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Décisions

Cass. crim., 25 novembre 1998, n° 97-86.245

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. le Foyer de Costil

Avocat :

Me Choucroy.

TGI Bourg-en-Bresse, ch. corr., du 24 ja…

24 janvier 1996

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par G Pierre-Emmanuel, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon, 7e chambre, du 1er octobre 1997, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 francs d'amende et a prononcé une mesure de publication ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1, L. 121-4 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre-Emmanuel G coupable des délits de publicités mensongères ou de nature à induire en erreur et a condamné celui-ci aux peines de 8 mois d'emprisonnement avec sursis et trente mille francs d'amende, outre la publication d'un extrait de l'arrêt dans les journaux "le Progrès" et "Voix de l'Ain" au coût maximal de 7 000 francs par insertion ;

"aux motifs qu'il importait peu que le prévenu soit affilié auprès de la Mutualité Sociale Agricole ou jouisse d'une renommée excédant les limites du département de l'Ain ; qu'il n'était pas reproché au prévenu d'avoir enfreint la Charte réseau "bienvenue à la ferme", mais d'avoir présenté son établissement comme une ferme-auberge, alors que 6/7e des produits principaux utilisés dans les 21 plats proposés par ses menus étaient achetés dans des commerces extérieurs et ne provenaient pas essentiellement de son exploitation de fermier ou de producteurs voisins locaux ; que le prévenu n'avait pas remis en cause les constatations des fonctionnaires de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes sur l'origine de ces produits ; que les factures produites démontraient en effet que la plupart d'entre eux, dans les proportions susvisées, avaient été acquis dans des circuits extérieurs, voire auprès de grossistes ; que, si la dénomination de "ferme-auberge" n'avait aucune caractérisation autonome de nature juridique, il convenait de rechercher néanmoins si les prestations offertes par l'établissement du prévenu étaient conformes à celles que la clientèle était en droit d'attendre d'une telle appellation ; que cette dénomination induisait dans l'esprit du consommateur moyen, voire avisé, que les produits proposés à la consommation dans le cadre de l'auberge provenaient essentiellement de l'exploitation agricole d'une ferme dont l'activité de restauration n'était que le prolongement accessoire, implantée sur le même site ou à proximité immédiate et qu'ils soient cuisinés et servis directement par celui qui les avaient produits soit par élevage, soit par culture ; que ces éléments, portant sur l'origine des matières premières composant l'essence même des menus, étaient un facteur essentiel du choix des clients d'une ferme-auberge préférant ce mode de restauration à celui d'un établissement ordinaire mettant en œuvre des produits acquis dans les circuits commerciaux traditionnels ; qu'il n'était pas contesté que 18 des 21 plats proposés, soit 6/7e, étaient confectionnés avec des produits ne provenant pas de la ferme Y, mais de circuits commerciaux ordinaires, voire de fournisseurs grossistes ; que les documents publicitaires et panneaux de signalisation concernant l'établissement géré par le prévenu étaient ainsi de nature à induire en erreur la clientèle sur les éléments substantiels des produits offerts à la consommation quant à leur origine ;

