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Décisions

Cass. crim., 17 juin 1998, n° 97-82.681

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Lucas

Avocats :

SCP Le Bret, Laugier, de Me Parmentier, SCP Nicola, de Lanouvelle.

TGI Albertville, ch. corr., du 23 oct. 1…

23 octobre 1995

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par M Claude, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, du 9 avril 1997, qui, pour publicité de nature à induire en erreur et usurpation d'appellation d'origine, l'a condamné à 2 amendes de 10 000 francs chacune et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation, 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claude M coupable de publicité mensongère et l'a condamné à une peine de 10 000 francs d'amende et, sur l'action civile, l'a condamné à payer à l'Union des producteurs de fromage de Beaufort, au Syndicat de défense du fromage de Beaufort et à l'Institut national des appellations d'origine, soit à chacun, les sommes de 2 500 francs à titre de dommages-intérêts et de 3 000 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs qu'il résulte du dossier et des débats qu'à l'époque visée à la prévention, le prévenu était à la fois exploitant agricole et fabricant dans le cadre d'une société dont il était le gérant, société utilisant des méthodes industrielles de production; qu'ainsi, dans la mesure où les lieux d'exploitation industrielle et agricole se situent dans un ensemble unique de locaux, le prévenu ne pouvait valablement qualifier de "fermière" la tomme fabriquée par lui, le lait utilisé subissant nécessairement un traitement identique ;

"alors, d'une part, que l'infraction de publicité mensongère n'est caractérisée que si les juges du fond précisent dans quelle mesure la publicité mise en cause est de nature à créer une erreur; que la cour d'appel, en se bornant à énoncer que Claude M était à la fois un exploitant agricole et à la tête d'une société "utilisant des méthodes industrielles de production", sans autre précision quant à l'activité de cette société, n'a pas indiqué en quoi l'application du mot "fermier" sur les fromages produits par Claude M était constitutif d'une erreur, et n'a, partant, pas mis la Cour de cassation à même d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision rendue ;

"alors, d'autre part, que la cour d'appel, en ne répondant pas aux conclusions d'appel du prévenu, lesquelles soulignaient que la SARL Claude M était propriétaire de son propre atelier de fabrication situé dans la ferme où elle travaillait le lait de sa propre production et qu'elle vendait ensuite cette production à la SARL X en vue de l'affinage des produits, la localisation des deux activités distinctes dans la même unité de bâtiments étant sans incidence, n'a pas régulièrement motivé sa décision" ;

Attendu que, pour déclarer Claude M, exploitant agricole et dirigeant d'une fromagerie, coupable de publicité fausse ou de nature à induire en erreur les juges d'appel retiennent, par motifs propres et adoptés, qu'il a commercialisé la tomme de Savoie qu'il fabrique sous le qualificatif de "fermière", alors que le produit ne présentait pas les caractéristiques réglementaires requises pour bénéficier de cette indication;que, si le lait provenant de sa propre exploitation était traité sur les lieux mêmes de celle-ci, il subissait un traitement industriel, identique à celui du lait collecté pour la fromagerie, exclusif de la qualification de fromage fermier ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine des circonstances de la cause et du caractère trompeur de la publicité, la cour d'appel a justifié sa décision, notamment au regard de l'article 10 du Décret du 30 décembre 1988 réglementant l'étiquetage des fromages ;d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 du Décret du 12 août 1993, L. 115-16 et L. 213-1 du Code de la consommation, 6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, violation de l'adage "non bis in idem", défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a, sur l'action publique, dit qu'il n'avait pas été jugé sur les faits d'usurpation d'appellation d'origine par le jugement du 6 mars 1995 et a, en conséquence, déclaré Claude M coupable des faits et l'a condamné à une amende de 10 000 francs et, sur l'action civile, l'a condamné à payer à l'Union des producteurs de fromage de Beaufort, au Syndicat de défense du fromage de Beaufort et à l'Institut national des appellations d'origine, chacun, les sommes de 2 500 francs à titre de dommages-intérêts et de 3 000 francs par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs que, pour les faits d'usurpation d'appellation d'origine, le jugement du 6 mars 1995 auquel se réfère le jugement déféré a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite après avoir annulé la citation; que ce renvoi des fins de la poursuite, pour cause de nullité de la citation, n'empêchait nullement la reprise des poursuites sur la base d'une citation valable; qu'ainsi, le jugement déféré, qui sera réformé sur ce point, a, à tort, constaté l'extinction de l'action publique pour les faits d'usurpation d'appellation d'origine; que l'infraction d'usurpation d'appellation d'origine est constituée dans la mesure où il a été constaté, dans les locaux de la SARL gérée par Claude M, en contravention de l'article 4 du Décret du 12 août 1993, la présence entre 4 h 30 et 6 h 30 de 5 200 litres de lait, constitués à la fois de lait parvenu la veille vers 20 h 30 issu de la traite réalisée vers 17 h, et du lait de report provenant des livraisons de la veille au matin issu de traites effectuées vers 5 h ;

