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Décisions

Cass. crim., 26 octobre 1999, n° 98-86.014

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme Agostini

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Waquet, Farge, Hazan.

TGI Millau, du 19 mars 1997

19 mars 1997

Rejet des pourvois formés par S Patrick, B Daniel, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 12 mai 1998, qui, pour abus de faiblesse, les a condamnés à 20 000 francs d'amende chacun, et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR: - Joignant les pourvois en raison de la connexité; - Vu le mémoire ampliatif produit, commun aux demandeurs et le mémoire en défense; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 121-4 du Code pénal, L. 122-10 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré établi à l'encontre de Daniel B et de Patrick S le délit d'abus de faiblesse ou d'ignorance incriminé par l'article L. 122-10 du Code de la consommation;

"aux motifs qu'ils ne rapportent pas la preuve d'avoir rédigé un reçu en contrepartie des valeurs et des bons anonymes remis; que, de plus, comme l'a fait remarquer le premier juge, il n'est pas sûr que la partie civile aurait bénéficié de l'entière contrepartie à la remise de ses valeurs; qu'au contraire l'enquête a révélé que le remboursement des bons anonymes avait été demandé par un intermédiaire, René Janda, agissant en son nom propre pour le compte de la compagnie Paneurolife et non pas pour celui de Jean-Marie Castan;

"alors que, d'une part, la remise par Jean-Marie Castan de l'ensemble de ses contrats retraite ainsi que d'un bon triple UAP n'ayant été faite qu'en vue d'un emploi déterminé, en l'occurrence l'achat d'un seul et unique contrat retraite souscrit auprès de la compagnie Paneurolife, les juges du fond, qui n'ont relevé aucun élément de fait de nature à établir ne serait-ce qu'un commencement d'inexécution de cette obligation contractuelle, n'ont pas, dès lors, caractérisé l'absence de contrepartie indispensable pour que puisse être constitué le délit incriminé par l'article L. 122-10 du Code de la consommation et qui ne saurait résulter de la simple absence d'un reçu, lequel n'est qu'élément de preuve;

"alors que, d'autre part, cette omission de délivrance d'un reçu ne pouvant être qualifiée tout au plus que de commencement d'exécution, ne pouvait légalement justifier une déclaration de culpabilité, les dispositions légales ne prévoyant pas en la matière l'incrimination de la tentative;

"et alors, enfin, que la déclaration de culpabilité ne saurait davantage être justifiée par l'affirmation totalement hypothétique tenant à une absence de certitude que la partie civile ait, à terme, bénéficié de l'entière contrepartie de la reprise de ses valeurs ";

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 121-3 du Code pénal, L. 121-10 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, défaut de base légale:

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Daniel B et Patrick S coupables du délit d'abus de faiblesse ou de l'ignorance d'autrui prévu et puni par l'article L. 122-10 du Code de la consommation;

"aux motifs qu'il est impensable que des professionnels puissent se faire remettre par une personne qui présente tous les signes d'incapacité des bons, des contrats pour une valeur supérieure à 500 000 francs sans délivrer au client un reçu justificatif; que par décision du 27 octobre 1995, le juge des tutelles confiait à l'UDAF une mesure de sauvegarde de justice à l'encontre de Jean-Marie Castan, cette mesure s'étant transformée très rapidement en curatelle puis en tutelle; qu'il est donc constant que le 19 octobre 1995, jour d'intervention au domicile de Castan, de Daniel B et Patrick S, ces derniers ont profité de la solitude et de l'affaiblissement des facultés intellectuelles de Jean-Marie Castan pour lui faire signer une demande de rachat total de bons, et ce sans précision des numéros et du montant;

"alors que, d'une part, faute de préciser les éléments de fait permettant de tenir pour acquis que Patrick S et Daniel B aient eu conscience de l'état de faiblesse de Jean-Marie Castan et en s'abstenant du reste de répondre sur ce point à l'argument péremptoire des conclusions de Daniel B faisant valoir qu'il ne connaissait pas auparavant Jean-Marie Castan, la cour n'a pas en l'état de cette insuffisance de motifs caractérisée établi l'élément intentionnel de l'infraction retenue à l'encontre de Patrick S et de Daniel B;

"alors que, d'autre part, le délit incriminé par l'article L. 122-10 du Code de la consommation supposant une volonté d'appropriation frauduleuse de tout ou partie du patrimoine d'autrui, la Cour, qui a retenu la culpabilité de Daniel B et de Patrick S sans répondre à l'argument péremptoire des conclusions dont elle était saisie faisant valoir que l'opération proposée à Jean-Marie Castan était de nature à lui procurer un gain supérieur à ses placements, n'a pas, en l'état de ce défaut de réponse, caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction retenue ";

Les moyens étant réunis; - Attendu que, pour déclarer Patrick S et Daniel B coupables du délit d'abus de faiblesse prévu et puni par les articles L. 122-8 et L. 122-10 du Code de la consommation, l'arrêt attaqué retient que, s'étant rendus ensemble au domicile de Jean-Marie Castan, ils se sont fait remettre, moyennant la promesse de souscrire à son profit un placement unique, des bons au porteur et un contrat d'assurance et lui ont fait signer une demande de rachat de ses bons, sans mentionner leur nombre, leur montant, ni leurs numéros, et sans lui délivrer aucun reçu;que l'arrêt relève, en outre, que la contrepartie offerte reste incertaine, le remboursement des valeurs ayant été demandé par un intermédiaire en son nom propre et non pas au nom de la victime;que les juges ajoutent que les prévenus ont profité de la solitude et de l'affaiblissement des facultés de la victime, les personnes en contact avec elle ayant constaté qu'elle n'était plus en état de gérer son patrimoine et la mise en place d'une mesure de protection judiciaire étant en cours à la date des faits;

Attendu qu'en l'état de ses énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel, qui a répondu sans insuffisance aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision; d'où il suit que les moyens doivent être écartés;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.