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Décisions

CCE, 4 novembre 1998, n° 1999-378

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide de la France en faveur de Nouvelle Filature Lainière de Roubaix

CCE n° 1999-378

4 novembre 1998

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations conformément auxdits articles et vu ces observations, considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

Par lettres des 6 mai et 16 septembre 1996, l'association industrielle allemande "Industrieverband Garne und Gewebe" a attiré l'attention de la Commission sur des aides octroyées ou potentiellement octroyées en faveur de Nouvelle Filature Lainière de Roubaix.

Par lettre du 25 septembre 1996 et sur demande expresse de la Commission par lettres des 15 mai et 3 juillet 1996, le Gouvernement français a informé la Commission des aides qu'il a octroyées ou qu'il entendait octroyer à Nouvelle Filature Lainière de Roubaix. Par lettres des 22 novembre 1996, 16 janvier, 2 avril et 3 juillet 1997, le Gouvernement français a communiqué des informations complémentaires à la Commission. Par lettre du 19 septembre 1996, le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing a communiqué à la Commission le jugement du 17 septembre 1996 dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de SA Filature Lainière de Roubaix.

Par lettre du 18 août 1997, la Commission a informé le Gouvernement français de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'encontre de cette aide. La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (1). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide en cause.

Par lettre du 24 septembre 1997, le Gouvernement français a soumis ses observations à la Commission. Sur cette base, la Commission a adressé au Gouvernement français des lettres de renseignements complémentaires les 2 mars et 17 juin 1998 auxquelles le Gouvernement français a répondu par lettres des 8 mai, 21 juillet et 16 octobre 1998. Des informations supplémentaires sont parvenues par lettre du 30 octobre 1998.

II. DESCRIPTION DE L'AIDE SOUS EXAMEN

La présente décision porte sur les aides, sous forme d'un prêt participatif de 18 millions de francs français (FRF) et d'une prime d'investissement de 22 millions de FRF, que le Gouvernement français a octroyés à Nouvelle Filature Lainière de Roubaix dans le cadre du redressement judiciaire du groupe SA Filature Lainière de Roubaix.

1. Le bénéficiaire de l'aide

Après le dépôt de bilan, le Tribunal de commerce de Roubaix a ouvert, par jugement du 30 avril 1996, la procédure judiciaire à l'encontre du groupe SA Filature Lainière de Roubaix (ci-après dénommé "SA Filature"), constitué des trois entreprises (SA Groupe Lainière, SA Lainière de Roubaix, SA Proditex). Par jugement du 17 septembre 1996, après avoir constaté que le plan de redressement par voie d'apurement du passif conformément à l'article 18 de la loi 85-98 du 25 janvier 1985 n'était pas envisageable et après avoir procédé à un appel d'offres en vue de la cession de l'entreprise, le Tribunal de commerce de Roubaix a décidé la cession de l'entreprise selon les dispositions de ladite loi à une entreprise nouvellement créée sous forme de société anonyme au capital de 510 000 FRF, dénommée "Nouvelle Filature Lainière de Roubaix" (dénommée ci-après Lainière de Roubaix).

Par ledit jugement et avec effet au 1er octobre 1996, les actifs des entreprises en redressement judiciaire ainsi que la grande partie des contrats d'exploitation et de prestation de service conclus par celles-ci ont été cédés aux actionnaires de la nouvelle entreprise pour un prix de 4,8 millions de FRF. Les actifs repris ont été estimés au 1er septembre 1996 à 50,956 millions de FRF et se composaient comme suit: actifs incorporels et actifs financiers: néant, actifs corporels mobiliers: 21,126 millions de FRF, stock et en cours: 20,676 millions de FRF, créances à recouvrer: 3,647 millions de FRF et disponibilités: 5,507 millions de FRF. Les dettes financières des entreprises en redressement judiciaire, dont le montant n'a pas été communiqué à la Commission, ont été apurées dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire. Dans ce cadre, le Gouvernement français a octroyé à la nouvelle entreprise les aides sous examen décrites ci-après. En effet, dans la motivation du jugement de cession au repreneur, le Tribunal a, entre autres, pris en compte le fait que la France, dans la personne de M. le Procureur de la République, a "confirmé le soutien des pouvoirs publics à hauteur de 40 MF selon les modalités offertes par chacun des offreurs, et souhaite que le Tribunal adopte le plan qui assurera un usage rigoureux des fonds publics limité au seul périmètre des actifs nécessaire au financement du redressement de l'exploitation des entreprises reprises, excluant toute prise de participation ou d'opération de croissance externe et assurera la pérennité de l'activité et des emplois."

