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Décisions

Cass. crim., 10 mai 1993, n° 92-84.451

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Bayet

Avocat général :

M. Libouban

Avocats :

SCP Tiffreau, Thouin-Palat.

Cass. crim. n° 92-84.451

10 mai 1993

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par le Procureur général près la Cour d'appel de Montpellier, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 24 juin 1992, qui, dans les poursuites exercées contre Roger G des chefs de tromperie sur la nature de la marchandise et publicité de nature à induire en erreur, a relaxé le prévenu. - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance et contradiction de motifs ;

" en ce que la cour d'appel a relaxé le prévenu du chef de tromperie sur la nature de la marchandise ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance et contradiction de motifs :

" en ce que la cour d'appel a relaxé le prévenu du chef de publicité de nature à induire en erreur " ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que X ayant commercialisé, courant 1988, une boisson à base de vin désalcoolisé sous la dénomination "vin sans l'alcool" et ayant organisé, courant 1989, une campagne publicitaire de ce produit, Roger G, président de X, a été cité directement devant la juridiction correctionnelle pour tromperie sur la nature de la marchandise et pour publicité de nature à induire en erreur ;

Attendu que, pour relaxer le prévenu des fins de la poursuite, la cour d'appel, sur le premier chef de la prévention, retient que si le terme "vin" ne peut désigner une boisson désalcoolisée élaborée à partir du vin, le délit visé à l'article 1er de la loi du 1er août 1905 suppose rapportée la preuve que l'utilisation du mot "vin", en contravention avec sa définition communautaire, a eu pour effet de tromper le consommateur ; qu'en l'espèce, X a commercialisé un produit désalcoolisé obtenu par distillation sous vide à basse température de vin et addition de moûts concentrés, sous étiquette indiquant " 0° vin sans l'alcool ", la contre-étiquette portant les mentions " 0° boisson nouvelle à base de vin désalcoolisé naturellement " et une collerette " vin sans alcool cette boisson à base exclusive de vin désalcoolisé naturellement doit se consommer et se conserver au frais " ; que ces indications, rédigées en caractères de même type, de même couleur et de même hauteur que le mot "vin" -qui n'est jamais utilisé isolément- forment avec ce dernier une dénomination composée indissociable ; que, dès lors, le consommateur ne peut ignorer l'absence de l'une des qualités substantielles du produit qu'il acquiert, l'information ainsi donnée étant suffisante pour écarter le risque de confusion avec le vin au sens communautaire ;

Attendu que les juges précisent, en outre, que le délit poursuivi suppose la conscience chez le prévenu du caractère inexact des qualités qu'il prête au produit incriminé ; qu'en l'espèce, si X a commercialisé sa nouvelle boisson sous l'appelation " vin sans l'alcool ", nonobstant l'avis défavorable de l'Administration qui lui avait suggéré l'appellation " vin désalcoolisé ", cette circonstance ne saurait suffire à établir la mauvaise foi du prévenu ;

Attendu, sur le second chef de la prévention,que les juges constatent que n'est pas rapportée la preuve que la publicité incriminée ait été de nature à induire le consommateur en erreur, compte tenu de l'emploi d'une dénomination composée alliant deux expressions contradictoires, la seconde retirant à la première ses qualités substantielles ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations, exemptes d'insuffisance et de contradiction et déduites d'une appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause soumis aux débats contradictoires, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;d'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.