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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ., 12 juin 2003, n° 02-00714

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gomis (ès qual.), Montriondis (SARL), Guilhermond (époux)

Défendeur :

Lyonnaise de Développement Commercial - SLDC (SA), Atac (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Santelli, Kerraudren

Avoués :

SCP Junillon-Wicky, SCP Brondel-Tudela

Avocats :

Mes Bensoussen, Deprez.

T. com. Lyon, du 10 janv. 2002

10 janvier 2002

EXPOSE DE L'AFFAIRE:

Après avoir reçu communication d'un dossier d'informations précontractuelles d'un dossier d'étude financière et d'une étude de marché, les époux Guilhermond et la société Montriondis ont conclu avec la société Lyonnaise de Développement Commercial (SLDC) un contrat de franchise, le 30 septembre 1999, ayant pour objet l'exploitation, sous l'enseigne Eco Service, d'un commerce situé à Montriond (Haute Savoie), pour une durée de sept ans à compter de l'ouverture du magasin. Les époux Guilhermond sont entrés dans les lieux le 1er octobre 1999, ont reçu une nouvelle présentation du dossier datée du 13 octobre 1999 et ont acquis le fonds de commerce de Monsieur Gaillard selon acte du 27 octobre 1999. Ayant cédé le réseau Eco Service au Groupe Casino, la société SLDC a proposé à ses franchisés la signature d'un avenant mais la société Montriondis a refusé par lettre du 25 juillet 2000. Elle a ensuite déploré à plusieurs reprises des difficultés d'approvisionnement de la part de la société Atac. Se prévalant de ce que des prélèvements automatiques étaient impayés à leur échéance, la société SLDC, après avoir mis en demeure la société Montriondis, a résilié le contrat de franchise par lettre du 4 décembre 2000 et lui a réclamé le paiement de diverses sommes. Par exploit du 9 février 2001, la société Montriondis et les époux Guilhermond ont saisi le Tribunal de commerce de Lyon en exposant que la société SLDC avait manqué à ses obligations précontractuelles et avait mis en œuvre de manière abusive la clause résolutoire prévue au contrat, et que la société Atac avait rompu abusivement l'approvisionnement. Ils ont réclamé le paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts mais, par un jugement du 10 janvier 2002, le tribunal a:

- dit que la société SLDC n'avait pas commis de faute à l'égard de la société Montriondis, ni en cédant le réseau Eco Service au Groupe Casino.

- dit que la société SLDC était fondée à résilier le contrat de franchise.

- dit que la société Montriondis et les époux Guilhermond ne justifiaient pas d'un préjudice,

- débouté en conséquence ces derniers de leurs demandes,

- condamné la société Montriondis à payer à la société Atac la somme de 43 820,14 euros en principal, outre intérêts de droit à compter du 23 janvier 2001.

- débouté la société SLDC de sa demande en paiement des sommes de 36 770,70 euros, 30 489,80 euros et 40 056,74 euros,

- condamné la société Montriondis et les époux Guilhermond à payer à la société SLDC la somme de 1 520 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens.

La société Montriondis et les époux Guilhermond ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières écritures, en date du 4 avril 2003 Maître Gomis, liquidateur judiciaire de la société Montriondis et les époux Guilhermond prient la cour de confirmer ladite décision en ce qu'elle a débouté la société SLDC de toutes ses demandes de dommages et intérêts et, la réformant pour le surplus de:

Sur les demandes de Maître Gomis et de Monsieur et Madame Guilhermond:

Vis-à-vis de la société SLDC:

- A titre principal, juger que la société SLDC a manqué à son obligation d'information précontractuelle,

- A titre subsidiaire,

- juger que la société SLDC a violé les articles 1-4-2-4 et 1-4-2-3 au contrat de franchise,

- juger que la société SLDC a manqué à son obligation de bonne foi dans les relations contractuelles et a résilié abusivement le contrat de franchise et juger que la résiliation est donc intervenue aux torts de la société SLDC,

- En tout état de cause et en conséquence,

- condamner la société SLDC à payer à titre de dommages et intérêts à Maître Gomis la somme de 227 758,83 euros se décomposant comme suit:

- perte de ses investissements correspondant essentiellement au prêt souscrit rendu exigible par anticipation: 109 763,29 euros,

- manque à gagner au titre de la première année d'activité: 26 526,13 euros.

