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Décisions

Cass. crim., 9 mars 1999, n° 98-82.556

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. le Foyer de Costil

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié.

TGI Paris, 31e ch., du 20 déc. 1996

20 décembre 1996

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par G Claude, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 27 janvier 1998, qui, pour publicité trompeuse, l'a condamné à 30 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et prononcé sur les intérêts civils; -Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 339 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claude G coupable de publicité de nature à induire en erreur;

"aux motifs que, depuis septembre 1995, la société "Ecole X" dont Claude G est le président du conseil d'administration, a fait paraître dans diverses publications, dont la Gazette de l'Hôtel Drouot, des annonces publicitaires mentionnant qu'elle délivrait des diplômes homologués par l'Etat; qu'il résulte de l'enquête diligentée sur plainte de la SARL "Y" que l'Ecole X avait obtenu, depuis 1996, un avis favorable de la Commission régionale technique d'homologation des titres et diplômes de l'enseignement technologique, mais que, nonobstant, aucun arrêté ministériel n'était paru au Journal officiel; que, toutefois, les annonces incriminées ont continué de paraître jusqu'en février 1996, et même au-delà; que la cour relève que Claude G ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés; qu'en revanche, la prévenue ne saurait se prévaloir du défaut d'intention frauduleuse; qu'elle argue vainement du fait que la Commission nationale technique d'homologation a confirmé l'avis favorable rendu par la Commission régionale; qu'elle soutient, à tort, d'une part, que seule la qualité de l'enseignement pratiqué était réellement attractive pour les étudiants et, d'autre part, que la publicité pour laquelle l'Ecole consacrait un budget modeste n'avait aucune influence sur le nombre d'étudiants inscrits, puisque les places étaient quantitativement limitées; que la cour considère, en réalité, que l'Ecole X ne pouvait se prévaloir d'une homologation des diplômes qu'elle délivrait, dès lors qu'aucun arrêté ministériel n'avait entériné les avis favorables émis par les Commissions précitées; qu'elle note qu'en l'état actuel de la procédure, ledit arrêté n'est toujours pas publié au Journal officiel; que la cour estime, comme les premiers juges, qu'en anticipant sur une décision administrative qui n'était nullement automatique aux termes de la procédure d'homologation, Claude G, vu sa qualité d'annonceur, a pu induire en erreur les étudiants sur la nature des diplômes préparés à l' Ecole X; "1°) alors que le délit de publicité de nature à induire en erreur étant un délit non intentionnel réprimé par un texte antérieur à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation à l'encontre de la demanderesse qu'autant qu'elle constatait expressément qu'elle avait agi par imprudence ou négligence et qu'en omettant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale; "2°) alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Claude G faisait valoir qu'il résultait d'une lettre du directeur commercial de la SARL Connaissance des Arts qu'elle avait fait le nécessaire pour faire cesser les parutions des documents publicitaires et promotionnels de l'école comportant mention de l'homologation et qu'en n'examinant pas ce moyen de défense péremptoire, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 339 de la loi du 16 décembre 1992";

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de Y;

"aux motifs que Claude G fait valoir que la SARL Y exerce son activité dans un domaine distinct de celui de l'Ecole X et qu'elle n'avait, de ce fait, aucun intérêt à se porter partie civile; qu'en effet, la SARL Y ne s'adressait qu'aux adultes sérieux de se perfectionner ou d'acquérir un diplôme confortant leur pratique professionnelle; que l'organisme dispensateur des cours destinés aux étudiants ne serait pas la SARL mais l'association Y Campus, qui serait seule susceptible de se constituer partie civile si elle bénéficiait de l'homologation; qu'en définitive, la SARL Y n'a subi aucun préjudice direct ou personnel; que, toutefois, la cour estime qu'au regard des pièces versées aux débats, la SARL Y exerce une activité d'enseignement dans le même domaine que l'Ecole X; que ce point résulte notamment d'un courrier adressé par l'Ecole X à la DGCCRF le 16 octobre 1997, dans lequel elle reconnaît que l'Y est une "école concurrente de l'Ecole X"; qu'il s'avère, également, que les documents d'information du "Centre d'Information et de Documentation Jeunesse" relatifs aux métiers de l'art, classent l'Ecole X et Y dans la même catégorie; et que, dès lors, la cour estime que la SARL Y est recevable à se constituer partie civile pour demander réparation du préjudice à elle causé par la publicité trompeuse;

"alors qu'une entreprise prestataire de services concurrente n'est recevable à se constituer partie civile dans une procédure suivie du chef de publicité à induire en erreur, qu'autant qu'elle établit avoir subi un dommage certain découlant directement de l'infraction poursuivie; que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Claude G soutenait que la clientèle et l'objet de l'Ecole X et de Y n'étaient pas les mêmes, la première s'adressant exclusivement à des étudiants de moins de 26 ans suivant deux cycles de formation d'une durée de quatre années, la seconde dispensant, comme le précisait son extrait K bis, exclusivement de la formation professionnelle destinée aux adultes et qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de conclusions d'où il résultait que la partie civile ne pouvait exciper d'un dommage certain résultant du délit de publicité de nature à induire en erreur poursuivi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions impératives des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale";

Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Claude G à payer à Y la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts;

"aux motifs, repris des premiers juges, que Y qui exerce une activité d'enseignement dans le même domaine est fondé à se constituer partie civile pour demander réparation du préjudice que lui a causé cette publicité trompeuse; que, toutefois, compte-tenu du nombre toujours limité d'étudiants inscrits à l'Ecole X, la distorsion de concurrence ne peut être considérée comme importante; qu'en outre, il ressort d'un courrier du président de la Commission technique d'homologation en date du 8 avril 1992 que Y a pu lui-même procéder à des publicités critiquables;

"alors qu'en ne relevant aucun élément de fait d'où pourrait résulter le préjudice prétendu de la partie civile, l'arrêt attaqué ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision intervenue au regard des dispositions des articles L. 121-1 du Code de la consommation et 1382 du Code civil";

Les moyens étant réunis; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable et ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.