"alors, d'une part, que, la cour d'appel, qui, tout en constatant que la notion de "ferme-auberge" n'avait aucun caractère autonome de nature juridique, a limité pour l'appréciation du caractère mensonger de l'utilisation de cette dénomination - cette notion au seul regard du critère de l'origine de matières premières composant les menus, sans prendre en considération l'attente de la clientèle relative à l'implantation de l'auberge dans un cadre fermier effectif, l'utilisation des produits de cette ferme pour la confection des repas, le caractère typique de la cuisine servie et l'accueil privilégiant un mode de vie traditionnel à caractère rural, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"et alors, d'autre part, que, dès lors qu'il résultait des constatations incontestées des juges du fond que le demandeur proposait à ses clients sur son exploitation agricole des repas dont la base était constituée de produits locaux typiques, et en particulier de ceux produits par la ferme elle-même, cuisinés sous la direction d'un membre de la famille exploitante selon un mode rural traditionnel, la cour d'appel ne pouvait juger "mensongère" l'appellation "ferme-auberge", sans priver sa décision de tout fondement légal" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Pierre-Emmanuel G tient une auberge sur le site de l'exploitation agricole familiale dénommée la ferme Y, ayant pour activité principale l'élevage de la volaille de Bresse ; qu'il désigne son établissement par le terme de ferme-auberge, dénomination qui figure sur des panonceaux implantés au bord des routes d'accès, sur des dépliants et des brochures touristiques ; qu'il est poursuivi pour publicité fausse ou de nature à induire en erreur ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable du délit, les juges d'appel énoncent, que si l'appellation de ferme-auberge ne fait l'objet d'aucune réglementation, cette dénomination suppose, pour le consommateur moyen, que les produits alimentaires cuisinés et servis à l'auberge proviennent essentiellement de la ferme, implantée sur le même site ou à proximité immédiate et dont l'activité de restauration n'est que le prolongement accessoire ;que l'origine des matières premières entrant dans la composition des plats constitue un facteur déterminant de la fréquentation d'une ferme-auberge par la clientèle ;que les juges relèvent que les plats des 6 menus proposés par Pierre-Emmanuel G étaient, pour plus de 85 %, préparés à base de denrées ne provenant pas de la ferme, ni même de producteurs locaux voisins, mais des circuits commerciaux traditionnels, voire de grossistes ;que les juges en déduisent que l'appellation de ferme-auberge était en l'espèce, de nature à induire le consommateur en erreur sur les qualités substantielles de la prestation proposée ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi par des motifs procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1, L. 121-4 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre-Emmanuel G coupable des délits de publicités mensongères ou de nature à induire en erreur et a condamné celui-ci aux peines de huit mois d'emprisonnement avec sursis et trente mille francs d'amende, outre la publication d'un extrait de l'arrêt dans les journaux "le Progrès" et "Voix de l'Ain" au coût maximal de 7 000 francs par insertion ;

"aux motifs que le prévenu avait présenté un bon de livraison et une facture émanant de la société civile d'exploitation agricole ferme Y, exploitée par son frère Stéphane, comportant pour seule mention "20 volailles", à l'exclusion de toute précision sur leurs origine et qualité ; que les fonctionnaires de la Direction de la Concurrence avaient, en outre, constaté qu'aucune de ces volailles n'était accompagnée ou munie des signes distinctifs expressément exigés par l'arrêté du 15 juillet 1970 ; que la facture du Gael Avicole Poncin, datée de novembre 1995, et les 500 bagues présentées aux gendarmes le 27 septembre 1994 n'avaient été acquises que le 5 septembre 1994, soit deux mois après le contrôle du 8 juillet 1994 ; qu'il sera enfin relevé que les factures de la SARL Arthur Piroud, contemporaines à ce contrôle, démontraient que cet expéditeur de volailles en gros avait livré au prévenu 55 filets de poulets ordinaires à cette époque et qu'il sera rappelé que, selon les renseignements fournis par le CIVB, seules 500 bagues avaient été livrées le 5 septembre 1994 à la ferme Y, sur une mise en place de 7 610 volailles entre les mois de mai 1991 à octobre 1994 ; que l'ensemble de ces éléments permettait de considérer que le prévenu ne rapportait pas la preuve contraire aux constatations de la Direction de la Concurrence que les volailles offertes dans deux menus du 8 juillet 1994 pouvaient recevoir la qualification revendiquée de "volailles de Bresse" et suffisait à démontrer que la présentation de ces deux menus constituait le délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ;

"alors que, dès lors qu'il résultait des propres constatations des juges du fond que la ferme Y avait pour activité essentielle l'élevage de la volaille de Bresse, et que les produits de cette ferme étaient directement utilisés dans le cadre de la "ferme-auberge", la cour d'appel, qui n'a pas réfuté le fait que les volailles produites par l'exploitation répondaient à l'appellation de Bresse, ne pouvait retenir une infraction à la législation sur la production et la commercialisation de la volaille de Bresse, alors que, comme l'avait relevé le tribunal, les signes distinctifs exigés par l'arrêté du 15 juillet 1970 concernent la commercialisation des volailles et ne sont pas d'application pour l'utilisation des produits sur place dans le cadre de la ferme-auberge implantée sur l'exploitation, a privé sa décision de tout fondement légal" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de publicité trompeuse sur les qualités substantielles des volailles, retenu également à la charge du prévenu ;d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.