"alors, d'une part, que le principe de l'autorité de la chose jugée, fût-ce en méconnaissance de la loi, fait obstacle à ce que des poursuites soient reprises devant une juridiction qui a précédemment épuisé sa saisine par une décision définitive; qu'en l'espèce, par un précédent jugement en date du 6 mars 1995 devenu définitif faute d'appel, le Tribunal correctionnel d'Albertville avait, après avoir constaté la nullité de la citation, prononcé la relaxe de Claude M, déjà poursuivi du chef d'usurpation d'appellation d'origine pour des faits commis à Esserts Blay entre le 1er décembre 1993 et le 19 mai 1994; qu'en l'état de cette décision nécessairement intervenue sur le fond, dès lors qu'elle comportait le renvoi des fins de la poursuite, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée pour les mêmes faits au jugement définitif précité du 6 mars 1985 ;

"alors, d'autre part, que l'infraction d'usurpation d'appellation d'origine suppose une connaissance par le prévenu de l'inexactitude de la mention d'appellation d'origine par addition, retranchement ou altération; que si le Décret du 12 août 1993 impose un empresurage dans les six heures de la traite en l'absence de réfrigération, et de vingt heures en cas de réfrigération préalable du lait, le simple report de trois à quatre heures du traitement du lait en raison d'un surcroît momentané du produit ne caractérise pas une altération volontaire de celui-ci; que, dès lors, la cour d'appel, en se bornant à constater que certaines quantités de lait avaient été conservées dans les locaux de la société exploitée par Claude M, et que leur traitement avait été reporté de quelques heures, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, enfin, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions d'appel de Claude M soulignant que l'infraction d'usurpation d'appellation d'origine exige que soit rapportée la preuve d'une violation d'une décision de retrait de l'appellation contrôlée émanant de la Commission des contrôles, soit de faits volontaires d'altération du produit; que l'arrêt attaqué n'est dès lors pas motivé" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Claude M a encore été poursuivi pour avoir, le 19 mai 1994, commis le délit d'apposition d'une fausse appellation d'origine, prévu par l'article L. 115-16 du Code de la consommation; que, par jugement du tribunal correctionnel du 23 octobre 1995, devenu définitif, il a été renvoyé des fins de la poursuite au motif que la citation était nulle; que le ministère public l'a poursuivi à nouveau pour les mêmes faits ;

Attendu que, pour écarter l'exception de chose jugée opposée par le prévenu, la cour d'appel relève que la première décision, fondée sur une nullité de procédure, n'interdit pas la reprise des poursuites sur la base d'une citation valable ; que, pour caractériser l'infraction, les juges retiennent que la société de production de fromage d'appellation d'origine contrôlée "Beaufort", que dirige Alain M, ne respectait pas, le jour du contrôle, les normes de fabrication fixées par le Décret du 12 août 1993 relatif à cette appellation, en ce qui concerne les délais d'empresurage du lait ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors qu'il n'est pas contesté que les meules fabriquées portaient la marque distinctive de l'appellation d'origine contrôlée "Beaufort", l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ; que le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le moyen relevé d'office, pris de la violation de l'article 132-3 du Code pénal ; - Vu ledit article ; - Attendu que, lorsqu'à l'occasion d'une même procédure, plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu'une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé ;

Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable des délits de publicité trompeuse et d'apposition d'une fausse appellation d'origine, l'arrêt attaqué le condamne à deux amendes ;

Mais attendu qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les texte et principe ci-dessus rappelés ;que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, Casse et annule, par voie de retranchement, l'arrêt de la Cour d'appel de Chambery, en date du 9 avril 1997, en ce qu'il a condamné le demandeur à deux peines d'amende, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Dit que Claude M est condamné à une seule peine d'amende de 10 000 francs.