- manque à gagner jusqu'au terme du contrat 91 469,41 euros.

- condamner la société SLDC à payer à titre de dommages et intérêts à Monsieur et Madame Guilhermond la somme de 48 753,20 euros, correspondant à la perte du compte courant et à la perte de revenus,

Vis-à-vis de la société Atac:

- juger que la société Atac a rompu de manière abusive l'approvisionnement et s'est rendue complice des manquements de la société SLDC,

- condamner la société Atac à payer à titre de dommages et intérêts à Maître Gomis la somme de 45 734,71 euros, correspondant à la perte de chiffre d'affaires et de marge bénéficiaire consécutive à l'arrêt de l'approvisionnement.

En tout état de cause,

- condamner solidairement les sociétés SLDC et Atac à payer à chacun des appelants, soit Maître Gomis, Monsieur et Madame Guilhermond, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Junillon & Wicky en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,

Sur les demandes reconventionnelles des sociétés SLDC et Atac:

Sur les demandes de la société SLDC:

- A titre principal, vu l'article L. 621-46 du nouveau Code de commerce et l'article 1162 du Code civil,

- débouter la société SLDC de toutes ses demandes à l'encontre de Maître Gomis,

- débouter la société SLDC de toutes ses demandes à l'encontre de Monsieur et Madame Guilhermond,

- Subsidiairement, sur la demande en restitution du budget d'ouverture d'un montant de 36 770,70 euros,

Vu l'article 1984 et suivants du Code civil,

Vu l'article 1152 du Code civil,

- à titre principal, juger que la demande est irrecevable,

- à titre subsidiaire, qualifier l'article 11.2 du contrat de franchise de clause pénale et débouter la société SLDC de sa demande, la société Montriondis ne pouvant se voir reprocher l'imputabilité de la résiliation du contrat,

- à titre très subsidiaire, fixer à un euro le montant des sommes pouvant être réclamées par la société SLDC au titre de l'article 11.2 du contrat,

Sur la demande en paiement de la redevance initiale forfaitaire d'un montant de 30 489,80 euros:

Vu l'article 1174 du Code civil,

Vu l'article 1152 du Code civil,

- à titre principal, qualifier la clause litigieuse de condition potestative et, en conséquence, juger cette clause nulle et débouter la société SLDC de sa demande.

- à titre subsidiaire, qualifier l'article 11.2 du contrat de franchise de clause pénale et débouter la société Montriondis de sa demande, la société Montriondis ne pouvant se voir reprocher l'imputabilité de la résiliation du contrat,

- à titre très subsidiaire, fixer à un euro le montant des sommes pouvant être réclamées par la société SLDC au titre de l'article 11.2 du contrat,

Sur la demande de paiement de l'indemnité forfaitaire de rupture d'un montant de 40 056,74 euros:

Vu l'article 1152 du Code civil,

- à titre principal, qualifier l'article 11.2 du contrat de franchise de C lause pénale et débouter la société SLDC de sa demande, la société Montriondis ne pouvant se voir reprocher l'imputabilité de la résiliation du contrat,

- à titre subsidiaire, fixer à un euro le montant des sommes pouvant être réclamées par la société SLDC au titre de l'article 11.2 du contrat.

Sur les demandes de la société Atac:

- à titre principal, donner acte à Maître Gomis du règlement par la société Montriondis de la prime d'assurance de pertes pécuniaires, garantissant la société Atac en cas d'impayés de marchandises,

En conséquence,

- vu l'absence de réponse à la sommation de communiquer du 24 juin 2002,

- débouter la société Atac de sa demande de fixation de sa créance à la somme de 43 820,14 euros,

- à titre subsidiaire, vu l'article 1289 du Code civil, ordonner la compensation entre cette somme et le montant de la condamnation à intervenir à l'encontre de la société Atac;

En tout état de cause,

- débouter les sociétés SLDC et Atac de leurs plus amples demandes.