2. Mesures de restructuration et investissements par le bénéficiaire de l'aide

- Mesures de restructuration prises par le bénéficiaire de l'aide

Les nouveaux actionnaires ont entrepris, sous le contrôle du commissaire à l'exécution du plan nommé par le Tribunal de Roubaix, une réduction de capacité par l'arrêt définitif d'une partie de la production, notamment la production de fils basiques fortement déficitaire. Ainsi, environ 60 % des capacités de production de l'ancienne SA Filature, notamment certains ateliers de production déficitaires ainsi qu'un site industriel dans son ensemble (Proditex), ont été fermés définitivement. En termes de chiffre d'affaires, l'activité prévisionnelle de la nouvelle entreprise est de 150 millions de FRF soit respectivement 38 % et 26 % de celle réalisée en 1995 et en 1994. L'activité est recentrée sur des produits plus spécialisés à plus forte valeur ajoutée. Par ailleurs, la nouvelle entreprise a licencié, avec autorisation du Tribunal, 339 des 587 salariés de l'ancien groupe. Par le jugement susmentionné, le Tribunal de Roubaix a décidé que Lainière de Roubaix est tenue de payer, en tant qu'indemnité de licenciement, une somme de 50 000 FRF par emploi supprimé (c'est-à-dire, pour le total des 339 salariés licenciés, 16,95 millions de FRF).

Toutefois, comme la Commission l'a déjà relevé dans sa décision d'ouverture de la procédure susmentionnée, le Gouvernement français n'a pas communiqué à la Commission un plan de restructuration qui permette à la Commission d'apprécier le retour à la viabilité à long terme de l'entreprise bénéficiaire et la nécessité de l'aide. Par lettre susmentionnée du 2 mars 1998, la Commission a notamment demandé au Gouvernement français de lui soumettre "les dernières informations financières disponibles sur la Lainière de Roubaix (...), c'est-à-dire le bilan détaillé ainsi que la déclaration financière, y compris le compte d'exploitation".

Par lettre du 8 mai 1998, le Gouvernement français a transmis à la Commission, outre le résultat prévisionnel pour les années 1996 à 1999 déjà soumis par lettre du 2 avril 1997, le compte de résultat provisoire au 31 décembre 1997. Par contre, le Gouvernement français n'a pas communiqué les autres informations demandées.

- Coûts de restructuration

En ce qui concerne les coûts de la restructuration, le Gouvernement français, sur demande répétée de la Commission en vue d'obtenir des renseignements complémentaires sur les coûts exacts à couvrir par le prêt de 18 millions de FRF, a communiqué les informations suivantes:

- Par lettre du 16 janvier 1997, le Gouvernement français a chiffré les coûts de restructuration à 14,5 millions de FRF, dont 12,5 millions de FRF au titre de congés de conversion et 2 millions de FRF au titre de reclassement de salariés licenciés. Par ailleurs, le Gouvernement français a indiqué dans cette même lettre "qu'une vingtaine de personnes ont été mises en pré-retraite, suivant les dispositions du droit commun"; le Gouvernement français n'a cependant pas communiqué le coût éventuel de cette mesure.

- Par lettre du 2 avril 1997, le Gouvernement français a confirmé que le prêt de 18 millions de FRF devait couvrir les coûts de "maintien de l'activité et l'adaptation rapide de la masse salariale au travers du plan social effectué à la suite du jugement du 17 septembre 1996".

- Dans sa lettre du 8 mai 1998, le Gouvernement français a chiffré les coûts liés à la restructuration comme suit: surloyer à payer pour des surfaces non nécessaires à la production pour la période de 1996/1997: 2,2 millions de FRF; coûts de transfert de produits (manutention) entraînant des ruptures de charges pénalisantes pour l'organisation de la production; coûts non quantifiés, réaménagement des surfaces: 2,5 millions de FRF; coûts liés à la sous-productivité de l'entreprise au cours des six premiers mois: 10 millions de FRF; coûts de formation: coûts non quantifiés; coûts liés aux avantages sociaux des personnels qui ne sont pas supprimés conformément à la législation française: coûts non quantifiés et coûts de la mise en place d'un système de contrôle de gestion: coûts non quantifiés.

