Cass. crim., 8 décembre 1993, n° 91-84.376
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Souppe
Avocat général :
M. Galand
Avocat :
Me Choucroy.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par T Didier, G Denis, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 16 mai 1991, qui les a condamnés pour publicité de nature à induire en erreur, chacun à 200 000 francs d'amende, a ordonné des mesures de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit commun aux deux demandeurs ; - Sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de Didier T et pris de la violation des articles 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Didier T coupable de publicité mensongère ;
"aux motifs que selon le prévenu, la cellule de dramatisation, organisme sans forme juridique regroupant des directeurs de magasins X, était chargée au sein du groupement, de déterminer les produits susceptibles de faire l'objet d'une promotion et de contrôler la campagne publicitaire, que toutefois, Michel B, président du conseil d'administration d'X France, a déclaré aux enquêteurs "quand la cellule a trouvé le produit, elle confie à la centrale d'achats appropriée, Z pour les foies gras, la mission de trouver le fournisseur ; la centrale d'achat confie ensuite la publicité à W que c'est Z qui a indiqué à la société W, aux dires même du président-directeur général de cette société, les coordonnées du fournisseur ; que le chef de publicité de W a indiqué que les axes publicitaires étant définis, il avait pris contact avec le réalisateur des cassettes, la société Y celle-ci en accord avec les responsables des produits X en l'occurrence Z, qui lui faisait part de ses observations ; qu'il a précisé que sur ses intructions Y avait procédé à diverses corrections" ; qu'il résulte de ces divers éléments que la société Z a passé commande d'une campagne publicitaire à la société W après avoir acheté le produit incriminé et lui a communiqué le nom et les adresses du fournisseur, que la centrale d'achats, même si la publicité n'a pas été diffusée à son compte exclusif, est donc bien l'annonceur et comme tel, auteur principal de l'infraction ;
"alors que, d'une part, le prévenu et son co-prévenu responsable de l'agence de publicité qui a été déclaré complice de l'infraction poursuivie, ayant tous les deux affirmé que la campagne publicitaire avait été organisée sous le contrôle de la cellule dite de dramatisation qui est un organisme regroupant des directeurs de magasins du groupe X dont ils donnaient les noms, les juges du fond, qui se sont basés sur les déclarations du représentant légal d'X France pour déclarer que Didier T était l'annonceur sans répondre à ce moyen péremptoire de défense, ont violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"alors que, d'autre part, l'annonceur, au sens de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 est celui qui donne l'ordre de diffuser une annonce publicitaire précise comportant des allégations mensongères et non celui qui se borne à commander à une agence de publicité une campagne promotionnelle destinée à vanter les mérites d'un produit ; que dès lors en l'espèce, la cour a privé de toute base légale le chef de sa décision déclarant Didier T coupable de l'infraction poursuivie en sa qualité d'annonceur sous prétexte qu'il avait commandé la campagne publicitaire à l'agence de publicité dont le responsable avait d'ailleurs été, en première instance, déclaré coupable de l'infraction poursuivie en qualité d'annonceur ; "et, qu'enfin, si le délit de publicité fallacieuse ou de nature à induire en erreur prévu par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 est exclusif de la mauvaise foi, encore faut-il pour que l'annonceur puisse être déclaré coupable de cette infraction, que les juges du fond aient constaté qu'avant l'établissement du procès-verbal servant de base aux poursuites, cet annonceur a été informé du contenu du message publicitaire, que dès lors, en l'espèce, où Didier T soutenait qu'à l'époque des faits il ignorait le contenu de la campagne publicitaire articulée autour de l'origine périgourdine du produit mis en vente, les juges du fond qui n'ont pas répondu à ce moyen péremptoire de défense, ont privé leur décision de toute base légale" ;
Sur le second moyen de cassation proposé en faveur de Denis G et pris de la violation des articles 60 du Code pénal, 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Denis G coupable de complicité de publicité fallacieuse ;
"aux motifs que Denis G en tant que président du conseil d'administration de la société W était, à l'époque des faits, responsable de la campagne publicitaire, que le publicitaire ne pouvait sous-traiter un reportage en Périgord à la société Y sans vérifier auprès de l'annonceur, en l'occurrence Z, l'origine du produit alors que la campagne publicitaire était entièrement axée sur la notion de produit du terroir, qu'il en résulte que Denis G a, en connaissance de cause, aidé Z à promouvoir une publicité comportant des énonciations mensongères ou de nature à induire en erreur les consommateurs et s'est ainsi rendu complice du délit de publicité mensongère ;
"alors qu'aux termes de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, la complicité en matière de publicité mensongère est punissable dans les conditions du droit commun, qu'il en résulte que, conformément aux dispositions de l'article 60 du Code pénal auquel renvoie cet article, la complicité n'est punissable que s'il est établi que le complice a agi en connaissant l'existence du caractère mensonger de la publicité ou en sachant qu'elle était de nature à induire en erreur, qu'en déduisant cette connaissance d'une présomption présentant un caractère manifestement hypothétique, la cour a privé sa décision de toute base légale" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement entrepris, dont il adopte les motifs non contraires, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a caractérisé sans insuffisance en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnels, le délit de publicité de nature à induire en erreur dont elle a déclaré Didier T coupable, ainsi que la complicité de cette infraction qu'elle a retenue à la charge de Denis G ;que les moyens qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.