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Décisions

Cass. crim., 15 décembre 1993, n° 93-80.247

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Souppe

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Libouban

Avocats :

SCP Defresnois, Levis.

TGI Paris, 31e ch., du 19 févr. 1992

19 février 1992

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par Y Jacques, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 15 décembre 1992 qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 100 000 francs d'amende, a ordonné des mesures de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 44 de la loi du 23 décembre 1973, de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur, a condamné celui-ci à payer une amende de 100 000 francs, a ordonné la publication de la décision dans deux journaux et a condamné le prévenu à payer à la société Gadol Optic 2000 et à la société François Kuntz une somme de 1 F à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs que les supports publicitaires sont constitués par un catalogue et un dépliant ; "que c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que "le caractère au moins partiellement publicitaire de ces documents se révèle clairement à leur examen ; qu'en effet, s'agissant du catalogue prétendument réservé aux professionnels, il comporte, certes, une partie informative et technique s'adressant manifestement aux médecins-ophtalmologistes, mais aussi en ses pages 1 à 4, des mentions purement publicitaires louant les services rendus au consommateur par X ; que le dépliant, à supposer, ainsi que le soutient le prévenu, qu'il n'est remis qu'au patient déjà muni d'une ordonnance d'un ophtalmologiste et ne constitue à son seul égard qu'une notice d'entretien des lentilles, il apparaît d'une part qu'il peut parfaitement faire l'objet d'une véritable diffusion, ne serait-ce que par l'intermédiaire d'autres clients potentiels, d'autre part, qu'y figurent non seulement des indications techniques et pratiques relatives à l'usage et à l'entretien de la prothèse mais aussi des indications affirmations et indications propres à vanter les services fournis par X ; que par ailleurs, le fait que les lentilles ne sont délivrées que sur ordonnance médicale n'enlève rien au caractère publicitaire du dépliant dans la mesure ou tout patient muni d'une ordonnance médicale délivrée par un médecin ne connaissant pas X peut s'adresser à cette dernière pour y obtenir la prothèse ordonnée" ;

"1°) alors qu'une information sur un produit ou un service constitue une publicité au sens de l'article 44 de la loi du 29 décembre 1973 lorsque le consommateur est conduit à en prendre connaissance pour guider son choix ; qu'en l'espèce, il résultait expressément de l'ensemble des procès-verbaux établis au cours de l'instruction que le catalogue de lentilles de contact X était distribué aux seuls médecins ophtalmologistes ; qu'ainsi les juges ne pouvaient pas se borner à relever que ce catalogue technique comportait aussi des mentions publicitaires, sans rechercher si les acheteurs de lentilles de contact avaient été conduits, directement ou par l'intermédiaire des médecins, à en prendre connaissance avant de s'adresser à la société X et sans rechercher s'ils avaient été guidés vers cette société par les mentions du catalogue ;

"2°) alors qu'il résultait expressément de l'ensemble de l'instruction qu'aucun client de la société X n'avait été incité à acquérir des lentilles de contact et des produits d'entretien auprès de cette société par l'effet d'une publicité ; que la cour d'appel ne pouvait donc pas se borner à affirmer que le dépliant joint aux marchandises, vendues sur prescription médicale d'un médecin ophtalmologiste, était susceptible de faire l'objet d'une véritable diffusion, sans rechercher si des clients avaient effectivement pris connaissance des mentions de ce dépliant avant d'acheter des marchandises à la société X" ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 44 de la loi du 23 décembre 1973, de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, des articles 591, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur, a condamné celui-ci à payer une amende de 100 000 francs, a ordonné la publication de la décision dans deux journaux et a condamné le prévenu à payer la société Gadol Optic 2000 et à la société François Kuntz une somme de 1 franc à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs que les lentilles sont parfois livrées immédiatement, lorsqu'il s'agit de lentilles ordinaires ou standard, lesquelles représentent un très faible pourcentage des ventes, souvent dans un délai de deux jours à une semaine et quelquefois au bout d'un mois ; que le prévenu explique que certaines lentilles doivent être exécutées sur mesure, selon la prescription du médecin ophtalmologiste et que la notion de livraison immédiate indiquée sur le catalogue n'a pas le même sens dans cette hypothèse ; que cependant le fait de mettre en avant le caractère immédiat de la livraison des lentilles alors que seules peuvent être livrées immédiatement les lentilles standard et ainsi de présenter comme habituel un délai de livraison qui ne s'explique qu'à un faible pourcentage des ventes, est de nature à induire en erreur sur la portée des engagements pris par l'annonceur le consommateur moyennement intelligent avisé et attentif qui, s'il n'ignore pas que certaines lentilles peuvent nécessiter un façonnage plus ou moins complexe, est conduit par cette publicité à considérer que chez X, les délais de livraison sont plus rapides que chez ses concurrents ;

