CCE, 10 juin 1998, n° 1999-133
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aide d'État en faveur de la Coopérative d'exportation du livre français (CELF)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93, paragraphe 2, premier alinéa, après avoir invité les intéressés à lui présenter leurs observations conformément à l'article 93, considérant ce qui suit:
I. ANNULATION DE LA DÉCISION CELF
Le 18 septembre 1995, le Tribunal de première instance (ci-après dénommé "le TPI" ou "le Tribunal" a annulé dans son arrêt dans l'affaire T49-93, SIDE/Commission (1), partiellement la décision de la Commission, du 18 mai l993, autorisant certaines aides accordées par le Gouvernement français aux exportateurs de livres en langue française. Cette décision de la Commission est annulée pour autant qu'elle concerne les aides accordées à la Coopérative d'exportation du livre français (CELF) pour compenser le surcoût de traitement des petites commandes passées par des libraires établis à l'étranger.
II. PROCÉDURE PRÉCONTENTIEUSE
Par lettre du 20 mars 1992, la partie requérante, la Société internationale de diffusion et d'édition (ci-après dénommée "la SIDE"), un concurrent du CELF, a demandé à la Commission si les aides accordées au CELF et par ce dernier avaient ou non été notifiées conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité.
Par lettres du 2 avril 1992 et du 23 février 1993, la Commission a demandé au Gouvernement français des renseignements sur les mesures dont bénéficiait le CELF. Les autorités françaises les lui ont transmis par lettre du 29 juin 1992 et par télécopie du 19 avril 1993.
Par lettre du 7 août 1992, la Commission a confirmé par écrit à la SIDE que les aides en question n' avaient pas été notifiées et l'a invitée à lui communiquer toute information supplémentaire jugée utile. Par lettre du 7 septembre 1992, la SIDE a communiqué des informations à la Commission.
Le 18 mai 1993, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'octroi des aides en question. La SIDE a été informée de cette décision de la Commission par lettre du 27 mai 1993. Le Gouvernement français a été informé, par lettre du 10 juin 1993, de la décision de la Commission d'autoriser ces aides au titre de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité.
III. PRINCIPALES CONCLUSIONS DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance le 2 août 1993, la SIDE a introduit un recours visant à l'annulation de la décision de la Commission. Elle a, pour ce faire, invoqué trois moyens. Le Tribunal, n'ayant cependant retenu que le moyen relatif à la violation de l'article 92, paragraphe 3, a annulé les parties en cause de la décision de la Commission pour vice de procédure.
Dans la décision contestée, la Commission a appliqué la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point c), sur la base, d'une part, de l'objectif culturel des régimes d'aide en question et, d'autre part, de la situation particulière de la concurrence dans le secteur du livre. Le Tribunal a par conséquent examiné, en premier lieu, si la Commission avait pu vérifier que l'objectif poursuivi par les autorités françaises était effectivement d'ordre culturel et, en second lieu, si elle avait procédé à une analyse économique du secteur concerné lui permettant de conclure que l'octroi des aides litigieuses n'affectait pas les conditions de la concurrence et des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
Pour ce qui est de l'objectif des aides, le Tribunal n'a émis aucun doute quant au fait que la Commission était légitimement convaincue de son caractère culturel, mais a estimé, en ce qui concerne le second point, que les informations sur lesquelles la Commission avait fondé son appréciation de la compatibilité des aides avec le marché commun n'étaient pas suffisantes.
Par conséquent, le Tribunal a conclu que la Commission aurait dû ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, afin de permettre à toutes les parties de présenter leurs observations et d'être, quant à elle, éclairée sur les aspects essentiels de l'affaire avant de prendre sa décision, ce qui lui aurait permis de vérifier le bien-fondé de son appréciation qui était de nature à soulever des difficultés sérieuses.
IV. PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 93, PARAGRAPHE 2 DU TRAITÉ
Par lettre du 17 octobre 1995, la Commission a demandé aux autorités françaises de l'informer, avant qu'elle n'examine la possibilité d'ouvrir cette procédure d'enquête, de toute modification qu'elles auraient apportée aux aides accordées au CELF à la lumière de l'arrêt rendu par le Tribunal. Les autorités françaises ont répondu, par lettre du 5 décembre 1995, qu'elles n'avaient apporté aucune modification aux aides en question.
Une réunion s'est tenue, le 7 juin 1996, entre la SIDE et la Commission. Le 28 juin 1996, la SIDE a communiqué à la Commission des informations supplémentaires qu'elle jugeait utiles.
Le 30 juillet 1996, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'égard de ces aides. Le Gouvernement français en a été informé par lettre du 21 août 1996.
À la suite de la lettre du Gouvernement français du 23 septembre 1996, la Commission a accordé aux autorités françaises, par lettre du 1er octobre 1996, une prolongation du délai qui leur était imparti pour répondre à sa décision.
Par sa lettre du 13 octobre 1996, la SIDE a fait état de la procédure qu'elle a engagée sur le plan national (Tribunal administratif de Paris) pour obtenir la suppression de la subvention compensatoire en faveur des petites commandes et le remboursement des sommes déjà versées.
La communication de la Commission (2) invitant les tiers intéressés à lui présenter leurs observations sur les aides en cause a été publiée le 5 décembre 1996. Plusieurs tiers (voir la partie VII), qui contestent pour la plupart l'octroi de ces aides, lui ont envoyé leurs observations au cours des mois de décembre 1996 et de janvier 1997. La Commission a ensuite transmis ces observations au Gouvernement français par lettre du 15 avril 1997. À cet égard, il convient de préciser que la SIDE, déplorant la lenteur de la procédure engagée au niveau national, a demandé à la Commission, par lettre du 6 janvier 1997, d'adopter des mesures d'urgence enjoignant au Gouvernement français de "suspendre immédiatement le versement de toutes les aides à l'exportation du livre et de toutes celles pouvant avoir pour effet de fausser la concurrence sur le marché de la Commission à l'exportation, quel qu'en soit le bénéficiaire officiel, et d'ordonner le remboursement des aides octroyées illégalement depuis 1980."
Par lettres des 2 et 25 juillet 1997, la SIDE a attiré l'attention de la Commission sur le fait que les autorités françaises ont continué d'accorder illégalement des aides au CELF et a déploré la lenteur avec laquelle le Gouvernement français avait répondu aux observations des tiers.
Ce dernier a répondu à la décision de la Commission d'ouvrir une procédure et aux observations des tiers par de longues lettres datées respectivement du 12 décembre 1996 et du 1er octobre 1997. Une réunion s'est tenue entre les représentants de la Commission et les autorités françaises le 29 octobre 1997. À la suite de ces discussions, le Gouvernement français a transmis à la Commission des informations et des observations supplémentaires par lettres du 30 octobre et du 21 novembre 1997.
Par lettre du 19 décembre 1997, la SIDE a adressé à la Commission un exemplaire de la requête qu'elle avait déposée en décembre 1997 dans le cadre de la procédure engagée, au niveau national, contre l'État français au sujet des aides illégalement versées au CELF. Le 10 février 1998, la Commission a reçu un exemplaire du mémoire en duplique présenté par le Gouvernement français dans la même affaire.
Le 13 février 1998, une réunion s'est tenue entre, d'une part, les représentants de la Commission et, d'autre part, les autorités françaises et les représentants du CELF pour aborder d'une manière plus détaillée la question de la proportionnalité de l'aide en cause.
Par lettre du 5 mars 1998, les autorités françaises ont communiqué à la Commission des renseignements supplémentaires relatifs, en particulier, à la nature compensatoire de l'aide. Par télécopies du 26 mars et du 10 avril 1998, le CELF a transmis à la Commission des informations mises à jour concernant les coûts supplémentaires liés au traitement des petites commandes et la nature compensatoire de l'aide. Par télécopie du 17 avril 1998, le ministère de la Culture a également fourni à la Commission des informations complémentaires. Enfin, par télécopie du 19 mai 1998, les autorités françaises ont communiqué d'autres renseignements à la Commission.
V. CRÉATION ET TÂCHES DU CELF EN TANT QUE COOPÉRATIVE
Le CELF (Coopérative d'exportation du livre français, agissant sous le nom commercial de "Centre d'exportation du livre français") est une société anonyme coopérative dont l'objet, d'après ses statuts actuels, est de "traiter directement des commandes vers l'étranger et les territoires et départements d'outre-mer, de livres, brochures et tous supports de communication et plus généralement d'exécuter toutes opérations visant notamment à développer la promotion de la culture française à travers le monde au moyen des supports susdésignés."
Les 101 coopérateurs du CELF sont pour la plupart des éditeurs établis en France, bien que la coopérative soit ouverte à tout opérateur actif dans le secteur de l'édition ou celui de la diffusion de livres en langue française, indépendamment de son lieu d'établissement. Le CELF a une activité commerciale de diffusion de livres dirigée principalement vers les pays et les zones non francophones, étant donné que dans les zones francophones, en particulier de la Belgique, du Canada et de la Suisse, cette activité est assurée par les réseaux de distribution établis par les éditeurs (voir l'étude de marché, partie X).
Selon le Gouvernement français, avant la création du CELF, le traitement des petites commandes était en partie assuré dans le cadre des activités internationales de Hachette, la structure de ces activités ayant été créée dans l'entre-deux-guerres, lorsque les réseaux de distribution n'existaient pas encore. Cependant, Hachette a décidé de cesser ces activités en 1976 parce qu'elles n'étaient pas rentables. Puis, le CELF a été fondé en 1977. En 1979, alors que le CELF faisait face à des difficultés financières, la profession, les éditeurs, le Syndicat national de l'édition et les pouvoirs publics ont convenu que le CELF devait être maintenu, en particulier parce que le traitement des petites commandes était considéré comme un service d'intérêt économique général qu'aucun autre opérateur économique n'était disposé à assurer. L'octroi de subventions compensatoires pour le traitement des petites commandes n'a donc commencé sous sa forme actuelle qu'en 1980.
Les activités actuelles du CELF sont les suivantes:
- la distribution: il s'agit de la principale activité du CELF. En tant que grossiste, le CELF approvisionne uniquement les éditeurs et les libraires ayant passé des commandes fermes,
- la diffusion: cette activité, qui est plus récente, permet au CELF d'offrir aux éditeurs l'équivalent d'une structure d'exportation. Ceux-ci peuvent ainsi être représentés dans des zones géographiques qu'ils considèrent comme moins importantes sans courir les risques qui sont normalement liés à l'exportation,
- la gestion de programmes publics bénéficiant du soutien financier de l'État, tels que le traitement des petites commandes et certains régimes d'aide; ces derniers ont été autorisés par le TPI parce qu'ils n'affectent pas les échanges entre États membres,
- le CD-ROM Cézame: il s'agit d'une nouvelle activité qui ne bénéficie pas du soutien financier de l'État. En 1996, le CELF a décidé de commercialiser un CD-ROM destiné aux librairies. Ce système leur permet de passer leurs commandes auprès du CELF ou de tout autre fournisseur par télétransmission.
