distributeur. Elle fait remarquer que le contrat de distribution qui la lie à La Poste, pour la distribution de Paru Vendu, ne comporte pas de clause d'exclusivité "à la poignée". Dans ces conditions, France Antilles pourrait, dans le cadre de l'acquisition de Comareg, renoncer à la clause d'exclusivité négociée par cette dernière.

D.- LES POSSIBILITES D'ENTREE SUR LES MARCHES CONCERNES

62. La capacité du nouvel ensemble à fixer ses prix à un niveau de monopole sur les zones où seuls sont en présence les titres Comareg et France Antilles, ou à évincer les titres concurrents sur les zones où l'opération lui confère une forte position, dépendra essentiellement de la facilité avec laquelle des éditeurs de presse gratuite, non présents actuellement sur les marchés locaux concernés, ou de nouveaux entrants, pourraient créer des titres sur ces zones, de façon durable et rentable.

63. Le secteur de la presse gratuite est peu capitalistique et il n'existe aucune spécificité réglementaire ou technologique qui rendrait l'accès au marché difficile à de nouveaux entrants. Aucun attachement particulier à un titre n'a été identifié, ni de la part des lecteurs, ni de la part des clients (30 % des annonceurs publicitaires sont de nouveaux clients chaque année). La plupart des coûts sont des coûts variables, l'impression et la distribution pouvant être externalisées. Selon les éditeurs, le coût de lancement d'un nouveau titre est estimé entre 100 000 et 300 000 euros pour 100 000 exemplaires. Certes, il existe des économies d'échelle, notamment liées à l'organisation de la distribution, mais elles ne remettent pas en cause l'estimation de la relative facilité du lancement d'un titre.

64. Par ailleurs, les marchés locaux peuvent être saturés au-delà d'un certain nombre de titres. France Antilles estime à 2,4 titres en moyenne la capacité d'absorption du lectorat. Elle précise qu'il est néanmoins possible de voir exister de façon pérenne au moins trois journaux gratuits sur une même zone et a cité 7 agglomérations sur lesquelles sont diffusées plus de 3 éditions : Aurillac, Albi, Roanne, Valence, Villefranche-sur-Saône, Thiers et Figeac. Le responsable de Mediaposte, entendu en séance, a également estimé à trois titres la capacité d'absorption d'un marché local. Cette limite peut constituer un frein à l'implantation d'un nouveau titre sur certaines zones, mais elle n'est pas atteinte pour l'ensemble des zones.

65. On constate néanmoins sur les années récentes une stabilité du nombre de titres édités et une tendance à la concentration de l'offre. Les éditeurs indépendants d'un groupe de presse disparaissent progressivement du marché, leurs titres étant, soit rachetés par l'un des leaders de la profession, soit supprimés.

<emplacement tableau>

66. Le développement rapide des titres Paris-Vendu depuis l'année 2000 constitue le seul mouvement d'ampleur sur les marchés concernés, avec 5 éditions créées en 2000, 17 en 2001 et 26 en 2002. Cependant, France Antilles n'a pu confirmer, en séance, que les titres ainsi créés avaient des perspectives de rentabilité dans des délais raisonnables. Seule l'édition de Limoges était citée, dans ses observations faisant suite au rapport, comme devant être rentable dans le courant de l'année 2003, soit moins de deux ans après son lancement. Par ailleurs, les exemples de création récente de titres sont peu nombreux. Le groupe "La dépêche du midi" a créé cinq nouveaux titres au cours des trois dernières années (Publi Muret, Publi Laurageais, Publi Couserans, Publi Basse Ariège, Publi Tarn-ouest). La société Lithographic a lancé deux nouvelles éditions locales de "HIC" en 2001 et 2002. Elle se plaint cependant de pratiques de démarchage systématique de sa clientèle dont le but serait de l'amener à céder son activité.

67. La perspective de voir entrer de nouveaux concurrents dans le court terme ne paraît donc pas suffisante pour limiter le pouvoir de marché du nouvel ensemble dans les zones où il serait en situation de monopole ou de dominance forte.

E.- LES RISQUES DE COLLUSION TACITE

68. Le commissaire du Gouvernement soutient que, sur les marchés locaux sur lesquels France Antilles-Comareg se trouverait face, soit à un titre de Spir, soit à un titre de S3G, soit les deux, les conditions de marché seront peu propices à l'exercice d'une concurrence effective entre les éditeurs. Il souligne que la presse d'annonces gratuite est un produit homogène, que le marché a atteint sa maturité, qu'il y a peu d'innovation majeure, que les barrières à l'entrée sont élevées dans ce secteur, que les prix sur ce marché sont connus de tous et que le degré de transparence favorise la réalisation d'un monitoring "artisanal" suffisant pour qu'une éventuelle déviation soit détectée.

69. Cependant, sur les marchés locaux de la presse gratuite, les éléments relatifs à la transparence du marché, à la volatilité de la demande et à la stabilité des parts de marché, rendent peu probable qu'un équilibre de prix non coopératif puisse être atteint et maintenu.

