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Décisions

CCE, 2 juillet 2002, n° 2003-674

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Méthionine

CCE n° 2003-674

2 juillet 2002

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1-2003 (2), et notamment ses articles 3 et 15, vu les décisions de la Commission du 1er octobre 2001 et du 17 décembre 2001 d'ouvrir la procédure dans la présente affaire, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (3), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, vu le rapport du conseiller-auditeur dans la présente affaire (4), considérant ce qui suit:

PARTIE I - LES FAITS

A. RÉSUMÉ DE L'INFRACTION

(1) Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision:

- Aventis SA,

- Aventis Animal Nutrition SA,

- Nippon Soda Company Ltd,

- Degussa AG.

(2) L'infraction consiste dans la participation des producteurs de méthionine susmentionnés à un accord et/ou à une action concertée de caractère continu, contraires à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53 de l'accord EEE et portant sur l'ensemble du territoire de l'EEE, dans le cadre desquels ils se sont entendus sur des objectifs de prix pour le produit, ont adopté et mis en œuvre un mécanisme d'application d'augmentation des prix, ont échangé des informations sur les volumes des ventes et les parts de marché et ont surveillé et fait appliquer leurs accords.

(3) Les entreprises ont participé à l'infraction de février 1986 à février 1999.

B. L'INDUSTRIE DE LA MÉTHIONINE

1. LE PRODUIT

(4) La méthionine est l'un des acides aminés les plus importants. Les acides aminés sont des molécules organiques qui constituent les protéines, l'un des composants de base de l'alimentation tant humaine qu'animale. Plus de vingt acides aminés sont nécessaires à la constitution d'une protéine. Les acides aminés qui ne peuvent pas être produits naturellement par l'organisme doivent être ajoutés aux aliments; on les appelle "acides aminés essentiels". La méthionine, un acide aminé contenant du soufre, appartient à cette catégorie. Si l'alimentation ne contient pas la totalité des acides aminés essentiels, la synthèse des protéines par l'organisme ne peut pas s'effectuer. Le premier acide aminé dont l'absence interrompt la synthèse protéique des autres acides aminés est appelé le "premier acide aminé limitant". La méthionine est le premier acide aminé limitant pour les volailles. Si le contenu naturel en méthionine des aliments donnés aux volailles est faible, des compléments doivent y être ajoutés.

(5) La méthionine est ajoutée aux aliments composés et aux prémélanges destinés à toutes les espèces animales. On l'utilise essentiellement dans l'alimentation destinée aux volailles, mais elle est aussi de plus en plus souvent ajoutée à l'alimentation porcine et aux aliments pour animaux spécialisés.

(6) La méthionine se présente sous deux formes principales:

la DL-méthionine (DLM) et la méthionine hydroxyanalogue (MHA).

(7) La DL-méthionine se présente sous une forme cristallisée blanche, avec un contenu actif de quasiment 100 %.

(8) La méthionine hydroxy-analogue est produite sous forme liquide par Novus (le successeur du producteur américain Monsanto). Son contenu actif nominal est de 88 %. La méthionine liquide a été introduite par Monsanto dans les années 80 et elle représente aujourd'hui environ 50 % de la consommation mondiale.

(9) La bioefficacité relative de ces deux formes rivales est depuis longtemps matière à débat entre les producteurs.

Elles sont utilisées toutes deux aux mêmes fins et proviennent des mêmes matières premières, mais elles sont produites par des procédés différents.

2. LES PRODUCTEURS

RHONE-POULENC (AUJOURD'HUI AVENTIS SA)

(10) Rhône-Poulenc, dont le siège social était situé à Courbevoie, en France, était, à l'époque des faits, une société internationale opérant dans la recherche, le développement, la production et la commercialisation de produits chimiques intermédiaires organiques et inorganiques, de spécialités chimiques, de fibres, de plastiques, de produits pharmaceutiques et de produits agrochimiques.

(11) Ses trois activités centrales étaient les produits pharmaceutiques, la santé végétale et animale et les spécialités chimiques.

(12) En 1998, les ventes totales du groupe Rhône-Poulenc se sont élevées à 86,8 milliards de francs français (13,15 milliards d'écus).

(13) Le 1er décembre 1998, Rhône-Poulenc et Hoechst AG ont annoncé qu'elles avaient conclu un accord prévoyant la fusion de leurs activités dans le domaine des sciences de la vie au sein d'une nouvelle entité, "Aventis" (détenue à parts égales par les deux sociétés mères) et la cession de leurs opérations dans le secteur chimique sur une période de trois ans. L'étape suivante devait être la fusion complète des deux sociétés mères.

(14) Un programme accéléré de mise en œuvre du projet de fusion a été annoncé en mai 1999, sous réserve des autorisations réglementaires et autres.

(15) Le 9 août 1999, la Commission a décidé, en application de l'article 6, paragraphe 1, point b), du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (5), de ne pas s'opposer à la concentration et de la déclarer compatible avec le marché commun (6).

(16) La réalisation de la concentration a été annoncée 15 décembre 1999. Aventis est dirigée par un directoire composé de quatre membres et par un comité exécutif comprenant les quatre membres du directoire et cinq autres cadres dirigeants. Le nouveau groupe comprend deux branches, Aventis Pharma et Aventis Agriculture.

Cette dernière opère dans les domaines de la protection et de la production végétales, de la biotechnologie végétale, de la nutrition animale et de la santé animale. Le Président-directeur général (PDG) d'Aventis Agriculture, qui était auparavant PDG de la division "Santé animale et végétale" de Rhône-Poulenc, est également membre du comité exécutif d'Aventis. La société a son siège social à Strasbourg.

(17) En 2000, les ventes totales estimées du nouveau groupe se sont élevées à 22,30 milliards d'euros.

(18) La société du groupe Rhône-Poulenc responsable de la méthionine à l'époque des faits était Rhône-Poulenc Animal Nutrition ("RPAN"). RPAN était une filiale à cent pour cent de Rhône-Poulenc, spécialisée dans la production et la commercialisation d'additifs nutritionnels, notamment des vitamines et des acides aminés, destinés à l'alimentation des animaux (volailles, porcs et ruminants). Sa raison sociale est aujourd'hui Aventis Animal Nutrition SA ("AAN"). RPAN était directement rattachée et rendait compte exclusivement à la division "Santé végétale et animale" de Rhône-Poulenc SA. Aventis SA et AAN sont toutes deux destinataires de la présente décision.

(19) Le siège social international d'AAN/RPAN est situé à Antony, près de Paris. L'entreprise possède aussi quatre bureaux de vente régionaux pour l'Afrique (situé en France), l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud et la région Asie-Pacifique.

(20) Sur le plan du fonctionnement, RPAN faisait partie de la division "Santé animale et végétale" de Rhône-Poulenc.

(21) Les principaux additifs pour l'alimentation animale produits par AAN/RPAN sont les vitamines A et E (utilisées dans les aliments pour volailles et porcs) et la méthionine.

(22) Rhône-Poulenc fabrique aussi bien de la DL-méthionine que de la MHA, bien que le gros de sa production se fasse sous forme poudreuse. Elle produit de la Dlméthionine sèche dans ses deux usines en France ainsi que dans une usine au Brésil. La forme liquide est produite dans ses installations d'Espagne et des États-Unis d'Amérique.

(23) Les ventes mondiales d'additifs pour l'alimentation animale de Rhône-Poulenc en 1998 se sont élevées à environ [ ] (*) millions d'écus, ce qui représente une part du marché mondial de [ ]*. Dans la Communauté, ses ventes se sont chiffrées à environ [ ]* millions d'écus, soit une part de [ ]* du marché.

(24) En 1998, les ventes mondiales totales de méthionine de Rhône-Poulenc se sont élevées à environ [ ]* millions d'écus, contre 311 millions en 1997.

DEGUSSA AG

(25) Degussa AG (Düsseldorf) a été créée en 2000 par l'intégration de SKW Trostberg et Degussa Hüls, à la suite de la fusion réalisée entre leurs sociétés mères respectives, VIAG et VEBA, pour constituer E.ON. Degussa-Hüls était elle-même née de la fusion en 1998 de deux grandes entreprises chimiques allemandes, Degussa AG (Francfort-sur-le-Main) et Hüls AG (Marl).

(26) En 2000, les ventes estimées des deux parties à la fusion se sont élevées à environ [ ]* d'euros.

(27) Le nouveau groupe est composé de six divisions qui constituent ensemble le département de chimie des spécialités de la nouvelle entreprise Degussa: santé et nutrition, produits chimiques pour la construction, chimie fine et lourde, revêtements et matières de charge avancés, polymères spécialisés et produits chimiques haute performance.

(28) Avant la fusion, l'alimentation animale était du ressort de Degussa-Hüls. Avant sa fusion avec Hüls AG (Marl) en 1998, Degussa AG (Francfort-sur-le-Main) était directement responsable de cette activité.

(29) Degussa est la seule société produisant l'ensemble des trois plus importants acides aminés essentiels: la méthionine, la lysine et la thréonine.

(30) Degussa ne produit que de la DL-méthionine (forme sèche).

NIPPON SODA COMPANY LIMITED

(31) Nippon Soda, dont le siège se trouve à Tokyo, est une grande entreprise de dimension mondiale opérant dans le secteur de la production de pesticides, de produits agrochimiques, d'additifs pour l'alimentation animale, de composés pharmaceutiques et de composés de sodium et de potassium.

(32) Nippon Soda possède conjointement avec Mitsui le producteur américain de MHA Novus International (Nippon Soda étant [ ]*).

(33) Le chiffre d'affaires total réalisé par Nippon Soda Company au cours de l'exercice clôturé en mars 2000 s'est élevé à [ ]*.

(34) Nippon Soda ne fabrique pas de méthionine en Europe. Elle produit de la méthionine en poudre (DLM) au Japon et écoule [ ]* de sa production en Asie et [ ]* dans l'EEE (par l'intermédiaire de Mitsui).

(35) La DLM fabriquée au Japon par Nippon Soda pour être vendue dans l'EEE (et même dans le monde entier) est d'abord vendue au Japon à Mitsui, qui ne fabrique pas elle-même le produit, mais se charge de sa distribution et de sa commercialisation en Europe, par l'intermédiaire de sa filiale européenne.

AUTRES PRODUCTEURS

1. Sumitomo

(36) Sumitomo Chemical Company Ltd, société établie à Osaka et Tokyo, est le plus grand fabricant japonais de produits chimiques, avec une gamme de produits qui couvre les produits chimiques de base, les produits pétrochimiques, la chimie fine, les produits agrochimiques et les produits pharmaceutiques.

(37) À la fin de l'exercice clôturé au 31 mars 2001, les ventes totales du groupe s'élevaient à [ ]*.

2. Novus

(38) Novus International Inc (Saint Louis, Missouri), était autrefois la division "additifs pour l'alimentation animale" de la société Monsanto. En 1991, elle est devenue une nouvelle société indépendante chargée du secteur "additifs" racheté à Monsanto par Mitsui & Co Ltd et Nippon Soda Co Ltd. Elle est détenue à [ ]* par Mitsui & Co (Tokyo), à [ ]* par Mitsui & Co (États-Unis) Inc. (New-York) et à [ ]* par Nippon Soda.

(39) Novus produit de la méthionine analogue sous forme liquide, sous la marque Alimet. Son usine de Chocolate Bayou, au Texas, a une capacité de production de [ ]* tonnes par an, à la suite d'une extension réalisée en 1999.

(40) En 2000, Novus a réalisé un chiffre d'affaires total de [ ]*.

3. LE MARCHÉ DE LA MÉTHIONINE

L'OFFRE

(41) La production de méthionine de synthèse est un processus complexe impliquant l'hydrolyse de protéines courantes. Les trois matières premières les plus importantes utilisées pour produire la méthionine sont l'acroléine, le méthyl mercaptan et l'acide hydrocyanique.

(42) Les producteurs de méthionine sont essentiellement de grandes sociétés de produits chimiques opérant au niveau mondial. La méthionine est généralement produite dans leur division "Additifs pour l'alimentation animale".

(43) Les trois principaux producteurs mondiaux sont Rhône-Poulenc, Degussa et Novus.

(44) Rhône-Poulenc détient environ [ ]* du marché mondial, Degussa [ ]* et Novus (États-Unis) [ ]*. Les sociétés japonaises Nippon Soda [ ]* et Sumitomo [ ]* opèrent également à l'échelle mondiale.

(45) Pour évaluer la taille du marché de la méthionine pendant la période considérée, la Commission a pris en considération plusieurs estimations, notamment celles fournies par les principaux producteurs dans leurs réponses respectives aux demandes de renseignements du 27 juillet 1999 et du 7 décembre 1999.

(46) [ ]*. Le marché communautaire représentait environ 260 millions d'euros.

LA DEMANDE

(47) Les clients qui achètent de la méthionine sont essentiellement des producteurs d'aliments pour animaux (fabricants d'aliments composés) et des producteurs de prémélanges, les aliments pour volailles représentant la majeure partie de la consommation, suivis des aliments pour porcs.

(48) Les producteurs de prémélanges composent un produit concentré comprenant des vitamines et des minéraux, y compris des oligo-éléments, des acides aminés et des médicaments, qui est ajouté aux aliments pour animaux.

Les producteurs d'aliments composés constituent l'étape suivante dans le processus de production des aliments, mais beaucoup d'entre eux achètent la méthionine directement aux producteurs plutôt que sous forme de concentré aux producteurs de prémélanges.

(49) Avec l'augmentation de la demande, les producteurs de bétail destiné à la consommation sont de plus en plus souvent intégrés au sein de vastes organisations industrielles qui produisent des aliments pour animaux, élèvent et abattent les animaux, et préparent ou traitent les produits alimentaires issus de l'abattage.

LES ÉCHANGES INTRACOMMUNAUTAIRES

(50) La méthionine est produite dans trois États membres (Allemagne, France et Espagne) et commercialisée dans l'ensemble de la Communauté. Tous les destinataires de la présente décision sauf un disposaient d'installations de production dans la Communauté (dans certains cas par l'intermédiaire de filiales). De la méthionine provenant de certains pays tiers (dont le Japon et les États-Unis) était également vendue sur le marché communautaire.

(51) La méthionine produite par Aventis SA/AAN en France et en Espagne et par Degussa en Allemagne est vendue dans l'ensemble de la Communauté, ce qui donne lieu à des échanges substantiels entre États membres sur ce marché de produit. En outre, Nippon Soda vend sa méthionine par l'intermédiaire de filiales de Mitsui établies dans certains États membres, ce qui se traduit par des flux commerciaux de ces pays vers d'autres États membres.

C. LA PROCÉDURE

(52) Le 26 mai 1999, Rhône-Poulenc a remis à la Commission une déclaration dans laquelle elle admettait avoir participé à une entente [ ]* portant sur la fixation des prix et l'attribution de quotas pour la méthionine et a demandé à pouvoir bénéficier des dispositions de la communication concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (la "communication sur la clémence").

(53) Rhône-Poulenc n'était pas en mesure de fournir des preuves écrites de l'infraction. Elle a déclaré que les membres concernés du personnel de RPAN soit n'avaient pas constitué de dossiers à ce sujet, soit ne les avaient pas conservés.

(54) Le 16 juin 1999, des fonctionnaires de la Commission et du Bundeskartellamt (Office fédéral des ententes), agissant conformément à une décision de la Commission adoptée en vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, ont procédé à des vérifications dans les locaux de Degussa-Hüls, à Francfort-sur-le-Main.

(55) À la suite de ces vérifications sur place, la Commission a adressé une demande de renseignements à Degussa-Hüls le 27 juillet 1999, conformément à l'article 11 du règlement n° 17, à propos des documents qu'elle avait obtenus de cette entreprise. Degussa-Hüls a répondu à cette demande le 9 septembre 1999.

(56) La Commission a adressé des demandes de renseignements à Nippon Soda, Novus et Sumitomo Chemical le 7 décembre 1999, et à Mitsui le 10 décembre de cette même année. Ces sociétés ont répondu au cours du mois de février 2000. Nippon Soda a présenté une déclaration complémentaire le 16 mai 2000

(57) Le 1er octobre 2001, la Commission a engagé la procédure dans la présente affaire et adopté une communication des griefs à l'encontre de cinq producteurs de méthionine. Le 17 décembre 2001, la Commission a adressé la même communication des griefs à Aventis Animal Nutrition SA ("AAN"), filiale à 100 % d'Aventis SA. Toutes les parties ont présenté des observations écrites en réponse aux griefs formulés par la Commission. Le 21 décembre 2001, le conseil juridique d'Aventis SA et d'Aventis Animal Nutrition SA a informé la Commission qu'il ne présenterait qu'une réponse à la communication des griefs de la Commission au nom des deux sociétés.

(58) Les réponses à la communication des griefs ont été reçues entre le 10 et le 18 janvier 2002. Aventis SA/AAN et Nippon Soda ont reconnu l'infraction et n'ont pas contesté la matérialité des faits. Degussa a également admis l'infraction, mais seulement pour la période 1992-1997. Une audition, au cours de laquelle toutes les parties ont eu la possibilité d'être entendues, s'est tenue le 25 janvier 2002.

(59) Il a été décidé, compte tenu des éléments de preuve, de ne pas poursuivre la procédure à l'encontre de deux autres parties.

D. DESCRIPTION DES FAITS

1. PARTICIPANTS ET ORGANISATION

(60) La structure, l'organisation et le fonctionnement de l'entente se fondaient sur une appréciation commune du marché.

(61) Les représentants habituels des entreprises aux réunions étaient:

- pour Rhône-Poulenc (Aventis SA/AAN): [ ]*,

- pour Degussa: [ ]*,

- pour Nippon Soda: [ ]*.

(62) Les réunions du cartel se tenaient à différents niveaux:

- surtout pendant les premières années, réunions périodiques au plus haut niveau ou "sommets" entre les Présidents, PDG, directeurs généraux, etc.,

- à un stade ultérieur, à partir de 1989, réunions plus techniques au niveau des cadres ou collaborateurs plutôt qu'au sommet (déclaration de Nippon Soda du 23 février 2000, p. 5),

- contacts bilatéraux entre sociétés.

2. LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DE L'ENTENTE

a) OBJECTIFS

(63) Sur la base des déclarations faites par les participants et des documents figurant dans le dossier de la Commission, celle-ci a pu dégager certains éléments essentiels sur lesquels les membres du cartel se sont entendus et qu'ils ont mis en œuvre pendant toute la durée de l'entente et brosser un tableau clair du fonctionnement de celle-ci.

(64) Les trois principaux objectifs poursuivis par les membres du cartel étaient de fixer des objectifs de prix, de s'entendre sur des hausses des prix concertées et d'échanger des informations sur les volumes de vente et les parts de marché.

1. Objectifs de prix et "prix plancher absolu"

(65) Les membres du cartel s'entendaient sur des objectifs de prix à mettre en œuvre. Ils convenaient de fourchettes de prix et discutaient de "l'annonce" des nouveaux prix catalogue par les membres (voir les considérants 82 à 88, 106, 112, 131, 136, 143 à 145, 152 et 153, 156 et 157, 167, 176, 182 et 183).

(66) Les participants convenaient de la nécessité d'augmenter leurs prix. Ils examinaient ce que le marché serait prêt à accepter et convenaient d'une augmentation des prix sur la base du résultat de ces discussions (voir les considérants 98, 103, 106, 112, 128, 136 et 137).

(67) Ces objectifs de prix étaient généralement fixés en [ ]*, mais des objectifs de prix étaient également fixés pour chaque marché national (dans la monnaie nationale et en marks allemands). Les prix étaient examinés par marché national, parfois par client, pour vérifier si les objectifs de prix avaient été atteints (voir les considérants 128, 132, 144, 152, 155, 156 à 159, 161).

(68) Outre les objectifs de prix, les participants s'entendaient aussi sur les prix minimaux pour chaque marché national (dits "prix plancher" ou "prix plancher absolu") (voir les considérants 152 à 155).

2. Augmentations concertées des prix

(69) Les augmentations des prix étaient organisées par "campagnes" et leur mise en œuvre était examinée lors des réunions suivantes du cartel. Plusieurs campagnes d'augmentation des prix ont été mises en évidence (voir les considérants 106, 116 à 118).

3. Échange d'informations sur les parts de marché/les volumes de vente

(70) Les participants échangeaient des informations sur les volumes de vente ou les capacités de production et échangeaient et comparaient leurs estimations respectives du volume total du marché [ ]* (voir les considérants 82, 134, 149, 169 à 171, 183).

(71) La description faite par Nippon Soda du déroulement habituel des réunions trilatérales fait notamment état d'un échange d'informations sur l'offre des principales matières utilisées pour la production de méthionine, les capacités, les taux de fonctionnement des installations et la demande (voir le considérant 170).