- Par lettre du 21 juillet 1998, le Gouvernement français a soutenu qu'il était "en effet impossible d'affecter précisément une ressource à des emplois bien déterminés". Le Gouvernement français a, par ailleurs, indiqué que le prêt correspondait à la période de redémarrage de l'activité après le redressement judiciaire et a confirmé l'utilisation du prêt de 18 millions de FRF pour des coûts liés au redémarrage, pour le financement de l'exploitation et pour une partie des investissements prévus. Par ailleurs, le Gouvernement français a chiffré à 10 millions de FRF les coûts correspondant à la sous-productivité de l'entreprise au cours des six premiers mois, à 2,5 millions de FRF les coûts correspondant au réaménagement des surfaces (lettre du 8 mai 1998) et à 5 millions de FRF les coûts correspondant au surloyer à payer pour des surfaces non nécessaires à la production pour la période de 1996-1999. Par ailleurs, le Gouvernement français a indiqué des coûts pour inadaptation du personnel (coûts non quantifiés) et des surcoûts liés aux avantages sociaux dus à l'ancienneté de la majorité des employés repris (1,6 million de FRF par an).

- Par lettre du 16 octobre 1998, le Gouvernement français a, en plus des données communiquées par ladite lettre du 21 juillet, indiqué que des coûts supplémentaires [...](2) pourraient surgir [...] *. Ces coûts n'étaient toutefois, à la date de ladite lettre, pas définitifs.

- Coûts d'investissement

Par ailleurs, la Lainière de Roubaix a réalisé un programme d'investissement d'un montant de 22,2 millions de FRF, étalé sur trois ans, visant à renforcer l'efficacité des installations de production dans les sites et à minimiser les coûts annexes (chauffage, entretien, etc.). Ce programme porte en particulier sur la modernisation des machines obsolètes du point de vue de la qualité et de la productivité, l'acquisition de nouveaux bobinoirs (9,5 millions de FRF), le développement vers des produits différenciés comme Plyfil Lycra (7,6 millions de FRF) ainsi que l'installation et mise en conformité d'une chaudière (5,1 millions de FRF).

- Autres informations

Actuellement, la Lainière de Roubaix est active dans le secteur textile (production de filature laine) et se trouve en concurrence directe avec d'autres producteurs notamment européens et asiatiques. Elle est située dans la région Nord-Pas-de-Calais, région éligible aux aides régionales en vertu de l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité et conformément à la décision de la Commission, du 14 septembre 1994, relative au régime de la prime d'aménagement du territoire pour les projets industriels(3). La Lainière de Roubaix emploie actuellement (lettre du 24 septembre 1997 et à la date de la reprise de l'entreprise) 248 employés, a un chiffre d'affaires (prévisionnel) de 150 millions de FRF et un total de bilan de 60 millions de FRF. 85 % du capital sont détenus par des personnes physiques.

La part de marché de Lainière de Roubaix est, selon les informations des autorités françaises, de seulement 0,4 % de la production européenne et de 8 % de la production française. Environ 50 % de la production sont exportées, dont plus de la moitié vers les autres États membres.

3. Les aides octroyées

a) Prêt de 18 millions de FRF

En ce qui concerne le prêt participatif de 18 millions de FRF, le Gouvernement français a communiqué les conditions suivantes d'octroi: durée de douze ans, dont deux ans de franchise, avec un taux fixe de 4,5 % et de 6,5 % pendant les dix ans restants, majoré d'une rémunération complémentaire indexée sur la marge brute d'autofinancement. Par lettre du 2 avril 1997, le Gouvernement français a communiqué le résultat prévisionnel consolidé de Lainière de Roubaix dans lequel les intérêts pour prêt participatif s'élèvent à 200 000 FRF pour 1996, 800 000 FRF pour 1997, 900 000 FRF pour 1998 et 1 100 000 FRF pour 1999. Le Gouvernement français a soutenu dans sa lettre du 21 juillet 1998 que le prêt a été octroyé à des conditions de marché.