70. En effet, le marché de la publicité est caractérisé par une disparité entre les tarifs affichés et les tarifs véritablement pratiqués, ceux-ci étant négociés au cas par cas. La connaissance du comportement des autres éditeurs suppose donc de démarcher chacun des clients, ce qui peut, au surplus, s'avérer inutile car la demande n'est pas récurrente. Par ailleurs, les annonceurs risquent de ne pas dévoiler le véritable prix mais, au contraire, de le sous-évaluer. L'information reçue ne sera donc ni complète ni fiable, et sera obtenue à un coût élevé.

71. De plus, le comportement des demandeurs n'est pas lisible. La demande est volatile, puisque environ 30 % des clients sont renouvelés chaque année. Par ailleurs, cette demande est constituée d'un nombre important d'annonceurs locaux cherchant à réaliser une démarche ponctuelle ; elle est éparpillée et non récurrente et il est donc difficile de connaître les raisons des modifications de son comportement ou de l'anticiper. De plus, elle est sensible à l'évolution des prix.

72. Enfin, la pénétration rapide de Paru-Vendu (une centaine de titres en trois ans) montre que les parts de marché ne sont pas stables et témoigne, en revanche, d'un contexte concurrentiel récent plutôt agressif.

F.- CONTRIBUTION AU PROGRES ECONOMIQUE

73. Selon France Antilles, la concentration a pour objectif une rationalisation des coûts à travers la réalisation d'économies d'échelle. Alors que France Antilles fait imprimer ses journaux gratuits par des sous-traitants, Comareg imprime les siens dans ses quatre usines de Reims, Lille, Rennes et Avignon. Les centres d'impression de Comareg disposant de capacités d'impression disponibles, la concentration permettra de rationaliser l'utilisation de ces imprimeries en faisant éditer la totalité de ses titres en interne. Les parties ont évalué les économies résultant de la rationalisation des capacités d'impression du groupe à 2 millions d'euros. L'opération engendrerait également des réductions de coûts pour ce qui concerne l'achat de papier, compte tenu du caractère dégressif des tarifs des producteurs de papier, les dépenses informatiques et administratives ainsi que la distribution des journaux gratuits. Au total, France Antilles a évalué les gains de productivité directement liés à l'opération : "Les gains de productivité attendus à l'issue d'une période de trois-quatre ans portent sur un peu plus de [.] % des charges actuelles cumulées de France Antilles et de Comareg, pour la seule activité de presse gratuite. "

74. Ces affirmations sont cependant contredites par d'autres selon lesquelles la nouvelle entité aura des coûts de fonctionnement plus élevés et donc un seuil de rentabilité plus élevé (page 19 des observations de France Antilles). En tout état de cause, s'il n'est pas contestable que des gains d'efficacité existent dans ce secteur à partir d'une certaine taille, notamment en ce qui concerne l'accès à une distribution de qualité, les deux parties à l'opération avaient déjà atteint, avant celle-ci, une taille au-delà de laquelle les gains d'efficacité devraient être marginaux.

Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil de la concurrence est d'avis :

Que le projet de concentration soumis à l'examen du Conseil de la concurrence n'est pas de nature à apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les risques d'atteinte à la concurrence qu'il comporte du fait de l'acquisition par la nouvelle entité d'une position dominante sur les marchés locaux suivants :

- Les dix marchés locaux sur lesquels le nouveau groupe se trouve en situation monopolistique : Troyes, Grenoble, Voiron, Epernay, Chalons-en-Champagne, Chaumont, Saint-Dizier, Montceau les Mines, Sens et Auxerre.

- Les trois marchés sur lesquels deux conditions cumulatives sont réunies : la présence du nouveau groupe à plus de 70 % dans la presse gratuite ainsi que l'appartenance de la presse quotidienne régionale au groupe Hersant : à savoir Bourg-en-Bresse, Dijon, et Lons le Saulnier.

Que, sur ces marchés, des mesures structurelles, mais également comportementales, peuvent être suggérées afin de rétablir un degré suffisant de concurrence : aux nécessaires cessions de titres pourraient en effet s'ajouter la confirmation formelle par France Antilles, de l'engagement pris par elle en séance de ne pas proposer d'offres liant les conditions tarifaires qu'elle propose sur les marchés de la presse gratuite, d'une part, et sur les marchés de la PQR, d'autre part;

Enfin, cet avis est donné en prenant acte des déclarations faites en séance par France Antilles concernant l'absence d'intérêt d'une clause d'exclusivité "à la poignée", du type de celle négociée par Comareg avec La Poste, et son intention de renoncer à l'avenir à en bénéficier.

Est également pris en considération l'engagement pris en séance par le représentant du groupe La Poste de développer une politique commerciale respectant une stricte neutralité à l'égard de tous les éditeurs, notamment en refusant de négocier de nouvelles clauses d'exclusivité.

NOTA : A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du "secret des affaires", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.