Les intimées, pour leur part, ont conclu en dernier lieu le 2 avril 2003 en demandant à la cour, à titre principal, de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elles n'avaient commis aucune faute à l'égard de la société Montriondis et des époux Guilhermond et que la société SLDC était fondée à résilier le contrat de franchise.

- débouter en conséquence Maître Luc Gomis, ès qualités de liquidateur de la société Montriondis, et les époux Guilhermond de toutes leurs demandes,

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 10 janvier 2002 en ce qu'il a:

- débouté la société SLDC de ses demandes de paiement des sommes de 36 770,70 euros, 30 489,80 euros et 40 056,74 euros.

Et statuant à nouveau,

- dire que la société SLDC est fondée à solliciter l'application à son profit les dispositions de l'article 11.2 du contrat de franchise conclu le 30 septembre 1999,

- condamner en conséquence solidairement Maître Luc Gomis, ès qualités de liquidateur de la société Montriondis, et les époux Guilhermond à payer à la société SLDC les sommes de 36 770,70 euros (241 200 F) 30 489,80 euros (200 000 F) et 40 056,74 euros (262 755 F),

- à défaut, condamner les époux Guilhermond à payer à la société SLDC les sommes de 36 770,70 euros, 30 489,80 euros et 40 056,74 euros,

Subsidiairement,

Si par impossible une faute était retenue à l'encontre de la société SLDC ou de la société Atac,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 10 janvier 2002 en ce qu'il a dit et jugé que la société Montriondis et les époux Guilhermond ne justifient pas avoir subi un quelconque préjudice,

- en conséquence, débouter Maître Luc Gomis, ès qualités de liquidateur de la société Montriondis, et les époux Guilhermond, de toutes leurs demandes,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 10 janvier 2002 en ce qu'il a condamné la société Montriondis à payer la somme de 43 820,14 euros à la société Atac, au titre des livraisons de marchandises restées impayées, outre intérêts de droit à compter du 23 janvier 2001, date de la dernière mise en demeure,

- condamner en conséquence, Maître Luc Gomis, ès qualités de liquidateur de la société Montriondis, à payer la somme de 46 418,23 euros (43 820,14 euros plus les intérêts) à la société Atac,

- ordonner l'inscription de cette créance de 46 418,23 euros de la société Atac au passif de la liquidation judiciaire de la société Montriondis,

- condamner Maître Luc Gomis, ès qualités, et les époux Guilhermond à payer la somme de 2 000 euros chacun à la société SLDC et à la société Atac, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner Maître Luc Gomis, ès qualités, et les époux Guilhermond aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés directement par la SCP Brondel & Tudela, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

MOTIFS

- Sur la responsabilité de la société SLDC au titre de l'information précontractuelle:

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que les époux Guilhermond, qui n'étaient pas commerçants, sont entrés en contact avec la société SLDC, qui exploite en franchise l'enseigne "Eco Service", et que cette société leur a remis trois documents, à savoir un dossier d'informations précontractuelles (édition juin 1999) comportant diverses pièces relatives à la société SLDC et au réseau Eco Service, un projet de contrat de franchise et le bilan 1997 de la société SLDC: qu'a également été fournie une étude de marché comprenant successivement la délimitation de la zone de chalandise, la détermination du nombre de clients captés, la détermination du chiffre d'affaires brut possible et les facteurs modifiant les taux d'emprise, pour parvenir à un chiffre d'affaires total annuel réalisable de 5 083 KF, soit 5 000 KF en hypothèse haute et 4 600 KF en hypothèse basse;

Attendu que les époux Guilhermond ont aussi reçu une étude financière comprenant les chiffres d'affaires réalisés par Monsieur Gaillard de 1997 à 1999 ainsi que les chiffres d'affaires prévisionnels sur trois années et un tableau de financement;

Attendu que les appelants justifient de ce qu'ils n'ont pas atteint le chiffre d'affaires prévisionnel, ni même le seuil de rentabilité puisque leur chiffre d'affaires au 30 septembre 2000 était de 2 260 445 F pour un prévisionnel de 4 611 000 F et un seuil de rentabilité de 3 620 000 F; qu'ils soutiennent que les informations qui leur ont été communiquées étaient fausses ou incomplètes;