VI. L'AIDE ACCORDÉE AU CELF POUR LE TRAITEMENT DES PETITES COMMANDES
La subvention d'exploitation accordée au CELF a pour objet de compenser le surcoût de traitement des petites commandes passées par les libraires établis à l'étranger. Elle permet au CELF de satisfaire des commandes jugées non rentables par les éditeurs ou leurs distributeurs associés en raison de l'importance des coûts de transport qu'elles impliquent par rapport à leur valeur totale. Par conséquent, cette aide contribue à la diffusion de la langue et de la littérature françaises.
Selon le Gouvernement français, les autres moyens d'atteindre les objectifs visés par l'aide accordée au CELF, tels que l'octroi d'aides directes aux nombreuses librairies concernées ou aux éditeurs et distributeurs qui accepteraient de traiter ces petites commandes, ont été jugés trop coûteux et de nature à poser des problèmes de surveillance. Les autorités ont mis en place le mécanisme d'aide qui leur a paru le plus rationnel sur le plan économique et le plus sûr en matière d'utilisation des fonds publics et qui porterait le moins atteinte aux canaux de distribution. Les autorités françaises ont donc estimé que la solution consistant à compenser le surcoût de traitement des petites commandes au moyen d'une aide spéciale octroyée par le ministère de la Culture aux commissionnaires à l'exportation était la meilleure.
Parmi les différents intervenants du secteur de la distribution de livres, les commissionnaires qui ne traitent qu'avec les détaillants ou les organisations, mais pas avec les clients finals, satisfont des commandes dont le traitement est jugé trop coûteux par les éditeurs ou leurs distributeurs. Le commissionnaire collecte les commandes de différents clients qui sont insignifiantes en elles-mêmes et s'adresse à l'éditeur ou distributeur concerné, qui devra donc livrer les ouvrages commandés à une seule et même adresse. Si ces clients sont des libraires ou des établissements publics qui souhaitent commander des ouvrages auprès de différents éditeurs, le commissionnaire groupe les commandes par éditeur et évite ainsi à ses clients d'avoir à passer plusieurs commandes auprès de nombreux fournisseurs. En raison des coûts fixes liés au traitement de toute commande, l'intervention d'un commissionnaire permet à la fois aux distributeurs et aux clients de réduire leurs coûts, ce qui la rend économiquement rentable.
En pratique, l'aide est octroyée de la manière suivante: les libraires qui ont besoin de petites quantités d'ouvrages publiés par des éditeurs différents passent leurs commandes auprès du CELF, qui fait ensuite fonction de commissionnaire à l'exportation. La subvention vise, en particulier, à permettre la satisfaction des commandes d'une valeur inférieure à 500 francs français (FRF), sans compter les coûts de transport, qui sont considérés comme étant situés au-dessous du seuil de rentabilité. Un quart du montant de la subvention accordée au cours de l'année précédente est versé au début de l'année, le reste étant versé à l'automne, après examen par les pouvoirs publics du budget prévisionnel du CELF et des fluctuations enregistrées au cours de la première partie de l'exercice. Il appartient ensuite au CELF de soumettre au ministère de la Culture et de la Francophonie un rapport détaillant la manière dont la subvention a été utilisée, dans un délai de trois mois à compter de la fin de l'exercice.
Le montant de l'aide prévu au budget s'élève normalement à 2 millions de FRF par an. Cependant, si ce montant n'est pas utilisé dans son intégralité, le montant restant est déduit de la somme prévue pour l'année suivante. Le montant de l'aide a été de 2 millions de FRF en 1990, de 2,4 millions de FRF en 1991, de 2,7 millions de FRF en 1992 et de 2,5 millions de FRF en 1993. En fait, le montant de l'aide effectivement utilisée en 1992 s'est élevé à 1,7 million de FRF (alors que le montant prévu au budget était de 2,7 millions de FRF). La même tendance s'est poursuivie au cours des années suivantes: en 1994 et en 1995, le montant de l'aide a été d'environ 2 millions de FRF, portant ainsi son montant moyen à 2,0675 millions de FRF par an pour la période 1992-1995 (1,77 million de FRF en 1992 et 2,5 millions en 1993). En 1996, le montant de l'aide a de nouveau été de 2 millions de FRF. Cependant, comme le volume des petites commandes a été un peu moins important cette année-là, le CELF n'a reçu que 1,6 million de FRF en 1997.
Les autorités françaises font valoir que le traitement des petites commandes nécessite une série de tâches et de procédures manuelles qui le rendent plus coûteux que celui des grosses commandes. Le montant moyen des petites commandes étant faible, ces coûts supplémentaires rendent leur traitement largement non rentable. En particulier, les autorités françaises ont présenté à la Commission une estimation de ces coûts supplémentaires calculée sur la base d'un système de comptabilité des coûts, qui permet de déterminer le coût des différentes tâches intervenant dans le traitement des petites commandes. Ces tâches sont expliquées ci-dessous.
Le traitement d'une petite commande commence par la réception d'un bon de commande envoyé par une librairie. Dès la réception du bon de commande, les données relatives au client sont contrôlées (par exemple, de manière à identifier la librairie, à contrôler la solvabilité du client et à vérifier s'il est assuré). Le CELF exécute ces tâches d'une manière systématique, indépendamment de la valeur de la commande en cause. Lorsqu'il s'agit de petits clients, ces tâches sont généralement effectuées plus souvent et prennent par conséquent plus de temps.
Les activités de recherche consistent à trouver le numéro ISBN correct des livres commandés, à les rechercher dans les catalogues des éditeurs et les bases de données (Électre, Cézame, Minitel), ainsi qu'à vérifier s'ils se trouvent en stock. Dans ces conditions, l'exactitude des informations contenues dans le bon de commande et l'origine des petites commandes sont des éléments importants. Les grandes maisons d'édition passent leurs commandes d'une manière automatisée; en d'autres termes, elles sont dotées d'un équipement moderne, ce qui permet au CELF d'identifier aisément les ouvrages commandés. La plupart des clients du CELF sont, cependant, de petites librairies qui ne disposent pas toujours d'un équipement moderne, ce qui accroît sa charge de travail bien que le chiffre d'affaires correspondant aux petites commandes ne représente que 4,8 % du chiffre d'affaires total du CELF. Les activités de recherche et le fait que les livres commandés ne soient pas en stock entraînent des coûts supplémentaires pour le CELF.
La commande est envoyée à un éditeur soit par télétransmission [Édilectre ou Allegro (3)], soit sous format papier. Les commandes adressées aux grands éditeurs, tels que Point Seuil, Folio Gallimard ou Hachette, ne posent pas de problèmes particuliers. Cependant, dans les faits, la plupart des commandes sont envoyées aux petits éditeurs avec lesquels il n'est pas possible de recourir à la télétransmission. Selon le CELF, les coûts supplémentaires sont, dans ces conditions, très visibles dans la mesure où les petites commandes concernent souvent des livres publiés par des éditeurs actifs dans une structure nécessitant un traitement particulier. Le CELF traite 67 % de ses petites commandes sans recourir à la transmission automatisée. De plus, les différentes modalités de paiement dépendent largement de la taille des éditeurs. Par exemple, les petits éditeurs ont tendance à exiger un paiement immédiat.
En ce qui concerne les coûts de transport, il convient de noter que les grandes maisons d'édition facturent actuellement le kilogramme à 0,75 FRF (pris convenu par la profession) pour les livraisons concernant Paris. Les tarifs pratiqués par les services d'expédition rapide et les services postaux pour la livraison de livres de petits distributeurs sont respectivement de 6,5 FRF et 24 FRF le kilogramme. Les montants facturés aux libraires établis à l'étranger étant fixés d'une manière globale, le traitement de leurs commandes entraîne, d'après le Gouvernement français, une réduction des marges.
Pour chaque livraison, les livres doivent être soigneusement emballés et une facture détaillée doit être établie en trois exemplaires, le premier étant joint au paquet, le second étant adressé par courrier au client et le troisième étant utilisé à des fins comptables.
Enfin, le service comptable du CELF doit enregistrer toutes les opérations précitées. À cet égard, le Gouvernement français souligne que l'enregistrement d'une facture d'un montant de 100 FRF représente la même quantité de travail que celui d'une facture d'un montant de 10 000 FRF ou plus.
En termes de statistiques, le Gouvernement français maintient que le nombre de petites commandes traitées en 1994 correspond à un niveau normal. Cette année-là, le CELF a établi 9 725 factures relatives à de petites commandes (soit 47 % de l'ensemble de ses factures, à savoir 20 672). Ces petites commandes ont été passées par 1 848 clients et ont correspondu à 19 761 lignes de commandes et 24 933 livres commandés. Le chiffre d'affaires correspondant aux factures d'un montant inférieur ou égal à 500 FRF s'est élevé à 2,28 millions de FRF, ce qui n'a cependant représenté que 4,83 % du chiffre d'affaires total réalisé par le CELF (4).
En ce qui concerne la rentabilité des petites commandes, le Gouvernement français admet que certaines commandes d'une valeur inférieure à 500 FRF peuvent parfois être rentables alors que d'autres ne le sont pas. La rentabilité d'une commande dépend du type et du nombre de livres concernés, ainsi que de l'exactitude des informations contenues dans le bon de commande. Les autorités françaises maintiennent, cependant, que les commandes d'une valeur inférieure ou égale à 500 FRF que le CELF est tenu d'honorer sans exception ne sont d'une manière générale pas rentables. Ce seuil de 500 FRF a été fixé par les autorités françaises sur la base de critères objectifs: selon des critères purement économiques, les commandes d'une valeur comprise entre 0 et 500 FRF ne sont dans l'ensemble pas rentables pour un opérateur privé; de plus, les commandes d'une valeur inférieure à 500 FRF concernent dans la plupart des cas (67 %) des maisons d'édition de type artisanal; enfin, le traitement de ces petites commandes implique la gestion de petits comptes. Sur la base de critères purement économiques, un opérateur ne traiterait pas ces commandes. Les autorités françaises fondent cette argumentation sur leur analyse comptable des coûts.
EMPLACEMENT TABLEAU
Le nombre de livres vendus dans le cadre de petites commandes s'est élevé à 24 933 en 1994. Les recettes provenant des petites commandes ont représenté 2,5 millions de FRF, soit 100,2 FRF par livre vendu. Parallèlement, le coût total du traitement des petites commandes a représenté 4,48 millions de FRF, soit 180 FRF par livre. En comparant ces deux valeurs, on peut estimer le montant des pertes par livre lors du traitement d'une petite commande: 100,2 - 179,6 = 79,4 FRF. En moyenne, une petite commande comprend 2,56 livres, ce qui porte le montant moyen des pertes par commande à 203,2 FRF (79,4 × 2,56). Le Gouvernement français précise, à cet égard, que ces données sont les mêmes que celles qui ont été communiquées au TPI par les autorités françaises en avril 1995.