Par ailleurs, en réponse à la question de la Commission, dans sa lettre du 17 juin 1998, de savoir si la Lainière de Roubaix avait - au moment de l'octroi du prêt par l'État - obtenu des prêts auprès des banques privées et, si oui, sous quelles conditions (taux d'intérêt, franchise, durée etc.), le Gouvernement français a informé la Commission que "l'entreprise a bénéficié (...) d'un plafond d'autorisation de financement de 28 millions de FRF auprès d'un établissement financier à un taux actuellement de l'ordre de 4,2 %".

Le Gouvernement français n'a toutefois ni communiqué les conditions d'octroi de prêt au moment de l'octroi du prêt participatif de l'État, ni le statut des établissements financiers en question.

Par lettre du 2 avril 1997, le Gouvernement français a confirmé que le prêt participatif a été octroyé avant l'entrée en vigueur du plan de reprise des actifs par la Lainière de Roubaix au 1er octobre 1996.

b) Prime d'investissement de 22 millions de FRF

Dans le cadre de la reprise, le Gouvernement français a aussi octroyé à la Lainière de Roubaix une prime d'investissement de 22 millions de FRF sur la base des investissements susmentionnés réalisés.

Cette somme est consignée sur un compte séquestre entre les mains du commissaire à l'exécution du plan nommé par le Tribunal de Roubaix. Les fonds sont débloqués dans la mesure où l'entreprise réalise le plan. Le Gouvernement français n'a pas communiqué à la Commission le montant de l'aide déjà débloqué.

c) Base juridique de l'aide

Le prêt participatif a été octroyé par le gouvernement sur une base juridique ad hoc. Il ne correspond pas à un régime d'aide approuvé par la Commission.

La prime d'investissement de 22 millions de FRF a été octroyée sur la base du "régime des crédits de politique industrielle du ministère de l'Industrie (CIRI, ligne budgétaire 64-96)". Ce régime n'a jamais été notifié à la Commission conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité. Toutefois, en ce qui concerne ce régime la Commission a proposé par lettre du 3 juillet 1991 au Gouvernement français en tant que mesure utile en vertu de l'article 93, paragraphe 1, de notifier a priori tous les cas d'octroi d'aide à la restructuration sur la base de ce régime. Par lettre du 11 novembre 1991, le Gouvernement français a accepté la proposition de mesure utile susmentionnée de notification individuelle dans la mesure où sont concernés des cas d'octroi d'aide supérieure à 5 millions de FRF. Ce montant a clairement été dépassé en l'espèce.

III. OBSERVATIONS DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE DE L'ARTICLE 93, PARAGRAPHE 2

1. Raisons évoquées par la Commission pour ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2

Dans la décision d'ouverture de la procédure susmentionnée, la Commission a soulevé des doutes quant à la compatibilité de l'aide avec le marché commun. En substance, elle a pour cela évoqué les raisons suivantes.

La Commission examine les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté sur la base des lignes directrices publiées en 1994(4). Sur la base des informations dont disposait la Commission au moment de l'ouverture de la procédure, elle n'était pas en mesure de vérifier si les aides octroyées pouvaient être considérées comme compatibles d'après les critères énoncés dans lesdites lignes directrices. Par ailleurs, faute de présentation de plan de restructuration donnant tous les éléments nécessaires pour apprécier la compatibilité de l'aide, la Commission n'était pas en mesure de s'assurer de la viabilité à long terme de l'entreprise ainsi que de la limitation nécessaire des aides au strict minimum pour permettre la restructuration de celle-ci. Elle a toutefois indiqué que, sous certaines conditions et jusqu'à une certaine limite, l'entreprise pouvait être éligible aux aides régionales en vertu de l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité.

2. Commentaires du Gouvernement français dans le cadre de la procédure

Le Gouvernement français souligne que, selon lui, l'aide octroyée à la Lainière de Roubaix doit être considérée comme compatible avec le marché commun. Le Gouvernement français soutient qu'il convient de considérer les mesures étatiques en faveur de la Lainière de Roubaix dans son ensemble, c'est-à-dire les aides à l'investissement et le prêt participatif. Ces deux mesures, l'abandon des activités structurellement déficitaires et l'investissement dans des niches commerciales en développement seraient nécessaires pour assurer le retour de l'entreprise à la viabilité à long terme.