Attendu que, si le franchiseur n'est pas tenu d'une obligation de résultat dans l'établissement des prévisions d'activité, il lui appartient, lorsqu'il procède à une étude du marché local, de la présenter de manière sérieuse et sincère afin de permettre au franchisé de s'engager en toute connaissance de cause;

Attendu que les appelants font tout d'abord exactement remarquer que le chiffre d'affaires mentionné comme étant celui de Monsieur Gaillard en 1997, soit 4 939 000 F TTC ne correspond pas à celui du compte de résultat de la même année. même en majorant le montant HT d'une TVA de 20,6 %, ce qui donne un résultat de 4 574 318,20 F; qu'au surplus, ce chiffre d'affaires incluait l'activité de bar-tabac de Monsieur Gaillard, conservée par celui-ci;

Attendu que les appelants relèvent aussi avec pertinence que le chiffre d'affaires a accusé une baisse moyenne de 24 % sur les cinq premiers mois de l'année 1999 par rapport à 1998, ce dont il n'a pas été tenu compte pour établir le prévisionnel, qui aurait alors été de l'ordre de 3 900 000 F TTC environ au lieu de 4 476 000 F (ou 4 600 000 F si l'on se réfère au calcul prévisionnel indépendant des résultats réels de Monsieur Gaillard);

Attendu que les intimées ne contestent pas l'argument selon lequel le supermarché Champion situé à Morzine (et considéré comme un commerce concurrent dans l'étude de marché) a augmenté sa surface de vente de 752 m2 selon les documents produits, avec réouverture en décembre 1998, ce qui ne figure pas dans ladite étude:

Attendu, certes, que les cartes routières et les divers documents produits par les appelants révèlent que le supermarché de Saint Jean d'Aulps (Vernay Bron) est plus proche en voiture d'Essert-Romand que les commerces de Montriond et qu'il est également plus rapide d'aller de la Côte d'Arbroz à Morzine ou à Vernay Bron qu'à Montriond; que, cependant; l'étude de marché n'a retenu qu'un taux d'impact de 9 % pour les communes voisines d'Essert-Romand et de la Côte d'Arbroz, au lieu de 25 % pour Montriond; que les intimées soulignent à juste titre que cette dernière commune est dotée d'un vrai centre et comporte une école dont les élèves viennent pour partie des communes précitées; qu'il n'était donc pas erroné d'inclure celles-ci dans la zone de chalandise pour le taux précité, contrairement à ce que prétendent les appelants;

Attendu, de même, que le grief relatif à l'absence de pondération en raison du taux de résidence secondaire ne peut être admis puisque l'étude se fonde sur le nombre d'habitants permanents des communes;

Attendu, en revanche, que les appelants justifient de ce que l'étude de marché ne retient que trois commerces concurrents alors qu'il en existait sept d'importance non négligeable en ce qui concerne ceux qui ont été omis puisque y figurent deux superettes non mentionnées situées à Morzine, en sus des deux supermarchés cités; qu'ils relèvent aussi à bon escient que la société SLDC ne s'explique pas sur les modalités de calcul des taux d'emprise qu'elle a retenus, et spécialement sur celui de 25 % pour la commune de Montriond;

Attendu que les intimées prétendent que la non réalisation des prévisions de la société SLDC résulte des carences et erreurs des époux Guilhermond dans la gestion du magasin, et spécialement de la fermeture du rayon boucherie précédemment exploité par Monsieur Gaillard;

Attendu que celui-ci a attesté de l'importance de ce rayon et mis en cause les compétences de ses successeurs, dans une déclaration du 8 janvier 2003: que, cependant l'objectivité de son témoignage est douteuse compte tenu de l'avertissement donné à son épouse par Monsieur Guilhermond, à l'époque où Madame Gaillard était salariée de la société Montriondis, et du contentieux ayant opposé les parties au sujet du bail commercial des locaux;