Le tableau ci-dessous présente une analyse globale de la couverture des coûts supplémentaires par l'aide accordée au CELF. En comptabilité analytique, le surplus est estimé à environ 50 000 FRF. Il convient de préciser, cependant, que les quelque 44 000 FRF de recettes ne proviennent pas directement des petites commandes traitées par le CELF, mais ont été néanmoins ajoutés pour des raisons de transparence (5). Par conséquent, cette somme a été déduite du résultat total, portant ainsi le résultat avant impôts à environ 5 600 FRF, qui sont directement imputables aux petites commandes.
Selon le Gouvernement français, ce résultat montre que le montant de la subvention visant à compenser le surcoût de traitement des petites commandes a été correctement estimé. À cet égard, les autorités françaises soulignent que si, à la suite du contrôle a posteriori de l'activité du CELF, il apparaît que la subvention versée a été trop élevée, le surplus est soit déduit du montant de la subvention prévue pour l'année suivante, soit remboursé. Elles attirent aussi l'attention sur le fait que cette subvention est octroyée conformément à des règles strictes et de manière à assurer une parfaite transparence.
EMPLACEMENT TABLEAU
VII. OBSERVATIONS REÇUES PAR LA COMMISSION DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE OUVERTE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 93, PARAGRAPHE 2
Dans le cadre de la procédure ouverte en application de l'article 93, paragraphe 2, la Commission a reçu de différents opérateurs économiques de nombreuses observations, qui sont développées dans les parties XI et XIII.
Le Syndicat national des importateurs et exportateurs de livres (ci-après dénommé "le SNIEL") considère que le CELF n'avait pour objet que le traitement des petites commandes bénéficiant de la subvention compensatoire et produit des estimations selon lesquelles ces petites commandes auraient une valeur moyenne de 300 FRF et représenteraient environ 6 % du chiffre d'affaires du CELF, ce qui signifierait donc - selon lui - que 94 % du chiffre d'affaires du CELF correspondent à des activités que ce dernier ne devrait pas exercer.
Le SNIEL estime que la subvention compensatoire en cause est trop élevée, d'une part, parce que son montant approcherait celui du chiffre d'affaires correspondant aux petites commandes et qu'"il paraît impossible que les frais correspondant à ces petites factures puissent atteindre 3 millions de FRF (montant des subventions de fonctionnement + marge estimée)" et, d'autre part, parce que le seuil de 500 FRF utilisé pour définir les petites commandes serait trop élevé, sachant que seulement 50 % des commandes de certains opérateurs sont d'une valeur supérieure à ce montant. Si le SNIEL ne remet pas en cause le principe d'une aide en faveur des commandes non rentables, il estime néanmoins que le CELF utilise actuellement la subvention pour développer différentes activités à finalité commerciale.
Le libraire-exportateur "Aux Amateurs de livres international", dont la clientèle est constituée de bibliothèques universitaires, fait valoir qu'il contribue à la diffusion de la culture et de la langue françaises sans soutien public. Il estime que cette subvention compensatoire, qui représenterait selon lui 3 % du chiffre d'affaires du CELF, permet à ce dernier d'accorder 3 points de pourcentage de remise supplémentaires à ses clients. Il souligne que le CELF approvisionne désormais lui-même des bibliothèques et fait valoir qu'il ne peut dès lors plus recevoir de subvention pour traiter les petites commandes des librairies.
Aux Amateurs de livres international déclare aussi que "l'aide est une hypocrisie et s'étonne que l'aide puisse correspondre à plus de 60 % du montant des commandes en cause". Il estime que l'aide sert au développement des activités commerciales du CELF. Aux Amateurs de livres international conclut que le versement de l'aide en cause doit cesser, que les sommes déjà versées doivent être remboursées, que les aides doivent être réparties "entre les librairies concernées en proportion de leur chiffre d'affaires vers les pays tiers" et qu'il convient d'interdire au CELF d'approvisionner d'autres clients que les libraires établis à l'étranger.
Hexalivre, qui est également un libraire dont la clientèle est constituée "d'institutionnels" établis à l'étranger, estime que l'activité du CELF, dont la vocation serait d'approvisionner les libraires établis à l'étranger, ne devrait pas en principe interférer avec ses propres activités. Hexalivre maintient que la subvention en cause profite à une "société privée soutenue par l'administration et tendant autant qu'il se peut vers une situation de monopole". Or, selon Hexalivre, la réalité serait différente "suite d'une part à une entente clairement affichée des différents organismes subventionnés pour la diffusion et la distribution du livre français à l'étranger et d'autre part à des interventions directes de l'administration dans nos activités."
L'intervention distincte du dirigeant de Hexalivre, M. Van Ginneken, au nom d'une seconde société qui porte son nom et qui intervient, d'une manière générale, comme grossiste à l'exportation, consiste tout d'abord en un rappel "historique" de ses relations avec le CELF, dont il fut autrefois l'un des représentants. M. Van Ginneken s'étonne notamment du fait qu'il aurait pu être intéressé ("commissionné") pour les ventes correspondant aux petites commandes alors que le CELF recevait une subvention.
M. Van Ginneken met en cause "l'ambiguïté permanente" du CELF. Il critique les intérêts des éditeurs dans le CELF, estimant que cela les conduit à favoriser cet organisme, notamment par le biais de l'organisation des bureaux permanents du CELF. Il considère que sa qualité de gestionnaire de programmes publics, même si certains de ces programmes ont été confiés à d'autres opérateurs, lui confère un avantage.
Lavoisier/Tec et Doc, éditeur et libraire-exportateur spécialisé dans les ouvrages scientifiques et techniques, dont le directeur est d'ailleurs également président du SNIEL et qui est l'un des actionnaires du CELF, estime que ce dernier n'est censé intervenir que comme commissionnaire à l'exportation pour traiter les commandes des libraires établis à l'étranger, sans approvisionner les clients institutionnels. Soulignant que les éditeurs ont été invités à accorder leurs meilleures conditions au CELF, Tec et Doc met en avant des informations selon lesquelles les conditions offertes par le CELF aux libraires étrangers ne seraient cependant pas particulièrement intéressantes. Tec et Doc estime que le CELF profite de son image de "partenaire privilégié des éditeurs et des pouvoirs publics", qu'il utilise dans le cadre de ses activités commerciales, ainsi que des conditions privilégiées des éditeurs pour approvisionner les clients institutionnels.
Sans remettre en cause l'objectif de la subvention, Tec et Doc estime que le plafonnement des petites commandes à 500 FRF n'est pas justifié. Se fondant sur des estimations selon lesquelles les ventes correspondantes représenteraient entre 3 et 6 % du chiffre d'affaires, soit entre 1,5 million et 3 millions de FRF, Tec et Doc fait valoir qu'une aide de 2 millions à 2,4 millions de FRF est disproportionnée, à moins que la productivité soit particulièrement faible. Tec et Doc considère à cet égard qu'une proportion de 3 à 6 % (6) de petites commandes ne constitue nullement une charge insurmontable. Tec et Doc avance qu'environ 50 % des commandes qu'il reçoit sont de "petites commandes". Il se fonde sur les commandes que lui a adressées le CELF au cours d'une période de deux mois pour conclure que le CELF reçoit peu de petites commandes.
Tec et Doc appelle "au rétablissement des conditions d'une concurrence normale à l'exportation, passant notamment par la suppression des aides non fondées sur une véritable mission de service public ou un objectif culturel indiscutable qui ne peut être atteint par les moyens existants."
La SIDE estime tout d'abord qu'il existe, à l'intérieur du marché du livre à l'exportation, un sous-marché de la commission à l'exportation sur lequel elle se trouve en concurrence avec le CELF. Si elle reconnaît que les commissionnaires traitent généralement des livres édités dans leur pays, elle considère que ce marché possède néanmoins une dimension communautaire. La SIDE souligne que le CELF a développé une activité classique de commissionnaire à l'exportation, les petites commandes ne représentant que 3 % de son chiffre d'affaires, et fait valoir que sa mission de service public n'est nulle part clairement identifiée.
La SIDE argue que la Commission ne doit pas seulement tenir compte, dans son appréciation, de la subvention compensatoire pour les petites commandes, mais aussi de "l'ensemble complexe d'aides dont bénéficient non seulement le CELF, mais aussi divers organismes réunissant, comme lui, les éditeurs et les pouvoirs publics dans la plus grande opacité." En ce qui concerne les autres organismes, la SIDE estime que l'ensemble des interventions étatiques en faveur des exportations de livres en langue française faussent la concurrence sur le marché de la commission à l'exportation.
Elle conteste aussi le fait que l'aide en cause soit destinée à promouvoir la culture. Tout d'abord, la notion de petite commande n'aurait, selon elle, aucun sens pour un commissionnaire à l'exportation, qui traite par nature des petites commandes sans avoir besoin d'aucune subvention. La rentabilité de l'activité serait globale, indépendamment de la valeur individuelle de chaque commande. Elle avance que le seuil de 500 FRF appliqué par les autorités françaises est arbitraire. Par conséquent, elle fait valoir que l'aide en cause constitue simplement une aide au fonctionnement. Le Gouvernement français n'aurait par ailleurs jamais indiqué la base juridique sur laquelle est fondée cette aide ni, a fortiori, les critères d'attribution qui lui sont applicables. La SIDE estime que l'aide accordée au CELF n'est pas compatible avec le marché commun. De plus, elle argue que les aides accordées aux autres opérateurs citées par le Gouvernement français au cours de la procédure ne sont nullement comparables.
Le CELF cite, pour sa part, différentes lettres d'éditeurs exprimant leur satisfaction à l'égard de ses services et du mécanisme d'aide en cause.
VIII. ARGUMENTS AVANCÉS PAR LES AUTORITÉS FRANÇAISES
Dans sa lettre informant le Gouvernement français de l'ouverture de la procédure, la Commission note que l'objectif de l'aide figure parmi ceux pouvant donner lieu à une dérogation au principe d'interdiction des aides figurant à l'article 92, paragraphe 1, du traité. La Commission souligne que l'aide a manifestement un objectif culturel au sens de l'article 92, paragraphe 3, point d), dans la mesure où elle a pour objet de diffuser la langue française et de contribuer au rayonnement de la littérature française.
