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Décisions

Cass. crim., 18 mai 1998, n° 97-82.470

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

SCP Defrenois, Levis

TGI Lille, ch. corr., du 1er mars 1996

1 mars 1996

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par V Daniel, la société X, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 6e chambre, du 11 mars 1997, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, a condamné le premier à 80 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 63a de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 551 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Daniel V coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur et a condamné celui-ci à payer une amende de 80 000 francs ;

"aux motifs que tout moyen d'information du public, même s'il s'agit d'un étiquetage, constitue une publicité au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation dès lors qu'il accompagne l'objet proposé et que le consommateur est conduit à en prendre connaissance pour guider son choix; qu'en l'espèce, le prévenu ne peut nier que l'abréviation PC, dès lors qu'elle accompagne la mention d'un prix signifie "prix conseillé" dans l'esprit du consommateur moyen, erreur partagée par son personnel; cette mention était de nature à entretenir la confusion dans l'esprit de la clientèle; qu'en cas de relaxe, la partie civile appelante a toujours intérêt à voir qualifier les faits poursuivis dès lors qu'ils conditionnent la recevabilité et le bien fondé de son action; la seule limite qu'impose l'article 497 du Code de procédure pénale est, qu'en cas d'appel de la seule partie civile, la cour ne pourra prononcer de sanction pénale ;

"alors que tout "accusé" a le droit d'être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui; que cette information détaillée est encore plus indispensable lorsque le texte légal qui définit l'incrimination est interprété d'une manière particulièrement extensive; que tel est le cas de la publicité trompeuse en raison des "allégations", dès lors que la loi exige seulement que les allégations contenues dans la publicité soient de nature à induire en erreur; qu'il était donc indispensable en l'espèce que Daniel V, afin d'exercer pleinement ses droits à la défense, puisse savoir en quoi consistaient les allégations contenues sur l'étiquetage des produits qu'il commercialisait et dans quelle mesure elles pouvaient être considérées comme étant de nature à induire en erreur les consommateurs desdits produits; que la citation énonçait que Daniel V était prévenu d'avoir fait diffuser une publicité (par voie d'étiquetage) comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant en l'espèce sur le prix et les conditions de vente de 12 produits de parfumerie; qu'en retenant le prévenu dans les liens de cette prévention imprécise, l'arrêt attaqué a méconnu les dispositions du texte précité et le principe du procès équitable ;

"alors que tout "accusé" a le droit d'être informé d'une manière détaillée de la nature de l'accusation portée contre lui; qu'en condamnant le prévenu sur la base d'une citation imprécise quant à la nature des allégations prétendument de nature à induire en erreur, la cour d'appel a manqué aux exigences de l'article 63a de la Convention européenne" ;

Attendu que ce moyen, qui revient à soulever pour la première fois devant la Cour de cassation une exception de nullité de la citation, irrecevable comme tardive en application de l'article 385 du Code de procédure pénale, ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Daniel V du chef du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur et l'a condamné à une amende de 80 000 francs ;

"aux motifs que tout moyen d'information du public, même s'il s'agit d'un étiquetage, constitue une publicité au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation dès lors qu'il accompagne l'objet proposé et que le consommateur est conduit à en prendre connaissance pour guider son choix; qu'en l'espèce, le prévenu ne peut nier que l'abréviation PC, dès lors qu'elle accompagne la mention d'un prix signifie "prix conseillé" dans l'esprit du consommateur moyen, erreur partagée par son personnel; cette mention était de nature à entretenir la confusion dans l'esprit de la clientèle; le client était ainsi persuadé que le fabricant conseillait de vendre le produit au prix indiqué après la mention PC et calculait l'économie réalisée en comparant ce prix PC avec le prix de vente X qui lui était accolé; il importe peu que le consommateur ait ou non bénéficié d'un prix avantageux, dès lors que les éléments d'information portés à sa connaissance n'étaient plus fiables et étaient de nature à l'induire en erreur; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le délit est constitué; qu'il y a lieu de prononcer une peine d'amende en répression ;

