CA Grenoble, ch. com., 28 février 2001, n° 99-04353
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Servel
Défendeur :
Giroud
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Uran
Conseillers :
M. Baumet, Mme Beroujon
Avoués :
SCP Calas, SELARL Dauphin, Neyret
Avocats :
Mes Chasson, Detroyat
Monsieur Serge Giroud, dans le but de commencer une activité d'entretien et d'élagage, achète, le 27 mars 1997 à Monsieur René Servel cinq matériels précédemment utilisés par ce dernier pour l'exploitation de son entreprise de fauchage-débroussaillage, pour le prix TTC de 139 896 F.
Par lettre en date du 13 novembre 1997, Monsieur Serge Giroud, invoquant des vices cachés sur le tracteur et l'épareuse, demande à Monsieur René Servel de lui reprendre le matériel en lui remboursant le prix, proposition qui est refusée par Monsieur René Servel par courrier du 8 décembre suivant.
Après avoir obtenu la désignation d'un expert judiciaire, Monsieur Serge Giroud assigne Monsieur René Servel devant la juridiction commerciale, pour demander, notamment, la résolution du contrat de vente.
Par jugement en date du 3 septembre 1999, le Tribunal de commerce de Grenoble, pour l'essentiel, s'est déclaré compétent, et a:
- homologué le rapport d'expertise,
- prononcé la résolution du contrat de vente du 27 mars 1999,
- donné acte à Monsieur Serge Giroud de son engagement de restituer le matériel,
- condamné Monsieur René Servel à verser à Monsieur Serge Giroud la somme de 139 896 F, outre intérêts au taux légal, ainsi que celle de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- rejeté les demandes de Monsieur René Servel en remboursement des factures de réparations et en allocation de dommages et intérêts.
Monsieur René Servel, qui a formé appel dudit jugement, dans l'état de ses dernières conclusions en date du 2 février 2000, sollicite, par réformation, le débouté de toutes les demandes de Monsieur Serge Giroud, ainsi que l'allocation de la somme de 15 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il soutient, en effet, que:
- la demande d'action rédhibitoire et les demandes annexes sont irrecevables, car certains des vices invoqués étaient manifestement connus de Monsieur Serge Giroud, d'autant que, lors de la visite des matériels, il était accompagné d'amis techniciens, ainsi qu'en raison de la tardiveté du recours, exercé 7 mois après l'acquisition du matériel,
- le rapport d'expertise doit être annulé, pour n'avoir pas été établi en toute objectivité, et parce que l'expert n'a pas respecté la contradiction, ainsi qu'il résulte du contenu lapidaire dudit rapport,
- les demandes de Monsieur Serge Giroud sur le fondement de l'article 1641 du Code civil sont sans fondement, car il n'est pas démontré que les dysfonctionnements énumérés au rapport d'expertise aient été des défauts cachés lors de la vente, que la preuve n'est pas rapportée que les défauts invoqués existaient lors de la vente, alors qu'il est manifeste qu'ils sont en réalité dus à une mauvaise utilisation,
- l'intimé ne démontre pas que les matériels en question ne répondaient pas à l'usage auquel ils étaient destinés, d'autant qu'il avait envisagé la cassation de son activité et a revendu la majeure partie de ces matériels.
Monsieur Serge Giroud, dans l'état de ses dernières conclusions en date du 24 août 2000, demande la confirmation du jugement déféré sur la résolution de la vente, sur le donné acte de son offre de restitution, et, par réformation partielle, la condamnation de Monsieur René Servel au remboursement des factures de réparation, au paiement de la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts ainsi qu'à l'allocation de la somme de 12 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il fait valoir qu'il n'a saisi le Juge des référés que deux mois après avoir pris connaissance du vice du matériel, par la Société Franchini, spécialiste de ce genre de matériel,
- il ne peut y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise, qui a été rédigé après respect du contradictoire par l'expert,
- le rapport d'expertise est édifiant sur les vices cachés qui affectaient le matériel lors de la vente, alors que lui-même, à qui il ne peut être reproché aucun usage intensif, n'avait aucune expérience dans le domaine agricole,
- Monsieur René Servel est responsable des réparations qu'il a dû effectuer en raison du mauvais état de fonctionnement du matériel vendu, ainsi que du dommage subi par lui en raison de la perte de plusieurs marchés et de la cessation de son activité.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1°) Sur la validité du rapport d'expertise