La Commission s'interroge toutefois sur la question de savoir si l'incidence de cette aide sur la concurrence ne serait pas de nature à l'altérer dans une mesure contraire à l'intérêt commun malgré l'objectif poursuivi; elle pense à cet égard à la fois à ses effets sur le secteur de l'édition proprement dit et à ses effets sur les différents opérateurs assurant la distribution et l'exportation de livres. La Commission a cependant souligné que la concurrence dans le secteur du livre pouvait être limitée par certaines barrières d'ordre linguistique et culturel et, partant, que les effets sur les échanges intracommunautaires devraient être réduits.
En ce qui concerne le premier point, le Gouvernement français indique qu'il convient de garder à l'esprit que le secteur du livre se caractérise par une très faible substituabilité des produits, étant donné que le contenu de chaque ouvrage lui est propre. La substituabilité des produits n'existe que d'une manière limitée, dans des sous-catégories restreintes de livres, en général de nature technique, mais très rarement composées d'œuvres littéraires. Au niveau communautaire et au niveau international, cette substituabilité est encore plus réduite en raison des barrières linguistiques. La concurrence ne s'exerce donc véritablement qu'entre les livres pour lesquels les qualités rédactionnelles propres à l'auteur ont peu d'importance et qui sont publiés dans la même langue.
Compte tenu de son objectif, l'aide ne pourrait affecter la concurrence qu'en ce qui concerne les livres publiés en langue française. Cependant, comme le sait la Commission, le mécanisme d'aide utilisé par le CELF est ouvert à tout livre en langue française, indépendamment du pays dans lequel il est publié et du fait que l'éditeur soit un actionnaire du CELF ou non. De plus, en raison de ses caractéristiques, ce mécanisme d'aide n'est pas appelé à jouer dans les quatre pays où la concurrence entre les ouvrages en langue française est la plus forte et qui représentent l'essentiel du marché, à savoir la France, la Belgique, la Suisse et le Canada. L'incidence sur la concurrence dans le secteur de l'édition est par conséquent très marginale.
En ce qui concerne le second point, le Gouvernement français souligne tout d'abord que ce mécanisme d'aide n'est en aucun cas susceptible d'affecter l'activité des éditeurs assurant eux-mêmes la distribution de leurs ouvrages ou celle des distributeurs classiques. D'une part, ces opérateurs ne traitent jamais les commandes concernées par l'aide, car ils jugent leur volume insuffisant et, d'autre part, ils bénéficient indirectement de l'aide puisque c'est auprès d'eux que le CELF s'approvisionne. L'aide ne peut donc avoir une éventuelle incidence sur la concurrence qu'au niveau des opérateurs exerçant une activité de commissionnaire à l'exportation.
Les commandes dont le mécanisme d'aide vise à permettre le traitement ne relèvent pas du marché normal, même si des opérateurs peuvent les accepter ponctuellement. Elles ne représentent qu'une très faible part du chiffre d'affaires des commissionnaires à l'exportation (en ce qui concerne le CELF, moins de 5 % en 1994, alors même qu'il bénéficie du mécanisme d'aide). L'aide ne réduit donc pas d'une manière significative le niveau des ventes des opérateurs sur le créneau concerné. En outre, il convient de rappeler que pour la plupart des concurrents du CELF, la commission à l'exportation de livres en langue française n'est qu'une activité parmi d'autres, dans la mesure où ceux-ci ont une autre clientèle (les institutionnels), vendent d'autres livres (la SIDE, par exemple, admet que la vente d'ouvrages en langue française ne représente que 50 % de son chiffre d'affaires) ou exercent une autre activité (de librairie classique). Avant tout, ce régime est ouvert à tout opérateur acceptant un degré de transparence suffisant.
Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement français estime qu'au regard de l'objectif poursuivi, l'incidence de l'aide sur la concurrence ne peut pas être considérée comme altérant les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Au contraire, l'aide favorise les échanges entre États membres francophones et États membres non francophones dans le domaine concerné.
Aux allégations avancées par les tiers, le Gouvernement français répond que le fait que le CELF devait à l'origine assurer le traitement des petites commandes des libraires établis à l'étranger ne lui interdisait aucunement de diversifier ses activités dans d'autres domaines comme tout autre opérateur économique. En particulier, le Gouvernement français souligne que, lorsqu'elles ont accordé l'aide, les autorités publiques ont considéré que le CELF était principalement actif en tant que commissionnaire à l'exportation et ont ainsi veillé à ce qu'il puisse mener à bien sa mission, à savoir l'approvisionnement des petites librairies établies à l'étranger. Cela n'exclut pas cependant que le CELF puisse exercer d'autres activités, sous réserve que celles-ci ne nuisent pas à sa mission de service public.
Dans ces conditions, le Gouvernement français déclare que l'aide en cause est indispensable et proportionnée (7) à l'accomplissement d'une mission de service public. Il fait valoir que cette mission ne serait pas assurée sans cette aide puisque cette dernière vise à compenser les pertes inhérentes au traitement des commandes non rentables. Le Gouvernement français considère, par conséquent, que cette aide relève de l'article 90, pararaphe 2, du traité et non de l'article 92, paragraphe 1, comme l'a estimé la Commission pour le régime de fiscalité locale dérogatoire applicable à la Poste française en raison de la contrainte de présence sur l'ensemble du territoire qui lui est imposée.
Le Gouvernement français soutient également que même si la principale activité du CELF est celle qu'il exerce en tant que commissionnaire, il ne lui est aucunement interdit d'honorer les commandes de clients finals, tels que les librairies. Cependant, ses activités générales ne doivent pas l'empêcher de remplir la mission de service public qui lui a été impartie par les autorités nationales, à savoir le traitement des petites commandes des libraires. L'aide publique en faveur du traitement de ces petites commandes a pour objet de favoriser la diffusion des ouvrages en langue française et d'asseoir le réseau de distribution des librairies vendant ce type d'ouvrages à l'étranger.
Le CELF offre, au besoin, ses services aux clients finals lorsque les réseaux de distribution locaux sont limités. Avec l'accord des éditeurs, le CELF a commencé à approvisionner les bibliothèques il y a deux ans. Par exemple, le CELF a approvisionné les bibliothèques universitaires et la bibliothèque nationale algériennes. Le CELF a satisfait la demande de ces bibliothèques sans entrer en concurrence avec les librairies locales, car les entreprises privées algériennes n'étaient pas autorisées à effectuer des importations en 1994 et en 1995.
Enfin, en ce qui concerne l'application du mécanisme de soutien à l'avenir, il convient de noter que les autorités françaises envisagent, dans le cas où celui-ci serait jugé compatible avec le fonctionnement du marché commun, de lancer un appel d'offres afin de confier l'obligation d'honorer les petites commandes à un commissionnaire à l'exportation choisi sur la base des critères déjà utilisés actuellement. Même si le montant de la subvention est susceptible d'être modifié ou adapté, les critères régissant le mécanisme resteraient grosso modo les mêmes qu'aujourd'hui et tels qu'ils ont été indiqués à la SIDE par les autorités compétentes lors d'une réunion qui s'est tenue le 24 septembre 1996.
Les candidats devront ainsi fournir au minimum des informations concernant:
- leur chiffre d'affaires (global et sur les ventes de livres d'expression française à l'étranger) avec ventilation par pays,
- le nombre d'ouvrages en français vendus par pays,
- le nombre de petites commandes déjà exécutées, et le nombre qu'il est envisagé d'exécuter avec le soutien de l'État,
- le chiffrage précis du manque à gagner sur le traitement d'une petite commande, le nombre d'éditeurs concernés et le degré d'ouverture aux éditeurs francophones.
Les candidats devront accepter de se soumettre à des procédures de contrôle impliquant:
- l'établissement, dans les trois mois suivant la fin de l'exercice, d'un compte d'emploi de la subvention avec un relevé des pièces justificatives, et d'un compte rendu détaillé de l'action comprenant notamment un bilan financier,
- la diffusion du compte rendu à l'ensemble de la profession après, le cas échéant, occultation des informations pouvant porter atteinte au secret des affaires,
- sans préjudice des contrôles applicables à l'emploi des fonds publics, l'accès de l'autorité publique aux documents, notamment comptables, justifiant l'exécution des actions donnant lieu à subvention.
Les autorités françaises soulignent qu'il n'a pas été nécessaire jusqu'à présent de faire de la publicité autour des conditions de participation au mécanisme, car le système est ouvert à tout opérateur économique souhaitant y participer dans les mêmes conditions que pour le CELF. En outre, l'affaire SIDE-CELF est suffisamment connue dans le milieu concerné pour que tout opérateur intéressé ait pu se manifester auprès des autorités françaises.
IX. APPLICATION DE L'ARTICLE 92, PARAGRAPHE 1, DU TRAITÉ
La concurrence intracommunautaire dans le secteur du livre est limitée par certains aspects de nature linguistique et culturelle. Cependant, il serait erroné de considérer que ce secteur est exempt de toute concurrence. Des livres subventionnés au titre de divers régimes peuvent être en concurrence avec des livres portant sur le même domaine ou relevant de la même catégorie qui ne font pas l'objet d'une aide. Il peut s'agir d'ouvrages de fiction, d'œuvres non romanesques ou encore de livres appartenant à toute autre catégorie. Par conséquent, une aide destinée à promouvoir l'édition, la diffusion ou la commercialisation de certains livres peut avoir une incidence, bien que limitée, sur la concurrence intracommunautaire. De plus, ce type d'aide peut affecter non seulement la concurrence en termes de ventes et d'exportations, mais aussi les activités des autres acteurs présents sur le marché, tels que les commissionnaires à l'exportation, les éditeurs possédant leurs propres canaux de distribution à l'étranger et les distributeurs liés à des éditeurs par des contrats.
L'aide en cause est accordée au CELF pour lui permettre de traiter les petites commandes émanant des libraires établis à l'étranger. Si elle reconnaît que ce mécanisme de soutien peut profiter aux acheteurs de livres, ainsi qu'aux éditeurs de livres en langue française, dans la mesure où les premiers n'ont pas à payer le prix fort et où les ventes des seconds sont stimulées, la Commission maintient que le CELF en est le principal bénéficiaire, d'autant que les autres commissionnaires à l'exportation qui distribuent des livres en langue française ne reçoivent pas d'aides équivalentes pour traiter leurs petites commandes.
Par conséquent, l'aide accordée au CELF constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE.
Dans ce contexte, il convient de noter qu'en ce qui concerne les infractions aux articles 85 et 86, évoquées par la SIDE au cours de la procédure contentieuse, la Commission se réserve le droit, le cas échéant, d'examiner séparément les activités du CELF au regard de ces dispositions du traité (8). La présente décision ne concerne par conséquent que l'appréciation de la compatibilité du mécanisme de soutien avec l'article 92 du traité.