(72) Pendant les premières années de l'entente, les participants donnaient même leur avis sur la progression de la croissance du marché à l'avenir et sur sa répartition entre les producteurs en fonction de leur capacité de production (voir le considérant 82).

(73) Bien que cela ne concerne pas nécessairement toute la durée de l'entente, la Commission est en possession d'éléments attestant que, dans certains cas, les participants sont convenus de limiter les importations provenant de pays extérieurs à l'EEE pour maintenir le niveau des prix (voir le considérant 82), ou soutenir les augmentations (voir les considérants 141 et 145).

b) MISE EN OEUVRE

1. Surveillance des ventes

(74) Pour appliquer efficacement les accords constitutifs de l'entente, les participants échangeaient des données sur leurs volumes de vente. Les chiffres échangés étaient compilés et examinés lors des réunions régulières. Les participants utilisaient ces informations comme base de discussion pour déterminer les objectifs de prix (voir les considérants 88, 128, 130, 139, 150, 154).

(75) À un moment donné, Degussa a même proposé d'établir un véritable système de maîtrise des volumes assorti d'un mécanisme de compensation, mais l'entreprise a déclaré qu'il n'avait jamais été mis en œuvre (voir les considérants 134, 148, 149, 164 à 168). En l'absence d'élément indiquant le contraire, la Commission admet qu'un tel système de maîtrise des volumes n'a jamais été mis en œuvre.

2. Réunions multilatérales régulières

(76) La tenue de réunions multilatérales et bilatérales régulières était un élément essentiel de l'organisation du cartel. De 1986 à 1999, on dénombre plus de vingt-cinq réunions multilatérales.

(77) Il s'agissait de réunions périodiques au plus haut niveau ou "sommets" ainsi que de réunions plus techniques au niveau des "cadres" ou "collaborateurs". Les réunions multilatérales étaient souvent précédées ou suivies de réunions bilatérales consacrées à l'examen de questions particulières et à l'échange d'informations concernant la mise en œuvre des arrangements constitutifs de l'entente.

(78) Au début, les réunions au plus haut niveau se tenaient une ou deux fois par an. Bien que la fréquence des réunions ait pu varier d'un bout à l'autre de la période couverte par l'entente, les réunions opérationnelles se tenaient généralement trois ou quatre fois par an et elles étaient organisées à tour de rôle par les participants (voir les considérants 82 et 120).

3. LE FONCTIONNEMENT DE L'ENTENTE

(79) L'entente a connu trois périodes distinctes. Au cours de la première, qui va de février 1986 à 1989, les participants représentaient quasiment la totalité de la production de méthionine et l'accord global a été mis en œuvre sans heurts, les prix suivant une tendance à la hausse.

(80) La fin de la première période a été marquée par le retrait de l'entente de Sumitomo et l'entrée sur le marché de Monsanto, avec une méthionine hydroxyanalogue liquide. À la suite de ces événements, les prix ont commencé à chuter de façon spectaculaire [Rhône-Poulenc (déclaration, p. 4) parle même de 30 % à l'été et l'automne 1989]. Il apparaît que dans un premier temps, les membres restants du cartel (Degussa, Rhône-Poulenc et Nippon Soda) se sont interrogés sur la façon de réagir à cette nouvelle situation: devaient-ils avant tout chercher à regagner des parts de marché ou serait-il plus efficace de se concentrer sur les prix? Il ressort des éléments de preuve contenus dans le dossier de la Commission qu'après avoir tenu plusieurs réunions en 1989 et 1990, les membres du cartel se sont entendus à l'unanimité (du moins en novembre 1990) pour centrer leurs efforts sur l'augmentation des prix. Dans un souci de clarté, la Commission considérera cette "période transitoire", qui couvre 1989 et 1990, comme une deuxième période.

(81) Pendant la troisième période, qui va de 1991 à la fin de l'entente, en février 1999, l'augmentation spectaculaire des ventes de produit liquide de Monsanto (Novus depuis 1991) a forcé les entreprises participantes à s'attacher avant tout à soutenir le niveau des prix.

1986-1989

(82) L'origine du cartel remonte au milieu des années 80. Début 1986, Rhône-Poulenc et Degussa ont pris contact avec Nippon Soda et Sumitomo, parce qu'ils considéraient que les producteurs japonais empiétaient sur "leurs" marchés nationaux [déclaration de Nippon Soda du 23 février 2000, p. 4 (7) et pièces jointes (8)].

(83) En fait, selon Nippon Soda, Rhône-Poulenc, Degussa, Nippon Soda et Sumitomo se sont rencontrées au niveau des responsables de division en février 1986 et ont convenu d'un plan limitant les importations japonaises. Lors de cette réunion, []*, le directeur de division chez Nippon Soda, a accepté de limiter les ventes de sa société au niveau de l'année précédente (1985), soit 14 500 tonnes ou 21,3 % des marchés mondiaux hors États-Unis et Japon. À cette époque, il existait un accord similaire avec Sumitomo, qui avait donc pour objet de limiter les ventes de méthionine "japonaise" sur le marché de l'EEE. Les participants se sont également mis d'accord sur des fourchettes de prix.

(84) Dans sa déclaration complémentaire du 2 février 2000 (pages 3, 15 et 16), Rhône-Poulenc confirme avoir conclu avec Sumitomo un accord prévoyant que celle-ci limiterait ses ventes sur le marché de l'EEE, ce qui confirme la version des faits de Nippon Soda. Sans pouvoir fournir la date exacte de l'accord, Rhône-Poulenc la situe à "un moment donné au cours des années 80". Elle admet également que des contacts ont eu lieu entre producteurs de 1985 à 1988.

(85) Sumitomo confirme également que des réunions avaient eu lieu entre les producteurs susmentionnés au cours des années 80. L'entreprise se souvient avoir rencontré Nippon Soda, Rhône-Poulenc et Degussa en 1987 et 1988, mais déclare que ses représentants avaient l'impression que les autres participants se connaissaient déjà (9).

(86) Si Degussa, Rhône-Poulenc et Nippon Soda confirment toutes trois que leurs premiers contacts remontent au milieu des années 80, ce sont les déclarations et les documents émanant de Nippon Soda qui fournissent le plus de précisions concernant les dates et la teneur de ces contacts. La Commission considérera par conséquent que l'entente a vu le jour en février 1986 (bien que Rhône-Poulenc situe les premiers contacts en 1985 et Sumitomo en 1987).

(87) En ce qui concerne le thème de ces réunions, Nippon Soda déclare (p. 4 de sa déclaration du 23 février 2000) que pendant la réunion de février 1986, les producteurs de méthionine ont discuté et sont convenus de fourchettes de prix et de la limitation des importations japonaises dans l'EEE. La coopération devait se poursuivre et les participants ont décidé d'un commun d'accord de continuer d'organiser des réunions "au sommet" une ou deux fois par an, entre lesquelles s'intercaleraient des réunions au niveau des "collaborateurs " organisées à intervalles plus fréquents pour poursuivre la coopération en matière de prix. Les arrangements en question portaient sur l'ensemble du marché mondial, à l'exception des États-Unis et du Japon, y compris la Communauté européenne.

(88) Bien que Sumitomo déclare n'avoir accepté l'invitation que par curiosité, elle confirme qu'au cours d'une réunion tenue à Francfort-sur-le-Main à l'automne 1987 (10), Nippon Soda, Rhône-Poulenc, Degussa (qui présidait la réunion) et Sumitomo ont échangé et comparé leurs estimations respectives du volume total du marché, donné leur avis sur la progression de la croissance du marché à l'avenir et sur la répartition des quotas entre producteurs (il était question d'un partage en fonction de la capacité de production), communiqué le volume de leurs ventes et leur capacité de production pour l'année écoulée et discuté de l'"annonce" de nouveaux barèmes de prix [réponse de Sumitomo à la demande de renseignements en application de l'article 11, page 8 (11)].

(89) Sumitomo déclare aussi que lors d'une réunion tenue dans les locaux de la division "Santé animale" de Rhône-Poulenc en France, à l'automne 1988, les mêmes participants ont discuté des estimations et de la répartition de la croissance future du marché.

(90) Rhône-Poulenc déclare, pour sa part, que les réunions qui se sont tenues entre les membres du cartel entre 1985 et 1988 ne constituaient pas un "effort concerté" pour parvenir à des accords sur les prix ou manipuler le marché.

(91) Toutefois, à la lumière des éléments de preuve susmentionnés fournis par Nippon Soda et Sumitomo, la Commission ne peut que réfuter cette version des faits. En outre, Rhône-Poulenc admet dans sa déclaration complémentaire du 2 février 2000 qu'"à un moment donné au cours des années 80", elle a conclu avec Sumitomo un "gentlemen's agreement", aux termes duquel Sumitomo s'abstiendrait de vendre de la méthionine en Europe et Rhône-Poulenc resterait en dehors du marché japonais (12). Les contacts entre concurrents qui ont eu lieu dans les années 80 n'étaient donc pas aussi innocents que l'a soutenu Rhône-Poulenc dans un premier temps.

(92) À cet égard, Aventis a déclaré dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission qu'il ne fallait pas voir dans le fait qu'elle avait mis l'accent sur les réunions qui se sont tenues dans les années 90 une tentative de dissimulation des contacts qui avaient eu lieu dans les années 80: il est normal que les souvenirs et les dossiers soient plus complets pour les années 90.

(93) Enfin, en ce qui concerne Sumitomo, elle soutient que la seule raison de sa participation à la réunion qui s'est tenue dans les locaux de la division "Santé animale" de Rhône-Poulenc en France à l'automne 1988 est qu'elle devait annoncer aux autres son intention de ne plus participer à aucune réunion (13).

(94) Ces déclarations sont confirmées par les autres membres du cartel. Dans sa déclaration complémentaire du 2 février 2000 (pages 3, 15 et 16), Rhône-Poulenc indique que Sumitomo a rompu les contacts en 1988 "parce qu'elle estimait qu'ils étaient trop risqués".

Nippon Soda a déclaré (14) que les réunions au sommet, dans leur forme initiale, s'étaient arrêtées fin 1988 ou vers cette époque, au moment où Sumitomo a annoncé son intention de se retirer de la coopération, au motif que le marché s'était développé et qu'elle n'était plus disposée à accepter une limitation de ses ventes.

ÉVOLUTION DE LA SITUATION EN 1989 ET 1990

(95) Rhône-Poulenc déclare que les arrangements antérieurs ont pris fin en 1988 et sont entièrement distincts de ceux des années 90. Dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission, Degussa indique que les arrangements collusoires antérieurs ont pris fin en 1989. Degussa fait également valoir que les éléments de preuve contenus dans le dossier de la Commission ne permettent pas de soutenir que "l'entente de 1986" se serait poursuivie en 1989 et 1990.

(96) La Commission ne peut que réfuter ces arguments. Si les participants (dont Rhône-Poulenc) ont fourni des éléments tendant à prouver que, comme ils le soutiennent, Sumitomo a rompu la coopération fin 1988, ils n'en ont fourni aucun à l'appui de la thèse selon laquelle les parties restantes se seraient fait part mutuellement de leur intention de mettre fin à l'arrangement ou de rompre les contacts. Au contraire, la Commission dispose de preuves attestant que les activités du cartel se sont poursuivies tout au long des années 1989 et 1990:

- Nippon Soda indique clairement que les activités n'ont pas été interrompues: si les réunions annuelles "au sommet" avaient effectivement cessé, les réunions régulières au niveau des collaborateurs se sont poursuivies sans interruption en 1989 et 1990 (15);

- en août 1989, une réunion a eu lieu entre Nippon Soda, Degussa et Rhône-Poulenc (voir les considérants 98 et 99);

- en mai 1990 ou vers cette époque, les membres du cartel ont eu des contacts au sujet d'une augmentation des prix de la méthionine à compter de juillet 1990 (voir les considérants 100 à 106);

- Rhône-Poulenc admet avoir rencontré Degussa le 10 juin 1990 pour discuter de la chute des prix (voir les considérants 107 et 108);

- en novembre 1990, les participants se sont à nouveau rencontrés et sont convenus d'augmenter leurs prix (voir les considérants 112, 115 à 120).

(97) Ainsi, non seulement les parties restantes n'ont jamais manifesté la moindre intention de mettre fin aux accords, mais - contrairement à ce qu'ont soutenu Degussa et Aventis - les activités du cartel se sont poursuivies avec la même intensité.

(98) À l'appui de sa déclaration selon laquelle les réunions régulières ont continué en 1989 et 1990, Nippon Soda a communiqué une note d'information datée du 5 mai 1990 (16), qu'elle avait établie en vue de ses discussions avec Degussa et dont il ressort qu'une réunion a en fait eu lieu entre Nippon Soda, Degussa et Rhône-Poulenc en août 1989. En outre, la note montre que les membres du cartel ont discuté d'augmentations des prix en 1990 (voir les considérants 100 à 106).

(99) Lors de la réunion susmentionnée, Nippon Soda et Rhône-Poulenc ont tenté de persuader Degussa de ne pas pratiquer des prix aussi bas que ceux qui étaient alors offerts par Monsanto et Sumitomo. [ ]* (de Degussa) s'est rendu au Japon à l'automne 1989; au cours de discussions sur les prix avec Nippon Soda, il a justifié les ventes "au rabais" de Degussa en disant qu'elles étaient nécessaires pour maintenir les volumes de vente de la société et réduire ainsi les coûts fixes.

(100) La note du 5 mai 1990 confirme en outre que le cartel était toujours en activité, même si la question de savoir comment réagir face à la nouvelle situation créée par l'entrée de Monsanto sur le marché en 1988-1989 a pu jeter le trouble parmi les participants.

(101) En effet, la note poursuit en expliquant que la politique pratiquée par Degussa début 1990 consistait à reprendre des clients pour la méthionine à Monsanto en proposant des prix bas même aux petits clients, ce qui, selon Nippon Soda, revenait à "ignorer les effets de son comportement sur l'ensemble du marché de la méthionine ".

(102) Nippon Soda s'est déclarée indignée car Degussa ([ ]*) lui avait donné la nette impression qu'elle estimait que l'instabilité des prix était due à la présence de trop nombreux concurrents et que les Japonais devaient par conséquent se retirer du marché.

(103) La note montre qu'en dépit des difficultés manifestes qu'ils ont eues pour coordonner leur action, les participants ont continué de se rencontrer et s'accordaient à considérer que la tendance à la baisse des prix devait être inversée. Nippon Soda note que Degussa, après avoir atteint, par sa campagne de rabais, ses objectifs en termes de volume des ventes et de taux d'utilisation de ses usines, cherchait à accroître la rentabilité de ses activités en proposant une augmentation des prix. Monsanto avait annoncé une augmentation qui devait avoir lieu ce mois-là. "Considérant manifestement que juillet était un bon moment pour annoncer une augmentation de prix, Degussa tentait de sonder Nisso et Rhône-Poulenc sur la possibilité d'organiser une autre réunion tripartite dans un proche avenir".

(104) La position de Rhône-Poulenc sur les prix était légèrement différente de celle de Degussa et consistait à vouloir maintenir les niveaux de prix: "Rhône-Poulenc ne semblait pas très intéressée par la proposition d'un effort conjoint en vue d'augmenter les prix. Elle semblait plus intéressée par la façon de faire face à une éventuelle poursuite de la baisse du prix que par une proposition d'action concertée en vue de l'augmenter".

(105) En mai 1990, le point crucial pour Nippon Soda était de parvenir à convaincre Rhône-Poulenc de soutenir la proposition d'action sur les prix: "aucun effort commun d'augmentation des prix ne pourrait réussir sans la participation de Rhône-Poulenc". Avec le récent changement de personnel chez RPAN et le remplacement de [ ]* par [ ]*, Nippon Soda estimait qu'elle devait continuer à faire des efforts pour entretenir des contacts étroits avec les supérieurs de celui-ci chez Rhône-Poulenc.

(106) Quelles qu'aient pu être la manière dont les différents participants percevaient la nouvelle situation du marché (créée par l'entrée sur le marché de Monsanto) et leur attitude face à cette évolution, Degussa, Rhône-Poulenc et Nippon Soda se sont rencontrés à plusieurs reprises en 1989 et 1990 pour discuter des prix et des données concernant le marché et pour décider de leur réaction commune face à la nouvelle situation du marché. C'est ainsi qu'à la mi-1990 ils étaient parvenus à un accord total sur le plan d'organisation du marché centré sur les prix. La note (datée de mai 1990) montre clairement que les parties envisageaient d'augmenter leurs prix pour juillet 1990, mais elle ne permet pas de savoir si elles ont ou non effectivement mis en œuvre l'augmentation ayant fait l'objet des discussions. Le compte rendu d'une réunion des membres du cartel qui s'est tenue le 7 novembre 1990 permet cependant de penser qu'une "première" campagne d'augmentation des prix avait eu lieu avant 1991 (voir les considérants 116 à 118). En tout état de cause, il est au moins établi que, contrairement à ce qu'ont déclaré Aventis et Degussa, les parties ont été en contact, ont échangé des informations sur les prix et les ventes et ont discuté d'augmentations des prix en 1989 et 1990.

(107) Rhône-Poulenc déclare (17) avoir à nouveau rencontré des représentants de Degussa le 10 juin 1990 dans les bureaux de Degussa à Francfort-sur-le-Main pour discuter de la baisse des prix.

(108) Les participants à cette réunion étaient [ ]* et [ ]* de Rhône-Poulenc ainsi que [ ]*, [ ]* et [ ]* de Degussa. (Dans sa déclaration complémentaire, Rhône-Poulenc a modifié sa déclaration antérieure selon laquelle Nippon Soda avait également participé à cette réunion). [ ]* était directeur général de la division "Chimie fine et chimie lourde" de Degussa et [ ]* [ ]* de la division "Nutrition animale" de Rhône-Poulenc (RPAN).

(109) Dans sa déclaration complémentaire (page 3) (18), Rhône-Poulenc ajoute qu'au moment où [ ]* est entré dans la société en avril 1990, il a été "encouragé" par [ ]* et [ ]* (son prédécesseur) à se mettre en rapport avec [ ]*, de Degussa, afin de reprendre des contacts réguliers.

(110) Rhône-Poulenc déclare que lors de la réunion du 10 juin 1990, ses représentants et ceux de Degussa ont décidé de contacter Nippon Soda afin de l'amener à participer au projet. [En fait, comme il est expliqué ci-dessus et ainsi que Nippon Soda l'a admis (19), l'entente de 1986 n'avait jamais cessé et Nippon Soda était déjà partie aux arrangements]. [ ]* a organisé une réunion avec Nippon Soda, qui a eu lieu à Hong Kong le 19 novembre 1990 ou vers cette date. Nippon Soda a fourni [pièce jointe b à sa déclaration du 23 février 2000 (20)] un compte rendu d'une réunion des cadres qui s'est tenue à Séoul, le 7 novembre 1990 (dont il se peut fort bien que ce soit en fait la même réunion que celle que Rhône-Poulenc situe à Hong Kong).

(111) Avant la réunion tripartite, [ ]* et [ ]* s'étaient à nouveau rencontrés à Versailles pour échanger des informations sur le marché (d'après Rhône-Poulenc), mais aussi, probablement, pour se mettre d'accord sur la position qu'ils adopteraient vis-à-vis de Nippon Soda. [ ]* a transmis les chiffres de vente de Rhône-Poulenc à [ ]* et ils ont tous deux tenté de déterminer la taille du marché mondial.

(112) Rhône-Poulenc a déclaré qu'au cours de la réunion de novembre, les trois sociétés sont convenues de la nécessité d'augmenter leurs prix. Après avoir examiné ce que le marché supporterait, elles ont décidé de porter les prix de 2,50 à 2,8 dollars des États-Unis par kilogramme (USD/kg).

(113) Rhône-Poulenc était représentée par [ ]* et [ ]*, Degussa par [ ]* et Nippon Soda par [ ]*.

(114) Les participants se sont mis d'accord pour continuer à tenir des réunions régulières en différents endroits d'Europe et d'Asie, qui se sont finalement avérés être Taipei, Singapour, Bangkok, Tokyo, Paris, Vienne, Londres, Nice, Bruxelles, Rome, Copenhague, Düsseldorf, Hambourg et Strasbourg.

(115) La note de Nippon Soda (21) relative à la réunion de Séoul (s'il s'agit bien de la même que celle dont Rhône-Poulenc déclare qu'elle s'est tenue à Hong Kong) du 7 novembre 1990 rend compte de façon un peu plus complète des discussions.

