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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 14 juin 2001, n° 1999-05512

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Hivert

Défendeur :

Agence du Golf (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

M. Faucher, Mme Briottet

Avoués :

SCP Menard-Scelle-Millet, SCP Baskal

Avocats :

Mes Tourneur, Forget.

T. com. Melun, du 4 janv. 1999

4 janvier 1999

LA COUR statue sur l'appel interjeté par Monsieur Dominique Hivert contre le jugement rendu le 4 janvier 1999 par le Tribunal de commerce de Melun, qui l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions contre la société Agence du Golf et condamné, outre les dépens, à payer à celle-ci 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Hivert, qui avait initialement, invoquant l'existence d'un contrat de travail, assigné la société Agence du Golf, agence immobilière, en paiement d'indemnités de résiliation et d'arriérés de commissions devant le Conseil des prud'hommes de Melun, qui s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Melun, a, devant cette juridiction, réclamé à la défenderesse les mêmes sommes sur le fondement d'un contrat d'agent commercial qui aurait été rompu par l'agence.

Appelant de la décision qui a écarté ses demandes, Monsieur Hivert, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 22 septembre 2000, soutient qu'il a exercé, au sein de l'agence du Golf, une activité d'agent commercial du 7 juin au 18 octobre 1993, date à laquelle l'agence a brutalement mis fin aux relations contractuelles, sans justifier d'un quelconque grief et en refusant de payer le solde des commissions qui lui étaient dues pour sept transactions auxquelles il avait participé de manière incontestable, sur la base du taux en vigueur entre les parties, soit 40 % des commissions perçues par l'agence pour les affaires traitées par lui seul et 20 % pour celles traitées avec sa participation non exclusive.

Monsieur Hivert demande en conséquence à la cour de condamner la société Agence du Golf à lui payer, avec les intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 1993, 65 000 F hors taxes au titre des commissions restant dues et 496 000 F, somme correspondant à deux années de commissions- le montant des commissions dues pour quatre mois et demi d'activité effective s'élevant à 93 000 F, dont 28 000 F ont déjà été payés par l'agence- Subsidiairement, pour le cas où la cour jugerait qu' il ne peut se prévaloir du statut d'agent commercial pour ne pas être inscrit au registre des agents commerciaux, l'appelant réclame la même somme de 496 000 F à titre de dommages-intérêts sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil, cette situation étant imputable à l'Agence du Golf, qui s'est refusée à régulariser un contrat écrit, nécessaire à l'immatriculation. Monsieur Hivert sollicite encore 80 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ses uniques conclusions signifiées le 22 juillet 2000, la société Agence du Golf, intimée et incidemment appelante, prie la cour, à titre principal, de dire Monsieur Hivert dépourvu d'intérêt à agir, faute par lui de rapporter la preuve d'un mandat d'agent commercial, alors que les diligences qu'il a effectuées durant quatre mois au profit de l'agence ont été rémunérées par des chèques libellés à sa demande à l'ordre de la société Framatec, dont il n'était que porteur de parts et qui seule aurait pu avoir un intérêt à agir.

Subsidiairement l'intimée conclut à l'irrecevabilité des demandes de Monsieur Hivert en ce que celui-ci, non inscrit au registre spécial des agents commerciaux, ne peut bénéficier du statut reconnu à ceux-ci. A titre plus subsidiaire encore elle sollicite la confirmation du jugement attaqué et réclame en toute hypothèse 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Cela étant exposé,

Considérant que l'intérêt à agir ne peut dépendre du bien fondé des prétentions émises, alors qu'il doit s'apprécier avant que celles-ci ne soient examinées et que l'existence du droit invoqué est la condition du succès de l'action, non de sa recevabilité ;

Que Monsieur Hivert, qui invoque un contrat d'agent commercial, ayant existé entre lui et la société Agence du Golf et non entre celle-ci et la société Framatec et réclame des commissions qui seraient dues en exécution de ce contrat ainsi qu'une indemnité à raison de sa rupture par le mandant, justifie d'un intérêt légitime au succès de cette prétention;

