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Décisions

Cass. crim., 10 novembre 1998, n° 97-85.553

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Lucas

Avocat :

Me Blanc

TGI Nîmes, ch. corr., du 7 janv. 1997

7 janvier 1997

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par S Jean-Claude, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, du 11 septembre 1997, qui, pour publicité trompeuse, l'a condamné à 50 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude S coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur ;

"aux motifs que la société X était à l'origine de la réalisation du document publicitaire remis à Jean-Paul Bouchet ; que ce document mentionnait les avantages liés à l'acquisition des appartements et notamment la garantie de loyers et la défiscalisation ayant déterminé l'achat des studios ; que la mauvaise foi n'était pas un élément constitutif du délit de publicité de nature à induire en erreur ; qu'une faute d'imprudence ou de négligence de l'annonceur pouvait être retenue ; qu'il appartenait à Jean-Claude S, dirigeant de la société X, de vérifier la sincérité et la véracité des messages publicitaires avant d'assurer leur diffusion ; qu'il ne pouvait donc se retrancher derrière la responsabilité du promoteur, ayant sans précaution fait rédiger et diffuser le document publicitaire annonçant la garantie des loyers ;

"alors que la faute d'imprudence ou de négligence dans la diffusion du message publicitaire implique que le prévenu ait eu la possibilité de vérifier la véracité du message diffusé ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si Jean-Claude S n'était pas dans l'impossibilité de vérifier la portée des dispositions figurant dans le dossier que lui avait remis le promoteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société X, dirigée par Jean-Claude S, a assuré la commercialisation d'un ensemble immobilier destiné au logement d'étudiants ; qu'après un démarchage effectué pour son compte dans une caserne de gendarmerie, au cours duquel étaient distribués aux investisseurs potentiels des documents publicitaires faisant état, comme avantage lié à l'acquisition, d'une garantie des loyers souscrite auprès d'un assureur, couvrant la défaillance du locataire et la "non-location", Jean-Paul Bouchet, gendarme, a fait l'acquisition de deux studios ; que, n'obtenant pas la mise en œuvre de la garantie lors de la réalisation du risque qu'il croyait assuré, il a déposé plainte pour publicité fausse ou de nature à induire en erreur ;

Attendu que, pour déclarer Jean-Claude S coupable du délit, les juges d'appel, après avoir retenu le caractère trompeur des documents publicitaires remis à l'acquéreur concernant la garantie des loyers, énoncent que le prévenu, dirigeant de la personne morale ayant la qualité d'annonceur, a commis une négligence ou une imprudence en ne s'assurant pas, avant sa diffusion, de la véracité et la sincérité du message qu'il a fait rédiger ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué ;que le moyen doit, dès lors, être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-Claude S à payer à Jean-Paul Bouchet, partie civile, la somme de 95 000 francs de dommages et intérêts ;

"aux motifs que, s'agissant de la surélévation du prix des studios, le tribunal avait estimé que ce préjudice ne découlait pas directement de l'infraction reprochée ; que, cependant, il résultait du dossier que le prix de vente de chaque studio avait été surévalué par rapport au prix du marché à la date de l'opération en raison des avantages présentés ; que si Jean-Claude S n'était pas le vendeur des appartements, l'infraction de publicité trompeuse par lui commise avait concouru à la réalisation de la vente au prix surévalué, Jean-Paul Bouchet ayant été déterminé à contracter ; que le préjudice subi s'avérait dès lors, pour partie, résulter directement de l'infraction de publicité trompeuse ;

"alors, d'une part, que l'action civile n'est recevable que pour les préjudices découlant directement de l'infraction ; qu'en déclarant Jean-Claude S responsable de la surévaluation du prix de vente des appartements, lequel avait été librement fixé par le promoteur-vendeur et l'acquéreur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, que la cour d'appel, qui a constaté que le préjudice invoqué par Jean-Paul Bouchet pour le surcoût des deux studios ne résultait que pour partie seulement de l'infraction de publicité trompeuse imputée à Jean-Claude S, ne pouvait le condamner à réparer l'intégralité du préjudice subi" ;

Attendu que Jean-Claude Bouchet s'est constitué partie civile et a notamment demandé l'allocation d'une indemnité de 178 000 francs, au titre du surcoût des biens immobiliers dont il s'est porté acquéreur à la suite de la publicité incriminée ; que, pour faire droit partiellement à sa demande, les juges d'appel retiennent que la présentation trompeuse du document publicitaire, laissant croire à une garantie de loyers, qui, en réalité, n'était pas consentie à l'acquéreur, a été déterminante de l'achat de la victime, à un prix supérieur à celui du marché, justifié par cet avantage ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, les juges d'appel ont justifié leur décision au regard des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ; que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 800 et 800-1 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a condamné le prévenu aux dépens de l'action civile ;

"alors que les frais et dépens de l'action civile sont à la charge de l'Etat, sans recours envers les condamnés" ;

Attendu que les dépens de l'action civile, mis à la charge du prévenu, n'entrent pas dans les frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police visés par l'article 800-1 du Code de procédure pénale ; qu'ainsi le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.