(116) Bien qu'il soit dit de Rhône-Poulenc et Degussa qu'elles se seraient "montrées inquiètes à propos du projet de deuxième augmentation des prix", en raison de la faiblesse du dollar et du silence apparent de Monsanto à propos de l'augmentation prévue, il ressort du contexte de la note que les trois parties se sont mis d'accord sur une "seconde augmentation des prix" (cette seconde "campagne" ayant pu se dérouler en deux phases, avec une augmentation le 1er janvier et une autre le 1er avril 1991).

(117) En plus de fournir la preuve évidente de la décision concertée des membres du cartel de mettre en œuvre une augmentation des prix dans le courant de l'année 1991, le compte rendu fait par Nippon Soda de la réunion du 7 novembre 1990 indique aussi qu'une "première" augmentation des prix avait eu lieu précédemment. Il s'agit très probablement de l'augmentation des prix envisagée pour juillet 1990, ce qui confirme que, contrairement à l'impression donnée par Rhône-Poulenc selon laquelle le cartel n'a été mis en place que fin 1990, l'augmentation des prix de juillet 1990 avait déjà été concertée dans le cadre d'une "première campagne" (voir le considérant 106).

(118) Les prix en dollars cités dans cette note sont plus élevés que ceux mentionnés par Rhône-Poulenc dans sa déclaration (2,80 USD/kg): la première augmentation de janvier devait faire passer le prix à 3,30-3,50 USD/kg et la seconde à 3,60-3,70 USD/kg en avril. Ces indications de prix montrent qu'au moment de la réunion tripartie qui s'est tenue en Extrême-Orient en novembre 1990, l'augmentation des prix de juillet 1990 avait permis de ramener les prix, qui avaient baissé pendant le premier semestre, à leur niveau du début de l'année.

(119) En ce qui concerne les prix en Europe, la note est, en effet, explicite:

"Compte tenu de ce qui précède, les trois parties ont convenu ce qui suit (...) dans la zone mark allemand, où le prix était de 5,10 DEM/kg, ce qui correspondait à 3,40-3,50 USD/kg, il serait difficile, en pratique, de procéder à une nouvelle augmentation. Le prix en vigueur devrait donc demeurer inchangé au cours du premier trimestre 1991. Toutefois, pour des raisons défensives, une augmentation de prix d'environ 10 % devrait être annoncée, qui prendrait effet en avril 1991;

Rhône-Poulenc et Degussa devraient, chacune de son côté, contacter Monsanto pour tenter de la persuader de se rallier à une deuxième campagne d'augmentation des prix. Pour que l'on soit prêt pour l'augmentation des prix prévue pour janvier 1991 et après, les réunions avec Monsanto devraient avoir lieu en novembre 1998 [sic] (22) (23);

(...)

une autre réunion devrait avoir lieu fin février (le 26) 1991, en Europe, afin de poursuivre la discussion sur les prix des produits pour avril 1991 et après".

(120) Ainsi qu'il avait été convenu lors de la réunion de novembre 1990 qui s'est tenue en Extrême-Orient, à partir de 1991, les représentants de Degussa, de Rhône-Poulenc et de Nippon Soda se sont rencontrés trois ou quatre fois par an dans des villes différentes d'Europe et d'Asie, les participants organisant ces réunions à tour de rôle [déclaration complémentaire de Rhône-Poulenc, p. 4; réponse de Nippon Soda, p. 9 (24)].

(121) Des documents relatifs à plusieurs de ces réunions qui ont été découverts chez Degussa portaient la mention "sommet", bien que Nippon Soda ait expliqué qu'à partir de 1989, les réunions régulières ne se tenaient plus au plus haut niveau, mais au niveau des "cadres" ou "collaborateurs " [réponse de Nippon Soda, p. 5 (25)].

(122) Nippon Soda a fourni [déclaration du 23 février 2000, p. 9 et 10 (26)] une liste de neuf réunions trilatérales à propos desquelles des informations étaient disponibles mais, comme elle le souligne, les réunions avaient lieu trois fois par an (quatre fois selon Rhône-Poulenc); les autres réunions, à propos desquelles Nippon Soda ne détenait que des informations incomplètes, sont mentionnées à la page 10 de sa déclaration du 23 février 2000 (27).

(123) Rhône-Poulenc a fourni une liste plus complète des réunions qui ont eu lieu à partir de 1990, mais en faisant observer que les dates sont approximatives et donc pas nécessairement exactes [annexe à la déclaration complémentaire (28)].

(124) Degussa a fourni une liste de réunions régulières [voir page 5 de sa réponse du 9 septembre 1999 au titre de l'article 11 (29)], qui commence par celle qui s'est tenue à Lisbonne en mars 1992.

(125) Pour la période antérieure, elle n'admet que deux réunions (qui, selon elle, ont eu lieu en 1991) avec Rhône-Poulenc (à Paris et à Francfort-sur-le-Main), mais affirme qu'elles n'avaient aucun rapport avec les réunions "au sommet"; toujours d'après elle, les deux producteurs ont procédé à un échange de vues général sur l'évolution du marché et les capacités de production de méthionine. Ces réunions peuvent en fait fort bien correspondre aux trois réunions qui, selon Rhône-Poulenc, ont eu lieu à Francfort-sur-le-Main en juin et en août 1990 et à Paris fin 1990, avant la réunion avec Nippon Soda en Extrême-Orient. Il ressort également clairement de la déclaration de Rhône-Poulenc que ces réunions n'étaient pas aussi innocentes que le prétend Degussa. Dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission, Degussa déclare n'avoir en mémoire aucune réunion antérieure aux deux réunions de 1991, aucun salarié actuel de l'entreprise n'ayant le moindre souvenir d'arrangements antérieurs à 1992. Elle soutient également que la Commission n'est pas en possession de dates exactes de réunions organisées en 1990 ou 1991. À la lumière des éléments de preuve dont il est fait état dans les considérants précédents, la Commission ne peut cependant que réfuter cet argument.

1991-1998

(126) Au cours des vérifications opérées dans les locaux de Degussa, la Commission a pu obtenir des notes manuscrites complètes prises par [ ]* lors d'une série de réunions régulières ([ ]* a été le directeur du marketing du secteur "Additifs pour l'alimentation animale" de Degussa d'octobre 1991 à fin 1994).

(127) La première de ces réunions est celle qui s'est tenue à Lisbonne du 15 au 17 mars 1992 (30). Les abréviations utilisées par [ ]* pour les différents intervenants montrent que les personnes suivantes figuraient parmi les participants: pour Rhône-Poulenc, [ ]*, [ ]* et [ ]*; pour Degussa, [ ]* et [ ]* et pour Nippon Soda, [ ]* et [ ]. [Un autre document (31) semble porter sur une réunion bilatérale entre Degussa et Rhône-Poulenc qui a eu lieu peu avant cette réunion].

(128) Après avoir échangé des prévisions sur le niveau des prix pour l'année en cours, les participants à la réunion ont passé en revue les prix en vigueur par région et par pays, les perspectives d'augmentation et la situation par client.

(129) Pour l'Europe, les observations commencent ainsi (32):

"Pourquoi pas 6,20:

1. produits russes (400-500 t octobre-février)

2. influence des stocks

3. augmentation progressive des prix de Novus

4. - 1500 t Deg. // - 1500 t RP + MHA (5 mois).".

(130) Il en ressort clairement que les participants avaient espéré fixer l'objectif de prix à 6,20 marks allemands [d'après Degussa, réponse au titre de l'article 11, p. 14 (33)]; les producteurs se sont montrés "généralement déçus" que le prix de la méthionine ne se soit pas stabilisé à plus de 6 marks allemands).

(131) Un barème de prix interne trouvé chez Degussa (34) semblerait indiquer qu'à la fin du mois de février, l'"objectif" de prix pour le premier trimestre 1992 était de 5,90 marks allemands et le prix plancher de 5,80 marks allemands. Compte tenu du fait que les réunions trimestrielles régulières étaient essentiellement axées sur la fixation du prix et que pour plusieurs des réunions dont [ ]* a rendu compte, un barème de ce type était joint à ses notes, on peut raisonnablement penser qu'il existait un lien étroit entre le "barème" interne de Degussa et les réunions.

(132) Les producteurs ont ensuite procédé à un tour d'horizon des différents marchés nationaux en Europe. Un nouveau prix de 6,05 marks allemands devait être annoncé en Allemagne par Degussa. Il a été dit qu'un client (Bela-Mühle) avait reçu des propositions de prix de 5,90-5,95 marks allemandspour le deuxième trimestre de 1992. Rhône-Poulenc avait fait passer ses prix à 6-6,05 marks allemands. (La discussion s'est poursuivie dans le même sens pour la Belgique, la France, la Grèce, le Royaume-Uni, l'Irlande, les Pays-Bas, l'Italie, la Norvège, la Finlande, la Suède, l'Autriche, le Portugal, l'Espagne et la Suisse).

(133) La réunion au sommet suivante au sujet de laquelle [ ]* a établi un compte rendu s'est déroulée à Taipei, en juillet 1992 (35).

(134) Après des discussions sur la manière de contrer les importations provenant de Russie via les distributeurs, les participants ont examiné les volumes de vente en Europe. Degussa, qui avait "perdu"2 500 tonnes au cours des six premiers mois de l'année, a été considérée comme le principal "perdant"; les ventes de Rhône-Poulenc et de Nippon Soda avaient également légèrement baissé. Les grands gagnants étaient Novus et les Russes. Les participants ont dressé un bilan faisant apparaître un déficit de 700 tonnes, qui pouvait être compensé par des exportations plus faibles et des réimportations.

(135) Lors de la réunion qui s'est tenue à Tokyo les 22 et 23 novembre 1992 (36), la question des importations russes a de nouveau été évoquée. Un examen du marché mondial a fait apparaître, par rapport à l'année précédente, une augmentation de la demande de 4 à 5 %.

(136) Une note rédigée par [ ]* (37) (l'identité de l'auteur n'est pas contestée) fin 1992/début 1993 apporte des éléments d'information supplémentaires. Il n'est pas possible d'établir avec certitude si elle concerne la réunion de novembre 1992 ou celle tenue à Singapour le 2 février 1993. Il semblerait qu'à cette époque, le prix de la méthionine avait recommencé à baisser. La note commence ainsi: "Prix pour l'Europe: T4-92 = 5,60 en moyenne; T1-93 = 5,20 en moyenne".

Les producteurs ont discuté d'une hausse de prix annoncée par Rhône-Poulenc, mais apparemment seulement pour sa MHA. La note dit ceci:

"Annonce d'une augmentation de prix RP uniquement pour NP 99. Augmentation de 15 % à 6,40 DEM (= 21,80 FRF) publiée la semaine dernière en F (dernière semaine de janvier).".

(137) De fait, un barème Degussa (38) identique de par sa forme à la note interne trouvée chez Degussa (39) (et établi sur la base du taux de change du 26 février 1993) fait état, pour le deuxième trimestre 1993, d'un objectif ("Ziel") de 6,40 marks allemands et d'un "plancher" de 6,20 marks allemands, bien qu'une annotation manuscrite indique que ce chiffre inférieur a par la suite été adopté comme "objectif".

(138) [ ]* a rédigé des notes concernant la réunion qui s'est tenue à Nice le 1er (ou le 2) juin 1993 (40). Les participants se sont entretenus de la situation dans le domaine des matières premières. Ils ont également examiné en détail le problème russe, avant de passer en revue les différents marchés nationaux et régionaux. Il a été noté que Novus vendait son produit Alimet en Allemagne au prix de 4,50 marks allemands (ou 5,62 marks allemands pour la forme cristallisée).

(139) Nippon Soda a communiqué à la Commission une note concernant une réunion bilatérale avec [ ]*, de Degussa, qui avait eu lieu quelques semaines auparavant et qui a notamment porté sur la préparation de la réunion du "club" à Nice (41). En fait, les sujets "d'intérêt commun" évoqués avec Degussa concernaient la Chine, Taiwan, les Philippines et l'Australie. Lors d'une réunion préparatoire distincte entre Nippon Soda et Rhône-Poulenc, qui avait eu lieu la veille de la réunion du "club" de Nice, il avait également été question du marché européen. Parmi les sujets abordés figuraient la mise en œuvre d'une augmentation de prix (qui avait été retardée du fait que des produits étaient toujours offerts aux anciens prix mais commençait à être acceptée en mai), les activités des "fauteurs de troubles" (c'est-à-dire les clients revendant à bas prix) aux Pays-Bas et ailleurs et les prix proposés par Nippon Soda à BP au Royaume-Uni (42).

(140) Nippon Soda a également communiqué sa propre note détaillée sur la réunion du "club" de juin 1993 à Nice (43).

(141) On y trouve exposé le contenu de l'accord passé entre Rhône-Poulenc et les Russes: les exportations russes devaient se limiter à 6 000 tonnes destinées à Rhône-Poulenc, plus 1 000 tonnes qui devaient être vendues à Welding, un négociant allemand. Rhône-Poulenc allait prendre contact avec Welding pour lui demander de "suspendre toutes les ventes pendant que nous nous efforçons de faire monter le prix du marché de la méthionine" (p. 3).

(142) La note de Nippon Soda sur la réunion du "club" de juin 1993 est beaucoup plus détaillée que celle de Degussa en ce qui concerne le marché européen.

(143) La seconde moitié de la réunion a été consacrée à "l'examen de l'évolution récente des marchés régionaux et la détermination de l'objectif de prix pour le 3e trimestre civil".

(144) La note fait état de longues discussions sur l'objectif de prix pour l'Europe, préalablement fixé à 6,20-6,40 marks allemands par kilogramme (DEM/kg) (voir les considérants 136 et 137). Des cadres de Nippon Soda qui avaient voyagé dans toute l'Europe au mois de mai, avaient noté que le prix type sur le marché était de 6 florins néerlandais aux Pays-Bas, 2,30 livres sterling au Royaume-Uni et 125 francs belges en Belgique. Le marché était considéré comme très calme. Rhône-Poulenc a déploré que Degussa vende au-dessous de l'objectif de prix [ ]*, ce qui avait pour conséquence que des produits revenaient en Europe pour y être revendus à seulement 5,32-5,33 DEM/kg. Malgré les problèmes posés par la fixation des prix en Europe "il a été convenu, pour l'essentiel, que l'objectif de prix en vigueur de 6,20 DEM/kg resterait inchangé pendant le troisième trimestre civil, à l'exception des prix applicables au Portugal et en Espagne, pays dont les monnaies venaient d'être une nouvelle fois dévaluées de 6 %, ainsi qu'au Royaume-Uni, où, selon ce qui avait été convenu précédemment, l'objectif de prix devait être relevé en deux phases, qui seraient fixés ultérieurement" (44).

(145) L'écart important entre les objectifs de prix prévus respectivement pour l'Europe (6,20 marks allemands/kg, soit 3,80 dollars États-Unis) et pour l'Extrême-Orient (seulement 3,30- 3,40 dollars États-Unis, soit 5,25-5,40 marks allemands) constituait un sujet de préoccupation. Si un tel écart devait être maintenu, il y avait tout lieu de craindre que les produits provenant d'Europe soient réexportés et déstabilisent ainsi les prix.

(146) La réunion suivante des membres du cartel s'est tenue à Hambourg le 6 septembre 1993 [notes de [ ]* (45)]. Cette réunion a porté sur le projet d'acquisition par ADM (Archer Daniels Midland) d'une participation de 25 % dans l'usine Rhône-Poulenc d'Institute, en Virginie. La rentabilité de Novus a été également longuement examinée, de même que sa position sur le marché et ses objectifs. Les participants ont spéculé sur ce que Novus pouvait espérer en augmentant les prix et ils se sont posé la question, quelque peu sibylline, de savoir si "elle avait besoin d'une autre leçon".

(147) Degussa a proposé que l'on donne à [ ]* (directeur de Novus pour l'Europe) la possibilité de faire ses preuves en augmentant les prix de Novus de 15 % en contrepartie d'une garantie sur les volumes et les clients (46) (47).

(148) Ainsi qu'il ressort de la conclusion du compte rendu de [ ]*, un projet de répartition des volumes avait été esquissé: "Huit régions envisagées (ni pays/ni clients) uniquement si Novus participe; seulement si les objectifs de parts de marché sont connus".

(149) Il était prévu que le système (qui devait comprendre un mécanisme de compensation) ait pour base les ventes réalisées au cours des trois dernières années (1990-1992). Dans sa réponse à la communication des griefs, Degussa soutient que la conclusion précitée signifie que, selon [ ]*, un système de répartition des volumes ne pouvait être mis en œuvre sans la coopération de Novus. Degussa indique en outre dans sa réponse à la communication des griefs que l'échange régulier de chiffres concernant les volumes (voir le tableau figurant à la page 198 du dossier) servait de base pour convenir de modifications de l'objectif de prix et n'a jamais eu pour résultat la répartition des volumes ou des clients entre les participants.

(150) Lors de la réunion suivante, qui a eu lieu à Tokyo le 2 décembre 1993 (la date manuscrite du "2.12.92" est une erreur), les thèmes habituels (contrôle des ventes russes et Novus) ont été abordés (48). Les participants étaient manifestement préoccupés par le défi lancé par Novus, qui était en train de s'adjuger la part la plus élevée du marché de la méthionine avec son produit analogue liquide. Ses ventes en Europe avaient augmenté de 500 tonnes, alors que les parts de marché relatives de Rhône-Poulenc, de Degussa et de Nippon Soda avaient baissé (voir le tableau au bas de la page 3 de la note).

(151) La bioefficacité relative de la DLM et de la MHA en termes de tonnage a aussi été examinée. Dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission, Degussa explique qu'il était question d'une proposition de Degussa visant à fixer l'objectif de prix de la MHA à 80 % de celui de la DLM (pour l'Europe).

(152) La liste jointe à la note de [ ]*, et qui porte la même date, témoigne à nouveau des efforts soutenus accomplis par les producteurs pour maintenir les prix (selon Rhône-Poulenc, il s'agit de leur principale préoccupation, déclaration, p. 5). Il apparaît clairement que la pression à la baisse constatée lors de la réunion de Nice avait obligé les participants à réviser leurs objectifs à la baisse. L'objectif de prix de 6,20 DEM/kg n'était plus jugé réaliste. Pour chaque marché national ([...]* tous les États membres de cette époque), la note indique: i) l'"objectif de prix" (Ziel Q3-93) dans la monnaie nationale et en marks allemands ou dans une monnaie équivalente; ii) le prix "plancher" dans les mêmes monnaies pour la même période; iii) certains prix "courants" (Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, France, Espagne, Italie) et le prix équivalent d'Alimet et du produit liquide de Rhône-Poulenc (AT 88).

(153) L'"objectif de prix" (qui avait été fixé au début de l'année à 6,20 marks allemands) était désormais de 5,65 marks allemands, et le prix "plancher" de 5,50 marks allemands. Ces prix semblent toutefois avoir encore été révisés à la baisse par la suite, soit respectivement à 5,40 marks allemands et 5,20 marks allemands (49).

(154) La réunion régulière suivante pour laquelle [...]*, comme à son habitude, a rédigé un compte rendu (50), s'est tenue à Berlin, du 1er au 3 mars 1994. Le prix ayant continué à baisser, il a été proposé de procéder à une augmentation en mai/juin. Les prix pratiqués en Europe ont été analysés par marché national, avec mention des clients, des nouveaux prix et des prix plancher.

(155) Dans le cadre de cette réunion, un barème de prix (se présentant sous la même forme que celui joint à des rapports antérieurs) a été élaboré et mis à jour à la fin du mois de janvier 1994. L'objectif de prix retenu était 5,40 marks allemands et l'équivalent de ce montant dans les autres monnaies, mais avec un nouveau "prix plancher absolu" pour chaque marché national; la dernière colonne, intitulée "Remarques" ("Bemerkungen"), contient plusieurs prix minimaux manuscrits avec l'annotation "jusqu'au 15.5. Degussa doit annoncer 5,50" (51).

(156) Une autre réunion trimestrielle a eu lieu à Königstein le 7 juin 1994 ou vers cette date (52) (les notes de [...]* contiennent notamment des commentaires sur les prix pratiqués au Danemark, en Italie, en Espagne et en Belgique). Pour le Danemark, on relève une annotation brève "Alle informiert, mündlich" ("tous informés, oralement "), ce qui signifie probablement que les clients avaient été avertis de l'augmentation prochaine du prix.

(157) Le 4 juin 1994, Degussa a annoncé en bonne et due forme, dans la presse professionnelle ("Ernährungsdienst ") que le prix était porté à 5,50 marks allemands dans toute l'Europe. La presse ("Les marchés" du 16 juin 1994) a également annoncé que Rhône-Poulenc avait augmenté de 10 % ses prix de la méthionine en poudre et de la méthionine liquide (Rhodimet AT 88) (53).

(158) [ ]* a également rédigé des notes exhaustives en préparation de la réunion trilatérale de novembre 1994 (54). La situation des prix dans chaque pays y est résumée, avec des commentaires sur certains clients.