Considérant qu'ainsi que l'a exactement retenu le tribunal, le défaut d'immatriculation de Monsieur Hivert au registre spécial des agents commerciaux n'a pas pour effet de lui interdire de se prévaloir du statut d'agent commercial tel qu'il résulte de la loi du 25 juin 1991, moins encore de réclamer la rémunération de l'activité d'agent qu'il prétend avoir exercée pour le compte de l'Agence du Golf;

Considérant, sur le fond, que la société Agence du Golf ne conteste pas avoir utilisé les services de Monsieur Hivert, durant quatre mois au cours de l'année 1993, en qualité d'agent commercial et avoir rémunéré ses services par des chèques émis, à la demande de l'intéressé, à l'ordre de la société Framatec ; qu'à cet égard sont produits trois chèques des 9 septembre, 14 octobre et 15 octobre 1993 pour des montants respectifs de 14 400 F, 9 600 F et 4 000 F;

Considérant que Monsieur Hivert verse aux débats la photocopie de sept compromis de vente immobilière, accompagnés de bons d'indication de visite sur six desquels son nom est mentionné comme celui de l'accompagnateur que, pour l'une de ces ventes, les vendeurs, les époux Casimir, attestent avoir eu affaire à Monsieur Hivert à de nombreuses reprises, notamment lors de la signature du compromis ;

Mais considérant qu'il s'agit de ventes sous condition suspensive d'obtention d'un prêt ; que Monsieur Hivert, qui reconnaît que sa commission n'était due qu'à la signature de l'acte authentique, étant assise sur la commission de l'agence elle-même, due seulement "après levée de la dernière condition suspensive", selon la clause figurant aux actes produits, ne prouve pas que la condition suspensive a été levée dans ces différentes affaires et que la vente a pu être réitérée par acte authentique ; qu'il ne peut donc prétendre à aucune commission au titre de ces affaires, alors de surcroît qu'il n' établit pas quel était le taux de commissions convenu, le montant des chèques versés aux débats en copie ne pouvant être rapporté à celui, ignoré, des ventes auxquelles ils correspondaient ;

Considérant que la société Agence du Golf ne conteste pas avoir mis fin au mandat consenti à Monsieur Hivert après quatre mois, dans des conditions au demeurant non déterminées mais sans qu'une faute grave ait été même invoquée à l'encontre de l'agent; que celui-ci est dès lors en droit de prétendre à l'indemnité compensatrice prévue à l'article 12 de la loi du 25 juin 1991;

Que, compte tenu de l'extrême brièveté du mandat et du montant des commissions perçues -28 000 F-, il convient de fixer à 25 000 F le montant de l'indemnité due par le mandant;qu'il n'y a pas lieu d'augmenter cette indemnité d'intérêts moratoires, le préjudice qu'elle vient compenser étant apprécié à la date du prononcé de l'arrêt ;

Considérant que la société Agence du Golf, qui succombe pour l'essentiel, devra supporter les dépens de première instance et d'appel, ce qui entraîne le rejet de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu'il est équitable de la condamner, en application de ce texte, à payer à Monsieur Hivert 23 000 F au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel;

Par ces motifs : Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré recevable l'action exercée par Monsieur Hivert et a rejeté la demande de celui-ci tendant au paiement d'un solde de commissions ; Réformant pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne la société Agence du Golf à payer à Monsieur Hivert, à titre d'indemnité compensatrice, la somme de 25 000 F et, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, celle de 23 000 F ; Rejette la demande de Monsieur Hivert relative aux intérêts moratoires ; Condamne la société Agence du Golf aux dépens de première instance ainsi qu'aux dépens d'appel et, pour le recouvrement de ceux-ci, admet la SCP Menard Scelle Millet, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.