En application de l'article 93, paragraphe 3, du traité, les États membres sont tenus d'informer la Commission en temps utile des projets tendant à instituer des aides. Étant donné que le Gouvernement français n'a pas notifié l'aide en faveur du CELF pour le traitement des petites commandes avant de la verser, cette aide a été octroyée illégalement. En outre, comme le TPI a partiellement annulé dans l'affaire T-49-93 la décision de la Commission du 18 mai 1993 autorisant les aides accordées au CELF (affaire T-49-93), l'aide octroyée à ce dernier pour le traitement des petites commandes demeure illégale (9).
Étant donné que cette aide relève de l'article 92, paragraphe 1, du traité, il appartient à la Commission de déterminer si l'une des dérogations prévues à l'article 92, paragraphes 2 et 3, lui est applicable pour l'exempter de l'interdiction générale prévue au paragraphe 1 dudit article.
La Commission relève que les dérogations contenues à l'article 92, paragaphe 2, ne sont pas applicables en l'espèce, du fait que l'intervention en question ne vise pas à atteindre les objectifs qui y sont définis. L'aide ne remplit pas les conditions fixées pour bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point a), car elle n'est pas destinée à favoriser le développement de régions pouvant bénéficier de ladite disposition. La dérogation prévue à la première partie de l'article 92, paragraphe 3, point b), et concernant la promotion de la réalisation d'un projet important d'intérêt commun, ne saurait s'appliquer à l'aide accordée au CELF, celle-ci ne visant pas à promouvoir ce genre de projet. Comme l'aide ne vise pas à remédier à une perturbation grave de l'économie française, la dérogation contenue dans la seconde partie de l'article 92, paragraphe 3, point b), n'est pas applicable non plus en l'espèce. Enfin, l'article 92, paragraphe 3, point c), concernant la contribution au développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, ne saurait être invoqué, car l'aide ne poursuit pas les objectifs qui y sont prévus.
Comme il a été indiqué précédemment, le Tribunal a confirmé dans l'arrêt dans l'affaire T-49-93 (point 62 des motifs) que l'objectif poursuivi par le Gouvernement français en octroyant cette aide au CELF était culturel dans le sens où celle-ci visait à diffuser la langue et la littérature françaises. La Commission souligne que cet argument est valide pour autant que l'aide soit utilisée exclusivement pour le traitement des petites commandes et ne serve pas à subventionner d'autres activités commerciales du CELF. Si tel est le cas, la seule dérogation possible est celle de l'article 92, paragraphe 3, point d), qui dispose que les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun.
Afin de décider si l'aide accordée au CELF pour le traitement des petites commandes peut bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point d), du traité, la Commission doit vérifier qu'elle poursuit un objectif véritablement culturel et, dans l'affirmative, qu'elle n'affecte pas les conditions des échanges et de la concurrence dans une mesure contraire à l'intérêt commun. À cette fin, la partie X propose une évaluation du marché en cause et la partie XI examine le mécanisme de soutien en ce qui concerne la proportionnalité de l'aide, l'objectif qu'elle poursuit et son effet au niveau communautaire.
X. ANALYSE DU MARCHÉ DU LIVRE
La Commission a analysé les informations détaillées que les parties lui ont communiquées sur les conditions qui prévalent sur le marché du livre. Elle observe à cet égard que son analyse est compliquée par les caractéristiques spécifiques du secteur en cause. Elle fait remarquer que l'évolution du marché des livres, des magazines et des journaux dépend du jeu complexe de nombreux facteurs. Au niveau des particuliers interviennent entre autres des considérations économiques et sociales, telles que des données démographiques, l'éducation, l'évolution des loisirs, le nombre de bibliothèques publiques et le pouvoir d'achat. Le secteur européen de l'imprimerie et de l'édition reste davantage une juxtaposition de marchés nationaux qu'un marché intégré à l'échelle du continent, comme le montre la faible part des exportations dans son chiffre d'affaires. La multiplicité des langues parlées dans la Communauté, est une barrière supplémentaire à son "européanisation" (10).
En l'espèce, il convient de vérifier si l'incidence de l'aide sur la concurrence et les échanges intracommunautaires est de nature à fausser la concurrence dans une mesure contraire à l'intérêt commun. En d'autres termes, la question est de savoir si le CELF a bénéficié d'un avantage indu par rapport aux autres opérateurs qui exportent des livres d'expression française, que ces opérateurs soient des commissionnaires à l'exportation, des distributeurs ou des éditeurs. Aux fins de la présente décision, il s'agit d'apprécier l'effet éventuel de l'aide sur le créneau que constituent, au sein du marché du livre, les commandes d'ouvrages en langue française d'un montant inférieur à 500 FRF.
Dans sa décision d'engager la procédure en application de l'article 93, paragraphe 2, du traité, la Commission a indiqué que l'aide accordée au CELF pouvait avoir une incidence tant sur l'édition de livres elle-même que sur les divers opérateurs qui interviennent dans leur distribution et leur exportation.
Sur le marché du livre, pour lequel il est manifeste qu'il existe un commerce intracommunautaire, le CELF se trouve en concurrence avec d'autres opérateurs exportant des œuvres en français. D'après les statistiques publiées par le Syndicat national de l'édition (11), le chiffre d'affaires annuel global du secteur du livre en France s'est élevé à 14 192 000 000 de FRF en 1993. La part relative aux exportations de livres français dans la Communauté représentait 7,8 % de ce chiffre, dont près de la moitié à destination de la Belgique. La part correspondant aux exportations vers les pays européens extracommunautaires représentait 2,9 % de ce chiffre.
En 1994, dernière année pour laquelle le Syndicat national de l'édition a produit des statistiques, les exportations totales de livres à partir de la France se sont élevées à 2 978 501 000 de FRF. Le chiffre d'affaires du CELF a été de 50 millions de FRF, soit environ 1,7 % du montant précité. Les petites commandes de moins de 500 FRF ont représenté moins de 5 % du chiffre d'affaires du CELF (2,3 millions de FRF sur un total de 50 millions), ce qui correspond à 0,08 % des exportations de livres français.
Le tableau ci-après contient des données relatives aux exportations de livres, de brochures et d'imprimés similaires à partir de la France vers les autres États membres de la Communauté et se fonde sur des sources autres que le Syndicat national de l'édition. Ces données montrent également que la France exporte essentiellement vers la Belgique (et le Luxembourg).
EMPLACEMENT TABLEAU
Selon le Gouvernement français, la distribution de livres doit satisfaire un certain nombre de besoins différents selon le type de consommateur, que celui-ci soit un intermédiaire ou le consommateur final (grossistes, libraires traditionnels, particuliers, clients institutionnels). La diversité s'exprime en besoins culturels et techniques et subit l'influence du contexte économique. La distribution et la commercialisation ne se font pas de la même façon pour les ouvrages scientifiques à usage universitaire, les livres d'art destinés à un public spécifique ou les romans en vente dans les librairies. Par conséquent, sans une intervention publique, le marché ne pourrait pas à lui seul couvrir tous ces besoins différents et l'offre se limiterait par exemple aux seules activités les plus lucratives au détriment de la promotion de la culture.
Le Gouvernement français cite au nombre des principaux intervenants sur le marché de la diffusion du livre: i) les éditeurs, qui publient les livres; ii) les diffuseurs, intégrés ou non dans des maisons d'édition, qui sont chargés de la promotion commerciale des livres auprès des librairies de vente au détail ou de certains grands clients institutionnels; iii) les distributeurs, intégrés ou non dans les maisons d'édition, qui sont chargés de la distribution physique des livres. Ils reçoivent des commandes des librairies, de certains grands clients institutionnels ou de divers intermédiaires et sont approvisionnés par les éditeurs; iv) les grossistes, qui n'interviennent pas toujours dans la chaîne de distribution et qui jouent le rôle d'intermédiaire entre les distributeurs, d'une part, et les librairies de vente au détail et certains grands clients institutionnels, d'autre part. Une distinction doit être faite entre les catégories suivantes: v) les commissionnaires à l'exportation, qui ne fournissent que les librairies de vente au détail, mais pas les clients finals; vi) les librairies dont l'activité principale consiste à approvisionner directement les grands clients institutionnels et vii) les librairies de vente au détail, qui vendent aux clients finals traditionnels, que ces derniers soient des particuliers ou des entités commerciales (cette catégorie recouvre à la fois les librairies traditionnelles et les grandes surfaces).
Il existe en outre des réseaux de distribution qui assurent des ventes d'un type moins traditionnel, comme les clubs de lecture, les sociétés de vente par correspondance ou les agences de vente directe dans le cas desquelles l'éditeur traite directement avec le client final.
Tout en donnant une description similaire du secteur français du livre, la SIDE insiste davantage sur la distinction entre le marché national et le marché à l'exportation. Elle affirme que le CELF, comme elle-même, a pour activité d'exporter des livres hors de France. Au nombre d'opérateurs présents dans les pays d'exportation (en France, soit le marché national), la SIDE cite les suivants:
- les éditeurs ou les maisons d'édition disposant de leur propre structure d'exportation: les maisons d'édition telles que Gründ, Picard ou Vrin exportent elles-mêmes les livres qu'elles publient. Par ailleurs, certains groupes d'éditeurs, comme Hachette ou Gallimard, regroupent les exportations de plusieurs maisons d'édition au sein de distributeurs tels que Hachette Livre Diffusion Internationale, qui appartient au Groupe Hachette. Ce distributeur exporte non seulement les livres publiés par Hachette, et Fayard, qui fait partie du groupe, mais aussi ceux de Ramsay ou de Calmann-Lévy par exemple, qui n'en font pas partie,
- les distributeurs qui ne sont pas intégrés dans des maisons d'édition et dont la seule fonction est de distribuer et d'exporter les livres des éditeurs avec lesquels ils ont conclu un accord (DISTIQUE, DIFF-EDIT, etc.),
- les commissionnaires à l'exportation, qui commercialisent, c'est-à-dire vendent et fournissent, les livres de tous les éditeurs. Le commissionnaire offre un service qui consiste à recevoir les commandes des librairies, des écoles ou des institutions situées à l'étranger. Il regroupe les commandes de livres publiés par les différentes maisons d'édition. Il ne dispose d'aucun stock et achète les livres demandés par ses clients auprès des éditeurs ou des distributeurs de langue française. Après avoir regroupé les commandes des clients, le commissionnaire leur facture et leur envoie les produits demandés.
Selon la SIDE, l'intérêt pour le client de passer par un commissionnaire à l'exportation est de ne pas avoir à multiplier les commandes pour se procurer, par exemple, une vingtaine de livres auprès de quinze éditeurs différents, ce travail étant effectué par le commissionnaire. Le client économise ainsi du temps et de l'argent, par exemple grâce à de moindres frais de transport. Sans les commissionnaires à l'exportation, le traitement des petites commandes serait trop onéreux pour les éditeurs, qui ne pourraient pas les gérer correctement du fait de la lourdeur de leur structure. C'est pourquoi de nombreux éditeurs exigent un chiffre d'affaires minimal pour l'ouverture d'un compte. À défaut de compte, l'éditeur facture le client avant de lui envoyer le produit demandé, ce qui accroît encore la lourdeur et le coût du traitement.