(159) En Allemagne (par exemple), les prix du marché se situaient entre 5,05 et 5,15 marks allemands. Un client (Bela) bénéficiait même d'un prix inférieur fixé à 5 marks allemands; Rhône-Poulenc était soupçonnée de lui vendre des produits russes. En ce qui concerne la France, les prix étaient jugés satisfaisants, mais les quantités "catastrophiques".

(160) [ ]* fait mention de l'augmentation de prix (probablement celle de l'été 1994) en notant que "l'objectif de prix" n'a pas été atteint: de grandes quantités étaient vendues à moins de 5 DEM/kg. La note contient un commentaire succinct: "mettre le barème à jour".

(161) [ ]* semble également avoir rencontré ou contacté des représentants de Nippon Soda le 24 novembre 1994, juste avant la principale réunion, afin de discuter des prix en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni (55).

(162) Lors de la dernière réunion au sujet de laquelle [ ]* a rédigé des notes (56) (elle s'est tenue à l'hôtel Juan Carlos Ier à Barcelone, du 27 au 29 novembre 1994), après les discussions habituelles sur la Russie, la Chine et Novus, les participants ont réfléchi sur le fait qu'ils n'avaient, jusque-là, jamais réussi à avoir une vision stratégique de l'évolution du marché.

(163) Une "amélioration constante" de la rentabilité de la méthionine avait été enregistrée entre 1991 et 1993, mais l'année 1994 avait vu un rétrécissement des marges bénéficiaires.

(164) Les observations de [ ]* (et la position des autres participants) ont été consignées en ces termes:

"Dans le passé: compensation après résolution d'un problème; ??

Nous n'agissons pas de façon stratégique, mais seulement de façon tactique, au cas par cas;

C'est le personnel de vente qui détermine la marche des affaires.

"Je suis disposé à compenser pour ce qui est des affaires que d'autres ont perdues": [ ]*

Proposition: toujours compenser les pertes de volume en 1995, bonne situation dans la mesure où les stocks de Novus sont faibles.".

(165) C'est au cours de cette réunion que le projet de contrôle des volumes a une nouvelle fois été examiné:

"Objectifs 1995

Proposition de [ ]*: indexation basée sur le volume des ventes 1994 (= 100 %).

Après le 1er trimestre, se réunir et comparer les chiffres après le 2e T.".

(166) Les producteurs ont également examiné les prix sur chaque marché, peut-être au cours d'une séance distincte (57). Là encore, [ ]* a établi un compte rendu relativement détaillé des discussions. [ ]*, de Rhône-Poulenc, a évoqué les années antérieures avec nostalgie:

"Il n'y a jamais eu de problème entre [ ]* (58) et moi-même;

par la suite beaucoup de choses ont été contrôlées".".

(167) En Europe, le prix couramment appliqué était alors de 5,20 marks allemands. Les participants se sont mis d'accord sur un nouvel objectif de prix de 5,80 marks allemands, dont l'entrée en vigueur au 1er janvier 1995 devait faire l'objet d'une annonce dans la presse spécialisée (pour l'Italie et le Royaume-Uni, les objectifs de prix et les prix plancher devaient entrer en vigueur "immédiatement, sans exceptions!").

(168) Les réactions des participants à la proposition de Degussa sur les quotas n'ont pas été consignées. Dans sa réponse du 9 septembre 1999 à la demande de renseignements de la Commission (p. 21), Degussa affirme que la proposition de [ ]* n'a pas été retenue, au motif que cela ne valait pas la peine de procéder à un tel exercice, dans la mesure où les trois participants à la réunion ne détenaient ensemble que 65 % du marché, de telle sorte qu'un échange de leurs chiffres respectifs n'aurait pas permis d'obtenir une image exacte de ce marché. Degussa confirme sa position dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission.

(169) Même s'il est possible que les participants n'aient jamais mis en œuvre de système de répartition des volumes, ils ont régulièrement échangé des chiffres concernant leurs ventes. De fait, Rhône-Poulenc a indiqué dans sa déclaration (p. 5) qu'au cours des réunions, les trois concurrents "échangeaient souvent des données chiffrées sur leurs ventes, calculées sur une base régionale ou nationale". Elle s'est ensuite rétractée sur ce point dans sa déclaration complémentaire (p. 5).

(170) Nippon Soda confirme cependant que, selon le déroulement habituel des réunions trilatérales, des informations étaient (notamment) échangées sur l'offre des principales matières utilisées pour la production de méthionine, les capacités, les taux de fonctionnement des installations et la demande (déclaration complémentaire, p. 12).

(171) On a également trouvé chez Degussa un tableau manuscrit (59) qui compare les parts de marché (en pourcentage) de Novus, Rhône-Poulenc, Degussa, Nippon Soda et Sumitomo, dans le monde et par région ([ ]*), pour les années 1993, 1994 et 1995.

(172) Le tableau a été établi par Degussa à partir d'une base de données informatique et il a ensuite été régulièrement mis à jour. Il indiquait les tonnages vendus par chaque producteur sur chaque marché national. Bien que Degussa affirme que les informations relatives à ses concurrents aient été obtenues à partir de ses propres sources "internes", la précision de la plupart de ces données semble indiquer le contraire, de même que le fait que des données sur les ventes étaient régulièrement échangées au cours des réunions. Chez Degussa, les tableaux étaient distribués par [ ]* à [ ]*, [ ]* et [ ]*, qui participaient tous régulièrement aux réunions du cartel.

(173) Les réunions trimestrielles se sont poursuivies, selon Rhône-Poulenc (déclaration, p. 5), jusqu'en juillet 1998.

(174) [ ]* a cessé ses fonctions de directeur du marketing pour les additifs pour l'alimentation animale en octobre 1994 (date à laquelle il est devenu responsable du développement commercial) et il n'a apparemment plus participé aux réunions. C'est la raison pour laquelle la Commission n'a pas trouvé de notes détaillées pour la période postérieure à la réunion de Barcelone.

(175) On peut raisonnablement supposer, en l'absence de tout autre compte rendu détaillé des réunions, que celles-ci ont continué à avoir à peu près le même objet et les mêmes thèmes qu'auparavant. [À la page 13 de sa réponse du 23 février 2000 au titre de l'article 11 (60), Nippon Soda déclare qu'elles sont devenues "de plus en plus cérémonieuses" et que la mise en œuvre des accords sur les prix se faisait davantage par l'échange d'informations que par une fixation réelle de prix, mais aucune preuve matérielle ne permet de confirmer ces dires].

(176) Rhône-Poulenc, pour sa part, a fourni [déclaration complémentaire, p. 18 et annexe (61)] les instructions de sa direction concernant les prix pour 1997 qui, selon elle, reflètent des objectifs de prix pour les différentes régions "qui se situaient à l'intérieur de la fourchette d'objectifs de prix convenue lors des réunions décrites". Même s'il s'agissait désormais de "réunions amicales", le "cérémonial" comprenait toujours la fixation d'objectifs de prix, comme auparavant.

(177) Degussa ne répertorie aucune réunion après celle qui s'est tenue les 13 et 14 octobre 1997, à Copenhague. D'après Nippon Soda, une autre réunion aurait eu lieu à Düsseldorf, le 13 mai 1998 [p. 10 de sa réponse (62)].

(178) Toutefois, Rhône-Poulenc fait état [déclaration complémentaire, p. 8 et 9 (63)] de trois autres réunions qui ont eu lieu au cours de la dernière année de fonctionnement de l'entente. La première s'est tenue à Copenhague en octobre 1997 et la dernière à Nancy le 4 février 1999.

(179) En mai 1998, Rhône-Poulenc [ ]*, Degussa [ ]* et Nippon Soda [ ]* se sont réunis à Francfort-sur-le-Main (Nippon Soda déclare que cette réunion s'est tenue en fait à Düsseldorf, le 13 mai). Les deux sociétés européennes ont expliqué, à l'intention des nouveaux représentants de Nippon Soda, comment les réunions se déroulaient dans le passé et les ont informés que les prix devaient être augmentés; Nippon Soda a accepté de se rallier à toute initiative sur les prix [Rhône-Poulenc, déclaration complémentaire, p. 8 (64)].

5. LA FIN DE L'ENTENTE

(180) Après le départ de [ ]* de Rhône-Poulenc, à l'automne 1997, son remplaçant en tant que [ ]* ([ ]*) a donné instruction à la direction (d'après Rhône-Poulenc) de mettre un terme à tous contacts avec les concurrents.

[ ]* a appelé [ ]* (Degussa), [ ]* (Novus), [ ]* (Nippon Soda) et [ ]* (Sumitomo) pour les informer des instructions qu'il avait reçues [déclaration complémentaire, p. 9 (65)].

(181) La carrière de [ ]* chez RPAN a été de courte durée.

Lorsque [ ]* est devenu [ ] en mars 1998, il a autorisé les cadres de la société à reprendre et/ou poursuivre les relations avec leurs concurrents. Les réunions trimestrielles devaient néanmoins cesser, probablement parce qu'elles étaient extrêmement visibles et qu'elles risquaient d'être découvertes (à cette époque, les enquêtes des autorités antitrust américaines dans le secteur des vitamines étaient déjà bien avancées).

(182) La réunion suivante s'est tenue, selon Rhône-Poulenc, à Heidelberg, à la fin de l'été ou au début de l'automne 1998, après que les prix eurent commencé à baisser vers le milieu de cette même année. Rhône-Poulenc était représentée par [ ]* et [ ]*, et Degussa par [ ]* et [ ]*. Ils se sont mis d'accord pour augmenter les prix. Nippon Soda n'a pas participé à ces réunions.

(183) Degussa [ ]* et [ ]* et Rhône-Poulenc [ ]* ont à nouveau été les seules sociétés à participer à la dernière réunion connue, qui s'est tenue à Nancy, à l'hôtel Mercure, le 4 février 1999. Toutefois, selon Nippon Soda, [ ]* a dîné ce même soir avec [ ]* à Paris et ils ont examiné les conditions du marché [réponse au titre de l'article 11, p. 12 (66)]. D'après Rhône-Poulenc, les participants à la réunion de Nancy ont examiné la taille totale du marché [ ]* et les positions respectives des producteurs. D'après Rhône-Poulenc, Degussa avait une "très bonne" connaissance du marché. Les parties se sont entendues sur un objectif de prix de 3,20 dollars des États-Unis/5,30 marks allemands.

(184) C'est probablement à l'occasion de la réunion de mai 1998 que les participants ont décidé de mettre un terme aux réunions du "club", tout en maintenant des contacts bilatéraux. Outre les deux réunions de Heidelberg et de Copenhague entre Degussa et Rhône-Poulenc, [ ]* et [ ]* de Rhône-Poulenc sont restés en contact téléphonique avec leurs homologues de Nippon Soda.

(185) Ces contacts n'ont pris fin qu'en février 1999, lorsque des cadres dirigeants de Rhône-Poulenc ont à nouveau donné instruction de mettre fin à ces pratiques [Rhône-Poulenc, déclaration complémentaire, p. 10 (67)].

PARTIE II - APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. COMPÉTENCE

(186) Les arrangements décrits ci-dessus étaient applicables à tous les consommateurs de méthionine établis dans les pays de l'EEE.

(187) L'accord EEE, qui contient des règles de concurrence libellées sur le modèle de celles du traité CE, est entré en vigueur le 1er janvier 1994. La présente décision implique donc l'application de ces règles (en particulier l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE) aux arrangements en cause à partir de cette date (68).

(188) Dans la mesure où les arrangements ont affecté la concurrence à l'intérieur du marché commun et le commerce entre États membres de la Communauté, l'article 81 du traité est applicable. Dans la mesure où le fonctionnement du cartel a eu un effet sur le commerce entre la Communauté et des pays de l'AELE ou entre des pays de l'AELE qui font partie de l'EEE, l'article 53 de l'accord EEE est applicable.

(189) Si un accord ou une pratique concertée affectent uniquement le commerce entre des États membres de la Communauté, la Commission reste compétente et applique l'article 81 du traité. En revanche, si un accord affecte uniquement le commerce entre des États de l'AELE, c'est l'autorité de surveillance de l'AELE (ASA) qui est seule compétente et qui applique alors les règles de concurrence de l'EEE énoncées à l'article 53 de l'accord EEE (69).

(190) En l'espèce, la Commission est l'autorité compétente, en vertu de l'article 56 de l'accord EEE, pour appliquer l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, étant donné que l'entente a affecté sensiblement le commerce entre les États membres de la Communauté (70).

B. APPLICATION DE L'ARTICLE 81 DU TRAITÉ CE ET DE L'ARTICLE 53 DE L'ACCORD EEE

1. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 1, DU TRAITÉ CE ET ARTICLE 53, PARAGRAPHE 1, DE L'ACCORD EEE

(191) L'article 81, paragraphe 1, du traité CE dispose que sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises, et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, à limiter ou contrôler la production et les débouchés et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

(192) L'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE (qui est libellé sur le modèle de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE) contient une interdiction similaire. Toutefois, à l'article 81, paragraphe 1, les termes "commerce entre États membres" sont remplacés par "commerce entre les parties contractantes" et les termes "concurrence à l'intérieur du marché commun" par "concurrence à l'intérieur du territoire couvert par .... [l'accord EEE]".

2. ACCORDS ET PRATIQUES CONCERTÉES

(193) L'article 81, paragraphe 1, du traité CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE interdisent les accords, les décisions d'associations d'entreprises et les pratiques concertées.

(194) On considère qu'il y a accord dès lors que les parties adhèrent à un projet commun qui limite ou est susceptible de limiter leur autonomie commerciale en définissant les lignes de leur action ou abstention réciproque sur le marché. Il n'est pas nécessaire que cet accord soit formulé par écrit. Aucune formalité n'est nécessaire et il n'est pas obligatoire que des sanctions contractuelles ou des mesures d'exécution soient prévues. L'accord peut être exprès ou ressortir implicitement du comportement des parties.

(195) Dans son arrêt dans les affaires jointes T-305-94 etc., Limburgse Vinyl Maatschappij NV et autres contre Commission (PVC II) (71), le Tribunal de première instance a précisé que "selon une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article [81, paragraphe 1] du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée".

(196) Si l'article 81 du traité CE (72) distingue la notion de "pratiques concertées" de celle d'"accords entre entreprises " ou de "décisions d'associations d'entreprises", c'est dans le dessein d'appréhender sous les interdictions de cet article une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (73).

(197) Les critères de coordination et de collaboration fixés par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable plan, doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique commerciale qu'il entend suivre sur le marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles, ayant pour objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent la ligne de conduite qu'elles ont décidé ou qu'elles envisagent de tenir elles-mêmes sur le marché (74).

(198) Ce type de comportement peut tomber sous le coup de l'article 81, paragraphe 1, en tant que "pratique concertée" et cela même lorsque les parties ne s'étaient pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s'étaient ralliées à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales (75).

(199) Même s'il résulte des termes de l'article 81, paragraphe 1, que la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiendront compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d'autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d'une longue période (76).

(200) Il n'est pas nécessaire, en particulier dans le cas d'une infraction complexe de longue durée, que la Commission la qualifie obligatoirement de l'une ou l'autre de ces formes de comportement illicite. Les notions d'accord et de pratique concertée sont fluides et peuvent se chevaucher. De fait, il peut même s'avérer impossible, dans la pratique, d'opérer une telle distinction, dans la mesure où une infraction peut présenter simultanément les caractéristiques de chacune des formes de comportement prohibé, alors que considérées isolément, certaines de ses manifestations pourraient être définies comme relevant précisément de l'une plutôt que de l'autre forme. Il serait toutefois artificiel de subdiviser, dans l'analyse, ce qui constitue clairement la mise en œuvre de comportements ayant un seul et unique objectif global en plusieurs formes distinctes d'infractions. Une entente peut ainsi constituer à la fois un accord et une pratique concertée. L'article 81 ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe (77).

(201) Dans l'arrêt qu'il a rendu dans l'affaire PVC II, le Tribunal de première instance relève que "dans le cadre d'une infraction complexe, qui a impliqué plusieurs producteurs pendant plusieurs années poursuivant un objectif de régulation en commun du marché, on ne saurait exiger de la Commission qu'elle qualifie précisément l'infraction, pour chaque entreprise et à chaque instant donné, d'accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l'une et l'autre de ces formes d'infraction sont visées à l'article [81] du traité" (78).

(202) Un "accord" au sens de l'article 81, paragraphe 1, peut ne pas présenter le degré de sécurité requis pour l'exécution d'un contrat commercial en droit civil. En outre, dans le cas d'une entente complexe de longue durée, le terme "accord" peut parfaitement s'appliquer non seulement à un projet global ou à des conditions expressément définies, mais également à l'exécution de ce qui a été convenu sur la base des mêmes mécanismes et dans la poursuite du même objectif commun.

(203) Bien qu'une entente constitue "une entreprise" mise en œuvre conjointement, chaque partie à l'accord peut jouer son propre rôle particulier. Une ou plusieurs parties peuvent jouer un rôle dominant de "meneur". Il peut y avoir des conflits internes et des rivalités, voire des tricheries, mais cela n'empêchera pas ces arrangements de constituer un accord ou une pratique concertée au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE dès lors qu'il y a un seul objectif commun et continu. Une entente complexe peut à juste titre être considérée comme une infraction unique et continue dont la durée est égale à la période au cours de laquelle cette entente a effectivement été mise en œuvre. L'accord peut fort bien avoir varié à un moment ou un autre, ou ses mécanismes peuvent avoir été adaptés ou renforcés afin de tenir compte de l'évolution de la situation.

(204) Ainsi, dans le cas d'une entente complexe et durable, fondée sur un tissu de pratiques concertées et d'accords qui s'inscrivent dans une série d'efforts accomplis par les entreprises en cause dans la poursuite d'un objectif commun, à savoir empêcher ou fausser le jeu de la concurrence, la Commission est en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique et continue. Comme l'a fait observer le Tribunal de première instance dans l'affaire T-7-89, Hercules contre Commission (79), il serait artificiel de subdiviser un tel comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes: "En effet, la requérante a pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites."

(205) Le simple fait que chacun des participants à une entente ait pu jouer un rôle spécifique adapté à sa situation n'exclut pas qu'il soit responsable de l'infraction dans son ensemble, y compris des actes commis par les autres participants, dès lors que lesdits actes ont le même objet illicite et le même effet anticoncurrentiel.

Une entreprise qui participe à une action commune illicite par des actes contribuant à la réalisation de l'objectif commun est également responsable des actes commis par les autres participants à l'infraction en cause, pour toute la période pendant laquelle elle aura adhéré au projet commun. Tel est certainement le cas lorsqu'il est établi que l'entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants, ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque (80).

3. INFRACTION UNIQUE ET CONTINUE

(206) De nombreux éléments attestent l'existence sur le marché de la méthionine de l'EEE, de février 1986 à février 1999, d'une collusion unique et continue entre Aventis, Nippon Soda et Degussa, qui représentent ensemble environ 60 % de ce marché. De fait, les parties ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée et elles ont adhéré à un projet commun visant à brider leur comportement commercial individuel. La décision, prise d'un commun accord, d'adhérer à ce projet en vue de restreindre la concurrence peut par conséquent être considérée comme remontant au moins à février 1986.

Cette collusion servait un unique objectif économique anticoncurrentiel: empêcher la concurrence par les prix en s'entendant sur des objectifs de prix et des augmentations de prix.

(207) Ce plan, auquel ont souscrit Rhône-Poulenc, Nippon Soda et Degussa, a été conçu et mis en œuvre pendant près de treize ans, sous la forme d'un ensemble complexe d'arrangements collusoires, d'accords spécifiques et/ou de pratiques concertées, dans la poursuite d'un même objectif commun consistant à éliminer la concurrence entre les parties. Les participants à ces comportements infractionnels savaient, ou auraient dû savoir, que ceux-ci s'inscrivaient dans un plan global poursuivant cet objectif illicite commun (81).

(208) Compte tenu du dessein commun et de l'objectif commun d'élimination de la concurrence dans le secteur de la méthionine que les producteurs ont poursuivis sans relâche, la Commission considère que le comportement en question a constitué une seule infraction continue à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. Ces arrangements sont décrits en détail dans la partie factuelle de la présente décision. Cette description est étayée par un faisceau de preuves évidentes auxquelles il est systématiquement fait référence d'un bout à l'autre du texte. Le comportement en question a par conséquent constitué une infraction unique et continue à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(209) Bien que les arrangements entre les producteurs puissent à raison être considérés comme présentant toutes les caractéristiques d'un "accord" à part entière, certains éléments factuels du comportement illicite se prêteraient à la qualification de pratique concertée si celle-ci était appropriée.