"alors qu'une information sur un produit ou un service constitue une publicité au sens de l'article 44 de la loi du 29 décembre 1973, lorsque le consommateur est conduit à en prendre connaissance pour guider son choix; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait se borner à rappeler cette définition de la publicité sans rechercher si les clients du magasin X avaient effectivement pris connaissance des mentions portées sur l'étiquetage avant d'acheter des marchandises à la société V; que la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973" ;

Attendu que, pour caractériser la publicité trompeuse imputée à Daniel V, dirigeant de la société X, qui exploite une parfumerie, les juges d'appel relèvent que les étiquettes des articles vendus dans le magasin comportaient l'indication du prix conseillé juxtaposée à la mention de celui pratiqué par la société, inférieur au premier; que les juges énoncent que la présentation de l'étiquetage était de nature à induire le consommateur en erreur sur l'économie réalisée en achetant le produit, dès lors que, dans la plupart des cas, le prix de référence n'était pas conseillé par le fabricant mais calculé par le prévenu en fonction d'un coefficient multiplicateur appliqué au prix d'achat;

Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué; qu'en effet, constitue une publicité, au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, tout moyen d'information destiné à permettre au client potentiel de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui lui sont proposés; que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour a reçu la société Douglas en sa constitution de partie civile et lui a donné acte de ce qu'elle avait saisi la juridiction commerciale de son préjudice ;

"aux motifs que le prévenu conteste la recevabilité de l'appel de la partie civile faute d'intérêt, le tribunal ayant reçu sa constitution mais l'ayant débouté de sa demande et l'appel ne tendant pas à autre chose qu'à voir reconnaître la recevabilité de la constitution d'un concurrent en matière de publicité de nature à induire en erreur ; cependant en cas de relaxe, la partie civile appelante a toujours intérêt à voir qualifier les faits poursuivis dès lors qu'ils conditionnent la recevabilité et le bien-fondé de son action; la seule limite qu'impose l'article 497 du Code de procédure pénale est, qu'en cas d'appel de la seule partie civile, la cour ne pourra prononcer de sanction pénale ; qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la partie civile les frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens; qu'il convient de lui allouer une indemnité dont le montant sera précisé au dispositif de la présente décision au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"alors d'une part, qu'en ne recherchant pas si la société Douglas avait subi un préjudice découlant des faits objet de la poursuite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du Code de procédure pénale ;

"alors que, d'autre part, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention, appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction; que l'action civile exercée devant le juge pénal ne saurait avoir pour objet de permettre l'indemnisation d'un préjudice par la juridiction commerciale; qu'en recevant la société Douglas en sa constitution de partie civile et en lui donnant acte de ce qu'elle avait saisi la juridiction commerciale de son préjudice, la cour a violé l'article précité ;

"alors que, de troisième part, la cour n'a pas répondu aux conclusions de Daniel V qui énonçait que l'unique but poursuivi par la société Douglas était d'obtenir des éléments de preuve dans le cadre de la procédure qu'elle avait engagée contre la société X et Daniel V devant le Tribunal de commerce de Lille en concurrence déloyale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que les poursuites ont été exercées contre le prévenu, par le Ministère public, à la suite de la plainte déposée par une société exploitant des parfumeries concurrentes; que la société Douglas, venant aux droits de celle-ci, s'est constituée partie civile devant le tribunal correctionnel; qu'elle a relevé appel, ainsi que le Procureur de la République, du jugement de relaxe prononcé par les premiers juges ; qu'en cause d'appel, après avoir déclaré le prévenu coupable de publicité trompeuse, les juges du second degré ont reçu la société Douglas en sa constitution de partie civile, lui ont donné acte de ce qu'elle avait saisi la juridiction commerciale de son préjudice et lui ont alloué une somme sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que la constitution de partie civile peut n'être motivée que par le souci de corroborer l'action publique, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.