Comme le commissionnaire à l'exportation transmet sa commande à l'éditeur après avoir regroupé toutes les petites commandes, celui-ci peut l'honorer. Ce système permet aux clients qui résident à l'étranger de ne pas devoir effectuer un ou plusieurs paiements comme prévu.
Selon la SIDE, la clientèle des commissionnaires à l'exportation est constituée de librairies, d'écoles ou d'institutions telles que les bibliothèques universitaires, les administrations, etc., qui sont des consommateurs finals. Les commissionnaires à l'exportation fournissent tous les types d'ouvrages publiés en France et disponibles auprès des maisons d'édition, y compris les ouvrages d'un type particulier, comme les livres d'art ou les publications techniques, ainsi que de vieux livres qu'il n'est plus possible de se procurer auprès des éditeurs.
La SIDE estime donc exercer ses activités dans le même sous-secteur que le CELF. Les noms des commissionnaires à l'exportation présents en France, ainsi que leur activité principale selon la description de la SIDE, sont indiqués ci-dessous. Ces commissionnaires se différencient les uns des autres par le type de clients qu'ils fournissent et le genre de livres qu'ils vendent.
- Aux amateurs de livres international propose tous les livres disponibles auprès des éditeurs français et les vend aux bibliothèques universitaires.
- Le CELF exporte des ouvrages en français, principalement à destination des librairies étrangères.
- Eska et Lavoisier sont principalement des éditeurs de livres techniques qui vendent des ouvrages scientifiques et techniques à des institutions se trouvant à l'étranger, surtout à des bibliothèques universitaires.
- SFL est avant tout un grossiste actif dans la région parisienne qui travaille avec son propre stock, contrairement aux autres commissionnaires à l'exportation.
- La SIDE est un exportateur de livres français qui sont disponibles auprès des éditeurs et un réexportateur et distributeur de livres anglais en France. La SIDE exporte principalement à destination des librairies étrangères.
- Touzot est un éditeur spécialisé dans l'exportation de ses propres publications et livres qui ne sont plus publiés.
- Van Ginneken est spécialisé dans les livres d'art. Cette société exporte exclusivement des livres disponibles auprès de certains éditeurs d'art. En tant que commissionnaire à l'exportation, elle approvisionne aussi les institutions et librairies situées à l'étranger en livres qu'il est possible de se procurer auprès desdits éditeurs.
Selon la SIDE, le marché à l'exportation, c'est-à-dire les pays qui importent des livres de France, recouvre deux catégories: les zones francophones et les zones non francophones. En ce qui concerne les premières, le secteur s'apparente, d'après la SIDE, au marché national. Tous les éditeurs importants ont des succursales ou des représentants dans les pays francophones (Canada, Suisse, Belgique, etc.) pour couvrir le marché local. Le rôle des commissionnaires d'exportation y est très limité. Cette remarque ne vaut cependant que pour les pays francophones mentionnés ci-dessus. Dans les autres, les commissionnaires à l'exportation, spécialisés dans l'approvisionnement des institutions, jouent un rôle significatif.
Dans les pays francophones (Suisse, Belgique et Canada), les opérateurs présents sur le marché sont les suivants: i) les distributeurs locaux, ii) les grossistes locaux, iii) les détaillants (librairies, grandes surfaces), iv) les institutions (bibliothèques, écoles, administrations) et v) les clubs de lecture, les sociétés de vente par correspondance et les agences de vente directe.
La SIDE affirme que la présence des éditeurs est par contre limitée dans les pays non francophones. Le rôle des commissionnaires à l'exportation en général, et de ceux qui approvisionnent les librairies en particulier, y est du coup important.
Le Gouvernement français fait observer que le marché de la commission à l'exportation ne couvre que marginalement les principaux marchés pour les livres d'expression française (12) (France, Belgique, Suisse et Canada) et indique que les exportations françaises vers des pays autres que ces marchés se sont élevées en 1994 à 1 506 514 000 FRF, la part du CELF étant d'environ 3,25 %. Si l'on tient compte des livres belges, suisses et canadiens d'expression française exportés vers des pays autres que la France, la Belgique, la Suisse et le Canada (soit un chiffre d'affaires de quelque 521 millions de FRF), la part du CELF tombe à 2,47 %. Les petites commandes de moins de 500 FRF traitées par le CELF représentent 0,074 % des exportations totales de livres en français vers des pays autres que la France, la Belgique, le Canada et la Suisse.
Toutefois, le Gouvernement français doute qu'il soit possible de définir, autrement que de manière purement théorique, un marché de la commission à l'exportation pour les livres de langue française.
D'une part, le produit vendu n'est pas spécifique aux commissionnaires à l'exportation.
D'autre part, il est évident que les exportations de livres français vers des pays autres que les quatre principaux pays francophones ne se réduisent pas au marché de la commission à l'exportation. Une partie non négligeable des commandes émanant de ces pays sont suffisamment importantes pour être adressées directement aux distributeurs traditionnels sans passer par les commissionnaires, comme le montre très clairement un tableau communiqué à la Commission et comparant les exportations françaises totales aux exportations du CELF dans les cinquante premiers pays acheteurs (13).
À ce sujet, la Commission remarque que les informations contenues dans le tableau susvisé ont été compilées par le Syndicat national de l'édition pour l'année 1994. Les autorités françaises ont elles-mêmes réalisé un tableau qui incorpore ces données du SNE en liaison avec des informations relatives au volume des exportations réalisées par le CELF en 1994 vers les mêmes pays de référence.
Il ressort de ces données que le CELF, pourtant un important commissionnaire, ne réalise dans le meilleur des cas que 20,7 % des exportations de livres en français dans un même pays (Japon) et que sa part oscille généralement entre moins de 1 % et 5 %; à titre d'exemple, elle est de 1,03 % en Allemagne, de 0,88 % aux États-Unis ou encore de 2,73 % au Mexique. Il arrive que des libraires étrangers fassent appel soit directement à des distributeurs classiques, soit à des commissionnaires, selon l'importance de la commande. Il n'est pas possible non plus de considérer que la clientèle, à l'exception peut-être de celle qui est constituée par les très petites librairies, constitue un marché spécifique.
Enfin, contrairement au CELF, les opérateurs qui pratiquent la commission à l'exportation ne se limitent pas à cette seule activité, à savoir l'approvisionnement des librairies étrangères uniquement en livres d'expression française. Certains, comme la SIDE, fournissent habituellement des clients institutionnels (Alliance française et bibliothèques), d'autres développent une activité en France même et aucun ne se limite à l'exportation de livres en français.
Les autorités françaises estiment donc qu'il n'est pas possible de disposer de données sur un éventuel marché de la commission à l'exportation au sens strict. Même si l'on interrogeait individuellement chacun des opérateurs affirmant exercer l'activité en cause, il est peu probable que tous tiennent une comptabilité analytique suffisamment précise pour isoler celle-ci.
Les autorités françaises n'ont pu fournir à la Commission que les chiffres d'affaires à l'exportation réalisés par les opérateurs établis en France et connus pour traiter le type de commandes adressées normalement aux commissionnaires. Le Gouvernement français estime qu'il est possible d'utiliser ce paramètre pour apprécier l'effet de l'aide sur les concurrents du CELF. L'effet concurrentiel sur l'activité de ces opérateurs doit s'apprécier par rapport à l'ensemble de leur activité à l'exportation, dans la mesure où elle forme un tout cohérent s'ordonnant, sous différentes formes, autour de la vente de livres à l'étranger.
EMPLACEMENT TABLEAU
La France compte un nombre restreint (une dizaine) d'opérateurs connus pour pratiquer la commission à l'exportation, mais, à l'exception du CELF, ces opérateurs traitent peu de commandes d'un montant inférieur à 500 FRF, qui ne sont pas rentables sur un plan économique, et, comme nous l'avons indiqué plus haut, s'intéressent surtout aux clients institutionnels (14).
Pour avoir une idée plus exacte de la "concurrence", il convient d'ajouter une partie des exportations réalisées par certaines librairies françaises et par les services export de certains éditeurs. En effet, les grandes librairies spécialisées dans la vente d'ouvrages en français situées dans les principales villes européennes sont le plus souvent approvisionnées directement par des éditeurs français ou des libraires se trouvant en France.
Compte tenu de ces considérations, le chiffre d'affaires annuel global réalisé par l'ensemble des concurrents sur le marché peut être estimé à quelque 200 millions de FRF. Ce chiffre est une estimation réalisée à partir de recoupements d'indices. La part du CELF dans ce total est d'environ 25 %. La part des petites commandes traitée par le CELF représente 0,75 % du total.
Si l'on s'intéresse à la seule Communauté, le chiffre d'affaires du CELF s'élève à environ 12 millions de FRF, soit 24 % de son chiffre d'affaires total. Pour les opérateurs français qui pratiquent la commission à l'exportation vers les pays de la Communauté, ces exportations représentent, selon les estimations, environ 55 % de leur activité totale, soit quelque 110 millions de FRF. Le chiffre d'affaires réalisé par le CELF dans la Communauté ne représente que 10,9 % du chiffre d'affaires total de ces opérateurs.
En ce qui concerne la situation concurrentielle, il convient de noter ce qui suit:
- la part des ouvrages d'expression française publiés hors de France et bénéficiant du mécanisme de soutien peut être estimée à 3 ou 4 %. Le Gouvernement français souligne qu'il est naturel pour les libraires se trouvant à l'étranger de s'adresser en règle générale aux distributeurs et aux commissionnaires situés dans le pays de publication plutôt qu'à ceux d'un autre pays. Toutefois, il y a lieu de noter les chiffres suivants en ce qui concerne les exportations des principaux pays publiant des livres d'expression française: en 1994, les exportations de livres français ont totalisé 2 978 millions de FRF pour la France, contre 524 millions de FRF pour la Belgique, 376 millions de FRF pour la Suisse et 315 millions de FRF pour le Canada,
- il n'est pas possible de faire une ventilation entre la part des exportations de livres français réalisées par les commissionnaires et celle réalisée par les éditeurs ou leurs filiales de distribution pour les raisons exposées précédemment,
- les pays francophones ont absorbé 60,4 % des exportations totales de livres d'expression française en 1994 (60,9 % en 1993). Quant au CELF, il a réalisé 16,1 % de ses exportations dans des pays francophones (13,6 % en 1993).