Attendu que l'examen des résultats comptables permet de constater que le chiffre d'affaires du rayon boucherie est passé de 155 354 F en 1996-1997 (sans qu'il soit contesté que cette somme ne représente qu'une "commission" puisque Monsieur Gaillard n'exploitait pas directement) à 1 194 156 F en 1997-1998 que, pour autant, comme l'indiquent les appelants, le résultat comptable a accusé une baisse de 6 000 F entre les deux exercices; qu'en outre, le chiffre d'affaires boucherie a encore baissé durant l'exercice suivant de Monsieur Gaillard pour se limiter à 645 140 F; qu'il n'est donc nullement prouvé que le rayon boucherie ait été un élément fondamental pour la rentabilité du fonds de commerce, et qu'il est vain de reprocher aux appelants d'avoir quasiment supprimé cette activité;

Attendu que les intimées ne peuvent se prévaloir des indications comptables fournies aux franchisés lors de l'acquisition par eux du fonds de commerce, puisque celle-ci a eu lieu 27 jours après la signature du contrat de franchise, ni de la remise d'un autre document d'étude également postérieur à la conclusion dudit contrat;

Attendu qu'est aussi sans incidence la période d'indisponibilité de Madame Guilhermond dans la mesure où une salariée avait été recrutée par contrat à durée déterminée dans le même temps;

Attendu que les appelants soutiennent que la société SLDC savait, au moment de la conclusion du contrat de franchise, qu'elle allait céder son réseau Eco Service au Groupe Casino; que cette allégation est vraisemblable, dès lors qu'il est peu probable que le Comité central d'entreprise ait été réuni pour donner son avis sur un projet de cession sans que celui-ci ait été préparé bien auparavant, et alors que les résultats de la société SLDC étaient négatifs depuis plusieurs années; qu'elle n'est cependant que plausible, à défaut de preuve certaine en ce sens;

Attendu qu'il ressort de l'ensemble des éléments précités que les appelants justifient, même si une partie de leurs griefs n'est pas caractérisée, de ce que l'information que leur a transmise la société SLDC était entachée d'erreurs graves ayant eu une incidence sur leur consentement, en ne leur permettant pas de contracter en toute connaissance de cause, alors qu'ils n'étaient pas eux-mêmes des professionnels du commerce alimentaire; que la responsabilité de la société SLDC est donc engagée à ce titre;

- Sur les manquements dans l'exécution du contrat de franchisé:

Attendu que les appelants arguent aussi de manquements du franchiseur aux dispositions de l'article 1-4-2-3 du contrat au motif qu'il aurait reconnu qu'il n'avait plus les moyens d'assurer ses obligations promotionnelles, et aux dispositions de l'article 1-4-2-4 concernant la livraison des marchandises figurant au catalogue du ou des centres livreurs du groupe Auchan;

Attendu tout d'abord que le contrat de franchise stipule expressément que "compte tenu notamment de la structure du groupe Auchan", il ne "peut avoir été conclu intuitu personae en raison de la personnalité de la personne morale ou de ses dirigeants constituant le franchiseur"; qu'il importe donc peu que le réseau ait été cédé par la société SLDC, à la condition cependant que soient maintenus les élément, constitutifs de la franchise, et que ladite société ait continué à assumer ses obligations, ainsi qu'elle l'affirme et qu'elle le promettait dans sa lettre adressée à la société Montriondis le 3 août 2000;

Attendu que les pièces versées aux débats par les parties révèlent que la société Atac a continué à fournir des produits à la société Montriondis après la cession du réseau et que des documents publicitaires Eco Service ont continué d'être établis; que la lettre de la société SLDC du 25 septembre 2002, qui fait état de sa cessation d'activité le 27 septembre, est bien postérieure, en toute hypothèse, à la rupture des relations contractuelles entre les parties;

Attendu que les intimées versent d'ailleurs aux débats des lettres le la société SLDC, du mois de novembre 2000, aux termes desquelles celle-ci répond aux réclamations de la société Montriondis en ce qui concerne les approvisionnements; que l'examen des factures de la société Atac, du compte rendu du Comité de liaison Eco Service du 3 février 2000 et des courriers respectifs des parties ne permet pas de retenir avec certitude que les retards de livraison ou les manquants de produits soient anormaux ou excèdent les tolérances prévues par le contrat de franchise (articles 1-4- 2-4 et 2-6-2), alors que ces difficultés étaient antérieures à la cession qu'il est possible aussi qu'elles résultent d'erreurs dans la passation des commandes imputables à la société Montriondis qu'au surplus, les livraisons émanent de la société Atac et non de la société SLDC, même si les liens entre ces deux sociétés sont très étroits;