Globalement, en admettant un équivalent subvention de 22 millions de FRF pour la prime d'investissement et de -0,4 million de FRF pour le prêt (se basant sur le taux de référence de 5,55 % tel que communiqué par la Commission par lettre du 18 août 1997), le Gouvernement français chiffre l'équivalent subvention des aides au regard de la restructuration à 21,6 millions de FRF ou à 55 % en intensité d'aide (lettres des 24 septembre 1997 et 8 mai 1998).

Par ailleurs, le Gouvernement français souligne que le prêt de 18 millions de FRF doit être considéré comme une aide au sauvetage au sens des lignes directrices susmentionnées, et cela même si sa durée dépasse six mois, période généralement indiquée comme maximale dans les lignes directrices. Ces aides devraient donc être considérées comme compatibles avec le marché commun (lettre du 24 septembre 1997). Par ailleurs, il conteste la qualification d'aide illégale tout en refusant de commenter ce point (lettre du 8 mai 1998). Le Gouvernement français conteste la position prise par la Commission dans la décision d'ouverture de la procédure selon laquelle le Gouvernement français n'aurait pas soumis à la Commission des informations suffisantes pour permettre à celle-ci de vérifier la viabilité de l'entreprise à long terme (lettre du 24 septembre 1997).

De même, le Gouvernement français soutient que l'aide octroyée en faveur de la Lainière de Roubaix ne peut pas être considérée comme distorsion de concurrence. D'un côté, la nouvelle entreprise avait réalisé une réduction importante de sa capacité de production et fermé certains sites de production. De l'autre côté, la part de marché de l'entreprise sur le marché européen serait dérisoire (lettre du 24 septembre 1997). De même, il convient, selon le Gouvernement français, de considérer que la Lainière de Roubaix est une petite et moyenne entreprise (PME) au sens de la définition communautaire et qu'elle est située dans une région éligible aux aides régionales en vertu de l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité avec une intensité d'aide admissible allant jusqu'à 33 % pour une PME (lettre du 24 septembre 1997). Finalement, le Gouvernement français soumet à la Commission des informations selon lesquelles le marché sur lequel la Lainière de Roubaix est maintenant active ne serait pas surcapacitaire, mais au contraire en expansion (lettre du 8 mai 1998).

3. Observations des intéressés

Dans le cadre de la procédure, l'entreprise "Leuze Textil GmbH & Co.", Owen-Teck, Allemagne (par lettres des 11 novembre 1996 et 17 décembre 1996 ainsi que du 11 février 1998), et l'entreprise "Kammspinnerei Stöhr GmbH", Mönchengladbach, Allemagne (par lettre du 23 janvier 1998) ainsi que la Fédération textile Febeltex (par lettre du 22 janvier 1998) ont soumis des observations à la Commission. Dans ces observations, ils ont, en substance, souligné les difficultés que connaît le marché en cause en tant que tel et ont invité la Commission à examiner la compatibilité des aides octroyées à Lainière de Roubaix. La Commission, par lettre du 2 mars 1998, a transmis au Gouvernement français une copie de ces lettres en lui donnant la possibilité de les commenter.

IV. APPRÉCIATION DE L'AIDE

1. Existence d'une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1

a) La prime d'investissement de 22 millions de FRF

La prime d'investissement constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1. En effet, elle a été octroyée par l'État sous forme de subvention à fonds perdus à une entreprise spécifique et comporte donc pour cette entreprise un avantage financier à concurrence de 22 millions de FRF. Par ailleurs, elle menace de fausser la concurrence, car elle constitue un avantage économique dont d'autres producteurs n'ont pas pu bénéficier. Elle affecte les échanges entre États membres déjà dans la mesure où l'entreprise bénéficiaire exporte une bonne partie de ses produits dans les autres États membres.