(210) Dans sa réponse à la communication des griefs, Degussa conteste l'affirmation de la Commission selon laquelle, en dépit de l'arrêt présumé des réunions "au sommet" (c'est-à-dire les réunions de haut niveau entre cadres dirigeants des divisions) en 1988, il y a eu infraction continue depuis 1986 étant donné que les réunions, plus fréquentes, des "collaborateurs" n'ont pas été interrompues et se sont poursuivies. Degussa fait valoir qu'il est impossible que des décisions aient pu être prises ou des accords conclus au niveau "des collaborateurs" après l'arrêt des réunions entre cadres dirigeants. En outre, Degussa affirme que la Commission omet d'établir l'existence d'un lien de continuité entre les deux catégories de réunions et d'identifier les personnes qui auraient participé aux présumées réunions au niveau des "collaborateurs".

(211) Selon Degussa, les réunions ont cessé fin 1988 et Degussa n'a participé à l'infraction qu'à partir de la réunion tenue à la mi-1992 (82).

(212) À la lumière des considérants 95 à 125, l'argument selon lequel le projet illicite n'a pas été poursuivi entre 1988 et 1992 ne peut être retenu. Comme il est indiqué au considérant 97, non seulement les participants n'ont jamais manifesté la moindre intention de mettre fin aux arrangements, mais les activités du cartel n'ont jamais été interrompues. De fait, il est démontré aux considérants 95 à 125 que les participants ont continué de prendre part à des réunions en 1989, 1990 et 1991, sans se distancier publiquement de leur contenu. Étant donné le caractère manifestement anticoncurrentiel des réunions antérieures, l'absence de preuves attestant que la participation aux réunions était exempte de toute intention anticoncurrentielle permet d'établir que le projet illégal s'est en fait poursuivi (83). La question de savoir si les accords et/ou les pratiques concertées ont été effectivement mis en œuvre est traitée aux considérants 278 à 281.

4. RESTRICTION DE LA CONCURRENCE

(213) L'article 81, paragraphe 1, du traité CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE mentionnent expressément comme étant restrictifs de la concurrence les accords qui consistent à :

- fixer de façon directe ou indirecte les prix de vente ou d'autres conditions de transaction,

- limiter ou contrôler la production,

- répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

(214) Dans le tissu d'accords et d'arrangements en cause dans la présente affaire, les éléments suivants peuvent être considérés comme permettant de conclure à l'existence d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE:

- accord sur des objectifs de prix et des prix minimaux,

- accord sur des augmentations concertées des prix,

- mise en œuvre concertée de ces augmentations de prix sur les différents marchés,

- échange d'informations sur les chiffres de vente pour contrôler les parts de marché obtenues,

- concertation sur les prix applicables à certains clients,

- concertation en vue de limiter, d'empêcher ou de "contenir" les importations en provenance de pays extérieurs à la Communauté, de façon à garantir le succès des augmentations de prix,

- participation à des réunions régulières et autres contacts, en vue de convenir des restrictions

mentionnées ci-dessus et de les appliquer et/ou de les modifier en fonction des circonstances.

(215) Des arrangements de cette nature ont pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. Le prix étant le principal instrument de concurrence, en recourant à divers arrangements et mécanismes collusoires, les producteurs avaient tous pour objectif ultime de gonfler les prix à leur avantage et de les porter à un niveau supérieur à celui qui résulterait du jeu de la libre concurrence.

(216) Pour conclure à l'applicabilité de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, point n'est besoin de considérer les effets concrets des accords sur la concurrence, dès lors qu'il est établi que ces accords avaient pour objet de restreindre la concurrence (84).

(217) Toutefois, l'entente a également eu un effet restrictif sur la concurrence. Les objectifs de prix et les augmentations de prix qui en constituaient l'objectif premier étaient, en effet, convenus, annoncés aux clients et mis en œuvre sur tout le territoire de l'EEE.

(218) Dans leur réponse à la communication des griefs, Degussa et Nippon Soda soutiennent que la Commission n'a pas démontré l'existence d'un effet restrictif réel sur la concurrence. L'effet restrictif des arrangements en question est établi plus en détail aux considérants 271 à 291.

5. EFFETS SUR LE COMMERCE ENTRE ÉTATS MEMBRES DE LA COMMUNAUTÉ ET ENTRE PARTIES CONTRACTANTES À L'ACCORD EEE

(219) L'accord continu entre producteurs a eu un effet sensible sur le commerce entre les États membres de la Communauté et entre les parties contractantes à l'accord EEE.

(220) L'article 81, paragraphe 1, du traité vise les accords susceptibles de compromettre l'achèvement du marché unique entre les États membres, soit en cloisonnant les marchés nationaux, soit en affectant la structure de la concurrence à l'intérieur du marché commun. De même, l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE vise les accords qui compromettent la réalisation d'un espace économique européen homogène.

(221) Comme il est démontré à la section "Les échanges intracommunautaires" (considérant 50), le marché de la méthionine est caractérisé par un volume substantiel d'échanges entre les États membres. Le volume des échanges entre la Communauté et les pays de l'AELE signataires de l'accord EEE était également considérable. La Norvège importe, principalement de la Communauté, la totalité de la méthionine qu'elle consomme, ce qui était également le cas de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède avant leur adhésion.

(222) Toutefois, l'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à une entente n'est pas limitée à la partie des ventes des participants qui implique effectivement un transfert physique de marchandises d'un État à un autre. Il n'est pas non plus nécessaire, pour que ces dispositions soient applicables, de démontrer que la participation individuelle de chacun des membres, par opposition au cartel dans son ensemble, a affecté les échanges entre États membres (85).

(223) Dans la présente affaire, les arrangements constitutifs de l'entente ont concerné plus des deux tiers des échanges réalisés par cet important secteur industriel dans la Communauté et l'EEE.L'existence de mécanismes de fixation des prix et d'attribution de quotas doit avoir eu pour effet, ou était susceptible d'avoir pour effet, d'altérer les courants d'échanges entre États membres (86).

6. DISPOSITIONS DES RÈGLES DE CONCURRENCE APPLICABLES À L'AUTRICHE, À LA FINLANDE, À LA NORVÈGE ET À LA SUÈDE

(224) L'accord EEE est entré en vigueur le 1er janvier 1994. Pour la période de fonctionnement de l'entente antérieure à cette date, la seule disposition applicable dans le cadre de la présente procédure est l'article 81 du traité CE. Cette disposition ne couvre pas d'éventuelles restrictions de concurrence découlant des arrangements constitutifs de l'entente en Autriche, en Finlande, en Islande, au Liechtenstein, en Norvège et en Suède (alors États membres de l'AELE) avant le 1er janvier 1994.

(225) Durant la période du 1er janvier au 31 décembre 1994, les dispositions de l'accord EEE étaient applicables aux six États membres de l'AELE. L'entente constituait par conséquent une infraction aussi bien à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE qu'à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, et c'est la Commission qui est compétente pour appliquer ces deux dispositions. La restriction de la concurrence dans ces six pays de l'AELE durant cette période d'un an relève de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(226) Après l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède à la Communauté le 1er janvier 1995, l'article 81, paragraphe 1, du traité est devenu applicable à l'entente dans la mesure où celle-ci a affecté la concurrence sur ces marchés. Le fonctionnement de l'entente en Norvège continuait de constituer une infraction à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(227) Dans la pratique, il en résulte que, dans la mesure où l'entente a été mise en œuvre en Autriche, en Finlande, en Norvège et en Suède, elle a constitué une infraction aux règles de concurrence de l'EEE et/ou de la Communauté à compter du 1er janvier 1994.

C. DESTINATAIRES

1. PRINCIPES APPLICABLES

(228) Pour identifier les destinataires de la présente décision, il est nécessaire de déterminer les entités juridiques responsables de l'infraction.

(229) Le sujet des règles de concurrence de la Communauté et de l'EEE est l'"entreprise", notion qui n'est pas identique à celle de personne morale en droit des sociétés ou en droit fiscal national. Le terme lui-même n'est pas défini dans le traité. Il peut désigner toute entité exerçant une activité commerciale.

(230) Selon les circonstances, il pourrait être possible de considérer comme l'"entreprise" en cause aux fins de l'article 81 du traité et de l'article 53 de l'accord EEE l'ensemble du groupe ou certains sous-groupes ou filiales. À cet égard, pour établir si une société mère doit être tenue pour responsable du comportement illicite de l'une de ses filiales, il est nécessaire d'établir que ladite filiale "ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère" (87). Dans les affaires AEG-Telefunken (88) et BPB Industries (89), la Cour a considéré qu'une filiale à cent pour cent suit nécessairement la politique tracée par sa société mère.

(231) Dans Stora Kopparbergs Bergslags AB (90), la Cour de justice a confirmé la conclusion du Tribunal de première instance selon laquelle une société mère était responsable du comportement de sa filiale, considérant que: "en présence d'une détention de la totalité du capital de celle-ci, le Tribunal pouvait légitimement supposer [...]* que la société mère exerçait effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, particulièrement après avoir constaté [...]* que la requérante [la société mère] s'était présentée lors de la procédure administrative comme étant [...]* le seul interlocuteur de la Commission au sujet de l'infraction concernée". Cela confirme la présomption selon laquelle la société mère d'une filiale à cent pour cent exerce une influence déterminante sur le comportement de cette dernière. Dans l'affaire précitée, la validité de cette présomption a été confirmée par une indication supplémentaire, à savoir le comportement de la société mère.

(232) Lorsqu'on a établi la période au cours de laquelle a été commise une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et/ou à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, il est nécessaire d'identifier la personne physique ou morale qui était responsable de l'exploitation de l'entreprise au moment de l'infraction.

(233) Lorsqu'une entreprise qui a commis une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et/ou à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE se défait par la suite des actifs ayant servi d'instrument pour commettre l'infraction et se retire de ce fait du marché en cause, l'entreprise en question continue, si elle est toujours en vie, d'être tenue pour responsable de l'infraction pendant la période considérée (91).

2. DESTINATAIRES DE LA DÉCISION

(234) En l'espèce, Rhône-Poulenc a modifié sa forme juridique depuis la fin, ou la fin présumée, de son implication dans l'infraction.

(235) Une modification de la forme juridique ou de l'identité sociale n'empêche cependant pas une entreprise d'être passible de sanctions pour le comportement anticoncurrentiel. Lorsque la personne morale qui a commis l'infraction a cessé d'exister juridiquement, son successeur devient passible, à sa place, de l'amende.

(236) Il en est ainsi, car le sujet des règles de concurrence posées par le traité CE (et l'accord EEE) est l'"entreprise", notion qui ne se confond pas nécessairement avec celle de personne morale en droit commercial, en droit des sociétés ou en droit fiscal national.

(237) Le terme d'"entreprise" n'est pas défini dans le traité. Il peut désigner toute entité exerçant une activité commerciale. Dans le cas d'une grande société multinationale, des complications peuvent découler de l'existence d'innombrables filiales, de la complexité du réseau de titres de propriété et de participations, et de l'organisation, à des fins de gestion, des activités du groupe en divisions opérationnelles ou fonctionnelles distinctes et/ou en zones géographiques ne correspondant pas nécessairement à sa structure sociale. Le Tribunal de première instance a estimé que "l'article 85 [à présent l'article 81], paragraphe 1, du traité s'adresse à des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d'une infraction visée par cette disposition" (92).

(238) En outre, si le sujet des règles de concurrence est l'entreprise, l'application de ces règles, ainsi que l'imposition et le recouvrement de toute amende nécessitent l'identification d'une personne morale donnée responsable du comportement de cette entreprise et qui sera destinataire de la décision.

(239) Comme l'a constaté le Tribunal de première instance dans l'affaire T-6-89, Enichem Anic contre Commission (93), lorsqu'entre le moment où l'infraction est commise et le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne responsable de l'exploitation de cette entreprise a cessé d'exister juridiquement, il convient de localiser, dans un premier temps, l'ensemble des éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction pour identifier, dans un second temps, la personne qui est maintenant responsable de l'exploitation de cet ensemble.

(240) La personne juridique ou morale à laquelle l'amende est infligée peut par conséquent être différente de celle qui existait au moment où l'infraction a été commise.

(241) Dans le cas de Rhône-Poulenc, comme il est indiqué aux considérants 10 à 17, sa fusion complète avec Hoechst, dont est issue Aventis, implique que la responsabilité est transmise à la nouvelle entité. Il existe une continuité évidente entre Rhône-Poulenc et la nouvelle entité à laquelle elle a été intégrée. Rhône-Poulenc a cessé d'exister juridiquement et sa personnalité juridique ainsi que l'ensemble de ses éléments physiques et humains ont été cédés à Aventis SA.

(242) Outre la transmission de la responsabilité entre Rhône-Poulenc et Aventis (examinée ci-dessus), il convient d'examiner également la question de l'attribution de la responsabilité à la filiale ou à sa société mère. La Commission a adressé sa communication des griefs à Aventis SA et à AAN.

(243) À cet égard, Aventis SA estime que la décision finale devrait être adressée exclusivement à sa filiale AAN, ex-RPAN. Aventis fait valoir (94), à l'appui de ce point de vue, qu'AAN et ses filiales forment un sous-groupe autonome du groupe Rhône-Poulenc (à présent Aventis), dans lequel le rôle joué par la société faîtière Aventis SA se limite à l'exercice des fonctions de supervision que les actionnaires majoritaires ont coutume d'exercer, qu'adresser la décision à AAN éviterait de compromettre inutilement la réputation de Hoechst AG (avec qui Rhône-Poulenc a fusionné en décembre 1999) et d'Aventis SA (société faîtière de l'entité issue de la fusion), que lorsque, à l'intérieur d'un groupe de sociétés, la responsabilité commerciale d'une activité donnée est aussi clairement attribuée à un sous-groupe bien défini et assumée par celui-ci, il ne peut être question, pour la Commission, de choisir d'adresser la décision soit à la société mère soit aux sociétés affiliées responsables au sein du groupe et, enfin, qu'Aventis SA a informé la Commission que le destinataire aurait dû être AAN sitôt après avoir reçu la communication des griefs. Aventis SA soutient par conséquent ne pas s'être présentée comme le destinataire correct tout au long de la procédure.

(244) RPAN (à présent AAN) était l'entité qui, au sein de Rhône-Poulenc, était responsable des activités dans le secteur de la méthionine pendant toute la période qu'a duré l'infraction. Sa participation directe à l'entente est établie par les faits et n'est pas contestée. La Commission considère cependant qu'aussi bien RPAN (à présent AAN) que Rhône-Poulenc (à présent Aventis) peuvent être tenues pour responsables du comportement en cause pendant toute la durée de l'infraction. Outre qu'elle était l'unique actionnaire de RPAN pendant toute la période couverte par l'infraction (voir les considérants 230 et 231), Rhône-Poulenc SA (et par la suite Aventis SA) a été le seul interlocuteur de la Commission dans le cadre de la procédure administrative (elle a soumis deux déclarations!), ayant elle-même pris contact spontanément et de propos délibéré avec la Commission avant de recevoir la communication des griefs. À aucun moment l'entreprise n'a nié avoir eu connaissance des ententes dans lesquelles RPAN était directement impliquée et à aucun moment, avant de recevoir la communication des griefs, elle n'a contesté le fait que l'infraction lui soit imputée.

(245) En outre, les représentants légaux d'Aventis ont représenté aussi bien Aventis SA qu'AAN tout au long de la procédure. De fait, le 21 décembre 2001, le conseil juridique d'Aventis SA et Aventis Animal Nutrition SA a informé la Commission qu'il soumettrait une seule réponse à la communication des griefs de la Commission au nom des deux sociétés.

(246) Il convient aussi de noter que RPAN était rattachée et rendait compte directement à la division "Santé végétale et animales" de Rhône-Poulenc SA (à présent Aventis Agriculture), une filiale à cent pour cent. La division "Santé végétale et animale" de Rhône-Poulenc suivait, pour sa part, les instructions de Rhône-Poulenc, société mère responsable en dernier ressort de la gestion du groupe: son [ ]*, [ ]* (qui est passé ensuite chez Aventis Agriculture), est également membre du comité exécutif de Rhône-Poulenc (à présent Aventis).

(247) Sur la base de ce qui précède, la Commission conclut qu'Aventis SA (ex-Rhône-Poulenc) peut également être tenue pour responsable du comportement de sa filiale pendant toute la durée de l'infraction. Étant donné les circonstances de l'espèce, il semble approprié d'adresser la décision à la fois à AAN et à Aventis SA. Il convient de les considérer comme conjointement et solidairement tenues au paiement de l'amende éventuelle.

(248) Dans le cas de Degussa, seule se pose la question de la transmission de la responsabilité. Jusqu'à sa fusion avec Hüls AG en 1998, qui a donné naissance à Degussa-Hüls AG, la société directement impliquée dans les arrangements constitutifs du cartel était Degussa AG (Francfort-sur-le-Main). En fusionnant complètement avec Hüls, Degussa AG (Francfort-sur-le-Main) a cessé d'exister juridiquement et ses responsabilités et activités ont été transférées à la nouvelle entité Degussa-Hüls AG. La fusion ultérieure entre Degussa-Hüls et SKW Trostberg AG, qui a donné naissance à Degussa AG (Düsseldorf) en 2001, a entraîné le transfert de la responsabilité à la nouvelle entité dans laquelle l'entreprise à été intégrée. Degussa AG sera donc destinataire de la décision.

(249) À cet égard, Degussa soutient que, pour le calcul de l'amende, la Commission ne doit prendre en considération que l'importance économique de l'"ancienne" Degussa AG (Francfort-sur-le-Main), au motif que les fusions ultérieures n'ont pas modifié sa position sur le marché de la méthionine. L'incidence réelle sur le marché en cause des entreprises concernées compte tenu de leur importance économique est examinée aux considérants 297 et suivants.

(250) C'est un fait établi que Nippon Soda a participé directement et de manière autonome à l'entente. Le groupe dans son ensemble est par conséquent responsable de l'infraction et donc destinataire de la présente décision.

D. DURÉE DE L'INFRACTION

(251) Bien que des contacts bilatéraux aient eu lieu entre producteurs de méthionine avant la réunion multilatérale initiale, la Commission limitera, en l'espèce, son appréciation de l'affaire au regard de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE, ainsi que l'imposition d'éventuelles amendes, à la période commençant en février 1986, lorsqu'a eu lieu la première réunion multilatérale connue du cartel (voir les considérants 82 à 85).

(252) Comme l'indiquent les documents et les informations fournis par Nippon Soda, c'est au cours de la première réunion multilatérale du cartel que les participants sont convenus, au niveau des divisions des différentes entreprises, d'établir des quotas, de fixer les prix et d'organiser des réunions régulières "au sommet" et entre "collaborateurs".

(253) Les parties à cet accord étaient Rhône-Poulenc, Degussa et Nippon Soda. Sans se montrer aussi précis que Nippon Soda, Rhône-Poulenc confirme que l'entente doit avoir vu le jour vers le milieu des années 80 (Rhône-Poulenc parle de 1985). Étant donné la déclaration détaillée, appuyée par des documents de l'époque, soumise par Nippon Soda concernant le fonctionnement de l'entente pendant les années 80, la Commission est en mesure de situer la naissance de l'entente à février 1986 (voir les considérants 82 à 85). Degussa soutient ne pas avoir participé à l'infraction avant mi-1992. Avant cette date, elle n'admet avoir assisté qu'à deux réunions et soutient que celles-ci étaient sans rapport avec les réunions "au sommet" (voir les considérants 124 et 125). La Commission ne peut accepter cette description des faits. Il est clairement établi dans la partie factuelle de la présente décision que Degussa a en fait participé à l'infraction depuis le début de 1986 (voir notamment les considérants 82 à 89 et 96 à 121).

(254) Il convient de noter que, dans la mesure où elle a affecté l'Autriche, la Finlande, la Norvège et la Suède, l'entente ne constitue pas une infraction aux règles de concurrence avant l'entrée en vigueur de l'accord EEE le 1er janvier 1994.

(255) Bien que les réunions du cartel sous leur forme originelle (réunions "au sommet" tenues une ou deux fois par an) aient cessé fin 1988 (après qu'un membre a annoncé qu'il se retirerait de l'entente), les éléments de preuve contenus dans le dossier de la Commission montrent clairement que non seulement les parties restantes n'ont jamais manifesté la moindre intention de mettre fin aux arrangements, mais que les activités du cartel se sont poursuivies avec la même intensité jusqu'en février 1999, contrairement à ce qu'ont déclaré Degussa et Aventis.

