Cass. crim., 8 décembre 1993, n° 93-80.849
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocat général :
M. Galand
Avocat :
SCP Jean-Jacques Gatineau.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par V Ghislain, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, du 14 janvier 1993, qui, pour publicité fausse ou de nature à induire en erreur, l'a condamné à 30 000 francs d'amende et a prononcé une mesure de publication ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de la loi du 27 décembre 1973, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré V coupable de publicité mensongère et en répression, l'a condamné à la peine d'amende de 30 000 francs ;
"aux motifs que le prévenu soutient que la superficie du parc n'est pas de 4 529,06 m² comme l'indique le procès-verbal de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, mais largement supérieure à 5 000 m² si l'on tient compte du jardin suspendu qui doit être inclus dans le parc ; outre que l'argument ne lui paraît pas probant, la Cour observe que dans la brochure jointe au dossier de la procédure, il est fait mention d'un parc de "près d'un hectare" ce qui laisse à penser que les données fournies au client par le promoteur étaient plus qu'approximatives ;
"alors que, d'une part, la publicité est punissable lorsqu'elle est fausse ou de nature à induire en erreur ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de rechercher si l'adjonction du parc suspendu conduisait à une superficie supérieure à 4 529,06 m² telle que relevée par le procès-verbal de l'inspection des fraudes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"alors que, d'autre part, le demandeur faisait valoir dans des conclusions régulièrement déposées que l'indication d'une superficie de 5 000 m² était destinée à donner une idée générale en sorte qu'une différence de 471 m² ne constituait pas une publicité mensongère ; que ces conclusions étaient déterminantes dans la mesure où elles invitaient les juges du fond à apprécier la portée d'une information qui se voulait volontairement "générale" tout en restant très proche de la réalité de la superficie du parc, relevée par les agents de la répression des fraudes ; qu'en s'abstenant néanmoins d'y répondre, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
"alors qu'enfin en déduisant la fausseté de l'information de la brochure publicitaire du seul caractère "approximatif" fournie par le promoteur, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen" ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré V coupable de publicité mensongère, et en répression, l'a condamné à une peine d'amende de 30 000 francs ;
"aux motifs que l'argumentation du prévenu qui soutient qu'étant promoteur et non hôtelier, il n'avait pas à meubler la salle de télévision, le complexe médical et la bibliothèque est particulièrement spécieuse, dans la mesure où le client, au vu de la publicité qui lui était faite, ne pouvait qu'être persuadé que ces services effectifs lui étaient offerts ;
"alors que, d'une part, les "services" -du fait de leur nature proprement mobilière- ne participent pas de la construction immobilière de la résidence, qui constituait la cible privilégiée de la publicité, ne sauraient être retenus au titre de publicité mensongère ; qu'en l'espèce, en retenant à l'encontre du demandeur le prétendu défaut de "services" (qui n'est autre que l'absence de télévision, de garniture de la bibliothèque et du complexe médical), soit un élément totalement étranger à la conception immobilière de la résidence, objet de la publicité litigieuse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors que, d'autre part, en s'abstenant de rechercher ce qui dans la publicité querellée était susceptible de laisser penser à un client potentiel que de tels services lui seraient offerts, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale ;
"alors qu'enfin la brochure litigieuse mentionne expressément que le prix ferme et définitif comprend la totalité des aménagements sauf le mobilier de toutes les parties communes qui sera facturé en plus ; que cette mention attestait d'emblée, ce qui est d'ailleurs développé dans les conclusions, le fait que le prix comprenait les aménagements destinés aux diverses affectations proposées, mais qu'en toute hypothèse, le mobilier était assuré financièrement par les résidents ; qu'en affirmant néanmoins, par un motif particulièrement réducteur, qu'au vu de la publicité qui lui était faite, le client ne pouvait qu'être persuadé que ces services lui étaient offerts, d'où elle déduit la fausseté de la publicité, la cour d'appel a dénaturé par omission la brochure litigieuse et entaché sa décision d'une contradiction de motifs" ;
Et sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973, de l'article 63 c) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré V coupable des faits qui lui étaient reprochés ;
"aux motifs que, s'il est exact, comme le soutient le prévenu, que les prix indiqués étaient référencés par rapport à des prix appliqués en 1987 dans la résidence Y, il n'en demeure pas moins que le libellé de la brochure pouvait laisser croire au client éventuel qu'il n'était pas censé réactualiser lui-même les prix, que ces prix étaient encore en vigueur en 1990.
Sur ce troisième point, la Cour considère que la fausseté de l'information est établie ;
"alors que, d'une part, le demandeur faisait valoir dans des conclusions régulièrement déposées que les plaquettes publicitaires indiquaient que les frais de séjour pour deux personnes sont de quatre mille francs par mois environ ; que le tribunal a fait grief au concluant de ce que en juin 1990 ce taux (le seul indiqué dans la publicité) soit passé à 4 060 francs ; or cette différence de 60 francs (1,5 %) est parfaitement compatible avec le terme "environ" figurant dans la publicité et qu'il n'y a pas fausse indication que cet argument était déterminant dans la mesure où il invitait les juges du fond à se prononcer sur le point de savoir si l'apposition de l'adverbe "environ" n'était pas exclusive de la fausseté de l'information concernant le prix de la journée et par suite de nature à écarter toute responsabilité pénale du demandeur ; qu'en s'abstenant néanmoins de répondre à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
"alors que, d'autre part, dans un second argument péremptoire de conclusions, le demandeur faisait valoir que le tribunal avait retenu également comme caractérisant le délit une indication figurant sur une brochure qui n'était pas visée par l'assignation (qui ne portait que sur les plaquettes publicitaires et sur les publicités dans la presse) en sorte qu'il ne s'était donc pas expliqué sur ce point qui procéduralement ne pouvait être retenu par la Cour ; cette argumentation était déterminante dans la mesure où le demandeur expliquait en réalité que le tribunal, pour le retenir dans les liens de la prévention, en apportant un fait nouveau ne figurant pas dans l'acte initial de poursuite, ne l'avait donc pas autorisé à se défendre sur ce point ni même sollicité son accord pour être jugé sur ce fait nouveau ; que, dès lors, en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions, qui posait la question capitale du respect des droits de la défense, la cour d'appel a derechef entaché sa décision de défaut de motifs" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable; d'où il suit que les moyens, qui remettent en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contadictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.