Cass. com., 24 septembre 2003, n° 01-15.875
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Agip Française (SA)
Défendeur :
Rabani (Consorts)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Boinot
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Thomas-Raquin, Benabent, SCP Boré Xavier Boré.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3e civ., du 25 juill. 2001), que, le 23 octobre 1980, la société Agip française (la société Agip) a conclu avec M. et Mme Rabani un contrat de fourniture exclusive de carburants et lubrifiants ainsi qu'un contrat de "participation de financement" par lequel elle leur a consenti un prêt de 356 000 francs destiné à les aider à l'achat et à la réalisation des travaux d'aménagement d'une station-service ; que, le même jour, elle leur a consenti un prêt complémentaire de 500 000 francs destiné aux mêmes fins ; qu'en 1988, la créance de la société Agip sur M. et Mme Rabani s'élevait à la somme de 783 871,45 francs ; qu'à la suite de la vente des murs de la station-service, M. et Mme Rabani ont réglé la somme de 360 000 francs ; que, le 29 juin 1989, les parties ont transigé et mis un terme au contrat ; que M. et Mme Rabani, contestant cette transaction, n'ont pas exécuté les engagements en résultant ; que la société Agip a alors judiciairement demandé la résolution de la transaction et le paiement, par M. et Mme Rabani, d'une somme au titre des prêts ; qu'après avoir, par un premier jugement qui n'a pas fait l'objet d'un appel régulier, déclaré nuls les contrats passés et désigné un expert pour établir les comptes entre les parties, le tribunal a, par un second jugement, condamné la société Agip à paiement au profit de M. et Mme Rabani en retenant le caractère définitif de la nullité des contrats ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche : - Vu les articles 1234 et 1582 du Code civil ; - Attendu que, pour dire qu'en suite de l'annulation d'un contrat de fournitures de produits pétroliers conclu le 23 octobre 1980, la société Agip était redevable envers M. et Mme Rabani, qui ne pouvaient restituer en nature les produits livrés, de sommes représentant, pendant l'exécution du contrat nul, la rémunération de leur travail et le remboursement de leurs pertes d'exploitation, l'arrêt retient que l'annulation des contrats litigieux doit avoir pour conséquence de remettre les choses dans l'état où elles se trouvaient avant leur conclusion ; que, s'agissant de contrats à exécution successive, la restitution totale et en nature des prestations déjà effectuées par M. et Mme Rabani est impossible ; que, dès lors, le rétablissement des situations initiales doit se faire à leur égard au moyen de restitutions par équivalent, ce qui implique qu'ils reçoivent une légitime rémunération de leur travail et le remboursement de leurs pertes d'exploitation subies en raison de l'exécution de contrats nuls;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, si, en cas d'exécution de contrats nuls, les parties doivent être remises dans l'état où elles étaient auparavant par restitution des prestations réciproquement exécutées, la société Agip, avec laquelle M. et Mme Rabani étaient liés par un contrat de fourniture de carburants et lubrifiants et deux contrats de prêt, ne pouvait être tenue de verser à ceux-ci une rémunération ou une indemnisation de pertes d'exploitation sans lien avec la fourniture des produits livrés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1154 du Code civil, ensemble l'article 1382 du même Code ; - Attendu que, pour refuser à la société Agip, la capitalisation des intérêts dus par M. et Mme Rabani sur le capital non remboursé, la cour d'appel retient que le retard mis par M. et Mme Rabani à payer cette dette est dû au refus de la société Agip de reconnaître le bien-fondé de leur propre créance ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le fait, de la part de la société Agip, de contester la demande de M. et Mme Rabani ne constituait pas une faute susceptible de faire obstacle à la capitalisation des intérêts prévus par l'article 1154 du Code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Agip française à payer à M. et Mme Rabani une somme de 1 706 287 francs et en ce qu'il a refusé à la société Agip la capitalisation des intérêts dus par M. et Mme Rabani sur le capital non remboursé, l'arrêt rendu le 25 juillet 2001, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Grenoble.