Le fait que l'entreprise a réalisé des réductions importantes de sa capacité de production ne peut pas exclure en soi la qualification des mesures sous examen comme constituant une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. De même, la part relativement petite de l'entreprise bénéficiaire sur le marché européen n'est pas une raison en soi pour exclure une distorsion de la concurrence. En effet, sans l'aide en cause, l'entreprise bénéficiaire n'aurait pas pu réaliser les investissements qu'elle a effectivement réalisés; certaines parts de marché du bénéficiaire auraient donc pu être gagnées par des entreprises concurrentes.

b) Le prêt participatif de 18 millions de FRF

Un prêt participatif octroyé par l'État comporte un avantage économique pour son bénéficiaire dans la mesure où ce prêt participatif permet à l'entreprise d'obtenir du capital à des conditions meilleures que celles du marché. La comparaison entre les conditions de marché et celles du prêt sous examen doit être faite en référence au moment de l'octroi du prêt, c'est-à-dire, faute de date précise communiquée par les autorités françaises, au moment de la reprise effective au 1er octobre 1996 qui a été réalisée avec le prêt sous examen.

La méthode de calcul du taux, qui s'applique au prêt participatif choisi par le Gouvernement français, comporte une majoration pendant les dix dernières années de la durée du prêt dépendant de la performance de l'entreprise plutôt que du taux de marché. Cette méthode ne permet donc pas de conclure en tant que telle que le prêt participatif a été octroyé à des conditions de marché.

Faute d'éléments précis pour comparer les conditions du prêt octroyé par l'État avec celles du marché, la Commission applique un taux de référence pour calculer les éléments d'aide d'un prêt. Celui-ci est censé refléter le niveau moyen des taux d'intérêt du marché dans les États membres pour des prêts à moyen et long terme assortis de sûretés normales. Dans le cas présent, l'État a octroyé un prêt participatif qui lui donne une option de prise de participations dans l'entreprise en cause. Cette mesure ressemble donc à un apport en capital réalisé par l'État. La Commission a publié les conditions permettant d'évaluer si un apport en capital par l'État constitue ou non une aide d'État (5). La Commission y considère qu'un apport en capital neuf dans des entreprises ne comporte pas d'élément d'aide si cet apport est réalisé dans les circonstances qui seraient acceptables pour un investisseur privé opérant dans des conditions normales d'une économie de marché.

Dans le cas présent, la Commission ne peut pas conclure que l'octroi du prêt participatif par le Gouvernement français dans le cadre de la reprise des actifs de la SA Filature par la Lainière de Roubaix a été réalisé à des conditions qui seraient acceptables pour un investisseur privé opérant dans des conditions normales d'une économie de marché. En effet, dans sa décision susmentionnée d'ouverture de la procédure, la Commission a déjà démontré que la reprise des actifs par la nouvelle entreprise est essentiellement basée sur des aides d'État, étant donné notamment le faible montant de capital social par rapport aux aides apportées. Par ailleurs, le Gouvernement français n'a pas démontré à la Commission, malgré la demande de celle-ci, que la Lainière de Roubaix a bénéficié ou aurait pu bénéficier - au moment de l'octroi du prêt participatif par l'État - de prêts ou d'apports en capital à des conditions comparables à celles du prêt sous examen. Dans ces conditions, afin de calculer l'élément d'aide du prêt sous examen, il convient d'appliquer comme indicateur du taux de marché le taux de référence mentionné.

Au moment de l'octroi du prêt, la méthode de fixation du taux d'intérêt utilisé par la Commission avec l'accord des États membres, réunis dans la réunion multilatérale des 24 et 25 juin et 15 décembre 1993, était celle que la Commission a communiquée aux États membres par lettre du 17 janvier 1994. Sur la base de cette méthode, la Commission communique aux États membres le taux de référence au début de chaque année. Par lettre du 2 août 1996 au Gouvernement français, la Commission a communiqué le taux de référence de 8,28 % en vigueur à compter du 1er août 1996 et au moment de l'octroi du prêt participatif par l'État. Faute d'informations plus précises sur les rendements d'un prêt participatif sur le marché équivalant à celui octroyé à la Lainière de Roubaix, il convient d'appliquer pour la période du prêt déjà écoulée ce taux de référence comme taux de marché minimal pour le prêt participatif octroyé en 1996.

L'équivalent subvention de ce prêt participatif consiste donc en la différence entre le taux appliqué par l'État au prêt sous examen et le taux de référence. Cette différence doit être considérée comme un avantage économique octroyé par l'État à l'entreprise bénéficiaire. De même que la prime d'investissement, ce prêt, dans la mesure où il comporte un avantage financier, menace de fausser la concurrence et altère les échanges entre les États membres. Le prêt comporte donc des éléments d'aide au sens de l'article 92, paragraphe l, du traité.