XI. ANALYSE DE LA COMPATIBILITÉ DE L'AIDE AU REGARD DE L'ARTICLE 92 DU TRAITÉ
Proportionnalité de l'aide
La Commission a analysé la documentation très complète que le Gouvernement français lui a communiquée sur la couverture des surcoûts au moyen de l'aide, en particulier en ce qui concerne le système de comptabilité. Ce système permet d'estimer les coûts et de les attribuer aux différentes tâches liées au traitement d'une commande (voir la partie VI). Le Gouvernement français a pris l'année 1994 comme référence pour montrer à combien s'élevaient les surcoûts. Afin de vérifier la fiabilité de l'analyse fournie par les autorités françaises, la Commission a demandé un complément d'informations concernant l'activité de traitement des petites commandes du CELF pour d'autres périodes également. La documentation présentée par le Gouvernement français pour plusieurs autres exercices montre que le chiffre d'affaires tiré des petites commandes, la quantité de livres commandés, le nombre de factures y relatives, le nombre de clients, ainsi que les lignes de commandes, restent plus ou moins identiques d'une année à l'autre.
Les informations transmises par les autorités françaises à la Commission sur ce point sont donc suffisantes pour estimer le surcoût réel supporté par le CELF pour le traitement des commandes d'un montant inférieur à 500 F. Comme l'aide couvre uniquement le surcoût lié à ces commandes et que toute somme excédentaire éventuelle est déduite du montant de l'aide versée l'année suivante, l'aide ne sert pas à financer d'autres activités commerciales du CELF, contrairement au reproche formulé par plusieurs tiers.
Critères régissant le mécanisme de soutien
La SIDE prétend que le mécanisme de soutien a été réservé exclusivement au CELF et met en question les critères d'octroi de l'aide. La Commission ne partage pas ce point de vue pour les raisons suivantes.
Premièrement, c'est très légitimement que la SIDE s'est vu refuser le bénéfice du mécanisme en 1991, car elle ne présentait pas la transparence requise à cette fin étant donné qu'elle ne pouvait pas fournir de données relatives aux commandes pays par pays. À ce sujet, rappelons que les autorités nationales sont libres de fixer des critères pour l'octroi des aides visant un objectif donné pour autant que ces aides soient compatibles avec l'article 92 du traité. Cette remarque s'applique en particulier aux mesures de contrôle envisagées par les autorités nationales pour s'assurer que l'aide est véritablement utilisée aux fins pour lesquelles elle est versée, comme c'est le cas en l'espèce.
Deuxièmement, la SIDE s'est vu offrir la possibilité de bénéficier de l'aide à condition de satisfaire aux règles régissant le mécanisme de soutien.
Troisièmement, deux autres opérateurs ont reçu des aides analogues à celles du CELF pour le traitement de petites commandes. Le fait que les activités subventionnées aient concerné certaines zones géographiques et certains types de livres seulement n'est pas le facteur déterminant. Il est plus important de remarquer que ces opérateurs satisfaisaient aux règles régissant le mécanisme de soutien, en particulier en ce qu'ils fournissaient des comptes transparents. La SIDE prétend que les aides accordées à SERVEDIT et à l'École des loisirs ne sont absolument pas comparables à celle dont le CELF a bénéficié. Quand bien même les aides versées aux deux opérateurs susmentionnés se limiteraient à certaines zones géographiques ou à certains types d'imprimés, la Commission estime qu'elles étaient destinées à compenser les surcoûts imputables au traitement des petites commandes et, par conséquent, elle ne partage pas l'avis de la SIDE.
La nature culturelle de l'aide
Certains, notamment la SIDE, contestent l'affirmation selon laquelle l'aide contribue à la diffusion de la culture. Comme nous l'avons signalé plus haut, le Tribunal a reconnu la nature culturelle de l'aide en question. La Commission estime que la seule dérogation permettant d'autoriser l'aide accordée au CELF pour le traitement des petites commandes est celle prévue à l'article 92, paragraphe 3, point d), qui dispose que "les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun" peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun.
Sur la base des informations communiquées par le Gouvernement français, la Commission est parvenue à la conclusion que l'aide a véritablement un objectif culturel. D'une part, le CELF fournit tous les livres disponibles en français.La Commission accepte donc l'argument du Gouvernement français selon lequel la langue française est promue, puisque le mécanisme de soutien vise spécifiquement à permettre aux clients se trouvant à l'étranger de se procurer des livres publiés dans cette langue. Étant donné que les livres publiés dans d'autres langues ne peuvent pas être couverts par l'aide, seul le français est promu. D'autre part, il convient de noter que les petites commandes portent parfois sur des ouvrages spécialisés et sur de la littérature (poésie, romans, essais ou livres d'art). Par conséquent, la nature des livres faisant l'objet de petites commandes démontre elle aussi clairement la dimension culturelle de l'aide.Remarquons que les manuels scolaires sont commandés en grandes quantités lors de chaque année scolaire et ne relèvent donc pas du mécanisme de soutien aux petites commandes.
L'aide en question dans le cadre communautaire
Comme il est précisé plus haut, le CELF est certes le principal bénéficiaire de l'aide. Cette aide ne sert toutefois qu'à compenser les surcoûts liés à son activité de traitement des petites commandes. Le CELF distribue des livres essentiellement dans des pays et des territoires non francophones. En effet, dans les pays francophones, comme la Belgique, le Canada et la Suisse, le marché local est couvert par les grands éditeurs grâce à leurs filiales ou à leurs représentants. La commission à l'exportation ne joue donc qu'un rôle limité sur les marchés qui constituent les principaux débouchés pour les livres d'expression française, c'est-à-dire les trois pays susmentionnés. Le CELF ne réalisait en 1994 que 0,2 % des exportations totales de la France vers ces pays.
La Commission observe que les conditions de concurrence sur le marché ne sont pas affectées par l'existence du CELF, en ce sens que les livres publiés par les éditeurs membres du CELF peuvent être commandés aussi par d'autres canaux que CELF, en particulier par le biais d'autres commissionnaires à l'exportation. Il n'est pas nécessaire de faire partie du CELF pour pouvoir lui commander des livres. Le CELF traite les commandes de livres de la même façon, quel que soit l'éditeur: peu importe donc que celui-ci soit membre ou non du centre. Les librairies sont libres de choisir leur canal d'approvisionnement. Le CELF traite toutes les commandes qu'il reçoit.
Il convient de rappeler que l'aide versée au CELF concerne un créneau se situant hors du marché traditionnel, à savoir les commandes d'une valeur inférieure à 500 FRF. Les autorités françaises prétendent que le seuil de 500 FRF a été fixé sur la base de critères objectifs. Le CELF n'obtient que 2 % de son chiffre d'affaires avec des livres publiés dans d'autres Etats membres (Belgique). Il s'ensuit que le mécanisme de soutien produit principalement un effet concurrentiel au niveau des opérateurs distribuant des livres d'expression française. Généralement, le client s'adresse au distributeur établi dans le pays où lui-même se trouve et non ailleurs. Il ressort des considérations qui précèdent, et en particulier du fait que l'aide est proportionnée et, partant, ne couvre que les surcoûts imputables au traitement des petites commandes par le CELF, que l'incidence de l'aide n'est pas contraire à l'intérêt commun.
Conclusion
Eu égard à ce qui précède, la Commission est parvenue à la conclusion suivante en ce qui concerne l'aide accordée au CELF pour le traitement des petites commandes.
L'aide est compatible en application de l'article 92, paragraphe 3, point d), car elle poursuit un objectif culturel; en effet, l'aide accordée au CELF pour le traitement des petites commandes promeut la culture et la conservation du patrimoine sans altérer les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
XII. APPLICATION DE L'ARTICLE 90, PARAGRAPHE 2 DU TRAITÉ
La Commission a conclu ci-dessus que l'aide accordée au CELF est une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité et qu'elle est compatible en application de l'article 92, paragraphe 3, point d). Par conséquent, conformément à la jurisprudence (15), il n'y a pas lieu pour elle d'apprécier plus avant les activités subventionnées du CELF à la lumière de l'article 90, paragraphe 2, étant donné que l'application de l'article 92 du traité ne saurait avoir pour effet d'empêcher le CELF de traiter les petites commandes, activité pour laquelle il reçoit une aide de l'État.
La Commission fait toutefois remarquer à cet égard que l'une des conditions à satisfaire pour que l'article 90, paragraphe 2 s'applique est que l'entreprise soit chargée de la gestion de services d'intérêt économique général au sens dudit article par un acte de la puissance publique (16). Ce dernier ne doit pas forcément être un acte législatif ou réglementaire, mais peut aussi consister en une concession de droit public (17).
Selon les autorités françaises, la base juridique de l'aide est constituée par l'arrêté du 9 mai 1995 relatif à l'organisation de la direction du livre et de la lecture et par les décrets d'application des lois de finances portant répartition des crédits ouverts au ministère de la Culture. L'article 5 de l'arrêté susmentionné dispose entre autres que "le département de l'économie du livre . . . contribue à stimuler la présence du livre français et de la francophonie à l'étranger . . ." La Commission estime que le Gouvernement français n'a pas démontré que le service rendu par le CELF pour le traitement des petites commandes s'appuie sur un acte législatif ou administratif, car les actes juridiques susmentionnés portent sur le secteur du livre en général et ne font aucune référence au CELF ni ne le concernent expressément.
En outre, force est de constater que les arguments présentés par les autorités françaises pour justifier l'applicabilité de l'article 90, paragraphe 2, sont contradictoires, en ce que ces autorités affirment que le mécanisme de soutien est ouvert à d'autres opérateurs, et non au seul CELF, tout en maintenant que l'aide est octroyée au CELF parce qu'il assume une obligation de service public d'intérêt économique général.
XIII. AUTRES QUESTIONS SOULEVÉES AU COURS DE LA PROCÉDURE OUVERTE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 93, PARAGRAPHE 2
Les autorités françaises soulignent que de nombreuses questions ou affirmations soulevées ou faites au cours de la procédure ouverte en application de l'article 93, paragraphe 2, du traité ne relevaient pas du champ d'application de celle-ci. La Commission fait remarquer que la présente procédure a, certes, pour principal objectif de vérifier la compatibilité du mécanisme de soutien au titre duquel une aide est versée au CELF pour le traitement des petites commandes, mais qu'elle n'a pas exclu pour autant la possibilité d'examiner d'autres questions relatives au CELF. En effet, lorsque la Commission a décidé d'ouvrir la procédure d'investigation, elle a évoqué plusieurs questions portées à son attention par la SIDE et portant sur les activités du CELF (18). Comme celles-ci ne sont pas liées directement au mécanisme de soutien en tant que tel, elles sont traitées séparément ci-dessous, de pair avec d'autres questions y relatives.