(256) Comme il est établi dans la partie factuelle de la présente décision, le changement de situation provoqué par le retrait de l'un des membres de l'entente et l'arrivée sur le marché de Monsanto avec son produit analogue liquide peut avoir obligé les parties restantes à adapter leur collusion, mais la structure de base du système a été maintenue et s'est même adaptée aux nouvelles conditions. Cela ne signifie pas qu'une nouvelle entente a été constituée, mais reflète simplement l'évolution organique d'un système collusoire complexe.

(257) L'entente a duré jusqu'en février 1999. Il est possible que les réunions trilatérales entre Degussa, Rhône-Poulenc et Nippon Soda aient été interrompues à la mi-1998, mais les contacts entre ces trois sociétés n'ont pas cessé (pour autant qu'ils aient jamais pris fin) avant février 1999 (réunion du 4 février 1999 à Nancy).

(258) Degussa fait valoir qu'en ce qui la concerne, la Commission doit considérer la réunion qui s'est tenue à Copenhague en 1997 comme la date de fin de l'infraction. En outre, dans sa réponse à la communication des griefs, Degussa soutient que la Commission a omis de spécifier pendant combien de temps elle considère que Degussa a participé à l'entente. Elle croit comprendre que la Commission présume qu'elle y a participé jusqu'à la mi-1998.

(259) La Commission ne peut que réfuter ces arguments. Premièrement, la Commission a clairement indiqué aux points 61 et 99 de sa communication des griefs (version allemande) qu'elle considère que Degussa a participé à l'infraction jusqu'en février 1999. Degussa ne peut par conséquent pas soutenir qu'il serait porté atteinte à ses droits de défense si la Commission devait considérer qu'elle a participé à l'entente au-delà de la mi-1998. Deuxièmement, la Commission a suffisamment démontré que Degussa a en fait continué de participer à l'entente jusqu'à la fin présumée de celle-ci en février 1999 (voir les considérants 182 à 185).

E. CESSATION DE L'INFRACTION ET SANCTIONS

1. ARTICLE 3 DU RÈGLEMENT n° 17

(260) Conformément à l'article 3 du règlement n° 17, si la Commission constate une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité ou de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, elle peut obliger les entreprises concernées à y mettre fin (95).

(261) En l'espèce, la Commission a déclaré dans sa communication des griefs qu'il n'était pas possible d'affirmer avec une certitude absolue que l'infraction avait pris fin.

(262) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis souligne qu'elle s'est assurée que la participation d'AAN à toute entente illicite concernant la méthionine avait totalement pris fin depuis le début du mois de février 1999, quelques mois avant qu'elle prenne contact avec la Commission pour révéler l'existence du cartel de la méthionine. Nippon Soda a indiqué qu'elle avait mis fin à sa participation en février 1999. Degussa soutient s'être retirée en 1997.

(263) En dépit de ces observations et pour ne laisser subsister aucun doute, il convient d'exiger des entreprises encore présentes sur le marché de la méthionine et qui sont destinataires de la présente décision qu'elles mettent fin à l'infraction, si elles ne l'ont pas déjà fait, et s'abstiennent désormais de tout accord, pratique concertée ou décision d'association susceptibles d'avoir un objet ou un effet identiques ou similaires.

2. ARTICLE 15, PARAGRAPHE 2, DU RÈGLEMENT n° 17

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

(264) En vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes de 1 000 euros au moins et d'un millions d'euros au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et/ou de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(265) Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération toutes les circonstances de l'espèce et en particulier la gravité et la durée de l'infraction, qui sont les deux critères expressément mentionnés à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

(266) Le rôle joué par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction est apprécié cas par cas. Ainsi, la Commission reflétera dans l'amende infligée les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes et elle appliquera, le cas échéant, la communication concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (96).

(267) Pour apprécier la gravité de l'infraction, la Commission tient compte de sa nature, de son incidence effective sur le marché, lorsque celle-ci peut être mesurée, et de la taille du marché en cause. Le rôle joué par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction est apprécié cas par cas.

LE MONTANT DE L'AMENDE

(268) L'entente a constitué une infraction délibérée à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE: en pleine connaissance du caractère restrictif de leurs actes et, en outre, de leur illégalité, les principaux producteurs de méthionine se sont entendus pour mettre sur pied un système secret et institutionnalisé destiné à restreindre la concurrence dans un secteur industriel important.

1. Le montant de base

(269) Le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction.

Gravité

(270) Pour apprécier la gravité de l'infraction, la Commission tient compte de sa nature, de son incidence effective sur le marché, lorsque celle-ci peut être mesurée, et de la taille du marché géographique en cause.

Nature de l'infraction

(271) Il ressort des fait décrits ci-dessus que la présente infraction a consisté dans des pratiques de partage du marché et de fixation des prix qui constituent, de par leur nature même, le type le plus grave d'infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(272) Les parties aux arrangements collusoires étaient d'importants acteurs du marché de l'EEE et lesdits arrangements ont été conçus, dirigés et encouragés à des niveaux élevés dans chacune des entreprises participantes (97). Par sa nature même, la mise en œuvre d'une entente illicite du type de celle qui est décrite ci-dessus conduit automatiquement à une importante distorsion de concurrence, qui ne bénéficie qu'aux producteurs qui y participent et porte gravement atteinte aux intérêts de leurs clients et, en dernière analyse, du public.

(273) En conséquence, la Commission considère que la présente infraction a constitué, par sa nature même, une infraction très grave à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(274) Nippon Soda fait valoir que la Commission n'a pas suffisamment démontré la gravité réelle de l'infraction en appréciant la nature de celle-ci (et pour déterminer les amendes éventuelles), sans toutefois contester que l'existence d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE est établie. Nippon Soda soutient, à cet égard, que non seulement l'entente n'a jamais été en mesure (ni même démontré sa capacité) d'exercer effectivement une influence significative sur le marché européen, mais qu'elle a été singulièrement inefficace. Selon Nippon Soda, les documents dont la Commission dispose montrent que ceux qui ont assisté aux réunions n'étaient guère en mesure de contrôler le marché comme l'aurait normalement fait un véritable cartel.

(275) La Commission ne peut que réfuter ce point de vue. Premièrement, il est démontré (voir les considérants 276 à 291) que l'infraction a eu une incidence sur le marché de la méthionine dans l'EEE. Deuxièmement, le fait que l'entente n'a pas donné tous les résultats escomptés par les parties ne prouve en rien qu'elle n'a eu aucun effet sur le marché. Il est clair que des ententes illicites ayant pour objet la fixation des prix et le partage du marché compromettent, de par leur nature, le bon fonctionnement du marché unique. Ce qui importe, c'est qu'un système collusoire portant sur le prix du produit, le principal facteur de concurrence, a été substitué aux conditions concurrentielles normales censées régir le marché unique de la méthionine. Telle est la raison pour laquelle l'infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE est considérée comme très grave.

L'incidence réelle de l'infraction sur le marché de la méthionine de l'EEE

(276) L'infraction a été commise par des entreprises qui, à l'époque des faits, se taillaient la part du lion (98) sur le marché mondial et européen de la méthionine. En outre, les arrangements étaient spécifiquement destinés à porter les prix à un niveau supérieur à celui qu'ils auraient atteint autrement et à restreindre les quantités vendues. Comme ces arrangements ont été mis en œuvre, ils ont eu une incidence réelle sur le marché.

(277) Il n'est pas nécessaire de quantifier de façon précise la mesure dans laquelle les prix ont différé de ceux qui auraient pu être appliqués en l'absence de ces arrangements. En effet, il n'est pas toujours possible de mesurer cet écart de manière fiable car l'évolution du prix du produit a pu être influencée simultanément par plusieurs facteurs extérieurs, ce qui fait qu'il est extrêmement difficile de tirer des conclusions sur l'importance relative de tous les facteurs de cause possibles.

(278) Les arrangements collusoires ont cependant été mis en œuvre. Pendant toute la durée de l'entente, les parties ont échangé leurs chiffres de vente, données qui leur ont servi de base, comme Degussa le confirme dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission, pour convenir de nouveaux objectifs de prix (voir les considérants 88, 128, 130, 139, 150, 154). Cet échange d'informations sur les chiffres de vente et les parts de marché a été un moyen de maintenir la pression sur les prix et a donc constitué un élément clef de l'entente. Dans la pratique, les nouveaux objectifs de prix étaient effectivement annoncés aux clients, généralement par le canal de la presse spécialisée (voir les considérants 88, 136, 157, 167). Les parties suivaient de près la mise en œuvre de leurs accords en tenant des réunions multilatérales et bilatérales régulières. Au cours de ces réunions, les parties échangeaient leurs chiffres de vente, examinaient les prix pratiqués sur le marché (ce qui leur permettait de contrôler si les objectifs de prix convenus étaient ou non atteints) et, au besoin, décidaient d'ajuster les objectifs de prix (voir, par exemple, les considérants 88, 128, 130, 139, 150, 154).

(279) Si, pendant les premières années de l'entente, les parties (qui contrôlaient quasiment toute la production de méthionine) ont cherché avant tout à faire monter les prix de la méthionine (voir les considérants 98, 103, 106, 112, 128, 136, 137), cela est devenu de plus en plus difficile avec l'entrée sur le marché de Monsanto (Novus). Lorsque les prix ont commencé à baisser sensiblement sous l'effet conjugué de l'arrivée de Monsanto sur le marché de la méthionine et d'une diminution générale de la demande (Rhône-Poulenc parle de 30 % à l'été et l'automne 1989), les membres du cartel ont néanmoins réussi à inverser cette tendance à la baisse par leurs efforts conjugués: ils ont réussi à faire monter les prix entre juillet 1990 et 1992-1993. Par la suite, ils se sont surtout efforcés de maintenir les prix à leur niveau existant (voir, par exemple, les considérants 137, 152, 153, 160).

(280) On en trouve confirmation dans une note communiquée par Nippon Soda concernant une réunion tenue le 17 mai 1993 (99), dont il ressort que les prix de la méthionine étaient en hausse. Degussa a réussi à vendre de la méthionine à un prix de 6,80 DEM/kg à l'un de ses plus gros clients, CEBECO. Avant la réunion du 7 novembre 1990, les prix étaient encore de 2,50 USD/kg [4,03 DM/kg (100)]. Comme il est indiqué au considérant 112, lors de leur réunion de novembre 1990, les membres du cartel sont convenus de porter les prix de 2,50 USD/kg à 2,80 USD/kg [4,51 DEM /kg (101)]. Nippon Soda mentionne des prix en dollars plus élevés: la première augmentation de janvier (1991) était censée porter le prix en dollars à 3,30-3,50 USD/kg [soit 5,10 DEM/kg, selon les informations fournies par Nippon Soda elle- même; 5,31-5,64 DEM/kg sur la base des chiffres d'Eurostat (102)] et la seconde à 3,60-3,70 USD/kg [5,80-5,92 DEM/kg (103)].

(281) Eu égard aux considérations qui précèdent et compte tenu des efforts investis par chaque participant dans l'organisation complexe de l'entente, il ne fait aucun doute que l'accord anticoncurrentiel a été mis en œuvre pendant toute la période qu'a duré l'infraction. Mis en œuvre d'une façon aussi continue pendant plus de dix ans, l'accord doit nécessairement avoir eu une incidence sur le marché. Il ressort des considérants 279 et 280 que tel a effectivement été le cas.

(282) Nippon Soda soutient que sa capacité à porter sensiblement atteinte à d'autres opérateurs ou aux consommateurs sur un marché relevant de la compétence de la Commission est quasiment nulle étant donné qu'elle ne vend pas elle-même de produits dans l'EEE et qu'elle n'a joué qu'un rôle passif dans l'entente. Nippon Soda vend sa méthionine à Mitsui au Japon, laquelle revend le produit dans l'EEE, où sa part de marché est estimée à seulement [ ]*. En outre, Nippon Soda soutient que l'entente en tant que telle était singulièrement inefficace (voir les considérants 274 et 275). Selon Nippon Soda, les éléments de preuve contenus dans le dossier de la Commission démontrent que la capacité des participants d'influer sur le marché était limitée. En fait, Nippon Soda soutient que, dans la pratique, les producteurs n'avaient ni la capacité ni la volonté de fixer effectivement le prix du marché, quel qu'ait pu être l'objet de leurs discussions lors des réunions. À l'appui de ses arguments, Nippon Soda fait observer que les éléments recueillis par la Commission elle-même concernant la période 1992-1993 montrent que les prix tombaient constamment au-dessous de l'objectif de 6,20 DEM/kg.

(283) En outre, les membres du présumé cartel auraient "triché" au point que les réunions auraient progressivement perdu leur raison d'être pour n'être plus que des événements sociaux, avant de cesser complètement. Tout en reconnaissant qu'aucun de ces facteurs ne met nécessairement une société à l'abri d'une décision constatant qu'elle a enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité, Nippon Soda y voit autant d'éléments pertinents et, selon ses dires, déterminants dans l'appréciation, par la Commission, du degré de "gravité" de toute infraction éventuellement reprochée à Nippon Soda.

(284) Dans sa réponse à la communication des griefs, Degussa tire les mêmes conclusions, soulignant que l'infraction s'est limitée à la fixation d'objectifs de prix. Selon Degussa, il n'a jamais existé d'accord concernant un mécanisme destiné à mettre en œuvre des augmentations de prix ou à attribuer des quotas, des volumes ou des clients, ni de mécanisme de contrôle assorti d'un système de compensation destiné à surveiller la mise en œuvre d'un quelconque accord.

(285) En fait, selon Degussa, les données montrent qu'en dépit des rencontres qui ont eu lieu entre Rhône-Poulenc, Nippon Soda et Degussa, les prix n'ont cessé de chuter (5 DEM/kg à l'été 1994).

(286) Degussa soutient que l'entente était également inefficace du fait de la non-participation de Novus (qui détenait une part de marché de [ ]* à l'échelle de l'EEE). Telle serait également la raison pour laquelle les participants n'auraient jamais été en mesure de mettre en œuvre des augmentations des prix ni un système de répartition des volumes. Selon Degussa, l'infraction n'aurait par conséquent eu qu'une incidence "insignifiante" sur le marché de l'EEE.

(287) Aucun de ces arguments invoqués par les parties pour minimiser la conclusion de la Commission selon laquelle le cartel a eu un effet réel sur le marché n'est convaincant. Il est possible que les raisons invoquées pour expliquer que les objectifs de prix n'aient pas été atteints (en particulier à partir de 1992-1993) soient en partie valables, mais elles ne démontrent pas de manière convaincante que la mise en œuvre de l'entente n'ait pas pu jouer de rôle dans la fixation et la fluctuation des prix sur le marché de la méthionine. En effet, les parties ayant remplacé la situation incertaine qui résulte de la libre concurrence par une collusion continue, les prix ont forcément été établi à un niveau différent de celui qui aurait prévalu sur un marché concurrentiel.

(288) Le fait, mis en évidence par Nippon Soda et Degussa, qu'en dépit des efforts accomplis par le cartel, les prix de la méthionine ont diminué au fil du temps, illustre certainement les difficultés que les parties ont eues à faire monter les prix dans une situation de marché difficile. Il ne démontre pas, en revanche, que la pratique illégale n'avait aucun effet sur le marché, ni que les prix n'étaient pas maintenus à un niveau supraconcurrentiel.

(289) Au contraire, l'examen de leurs efforts conjugués (voir les considérants 278 et 279) permet raisonnablement de conclure que pendant toute la durée de l'entente, notamment après 1992-1993, les membres du cartel ont réussi à maintenir les prix à un niveau supérieur à celui qui aurait prévalu en l'absence des arrangements illicites.

(290) Comme il est expliqué au considérant 275, le fait que l'entente n'a pas donné tous les résultats escomptés par les participants ne prouve en rien qu'elle n'a pas affecté le marché. En outre, on conçoit difficilement que les parties soient régulièrement convenues de se rencontrer aux quatre coins du monde pour fixer des objectifs de prix pendant la durée de l'infraction, compte tenu, notamment, des risques que cela comportait, si elles avaient eu l'impression que l'entente n'avait guère d'effets sur le marché de la méthionine.

(291) Dans sa réponse à la communication des griefs, Degussa soutient que son affirmation selon laquelle Rhône-Poulenc et elle-même ont agi de manière entièrement autonome sur le marché entre 1989 et 1990 est confirmée par les éléments d'information recueillis par la Commission elle-même (voir les considérants 101 et 102). Cet argument n'est cependant pas recevable. Non seulement la Commission dispose de nombreux éléments de preuve attestant que Rhône-Poulenc et Degussa ont en fait continué de participer à l'infraction entre 1989 et 1991 (voir les considérants 95 à 125), mais le fait que Rhône-Poulenc et Degussa aient très bien pu avoir des "intentions cachées" qui les ont conduites à négliger dans une certaine mesure les engagements pris à l'égard des autres parties à l'entente n'implique pas qu'elles n'aient pas mis en œuvre l'accord collusoire. Comme le Tribunal de première instance l'a déclaré dans son arrêt dans l'affaire Cascades, "une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit" (104).

La taille du marché géographique en cause

(292) L'entente couvrait l'intégralité du marché commun et, après sa création, l'intégralité de l'EEE. Chaque partie du marché commun et de l'EEE était sous l'influence de la collusion. Pour déterminer la gravité de l'infraction, la Commission considère par conséquent que la Communauté dans son ensemble et, après sa création, l'EEE dans son ensemble, ont été affectés par l'entente.

Conclusion de la Commission concernant la gravité de l'infraction

(293) Compte tenu de la nature du comportement en cause, de son incidence réelle sur le marché de la méthionine et du fait qu'il couvrait l'ensemble du marché commun et, à la suite de sa création, l'ensemble de l'EEE, la Commission considère que les entreprises visées par la présente décision ont commis une infraction très grave à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

Classification des parties à l'entente

(294) Dans la catégorie des infractions très graves, l'éventail des amendes permet d'appliquer aux entreprises un traitement différencié qui tienne compte de leur capacité économique réelle de porter un préjudice important à la concurrence, et de fixer l'amende à un niveau qui garantisse un effet dissuasif suffisant. Cela semble d'autant plus nécessaire lorsqu'il existe, comme en l'espèce, de grandes différences de taille entre les entreprises ayant participé à l'infraction.

(295) Dans les circonstances de l'espèce, qui concerne plusieurs entreprises, il faudra, lors de la fixation du montant de base des amendes, tenir compte du poids spécifique de chaque entreprise, et donc de l'effet réel de son comportement illicite sur la concurrence.

(296) À cette fin, les entreprises concernées peuvent être divisées en plusieurs catégories selon leur importance relative sur le marché en cause, sous réserve d'un ajustement destiné, le cas échéant, à tenir compte d'autres facteurs et en particulier de la nécessité d'assurer une dissuasion effective.

(297) Pour comparer l'importance relative des entreprises sur le marché concerné, la Commission estime qu'il convient, en l'espèce, de prendre pour base leurs parts de marché respectives sur le marché mondial du produit. Étant donné le caractère mondial du marché, ces chiffres représentent le meilleur indice possible de la capacité des entreprises participantes de causer un dommage significatif aux autres opérateurs dans le marché commun et/ou l'EEE. En outre, la part du marché mondial détenue par chaque partie à l'entente donne aussi une indication de sa contribution à l'efficacité du cartel dans son ensemble ou, inversement, de l'instabilité qui l'aurait affecté si ladite partie n'y avait pas pris part. La comparaison s'effectue sur la base des parts du marché de produit à l'échelle mondiale la dernière année civile complète de l'infraction (1998).

(298) Rhône-Poulenc et Degussa figuraient parmi les trois plus grands producteurs de méthionine sur le marché géographique en cause. En 1998, leurs parts de marché estimatives à l'échelle mondiale s'élevaient respectivement à [ ]* et [ ]*.

(299) Nippon Soda était un acteur moins important sur le marché mondial de la méthionine. En 1998, elle détenait, selon les estimations, une part de [ ]* du marché, soit près de quatre fois moins que le numéro deux, Rhône-Poulenc.

(300) En ce qui concerne l'EEE, Rhône-Poulenc détenait environ [ ]* et Degussa quelque [ ]* du marché en 1998. Pour sa part, Nippon Soda ne représentait qu'environ [ ]* du marché de la méthionine à l'échelle de l'EEE (dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission, Nippon Soda estime sa part du marché de l'EEE à [ ]*).

(301) Rhône-Poulenc et Degussa constitueront par conséquent une première catégorie d'entreprises. Nippon Soda constituera une seconde catégorie.

(302) Sur la base de ce qui précède, la Commission fixe comme suit les montants de base des amendes en fonction de la gravité:

- Aventis SA/AAN et Degussa: 35 millions d'euros,

- Nippon Soda: 8 millions d'euros.

Effet dissuasif suffisant

(303) Afin d'assurer à l'amende un effet suffisamment dissuasif et de tenir compte du fait que les grandes entreprises disposent de connaissances et d'infrastructures juridicoéconomiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence, la Commission déterminera en outre s'il convient, pour l'une quelconque des entreprises, d'ajuster ce montant de départ.