"1°) alors que l'erreur susceptible d'être engendrée par un message doit être appréciée en fonction de la nature du bien ou du service proposé et de la compétence du destinataire du message ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait pas apprécier la mention "livraison immédiate" figurant sur le catalogue de lentilles de contact distribué aux médecins ophtalmologistes, au regard des connaissances d'un consommateur moyennement intelligent, avisé et attentif ;

"2°) alors qu'après avoir constaté que le patient moyennement intelligent avisé et attentif n'ignorait pas la nécessité d'un délai de façonnage pour les lentilles prescrites sur mesure, la cour d'appel ne pouvait pas se borner à remarquer que la mention "livraison immédiate" conduisait toutefois les consommateurs à considérer que chez X les délais sont plus rapides que chez les concurrents, sans rechercher si cette considération était erronée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas caractérisé les éléments constitutifs du délit" ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 44 de la loi du 23 décembre 1973, de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur, a condamné celui-ci à payer une amende de 100 000 francs, a ordonné la publication de la décision dans deux journaux et a condamné le prévenu à payer à la société Gadol Optic 2000 et à la société François Kuntz une somme de 1 franc à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs que "le dépliant publicitaire porte la mention "tous les systèmes d'entretien sont disponibles en permanence dans votre agence X" ; que les vérifications effectuées au cours de l'information ont amené la saisie au siège de X de listes de produits d'entretien avec les quantités de ces produits figurant chez X ; qu'il ressort de l'examen de ces listes que pour de très nombreux produits les quantités détenues par X étaient nulles au 19 octobre 1990 ; qu'il en était de même pour deux autres agences les 23 octobre et 22 novembre 1990, chacune d'entre elles manquant d'une quarantaine de produits d'entretien ; considérant dès lorsque c'est à tort que les premiers juges ont conclu à l'inanité de ce grief au motif qu'un seul client n'avait pu acheter le matériel d'entretien qu'il désirait alors qu'il s'agit d'un client sur les neuf entendus et que la publicité incriminée était mensongère en ce qu'elle affirmait que X disposait en permanence de tous les systèmes d'entretien alors qu'il a été démontré que de nombreux systèmes d'entretien ne figuraient pas dans les stocks de cette société" ;

"alors que la publicité interdite est celle qui comporte des allégations fausses ou de nature à induire en erreur ; qu'en l'espèce l'allégation consistait à affirmer la disponibilité immédiate des "système d'entretien" et la cour d'appel ne pouvait pas la déclarer mensongère en se bornant à constater l'indisponibilité de "produits d'entretien", lesquels n'étaient pas visés par l'allégation" ;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation de l'article 2 de l'arrêté n° 77-105/P du 2 septembre 1977, de l'article 44 de la loi du 23 décembre 1973, de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, des articles 591, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur, a condamné celui-ci à payer une amende de 100 000 francs, a ordonné la publication de la décision dans deux journaux et a condamné le prévenu à payer à la société Gadol Optic 2000 et à la société François Kuntz une somme de 1 franc à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs que le dépliant indique, sous une photographie représentant des produits d'entretien "prix spécial- remise X 25 % - 998 francs" sans faire apparaître le prix de référence ; qu'étant saisis uniquement d'infraction à la loi du 27 décembre 1973 les premiers juges ont décidé à bon droit qu'il importe peu de savoir si Y devait ou non, au regard des textes relatifs à l'information des consommateurs sur les prix, faire figurer un prix de référence, mais de rechercher si le consommateur défini in abstracto pouvait être induit en erreur par la mention litigieuse ; que le prix de référence des éléments objet de la publicité ne figure pas dans cette mention ; que cette absence de prix de référence est de nature à créer une ambiguïté sur le point de savoir sur quoi s'applique la réduction annoncée, l'offre pouvant être comprise comme concernant un prix de référence inconnu ou comme s'appliquant au prix de 998 francs annoncé ;

"alors que l'absence du prix de référence, dans une publicité comportant une annonce de réduction de prix, ne caractérise pas le délit de publicité trompeuse, dès lors que cette omission n'est pas de nature à induire le consommateur en erreur sur le prix à payer ; qu'en l'espèce la mention "prix spécial - remise X 25 % - 998 francs" faisait clairement apparaître un prix spécial de 998 francs, résultant d'une remise de 25 % ; qu'ainsi le consommateur ne pouvait pas commettre d'erreur sur le prix à payer" ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;d'où il suit que les moyens, qui remettent en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.