En ce qui concerne la recapitalisation du CELF en 1980, il convient de noter que son capital est à cette date passé de 80 500 FRF à 1 280 500 FRF. Cette opération a été financée, d'une part, par l'Association pour le développement de l'édition française (ADEF) (à hauteur de 50 %) et, d'autre part, par des actionnaires (privés) du CELF (à hauteur de 50 %). Le principal objectif de la première, qui regroupait un certain nombre d'éditeurs, était de stimuler la présence des livres en français à l'étranger et de soutenir les investissements réalisés par les éditeurs ou les exportateurs. L'association a bénéficié d'une contribution publique que lui a accordée le ministère de la Culture. À la suite de la dissolution de l'ADEF, survenue en 1994, les parts que celle-ci détenait dans le CELF ont été transférées au Syndicat national de l'édition (SNE). Le SNE peut les céder à tout nouveau membre du CELF si l'occasion se présente. Les actionnaires du CELF sont restés les mêmes, à savoir des éditeurs, des distributeurs et le SNE. Après avoir analysé la documentation que lui a soumise le Gouvernement français, la Commission est parvenue à la conclusion que cette augmentation de capital n'était pas une aide d'État, mais simplement une prise de participation, du fait que des investisseurs privés y avaient aussi pris part. Les autorités françaises ont donc agi selon le principe de l'investisseur dans une économie de marché. Aussi l'opération ne contenait-elle pas d'élément d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.
En ce qui concerne l'avantage que le CELF est supposé retirer de la gestion de programmes publics, notons qu'il n'est actuellement responsable que des programmes "Plus" et "À l'Est de l'Europe", qui a pris le relais du programme "Page à page". Comme le Tribunal a confirmé dans son arrêt du 18 septembre 1995 la décision initiale prise par la Commission d'autoriser les aides versées au CELF pour la gestion de ces programmes au motif qu'ils ne relevaient pas de l'article 92, paragraphe 1, du traité, la Commission ne voit aucune raison de continuer à se pencher sur cette question.
D'aucuns ont aussi prétendu que le CELF était avantagé du fait de ses relations avec certains organismes publics, tels que France édition. Hexalivre critique ainsi l'attitude de France édition, qui accorderait, selon lui, un traitement privilégié au CELF, notamment en lui donnant accès à son stand dans les foires internationales, ce qu'elle refuse de faire pour Hexalivre. Sur ce point, la Commission fait observer que le CELF, qui est membre de France édition, paie pour de tels services, par exemple en louant l'espace occupé sur le stand, comme l'attestent les pièces justificatives jointes à ce sujet. De même, le CELF a payé les catalogues commandés à France édition.
À propos de ces allégations (à savoir, les relations entre le CELF et France édition ou la Centrale de l'édition et les relations commerciales du CELF avec des éditeurs), le Gouvernement français maintient qu'elles ne concernent en aucun cas les pouvoirs publics dès lors que les relations susmentionnées n'ont pas de lien avec les actions menées par les autorités nationales dans le cadre de leur politique culturelle. Par conséquent, la Commission conclut que le CELF n'a pas, dans ce contexte, profité d'avantages en nature relevant de l'article 92, paragraphe 1, du traité, puisqu'il a payé les services que lui a fournis France édition.
Les pouvoirs publics se voient aussi reprocher de favoriser le CELF par le biais des commandes publiques. Ces allégations portent en particulier sur le soutien accordé à la mise en œuvre du programme "nouveautés" géré par le ministère des Affaires étrangères et le rôle joué par les commandes passées par des associations liées à ce ministère et au ministère de la Coopération [comme l'Association pour le développement de la pensée française (ADPF) et l'AUDECAM]. La principale tâche de l'ADPF est de fournir régulièrement les bibliothèques des instituts culturels français à l'étranger pour le compte du ministère. Le CELF n'est qu'un distributeur parmi tous ceux auxquels l'ADPF a recours.
Hexalivre critique l'ADPF pour privilégier le CELF par rapport à ses concurrents. Afin d'illustrer ses propos, Hexalivre cite l'exemple d'une commande passée par le service culturel de l'ambassade de France au Maroc, qui a traditionnellement recours à Hexalivre, mais qui, après avoir été contacté par l'ADPF, s'est adressé au CELF lequel a transmis la commande à Hexalivre. La Commission a appris que les autorités françaises n'avaient en aucune façon cherché à favoriser le CELF au détriment des autres fournisseurs. Au contraire, comme le CELF a transmis la commande à Hexalivre, celui-ci ne saurait prétendre avoir perdu au change. La Commission estime donc que cela ne relève pas du champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité.
Enfin, à la critique de la SIDE concernant "l'ensemble complexe d'aides dont bénéficient non seulement le CELF, mais aussi divers organismes réunissant, comme lui, les éditeurs et les autorités publiques dans la plus grande opacité" et la politique culturelle menée par les pouvoirs publics en général, le Gouvernement français rétorque que plusieurs documents publiés par les autorités compétentes, notamment des réponses à des questions parlementaires, informent chaque année le public des activités du ministère responsable en la matière. Les pouvoirs publics recherchent donc la transparence, et non l'opacité, dans ce domaine,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
L'aide accordée au CELF pour le traitement des petites commandes de livres d'expression française est une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE. Étant donné que le Gouvernement français a omis de notifier cette aide à la Commission avant de la mettre en œuvre, celle-ci a été octroyée illégalement. L'aide est cependant compatible du fait qu'elle remplit les conditions pour bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point d), dudit traité.
Article 2
La République française est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 10 juin 1998.
Par la Commission
Karel VAN MIERT
Membre de la Commission
(1) Recueil 1995, p. II-2501.
(2) JO C 366 du 5. 12. 1996, p. 7.
(3) Les livres publiés par de grandes maisons d'édition peuvent être identifiés automatiquement par lecture optique grâce au code EAN.
(4) Le CELF a présenté à la Commission une liste d'informations relatives à l'ensemble des commandes qu'il a traitées en 1994 (telles que le nom de la librairie, le pays, le nombre de factures d'un montant inférieur ou égal à 500 FRF, le nombre de lignes de commandes, le nombre de livres commandés, la valeur en FRF, le nombre de lignes de commandes exécutées, etc.).
(5) D'après le CELF, ces recettes proviennent d'autres activités, en particulier du "Programme Plus".
(6) À cet égard, le Gouvernement français précise qu'il s'agit en réalité de 3 à 6 % du chiffre d'affaires et non de 3 à 6 % de petites commandes. Près de 50 % des commandes du CELF sont de petites commandes.
(7) Le Gouvernement français rappelle une nouvelle fois que l'utilisation de la subvention est soumise à un contrôle a posteriori et que les sommes non utilisées sont déduites du montant de la subvention prévue pour l'année suivante.
(8) La Commission a procédé de la sorte dans l'affaire La Poste (aide d'État NN 135-92, France) en considérant séparément l'application des articles 92 et 90, paragraphe 2, et celle des articles 85 et 86.
(9) Vu que le TPI a confirmé la décision de la Commission autorisant les aides accordées au CELF pour la gestion des programmes publics, c'est-à-dire les aides autres que celles en faveur du CELF pour le traitement des petites commandes, au motif qu'elles ne constituaient pas des aides d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité parce qu'elles n'affectaient pas les échanges entre États membres, ces mesures ne sont pas prises en considération dans le présent contexte et, partant, ne concernent aucune des dispositions relatives aux aides d'État.
(10) Commission des Communautés européennes: Panorama de l'industrie européenne, 1997.
(11) Syndicat national de l'édition: L'édition de livres en France - Statistiques 1993.
(12) Sur ces marchés, les commandes émanant des libraires sont presque toutes suffisantes pour être adressées directement aux éditeurs et aux distributeurs classiques.
(13) Le tableau porte sur les pays d'Europe occidentale, l'Amérique du nord, de nombreux pays africains (la plupart de langue française) et d'autres pays encore (tels que le Japon, le Brésil, le Mexique et la Russie).
(14) Il arrive parfois, à titre exceptionnel, que le CELF approvisionne des clients qui ne sont pas des revendeurs, soit parce qu'il n'y a pas de revendeur local, soit pour le compte d'éditeurs qui lui transmettent certaines commandes particulières qu'ils reçoivent.
(15) Affaire C-387-92, Banco Exterior de España contre Ayuntamiento de Valencia, Recueil 1994, p. I-877 (point 21 des motifs).
(16) Affaire 127-73, BRT contre SABAM et NV Fonior, Recueil 1974, p. 313 (point 20 des motifs); affaire 66-86, Ahmed Saeed Flugreisen et autres contre Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs, Recueil 1989, p. 803.
(17) Affaire C-159-94, Commission contre France, Recueil 1997, p. I-5815 (point 68 des motifs).
(18) Voir note 2 en bas de page, point 9.
DÉCISION DE LA COMMISSION du 27 janvier 1999 modifiant la décision 94-652-CE établissant l'inventaire et fixant la répartition des tâches à entreprendre dans le cadre de la coopération des États membres en matière d'examen scientifique des questions relatives aux denrées alimentaires [notifiée sous le numéro C(1999) 138] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (1999-134-CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne,
vu la directive 93-5-CEE du Conseil du 25 février 1993 concernant l'assistance des États membres à la Commission et leur coopération en matière d'examen scientifique des questions relatives aux denrées alimentaires (1), et notamment son article 3,
considérant que la décision 94-458-CE de la Commission (2) règle la gestion administrative de la coopération en matière d'examen scientifique des questions relatives aux denrées alimentaires;
considérant que la décision 94-652-CE de la Commission (3) a établi l'inventaire et la répartition des tâches à entreprendre dans le cadre de la coopération des États membres en matière d'examen scientifique des questions relatives aux denrées alimentaires; que l'article 3 de la directive 93-5-CEE prévoit une actualisation au moins semestrielle de l'inventaire et de la répartition des tâches;
considérant qu'il convient de définir et d'actualiser l'inventaire des tâches en tenant compte des besoins de protection de la santé publique dans la Communauté et des exigences de la législation communautaire dans le domaine des denrées alimentaires;
considérant que les tâches doivent être réparties selon les connaissances scientifiques spécialisées et les ressources disponibles dans les États membres, et notamment dans les instituts qui participeront à la coopération scientifique;
considérant que les mesures prévues par la présente décision sont conformes à l'avis du comité permanent des denrées alimentaires,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
L'annexe de la présente décision remplace l'annexe de la décision 94-652-CE établissant l'inventaire et la répartition des tâches à entreprendre dans le cadre de la coopération des États membres en matière d'examen scientifique des questions relatives aux denrées alimentaires.
Article 2
Les États membres sont destinataires de la présente décision.
(1) JO L 52 du 4. 3. 1993, p. 18.
(2) JO L 189 du 23. 7. 1994, p. 84.
(3) JO L 253 du 29. 9. 1994, p. 29.