(304) Avec des chiffres d'affaires respectifs à l'échelle mondiale de [ ]* et [ ]* en 2000, Aventis et Degussa sont des acteurs beaucoup plus importants que Nippon Soda (chiffre d'affaires à l'échelle mondiale de [ ]* en 2000). À cet égard, la Commission considère qu'il y a lieu de majorer le montant de départ calculé en fonction de l'importance relative sur le marché en cause pour tenir compte de la taille et des ressources globales respectives d'Aventis et de Degussa.

(305) Eu égard à ce qui précède, la Commission considère qu'afin d'assurer un caractère dissuasif, il convient d'augmenter le montant de départ déterminé au considérant 302 de 100 % (× 2) pour le porter à 70 millions d'euros dans le cas de Degussa et d'Aventis SA.

Durée de l'infraction

(306) La Commission considère qu'Aventis, Degussa et Nippon Soda ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité de février 1986 à février 1999 et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE du 1er janvier 1994 à février 1999.

(307) Sans contester la durée de l'infraction proprement dite, Nippon Soda affirme que la durée à prendre en considération pour le calcul de l'amende ne peut être de treize ans. Elle fait valoir, à l'appui de cet argument, que les réunions ont évolué, dans leur nature et leur composition, au fil des années et se sont progressivement "essoufflées", que la Commission n'a guère produit de preuves concernant certaines périodes et que la Commission a reçu et admis des preuves attestant que certaines activités ont pris fin très tôt au cours de la période treize ans.

(308) Dans sa réponse à la communication des griefs, Nippon Soda soutient que, bien que les lignes directrices pour le calcul des amendes indiquent qu'une infraction de "longue durée" peut justifier une augmentation de 10 % par an, cela n'implique pas que toute infraction doive faire l'objet d'une telle majoration "par an". Deuxièmement, si la durée est prise en considération séparément, c'est pour pouvoir "sanctionner réellement les restrictions qui ont produit durablement leurs effets nocifs à l'égard des consommateurs". Or, comme il est expliqué ci-dessus dans la section "Gravité", Nippon Soda soutient que l'incidence réelle sur les consommateurs n'a pas été démontrée. Troisièmement, Nippon Soda soutient que pour fixer le montant des amendes, il serait erroné de considérer la durée comme étant le laps de temps qui sépare le premier du dernier élément d'une infraction complexe, sans apprécier ce qui s'est produit entre temps. (309) Pour sa part, Aventis ne conteste pas, pour l'essentiel, la durée de l'infraction dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission, bien qu'elle mette en doute la crédibilité des informations fournies par Nippon Soda sur la date de début de l'infraction, en particulier en ce qui concerne la réunion de février 1986. Comme il est indiqué plus haut, elle soutient, à cet égard, qu'il ne faut pas voir dans le fait qu'elle ne dispose pas d'informations plus détaillées concernant les contacts qui ont eu lieu dans les années 80 une tentative de dissimulation de ces contacts, en faisant valoir que, comme on peut s'y attendre, les souvenirs et les traces écrites sont plus complets pour les années 90. Le début et la durée des arrangements collusoires ont été établis aux considérants 82 à 86 et 251 à 259. Enfin, Degussa conteste fermement la durée de l'infraction et n'admet y avoir participé qu'entre 1992 et 1997. La durée de la participation de Degussa à l'entente est examinée aux considérants 251 à 259).

(310) La Commission doit réfuter les arguments de Nippon Soda. Après avoir établi l'existence et la durée de l'infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, la Commission doit prendre en considération, pour déterminer le montant de l'amende, la durée complète de l'infraction. Comme la Cour de justice (confirmant l'arrêt du Tribunal de première instance) l'a fait observer dans l'affaire C-49-92 P, Commission contre Anic Partecipazioni SpA, une entente complexe peut à juste titre être considérée comme une infraction unique et continue dont la durée est égale à la période au cours de laquelle cette entente a existé, même si l'entente peut très bien avoir été modifiée à l'occasion ou ses mécanismes adaptés ou renforcés pour tenir compte de l'évolution de la situation. La validité de cette appréciation n'est pas altérée par la possibilité qu'un ou plusieurs éléments d'une série d'actions ou d'une ligne de conduite continue puissent individuellement et intrinsèquement constituer une violation de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE. L'infraction peut par conséquent à juste titre être considérée comme ayant existé entre février 1986 et février 1999.

(311) La Commission en conclut qu'Aventis, Degussa et Nippon Soda ont commis l'infraction pendant douze ans et dix mois. Les montants de départ des amendes déterminés en fonction de la gravité (voir les considérants 302 et 311) sont par conséquent majorés de 10 % par an (et 5 % par semestre), soit de 125 %.

Conclusion relative aux montants de base

(312) En conséquence, la Commission fixe comme suit le montant de base des amendes:

- Aventis SA/AAN: 157,5 millions d'euros,

- Degussa AG: 157,5 millions d'euros,

- Nippon Soda Company Ltd: 18 millions d'euros.

2. Circonstances aggravantes

Rôle de meneur dans la réalisation de l'infraction

(313) La Commission est en possession d'éléments indiquant que certains des destinataires de la présente décision ont pris des initiatives dans le but de créer l'entente.

(314) Comme il est indiqué aux considérants 82 à 84, Rhône-Poulenc et Degussa ont d'abord contacté leurs homologues japonais pour mettre en place des arrangements anticoncurrentiels concernant les prix sur le marché de la méthionine et pour limiter les importations japonaises dans l'EEE. Rhône-Poulenc a comme souvenir des réunions des années 90 d'avoir convenu, avec Degussa, "d'amener Nippon Soda à participer au projet" (voir le considérant 110).

(315) D'autre part, si l'on considère la totalité des éléments de preuve disponibles dans la présente affaire, tels qu'ils sont décrits dans la partie factuelle de la présente décision, l'image qui se dégage est celle d'une entente issue d'une initiative commune. Il est établi que tous les membres du cartel ont participé à la plupart des réunions et organisé celles-ci à tour de rôle. Ils ont tous participé activement et directement à l'infraction, en échangeant leurs chiffres de vente et en se concertant sur les objectifs de prix.

(316) Aventis déclare que RPAN n'a ni forcé une autre société à prendre part à l'entente ni joué un rôle d'instigateur ou de meneur. Elle soutient que Nippon Soda a joué un rôle très actif dans l'entente et que Degussa elle-même s'est souvent comportée en meneur (105).

(317) Degussa déclare qu'elle ne doit pas être considérée comme ayant joué un rôle plus actif dans l'entente que Rhône-Poulenc ou Nippon Soda. Lorsqu'il est indiqué dans la communication des griefs que la réunion qui s'est tenue à Francfort-sur-le-Main en 1987 a été présidée par Degussa, celle-ci soutient que son rôle s'est limité à fournir une salle de réunion et à présenter les participants. Lorsque Rhône-Poulenc déclare que [ ]*, de Degussa, a organisé une réunion avec Nippon Soda à Hong Kong, il faut comprendre qu'elle n'a fait que contacter Nippon Soda à la suite d'une décision prise conjointement par Degussa et Rhône-Poulenc, ce qui a finalement conduit à la tenue d'une réunion à Hong Kong. Enfin, la Commission doit tenir compte de ce que le rôle joué par Degussa en 1991 et 1994 est mis en relief par le fait que la plupart des informations concernant cette période se fondent sur les notes prises par son représentant [ ]*.

(318) À la lumière de ce qui précède, la Commission considère qu'il n'est pas possible d'identifier un meneur.

3. Circonstances atténuantes

Rôle exclusivement passif dans la réalisation de l'infraction

(319) Nippon Soda affirme dans sa réponse qu'elle ne s'est jamais départie, dans les discussions relatives à l'EEE, d'un rôle passif dans l'infraction. Elle fait valoir que la part réduite qu'elle détient sur le marché de la méthionine au niveau mondial et au niveau de l'EEE (marché sur lequel elle n'est en outre présente que par l'intermédiaire de Mitsui) a eu pour conséquence que les producteurs européens ont naturellement joué un rôle prééminent dans les questions relatives aux marchés européens [ ]*.

(320) La capacité économique effective des entreprises d'influencer le marché de l'EEE selon leur taille économique a été prise en considération dans le calcul du montant de base de l'amende (voir les considérants 294 à 302).

(321) Aucun élément ne conduit la Commission à considérer que Nippon Soda a joué un rôle passif ou de suiveur dans la réalisation de l'infraction. L'entreprise était présente à la grande majorité des réunions du cartel recensées et elle a participé de manière directe et active à l'infraction. De fait, Nippon Soda a pris part aux réunions et échangé des informations sur les ventes pendant toute la durée de sa participation. Nippon Soda ne peut par conséquent prétendre avoir joué un "rôle exclusivement passif" (106).

(322) Le document de travail de Nippon Soda du 5 mai 1990 (107), par exemple, indique clairement qu'en 1989, "Nippon Soda et Rhône-Poulenc avaient tenté de persuader Degussa de ne pas s'aligner sur les prix bas proposés alors par Monsanto et Sumitomo", et donc que l'entreprise est intervenue directement pour orienter les activités du cartel.

(323) La Commission considère par conséquent que Nippon Soda ne peut pas bénéficier d'une réduction de l'amende en raison du rôle selon elle exclusivement passif qu'elle aurait joué au sein du cartel.

(324) Enfin, le fait que Nippon Soda était un petit opérateur sur le marché de la méthionine ne l'exonère pas de sa propre responsabilité en tant qu'entreprise. Elle aurait notamment pu signaler l'existence du cartel à la Commission.

Non-application effective des accords infractionnels

(325) Comme elle l'a indiqué aux considérants 278 à 281, la Commission considère que les accords anticoncurrentiels ont été mis en œuvre avec minutie. La circonstance atténuante n'est donc applicable à aucun des destinataires de la présente décision.

Autres circonstances atténuantes

(326) Comme indiqué précédemment (voir les considérants 282 à 287), la Commission doit considérer, selon Nippon Soda et Degussa, que les accords n'ont eu qu'une incidence "insignifiante" sur le marché de l'EEE. Les deux entreprises ont souligné que malgré l'entente, les prix n'ont cessé de chuter sous les objectifs de prix convenus. Elles ont également fait valoir que les participants n'étaient pas toujours disposés à mettre en œuvre les accords.

(327) La Commission considère, comme elle l'a indiqué aux considérants 276 à 291, que l'infraction a eu une incidence substantielle sur le marché de l'EEE. Elle note d'abord que la mise en œuvre d'accords sur des objectifs de prix n'implique pas nécessairement que ces prix soient appliqués tels quels. L'impossibilité régulièrement constatée d'appliquer les objectifs de prix convenus ne constitue pas forcément une circonstance atténuante. Les accords peuvent être considérés comme mis en œuvre lorsque les parties fixent leurs prix en vue de les faire évoluer vers l'objectif fixé. C'est ce que l'on constate avec le cartel de la méthionine.

(328) Ensuite, et bien qu'elle l'ait déjà évoqué au considérant 291, la Commission souligne une fois de plus que le fait pour une entreprise dont il est établi qu'elle a participé à une concertation sur les prix avec ses concurrents de n'avoir pas toujours agi sur le marché de la manière convenue avec ceux-ci ne constitue pas nécessairement un élément qui doit être pris en considération en tant que circonstance atténuante pour déterminer le montant de l'amende à infliger. Comme indiqué précédemment, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit (108).

(329) Quant à l'affirmation de Nippon Soda (voir le considérant 282) selon laquelle sa participation à l'entente ne saurait avoir eu qu'une incidence insignifiante sur les marchés relevant de la compétence de la Commission, étant donné qu'elle ne vend pas elle-même de méthionine au sein de l'EEE, la Commission souligne que le simple fait pour l'entreprise de vendre dans l'EEE par l'intermédiaire d'un distributeur indépendant ne saurait constituer en soi une circonstance atténuante. En ce qui concerne Nippon Soda, la Commission a établi, non seulement que cette entreprise avait participé activement à l'entente pendant toute la période d'existence du cartel (voir les considérants 319 à 324), mais aussi que l'infraction avait eu une incidence réelle sur le marché (voir les considérants 276 à 291). Comme indiqué précédemment, la Commission a dûment pris en considération le fait que le poids économique de Nippon Soda par rapport à celui des autres membres du cartel implique que sa capacité économique effective d'influencer le marché de l'EEE était plus faible (voir les considérants 294 à 302).

(330) Degussa indique également qu'elle a pris des mesures pour prévenir toute infraction future aux règles de concurrence. Elle a adopté, pour ce faire, un programme de mise en conformité. La Commission se félicite du fait que l'entreprise a pris des mesures en la matière. Elle considère cependant que cette initiative vient trop tard et ne saurait, parce qu'il s'agit d'un instrument de prévention, l'exonérer de son devoir de sanctionner une infraction aux règles de concurrence déjà commise par l'entreprise. Eu égard à ce qui précède, la Commission ne considère pas que l'adoption d'un programme de mise en conformité par Degussa soit une circonstance atténuante justifiant une réduction de l'amende.

(331) La Commission estime par conséquent que les participants à l'infraction en cause affectant le marché de la méthionine n'ont pas de circonstances atténuantes à faire valoir.

4. Application de la communication de la Commission sur la clémence

(332) Les destinataires de la présente décision ont coopéré avec la Commission à divers stades de l'enquête sur l'infraction, en vue de bénéficier du traitement favorable prévu par la communication de la Commission sur la clémence. Afin de répondre aux attentes légitimes des entreprises concernées en ce qui concerne la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant en fonction de la coopération dont elles ont fait preuve, la Commission examine dans la section ci-après si les parties concernées ont respecté les conditions prévues dans la communication sur la clémence.

Non-imposition d'amende ou réduction très importante de son montant ("Titre B")

(333) Aventis soutient qu'elle remplit les conditions fixées dans la communication de la Commission sur la clémence pour bénéficier d'une réduction d'au moins 75 %, voire d'une exemption totale, de l'amende qui lui aurait sinon été infligée.

(334) Aventis (AAN) souligne qu'elle a été le premier producteur à prendre l'initiative d'informer la Commission de l'existence du cartel de la méthionine et de sa propre participation à l'entente, de même qu'elle a été le premier producteur à fournir des éléments déterminants sans lesquels, selon elle, l'entente aurait pu ne pas être découverte. L'entreprise affirme également que RPAN avait déjà mis fin à sa participation au cartel lorsqu'elle a informé la Commission de son existence en mai 1999.

(335) Aventis fait également valoir qu'elle a coopéré de manière permanente avec la Commission et qu'elle a fourni tous les éléments d'information dont elle disposait. Elle déclare encore qu'elle n'a pas contraint une autre entreprise à participer à l'entente et qu'elle n'a pas joué un rôle d'instigateur ou de meneur, contrairement aux affirmations de Nippon Soda.

(336) Aventis (qui a succédé à Rhône-Poulenc) (109) conteste en outre toute affirmation explicite ou allusive dans la communication des griefs selon laquelle Rhône-Poulenc aurait tenté de dissimuler les contacts ayant eu lieu entre les producteurs au cours des années 80 ou d'en minimiser l'importance. Elle affirme au contraire que le début et la fin des contacts entre les producteurs de méthionine n'auraient pas été portés à la connaissance de la Commission si ce n'était par Rhône-Poulenc, qui a été la seule entreprise à décrire les trois dernières réunions, entre mai 1998 et février 1999. Aventis soutient qu'elle avait conscience, lorsqu'elle a dénoncé le cartel, que l'entente serait considérée comme une infraction de longue durée, c'est-à-dire de plus de cinq ans, et que ce facteur pourrait se traduire par une augmentation importante du montant de l'amende. Enfin, selon Aventis, la Commission doit prendre en considération le fait que AAN n'a participé à aucune infraction de même nature auparavant.

(337) L'entreprise relève également que dans des affaires d'entente telles que le cartel de la méthionine, la communication sur la clémence doit être appliquée de la manière la plus conséquente: si la Commission n'accorde pas l'immunité d'amende à la première partie qui l'informe des pratiques illégales d'une entente telle que le cartel de la méthionine, sa politique de clémence ne produira pas l'effet recherché, à savoir inciter les entreprises à dénoncer les ententes.

(338) La Commission reconnaît qu'Aventis a été la première entreprise à fournir des éléments déterminants sur l'existence d'une entente internationale dans le secteur de la méthionine affectant l'EEE. Ces éléments d'information ont été fournis dans une déclaration faite par Rhône-Poulenc le 26 mai 1999, à la suite de laquelle la Commission a effectué une vérification dans les locaux de Degussa-Hüls. Aventis remplit par conséquent les conditions prévues au titre B de la communication sur la clémence.

(339) La Commission relève cependant que Rhône-Poulenc n'a pas été en mesure de fournir des preuves documentaires de l'infraction, au motif que les salariés de RPAN n'ont pas créé ou n'ont pas conservé de documents de cette nature. La Commission observe également que la déclaration était incomplète en ce qui concerne le fonctionnement du cartel au cours des années 80. Dans un premier temps, sur la base des informations dont elle disposait, Aventis a même considéré que ces arrangements "ne constituaient pas un effort concerté pour parvenir à des accords sur les prix ou manipuler le marché et qu'ils ont cessé en 1987 ou 1988". La Commission reconnaît toutefois que cela pourrait s'expliquer par un souvenir lacunaire des faits, comme le soutient Aventis/AAN. La Commission constate enfin qu'Aventis n'a pas contesté la matérialité des faits décrits dans la communication des griefs. Elle prendra en considération l'ensemble de ces éléments pour déterminer le montant dont il convient de réduire l'amende.

(340) La Commission accorde par conséquent à Aventis une réduction de 100 % de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération.

(341) Nippon Soda estime que les informations qu'elle a fournies sur l'infraction avant 1990 font qu'elle doit être considérée comme remplissant toutes les conditions prévues aux titres B ou C de la communication sur la clémence. L'entreprise soutient que si la Commission devait considérer que les éléments de preuve qu'elle a fournis concernant les infractions commises avant 1990 ne remplissent pas lesdites conditions, cela reviendrait à ne pas accorder à Nippon Soda le crédit auquel elle a droit pour les informations qu'elle a communiquées concernant cette période. L'entreprise demande par conséquent à la Commission d'utiliser sa marge discrétionnaire pour reconnaître et récompenser la valeur ajoutée des informations communiquées par Nippon Soda concernant la période antérieure à 1990 en lui accordant une réduction de l'amende plus élevée que ne le prévoit la communication.

(342) Ni Nippon Soda ni Degussa n'ont été la première entreprise à fournir à la Commission des éléments déterminants sur le cartel de la méthionine, comme le veut le titre B, point b), de la communication sur la clémence. Elles ne replissent pas non plus la condition prévue au point a) dudit titre B.

Réduction importante du montant de l'amende ("Titre C")

(343) Ni Nippon Soda ni Degussa n'ont été la première entreprise à fournir à la Commission des éléments déterminants sur le cartel de la méthionine, comme le veut le titre C, point a), de la communication sur la clémence. Aucune de ces deux entreprises ne remplit par conséquent les conditions prévues au titre C.

Réduction significative du montant de l'amende

(344) En ce qui concerne la période postérieure à 1990, Nippon Soda considère qu'elle remplit et dépasse toutes les conditions prévues au titre D de la communication sur la clémence. Elle estime par conséquent devoir bénéficier, pour la période postérieure à 1990, de la plus grande clémence pouvant être accordée en application du titre D de la communication, c'est-à-dire 50 %. L'entreprise soutient cependant que sa coopération en l'espèce a permis à la Commission de présenter, pour la période postérieure à 1990, un dossier beaucoup plus solide et mieux étayé qu'elle n'aurait pu le faire autrement. Elle estime par conséquent que la Commission doit user de son pouvoir discrétionnaire pour faire preuve d'une plus grande clémence concernant cette période. Nippon Soda considère enfin qu'elle doit obtenir une réduction de son amende pour n'avoir pas contesté la matérialité des faits décrits dans la communication des griefs.

(345) La Commission reconnaît que Nippon Soda a fourni des informations qui ont contribué sensiblement à établir les faits liés à l'existence de l'entente avant 1990. Toutefois, comme il est indiqué plus haut, l'entreprise ne saurait bénéficier des mesures prévues aux titres B ou C de la communication sur la clémence, car elle n'a pas été la première à fournir des éléments déterminants, comme le prévoient le point b) du titre B et le point a) du titre C (110).

(346) La Commission considère par conséquent que Nippon Soda remplit les conditions prévues au titre D, point 2, premier et second tirets, de la communication sur la clémence.