Attendu que les appelants reconnaissent implicitement qu'ils n'établissent pas que le franchiseur ne pouvait plus remplir ses obligations puisqu'ils indiquent que la société SLDC a résilié les contrats de ceux qui ne souhaitaient pas rester liés à elle avant qu'ils " n'aient pu réunir tous les éléments de fait permettant de démontrer de manière éclatante que la société SLDC n'exécutait pas ses obligations " qu'il se déduit de l'ensemble de ces motifs que les manquements dans l'exécution du contrat reprochés au franchiseur ne sont pas établis;

- Sur la résiliation du contrat:

Attendu que les appelants prétendent que la société SLDC a résilié le contrat de franchise de manière abusive; que cette argumentation n'est pas seulement subsidiaire qu'une partie de ses demandes de dommages et intérêts se fondent sur cette résiliation considérée comme abusive, ainsi que sa défense aux prétentions adverses fondées sur les clauses applicables en matière de résiliation du fait du franchisé, ou à ses torts;

Attendu que le contrat prévoyait le paiement des marchandises par prélèvements automatiques et à bonne date, sous peine de résiliation de plein droit (articles 4-1-2, 4-8 et 10);

Attendu, certes, que les intimées justifient de ce que la société Montriondis a réglé les fournitures avec retard à de nombreuses reprises;

Attendu cependant que les intimées font valoir elles-mêmes que la société Montriondis payait systématiquement avec retard ses factures, depuis près d'un an; qu'elles ne lui ont cependant jamais adressé la moindre mise en garde de réclamation avant le 27 octobre 2000, date à laquelle la société Atac a réclamé le paiement de la somme de 20 519 F dans un délai de 8 jours sous peine de suspension de ses approvisionnements; que la société SLDC a également, le 30 octobre 2000 adressé à la société Montriondis une mise en demeure de régulariser sous huit jours, faute de quoi le contrat serait résilié de plein droit en se référant au même montant dû;

Attendu que la société Montriondis a rappelé, par lettre du 6 novembre 2000, que la société SLDC était au courant de ses difficultés depuis le début de l'activité et qu'elle avait accepté de manière habituelle de reporter les échéances dues d'un ou de deux mois; qu'elle proposait un règlement par chèques les 10 et 20 décembre 2000;

Attendu que, par lettre du 4 décembre 2000, la société SLDC s'est prévalue de la clause résolutoire du contrat de franchise en ne visant que sa lettre de mise en demeure précitée du 30 octobre 2000;

Attendu que les pièces versées aux débats par les intimées révélant que celles-ci ont accepté à de multiples reprises des règlements échelonnés, pour les sommes beaucoup plus importantes que celle visée dans la mise en demeure, sur laquelle est fondée la résiliation;

Attendu que force est de constater que celle-ci est consécutive au mois, de la part de la société Montriondis, de régulariser un nouveau contrat de franchise avec la société Casino, aux termes duquel elle aurait notamment dû renoncer à toute demande ou action contre la société SLDC au titre du contrat initial (article 3 de l'avenant);

Attendu que le franchisé souligne à juste titre qu'il a investi près d'un million de francs dans cette affaire, que les sociétés SLDC et Atac lui avaient régulièrement accordé des délais de paiement jusqu'en octobre 2001 et que la dette de marchandises visée au soutien de la résiliation ne s'élevait qu'à 20 519 F; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la mise en œuvre de la clause résolutoire par la société SLDC doit être considérée comme abusive et n'est donc pas acquise à son profit, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 11-2 du contrat concernant les effets de la résiliation aux torts du franchisé ou de son fait;

- Sur le préjudice:

Attendu que la société Montriondis a cessé son activité en mars 2001 et justifie avoir mis en vente son fonds sans succès;

Attendu que, si l'association Aprocaim a proposé son aide aux époux Guilhermond, selon ce que révèle sa lettre du 6 septembre 2001, il résulte aussi de ce document que ses propositions n'ont pu aboutir faute d'obtention par les intéressés d'une garantie bancaire permettant l'approvisionnement auprès d'un autre groupe de distribution;