Attendu que l'expert s'est rendu sur les lieux où il a effectué ses opérations d'expertise et constaté l'existence de certains vices cachés sur le tracteur, sur l'épareuse et sur le rotor bois (Rapport pages 5 et 6), et ce, en présence, notamment de Monsieur René Servel, ce qui laisse supposer qu'il a recueilli les déclarations de celui-ci, même s'il ne les a pas retranscrites dans son rapport, tout comme il a certainement dû recueillir - sans pour autant les mentionner également- les observations de Monsieur Serge Giroud qui se trouvait également présent;
Attendu que le rapport d'expertise, même si ses conclusions sont contestées par l'appelant, sera homologué par confirmation du jugement déféré, dans la mesure où il relate, en toute objectivité et impartialité, les conclusions tirées logiquement par Monsieur DELAYE en fonction de ses constatations;
2°) Sur la résolution de la vente
Attendu que l'expert a relevé:
- pour le tracteur, "un problème d'alternateur", ainsi qu'un problème de vitesse" ("boîte petite vitesse restant coincée"),
- pour l'épareuse, "une fuite d'huile sur la vanne du déclencheur", ainsi que "l'usure du système hydraulique (sic)",
- la surdimension du rotor à bois, qui nécessite, pour être mis en place, le démontage du carter d'entraînement;
Attendu que ces défectuosités, qui ont une origine interne, d'une part, ne pouvaient être décelées par un acheteur normalement diligent, même à la suite d'un examen attentif, nécessairement extérieur, étant relevé qu'il n'est pas allégué que Monsieur Serge Giroud possède une compétence quelconque en matière de mécanique, d'autre part, rendaient le matériel "complètement inefficace vu les pannes répétitives et le manque de fiabilité de celui-ci (rapport d'expertise page 6)";
Attendu que l'appelant n'établit pas la réalité de l'utilisation intensive du matériel par Monsieur Serge Giroud, qui ne résulte aucunement des conclusions du rapport d'expertise;
Attendu que, si l'expert ne relate pas avoir constaté de défectuosités sur les autres matériels acquis par Monsieur Serge Giroud à savoir le broyeur Agrimaster et la remorque, il n'en demeure pas moins que l'ensemble de ces matériels forme un tout destiné à sa future entreprise, ce dont le vendeur ne conteste pas avoir été informé;
Attendu, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers Juges, que Monsieur Serge Giroud a formé en référé une demande d'expertise par assignation du 5 janvier 1998, alors qu'il a eu une connaissance complète des vices affectant le matériel ensuite de la lettre des Etablissements Franchini en date du 5 novembre 1997 à qui il s'était adressé; qu'ainsi, la demande en Justice effectuée 2 mois après avoir eu connaissance des vices cachés de la chose vendue l'a été dans le bref délai visé à l'article 1648 du Code civil;
Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné la résolution de la vente pour la totalité des matériels, de même en ce qu'il a condamné l'appelant à verser à Monsieur Serge Giroud le prix de vente du matériel, et donné acte à l'intimé de son intention de restituer ledit matériel, étant entendu que cette restitution doit maintenant intervenir en nature ou à sa valeur mentionnée dans la facture du 27 mars 1997 (spécialement pour le broyeur, revendu par Monsieur Serge Giroud);
3°) Sur le remboursement des factures
Attendu que les premiers Juges ont, à juste titre, constaté que les factures dont le remboursement est demandé par l'intimé, ont trait à des opérations d'entretien, dont le lien de causalité avec les vices cachés susvisés n'est pas justifié; qu'ainsi, le jugement ayant débouté Monsieur Serge Giroud de sa demande sera encore confirmé sur ce point;
4°) Sur la demande de dommages et intérêts
Attendu que Monsieur Serge Giroud, qui ne justifie pas de la réalité ni du montant de son préjudice (d'autant qu'il demande l'allocation d'une somme forfaitaire), sera débouté de sa demande sur ce point, également par confirmation du jugement déféré;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Serge Giroud la totalité des frais irrépétibles de Justice, en sorte qu'il lui sera alloué, outre la somme déjà arbitrée à ce titre par la décision déférée, celle de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel;
Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare les appels recevables en la forme; Au fond, Confirme le jugement rendu le 3 septembre 1999 par le Tribunal de commerce de Grenoble, en toutes ses dispositions, sauf celles concernant la restitution du matériel par Monsieur Serge Giroud; Statuant à nouveau sur ce dernier point, Dit que cette restitution interviendra en nature ou selon la valeur des matériels mentionnée dans la facture du 27 mars 1997; Y rajoutant, condamne Monsieur René Servel à payer à Monsieur Serge Giroud la somme supplémentaire de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel; Fait masse des dépens de première instance et d'appel, et condamne Monsieur René Servel à les payer, ainsi que le coût du rapport d'expertise, dont distraction au profit de la Selarl Dauphin et Neyret, avoués, qui pourra recourir aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.