(347) Les informations fournies par Nippon Soda était détaillées, et la Commission les a par conséquent largement utilisées pour mener son enquête. L'entreprise a communiqué des informations précieuses sur le contexte, l'origine et le fonctionnement du cartel. Comme indiqué précédemment, la Commission considère que les informations fournies par l'entreprise concernant la période antérieure à 1990 ont contribué sensiblement à confirmer l'existence de l'entente entre 1986 et 1990. La Commission reconnaît également que Nippon Soda n'a pas contesté la matérialité des faits tels qu'ils ont été exposés dans la communication des griefs. En vue de prendre pleinement en considération la valeur des informations fournies sur l'entente pour la période antérieure à 1990, ainsi que les autres aspects de la contribution de Nippon Soda à l'enquête (notamment l'absence de contestation de la matérialité des faits), la Commission accorde une réduction de 50 % de l'amende qui aurait été infligée à l'entreprise en l'absence de coopération.

(348) Pour sa part, Degussa affirme qu'elle a largement coopéré avec la Commission pendant l'enquête en fournissant des informations utiles sur le fonctionnement du cartel entre 1992 et 1997, et qu'elle a, ce faisant, été nettement au-delà de son obligation légale de répondre à la demande de renseignements de la Commission. Elle fait valoir qu'elle a aidé la Commission à débrouiller le sens des documents, à les classer et à les replacer dans leur contexte, ce qui a permis à la Commission de prouver le fonctionnement du cartel entre 1992 et 1997. Degussa estime par conséquent qu'elle remplit les conditions pour bénéficier d'une réduction significative du montant de l'amende.

(349) La Commission relève cependant que les informations fournies par Degussa ont été soit découvertes lors de la vérification effectuée dans les locaux de Degussa-Hüls le 16 juin 1999, soit communiquées par l'entreprise en réponse à la demande renseignements de la Commission du 28 juillet 1999.

(350) Degussa soutient à cet égard que la Commission a abusivement refusé, dans sa communication des griefs, de reconnaître la nature volontaire de la coopération dont a fait preuve l'entreprise. Elle fait observer qu'elle n'était pas tenue, conformément à la jurisprudence du Tribunal de première instance (111), de répondre aux questions contenues dans la demande de renseignements que la Commission lui a adressée en vertu de l'article 11, car ces questions "allaient manifestement au-delà d'éléments purement factuels".

(351) La Commission rejette catégoriquement cet argument et réaffirme son point de vue selon lequel la coopération dont a fait preuve Degussa ne saurait, pour l'essentiel, être qualifiée de "volontaire". En effet, la plupart des informations fournies par Degussa en réponse à la demande de renseignements relèvent entièrement du champ de l'obligation de répondre sans restrictions à une demande de cette nature à laquelle l'article 11 du règlement n° 17 soumet les entreprises. Aucune des questions contenues dans la demande de renseignements de la Commission au titre de l'article 11 auxquelles se réfère Degussa pour fonder son affirmation ne saurait être considérée comme portant atteinte aux droits de la défense de l'entreprise. Comme la Cour l'a déclaré dans l'affaire Orkem (112), le règlement n° 17 ne reconnaît à l'entreprise objet d'une mesure d'investigation aucun droit de se soustraire à l'exécution de cette mesure au motif que son résultat pourrait fournir la preuve d'une infraction aux règles de concurrence qu'elle a commise. Il lui impose, au contraire, une obligation de collaboration active, qui implique qu'elle tienne à la disposition de la Commission tous les éléments d'information relatifs à l'objet de l'enquête.

(352) Dans sa demande de renseignements, la Commission a surtout cherché à obtenir une explication factuelle concernant des documents (et certaines citations peu claires qui y figuraient) découverts dans les locaux de Degussa lors de la vérification du 16 juin 1999, et elle a demandé à l'entreprise de produire des documents dont l'existence était déjà établie. Il est constant dans la jurisprudence des juridictions communautaires (113) que la Commission est habilitée à demander des éclaircissements factuels de cette nature. Le Tribunal de première instance a ainsi établi (114) que "[le] fait d'être obligé de répondre aux questions purement factuelles posées par la Commission [...]* n'est pas susceptible de violer le principe du respect des droits de la défense ou le droit à un procès équitable. Rien n'empêche en effet le destinataire de démontrer, plus tard dans le cadre de la procédure administrative ou lors d'une procédure devant le juge communautaire, en exerçant ses droits de la défense, que les faits exposés dans ses réponses ou les documents communiqués ont une autre signification que celle retenue par la Commission".

(353) La Commission admet néanmoins que Degussa n'aurait pas pu être contrainte de fournir toutes les informations qu'elles a fournies et que celles-ci ont confirmé la tenue de la grande majorité des réunions entre 1992 et 1997, ainsi que plusieurs des faits en cause. En considération de la coopération dont Degussa a fait preuve d'une manière générale pendant l'enquête, la Commission parvient à la conclusion que l'entreprise remplit les conditions fixées au titre D, point 2, premier tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 25 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération.

(354) Degussa conteste cependant les faits exposés dans la communication des griefs en ce qui concerne la durée de l'entente. Elle affirme que "[l'exposé des] faits, tel qu'il figure dans la communication des griefs, ne reflète la réalité que dans la mesure où il indique que Degussa a participé à l'entente illégale entre la mi-1992 et 1997 (réunion de Copenhague)". La Commission a établi, dans la partie de la présente décision consacrée aux faits, que Degussa avait en réalité participé à l'entente pendant toute la durée de l'infraction. La Commission est par conséquent conduite à constater que Degussa ne remplit pas les conditions prévues au titre D, point 2, second tiret, de la communication sur la clémence. Degussa ne remplit donc pas les conditions requises pour se voir appliquer une réduction du montant de l'amende conformément au titre D, point 2, second tiret, de la communication sur la clémence.

Conclusion sur l'application de la communication sur la clémence

(355) En conclusion, eu égard à la nature de leur coopération et compte tenu des conditions prévues par la communication sur la clémence, la Commission accorde aux destinataires de la présente décision les réductions suivantes de leurs amendes respectives:

- Aventis SA/AAN: réduction de 100 %,

- Degussa AG: réduction de 25 %,

- Nippon Soda Company Ltd: réduction de 50 %.

5. Montants finals des amendes infligées dans la présente procédure

(356) En conclusion, les amendes qui doivent être infligées conformément à l'article 15, paragraphe 2, point a), du règlement n° 17 s'élèvent aux montants suivants:

- Aventis SA/AAN: 0 euro,

- Degussa AG: 118 125 000 euros,

- Nippon Soda Company Ltd: 9 000 000 d'euros.

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Aventis SA et Aventis Animal Nutrition SA, conjointement responsables, Degussa AG et Nippon Soda Company Ltd ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, en participant, de la manière et dans la mesure décrites dans les considérants, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées dans le secteur de la méthionine. L'infraction a été commise - de février 1986 à février 1999.

Article 2

Les entreprises visées à l'article 1er mettent fin sans délai à l'infraction précitée, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent dorénavant, dans le cadre des activités qu'elles exercent dans le secteur de la méthionine, de mettre en œuvre tout accord ou toute pratique concertée pouvant avoir un effet ou un objet similaires à ceux de l'infraction.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées à l'article 1er pour l'infraction constatée audit article:

- Degussa AG, une amende de 118 125 000 euros,

- Nippon Soda Company Ltd, une amende de 9 000 000 d'euros.

Article 4

Les amendes sont payables dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, au compte bancaire suivant:

Compte no: 642-0029000-95 de la Commission européenne auprès de Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA) SA

Avenue des Arts/Kunstlaan, 43

B-1040 Bruxelles

Code SWIFT: BBVABEBB

Code IBAN: BE76 6420 0290 0095

L'amende porte intérêt de plein droit à compter de l'expiration du délai précité, au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision est adoptée, majoré de 3,5 points de pourcentage.

Article 5

Aventis SA

1, avenue de l'Europe

F-67300 Strasbourg

Aventis Animal Nutrition SA

42, avenue Aristide-Briand

F-92150 Antony

Degussa AG

Bennigsenplatz 1

D-40474 Düsseldorf

Nippon Soda Company Ltd

Shinotemachi Building

2-2-1 Otemachi/Chiyoda-Ku

Tokyo 100-8165 (Japon)

sont destinataires de la présente décision.

(*) Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu'aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivi d'un astérisque.

(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204-62.

(2) JO L 1 du 4.1.2003, p. 1.

(3) JO L 354 du 30.12.1998, p. 18.

(4) JO C 241 du 8.10.2003.

(5) JO L 395 du 30.12.1989, p. 1.

(6) Affaire IV/M.1378 (JO C 254 du 7.9.1999, p. 5).

(7) [1767].

(8) [1800-1801, 1802-1805, 1806-1809, 1810-1813, 1814-1820].

(9) Réponse de Sumitomo à la demande de renseignements en application de l'article 11, p. 6 et suivantes.

(10) [1767].

(11) [1614-1615].

(12) [1732].

(13) [1616].

(14) [1767].

(15) Cette distinction ne semble pas être aussi évidente pour les autres entreprises concernées que pour Nippon Soda: Degussa a en effet continué à utiliser le terme "sommet". Toutefois, l'orientation et le thème central des réunions semblent bien avoir changé avec l'arrivée de Monsanto (dont le secteur "méthionine" devait ensuite être séparé du groupe pour devenir une société indépendante, Novus) sur le marché européen, en 1988-1989.

(16) [1802-1805].

(17) [1712-1713, 1719].

(18) [1719-1720].

(19) Déclaration de Nippon Soda du 23 février 2000, p. 4 et 5 [1767-1768].

(20) [1800-1801].

(21) [1800-1801].

(22) Il s'agit manifestement d'une erreur de frappe, la date réelle devant être 1990.

(23) La note montre aussi que les parties à l'entente étaient essentiellement préoccupées par l'arrivée de Monsanto sur le marché (des documents trouvés chez Degussa indiquant les ventes de Monsanto en 1990 exprimées en tonnes et ses gros clients montrent que Monsanto était l'un des principaux sujets de préoccupation du cartel; voir pages [49] et [50-51]). À plusieurs reprises pendant la durée de l'entente, les parties ont cherché à obtenir la coopération de Monsanto.

(24) [1712].

(25) [1768].

(26) [1772-1773].

(27) [1773].

(28) [1782-1799].

(29) [558].

(30) [134-137].

(31) [195].

(32) [136].

(33) [567].

(34) [192-193].

(35) [198].

(36) [190-191].

(37) [187].

(38) [173].

(39) [192-193].

(40) [175-180].

(41) [1806-1809].

(42) [1810-1813].

(43) [1814-1820].

(44) [1814-1820] (p. 5).

(45) [167-172].

(46) [167-172] (p. 4).

(47) À plusieurs reprises, l'idée a été émise au sein du cartel que les membres devraient tenter de persuader Novus de participer aux arrangements, mais les tentatives en ce sens n'ont jamais abouti.

(48) [154-158].

(49) [154-158] (dernière page).

(50) [118-121].

(51) [122].

(52) [125-133].

(53) [59].

(54) [105-115].

(55) [105-115] (p. 11).

(56) [80-83].

(57) [97].

(58) [...]*, de Degussa, qui a participé aux réunions jusqu'en 1991.

(59) [294].

(60) [1776].

(61) [1773, 1745-1754].

(62) [1773].

(63) [1724-1725].

(64) [1724].

(65) [1725].

(66) [1775].

(67) [1726].

(68) Voir l'acte final de l'accord sur l'Espace économique européen (JO L 1 du 3.1.1994, p. 3).

(69) Conformément à l'article 56, paragraphe 1, point b), de l'accord EEE, et sans préjudice de la compétence de la Commission des Communautés européennes, lorsque le commerce entre États membres de la Communauté est affecté, l'ASA a également compétence pour connaître des cas où le chiffre d'affaires des entreprises concernées sur le territoire des États de l'AELE est égal ou supérieur à 33 % de leur chiffre d'affaires sur le territoire de l'EEE.

(70) Voir ci-dessous le chapitre 5 "Effets sur le commerce entre États membres de l'Union et entre parties contractantes à l'accord EEE".

(71) Affaires jointes T-305-94, etc., Limburgse Vinyl Maatschappij NV et autres contre Commission (PVC II), Rec. 1999, p. II-931, point 715.

(72) La jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance analysée ci-dessous en ce qui concerne l'interprétation des termes "accords" et "pratiques concertées" utilisés à l'article 81 du traité CE exprime des principes bien établis avant la signature de l'accord EEE. Elle s'applique par conséquent également à ces termes dans la mesure où ils sont utilisés à l'article 53 de l'accord EEE. Les renvois à l'article 81 s'appliquent donc aussi à l'article 53.

(73) Affaire 48-69, Imperial Chemical Industries contre Commission, Rec. 1972, p. 619, point 64.

(74) Affaires jointes 40-48-73, etc., Suiker Unie et autres contre Commission, Rec. 1975, p. 1663.

(75) Voir aussi l'arrêt du Tribunal de première instance, dans l'affaire T-7-89, Hercules contre Commission, Rec. 1991, p. II-1711, point 256.

(76) Arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, dans l'affaire C-199-92 P, Hüls contre Commission, Rec. 1991, p. I-4287, points 158 à 166.

(77) Arrêt du Tribunal de première instance, dans l'affaire T-7-89, Hercules contre Commission, point 264.

(78) Point 696.

(79) Arrêt du Tribunal de première instance, dans l'affaire T-7-89, Hercules contre Commission, points 262 et 263.

(80) Arrêt de la Cour de justice, dans l'affaire C-49-92, Commission contre Anic, Rec. 1999, p. I-4125, point 83.

(81) Arrêt du Tribunal de première instance, dans l'affaire T-25-95, etc., Cimenteries CBR e.a. contre Commission, Rec. 2000, p. II-491, point 2430.

(82) Selon la réponse de Degussa à la demande de la Commission en application de l'article 11, cette réunion s'est tenue à Lisbonne du 15 au 17 mars 1992. Dans sa réponse à la communication des griefs, Degussa s'y réfère en parlant de la réunion de "Barcelone" de 1992, mais il convient apparemment de lire "Lisbonne" au lieu de "Barcelone".

(83) Voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal de première instance, dans l'affaire T-25-95, Cimenteries CBR e.a. contre Commission, Rec. 2000, p. II-491; l'arrêt du Tribunal de première instance, dans l'affaire T-21-99, Dansk Rorindustrie AS contre Commission, points 41 à 49 (non encore publié au Recueil); l'arrêt du Tribunal de première instance, dans l'affaire T-12-89, Solvay & Cie SA contre Commission, Rec. 1992, p. II-907, points 98 et 99; et l'arrêt du Tribunal de première instance, dans l'affaire T-141-89, Tréfileurope contre Commission, Rec. 1995, p. II-791, points 85 et 86.

(84) Arrêt du Tribunal de première instance, dans l'affaire T-25-95, etc., Cimenteries CBR e.a. contre Commission, Rec. 2000, p. II-491, point 3927. Voir aussi l'arrêt du Tribunal de première instance, dans les affaires T-374-94, T-375-94, T-384-94 et T-388-94, European Night Services contre Commission, Rec. 1998, p. II-3196, point 136, dans lequel le Tribunal a réitéré ce principe dans le contexte spécifique des accords de fixation des prix.

(85) Arrêt du Tribunal de première instance, dans l'affaire T-13-89, Imperial Chemical Industries contre Commission, Rec. 1992, p. II-1021, point 304.

(86) Arrêt de la Cour de justice, dans les affaires jointes 209 à 215 et 218-78, Van Landewyck et autres contre Commission, Rec. 1980, p. 3125, point 170.

(87) Affaire 48-69, Imperial Chemical Industries, Rec. 1972, p. 619, points 132 et 133.

(88) Affaire 107-82, AEG-Telefunken, Rec. 1983, p. 3151, point 50.

(89) Affaire T-65-89, BPB Industries, Rec. 1993, p. II-389, point 149 (Recours rejeté par arrêt de la Cour dans l'affaire C-310-93, Rec. 1995, p. I-865).

(90) Arrêt de la Cour de justice, dans l'affaire C-286-98, Stora Kopparbergs Bergslags AB, Rec. 2000, p. I-9925, point 29.

(91) Décisions de la Commission dans les affaires Polypropylène (JO L 230 du 18.8.1986, p. 1, point 96), PVC (JO L 74 du 17.3.1989, p. 1, considérant 43) et Carton (JO L 243 du 19.9.1994, p. 1, considérant 156). Voir aussi l'affaire T-6-89, Enichem Anic SpA contre Commission (polypropylène), Rec. 1991, p. II-1623. Arrêt confirmé par la Cour de justice, dans l'affaire C-49-92 P, Commission contre Anic Partecipazioni SpA, Rec. 1999, p. I-4125. Voir encore l'affaire T-327-94, SCA Holdings Ltd contre Commission, Rec. 1998, p. II-1373. Arrêt confirmé par la Cour de justice, dans l'affaire C-297-98 P, SCA Holdings Ltd, Rec. 2000, p. I-10101.

(92) Affaire T-352-94, Mo Och Domsjö AB contre Commission, Rec. 1998, p. II-1989, point 87.

(93) Voir aussi l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire Stora Kopparbergs Bergslags AB contre Commission, Rec. 2000, p. I-9925, points 37 et 38.

(94) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis renvoie à sa lettre à la Commission du 17 janvier 2002, dans laquelle elle expose les raisons pour lesquelles elle considère qu'AAN doit être destinaire de la décision plutôt qu'Aventis SA.

(95) En vertu de l'article 5 du règlement (CE) n° 2894-94 du Conseil du 28 novembre 1994 relatif à certaines modalités d'application de l'accord sur l'Espace économique européen, "les règles communautaires donnant effet aux principes énoncés aux articles 85 et 86 [à présent les articles 81 et 82] du traité CE [...]* s'appliquent mutatis mutandis" (JO L 305 du 30.11.1994, p. 6).

(96) JO C 207 du 18.7.1996, p. 4.

(97) Voir le considérant 61.

(98) Les membres du cartel couvraient quasiment l'intégralité du marché pendant les premières années de l'entente. Après l'entrée sur le marché de Monsanto (Novus depuis 1991), les membres du cartel ont progressivement perdu des parts de marché. Vers la fin de l'infraction, les participants détenaient cependant encore plus de 60 % des marchés mondial et européen de la méthionine.

(99) [1806-1809].

(100) 1 dollar des États-Unis = 1,61147 mark allemand en 1990 (Taux de conversion officiel d'Eurostat).

(101) 1 dollar des États-Unis = 1,61147 mark allemand en 1990 (Taux de conversion officiel d'Eurostat).

(102) 1 dollar des États-Unis = 1,61147 mark allemand en 1990 (Taux de conversion officiel d'Eurostat).

(103) 1 dollar des États-Unis = 1,61147 mark allemand en 1990 (Taux de conversion officiel d'Eurostat).

(104) Affaire T-308-94, Rec. 1998, p. II-925, point 230.

(105) Réponse d'Aventis à la communication des griefs de la Commission, p. 14.

(106) Voir, par exemple, le considérant 365 de la décision de la Commission dans l'affaire COMP-36.545-F3 - Acides aminés (JO L 152 du 7.6.2001, p. 24).

(107) Voir les considérants 98 et suivants.

(108) Affaire T-308-94, Cascades SA contre Commission, Rec. 1998, p. II-925, point 230.

(109) Comme il est expliqué précédemment, voir la section "Destinataires ".

(110) Nippon Soda ne remplit pas non plus la condition prévue au point a) du titre B.

(111) Arrêt du Tribunal de première instance du 20 février 2001, dans l'affaire T-112-98, Mannesmann Röhren-Werke AG contre Commission, et arrêt de la Cour de justice, dans l'affaire 374-87, Orkem contre Commission, Rec. 1989, p. 3283, point 35.

(112) Arrêt de la Cour de Justice, dans l'affaire 374-87, Orkem contre Commission, Rec. 1989, p. 3283, point 27.

(113) Arrêt du Tribunal de première instance du 20 février 2001, dans l'affaire T-112-98, Mannesmann Röhren-Werke AG contre Commission, points 70, 77 et 78; arrêt de la Cour de justice, dans l'affaire 374-87, Orkem contre Commission, Rec. 1989, p. 3283, points 37, 38 et 40. Voir aussi l'arrêt de la Cour de justice, dans l'affaire C-227-92 P, Hoechst AG contre Commission, recueil 1989, p. 2859 et les conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 20 septembre 2001 dans l'affaire C-94-2000, Roquette Frères contre Commission, concernant les pouvoirs que l'article 14 du règlement n° 17 confère à la Commission pour lui permettre de s'acquitter de la tâche qui lui incombe de mettre en lumière toute infraction aux articles 81 ou 82 du traité CE.

(114) Ibidem, point 78.