Attendu que la société Montriondis a été mise en liquidation judiciaire le 14 juin 2002, avec date de cessation des paiements fixée au 11 décembre 2000;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que la rupture du contrat de franchise est bien à l'origine de la cessation de toute activité de la société Montriondis dans la mesure où celle-ci n'avait manifestement plus la possibilité financière d'adhérer à un autre réseau;

Attendu, sur le manque à gagner jusqu'au terme du contrat, que les prévisions d'activité ne sont qu'indicatives, que leur réalisation dépend de nombreux facteurs parmi lesquels figurent notamment le mode de gestion du franchisé, son dynamisme, sa compétence, l'évolution des facteurs locaux de commercialité; que le préjudice subi ne correspond donc pas à la perte précise calculée par les appelants, mais plutôt à la perte d'une chance de réaliser ces résultats; que cette perte est certaine dès lors qu'il n'est pas établi que la société Montriondis ait commis des erreurs de gestion comme déjà indiqué;

Attendu que la société Montriondis a effectivement perdu la valeur du fonds de commerce acquis grâce à un prêt de 720 000 F qui n'aurait pas été contracté si les acquéreurs avaient été complètement et loyalement informés;

Attendu qu'au vu de ces éléments, le préjudice de la société Montriondis doit être fixé à la somme de 160 000 euros; qu'aucune somme ne peut en revanche être demandée à la société Atac pour le même préjudice, de sorte que cet autre chef de réclamation sera écarté;

Attendu que la demande de remboursement du compte courant n'est pas formée à l'encontre de Maître Luc Gomis, ès qualités, si bien qu'elle est recevable; qu'elle est également fondée puisque la perte de valeur du fonds de commerce n'est pas imputable aux époux Guilhermond, comme exposé plus haut;

Attendu en revanche que, pour les mêmes motifs que ceux déjà adoptés, les époux Guilhermond ne peuvent prétendre obtenir la totalité de la perte de revenues calculée par rapport au prévisionnel d'activité; que leur préjudice global sera fixé, en l'état des éléments dont dispose la cour, à la somme de 35 000 euros;

- Sur les demandes reconventionnelles des sociétés SLPC et Atac:

Attendu que, comme exposé précédemment, la société SLDC ne peut pas réclamer le règlement de sommes en vertu de la résiliation du contrat invoqué par elle à tort;

Attendu que la société Atac sollicite la condamnation Maître Luc Gomis, ès qualités, à lui payer la somme de 43 820,14 euros au titre de marchandises impayées, outre intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2001, date de la dernière mise en demeure;

Attendu que les appelants invoquent vainement les termes du contrat de franchise et l'assurance pour pertes pécuniaires pour laquelle ils ont payé une prime puisque cette assurance ne couvre que les risques encourus par le franchiseur au profit duquel elle a été souscrite, et qu'il n'est pas établi qu'elle profite aussi à la société Atac, laquelle n'est pas partie au contrat de franchise; qu'il convient donc de fixer la créance de cette société au passif de la liquidation judiciaire de la société Montriondis pour la somme précitée, non contestée pour le surplus, avec intérêts conformément à la demande;

- Sur les frais:

Attendu qu'il est équitable d'indemniser les appelants pour leurs frais irrépétibles de procédure en allouant à chacun la somme de 1 000 euros; que les intimées, qui succombent pour l'essentiel, seront déboutées de ce chef de réclamation;

Par ces motifs: LA COUR, Réformant partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau, Dit que la société SLDC a manqué à son obligation d'information contractuelle et a résilié abusivement le contrat de franchise; En conséquence, Condamne la société SLDC à payer: à Maître Luc Gomis, ès qualités, la somme de 160 000 euros à titre de dommages et intérêts, aux époux Guilhermond, la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts; Fixe la créance de la société Atac au passif de la liquidation judiciaire de la société Montriondis à la somme de 43 820,14 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2001; Condamne in solidum les sociétés SLDC et Atac à payer à chacun des appelants la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute les parties de toutes demandes contraires ou plus amples; Condamne in solidum les sociétés SLDC et Atac aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Junillon et Wicky, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.