Ainsi, en appliquant le taux de référence susmentionné et en admettant - faute d'informations fournies par le Gouvernement français - un remboursement linéaire du prêt, la Commission estime l'équivalent subvention brut du prêt participatif de 18 millions de FRF à 1461067 FRF pour la durée totale du prêt (équivalant - à titre indicatif pour le cas où le taux serait relevé au niveau du taux de référence au 31 décembre 1998 - à 1164980 FRF).

La méthode décrite ci-dessus a également été appliquée par le Gouvernement français dans son calcul de l'intensité d'aide tel que communiqué dans les lettres susmentionnées. Par contre, le résultat de ce calcul est erroné dans la mesure où le Gouvernement français a utilisé pour ce calcul le taux de référence de 5,55 % en vigueur au 1er août 1997, communiqué par la Commission au Gouvernement français par lettre du 18 août 1997, et non pas au moment de l'octroi du prêt.

2. Caractère illégal des aides

Comme démontré ci-dessus, les aides n'ont pas été octroyées sur la base d'un régime approuvé par la Commission. Ainsi, contrairement à l'article 93, paragraphe 3, les aides sous examen ont été octroyées avant la décision de la Commission sur leur compatibilité avec le marché commun. Cela vaut également pour la prime d'investissement de 22 millions de FRF, même si elle n'a pas encore été payée dans sa totalité au bénéficiaire étant donné que la décision sur l'octroi a été prise et que le payement ne dépend plus que de la réalisation des différentes phases des investissements. Les aides doivent donc être considérées comme illégales.

3. Compatibilité des aides avec le marché commun

Les aides ne sont pas compatibles avec le marché commun sur la base des dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 2, car elles ne constituent pas une aide à caractère social octroyée aux consommateurs individuels et ne sont pas destinées à remédier aux dommages causés par des calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires. Par ailleurs, la dérogation de l'article 92, paragraphe 2, point c), ne peut pas s'appliquer. De même, les aides ne peuvent pas être considérées comme compatibles sur la base des points a), b) et d) du paragraphe 3 de l'article 92. En effet, les aides ne visent pas à favoriser le développement économique d'une région dans laquelle le niveau de vie est anormalement bas ou dans lequel sévit un grave sous-emploi au sens de l'article 92, paragraphe 3, point a), au sens de la communication de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, points a) et c), aux aides régionales (6) et au sens de la décision de la Commission relative au régime de la prime d'aménagement du territoire pour les projets industriels (7). Par ailleurs, les aides ne sont pas destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre ni à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.

Il convient donc de limiter l'examen de la compatibilité des aides à la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point c). Dans ce contexte, il y a lieu d'examiner l'application de la dérogation sur la base des encadrements et lignes directrices reflétant de manière transparente l'interprétation de la dérogation en question par la Commission.

- Aides au sauvetage et à la restructuration

Pour les raisons suivantes, la Commission ne peut pas conclure que les aides sous examen peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun.

Premièrement, conformément à la pratique constante de la Commission basée sur les lignes directrices des aides au sauvetage et à la restructuration (8), une condition pour la compatibilité des aides à la restructuration est la présentation d'un plan de restructuration sur la base duquel la Commission peut s'assurer de la viabilité à long terme de l'entreprise dans un délai raisonnable. Ce plan doit être basé sur des hypothèses réalistes en ce qui concerne les conditions d'exploitation futures de l'entreprise bénéficiaire de l'aide. Or, comme indiqué au point II.2. de la présente décision et comme la Commission l'a déjà mentionné dans sa décision d'ouverture de la procédure, le Gouvernement français n'a pas présenté à la Commission un plan de restructuration crédible. Or, il faut constater que, depuis l'ouverture de la procédure, un tel plan n'a pas été soumis à la Commission par les autorités françaises. La position de celle-ci ne saurait par conséquent être différente de celle exprimée lors de ladite ouverture de la procédure.

De plus, la condition prévue par les lignes directrices susmentionnées, selon laquelle l'aide à la restructuration doit être présentée à la Commission avec toutes les précisions nécessaires, n'est pas remplie. En effet, d'une part, certaines informations demandées de façon explicite par la Commission n'ont pas reçu de réponse, tel qu'indiqué au point II.2. D'autre part, certains éléments du coût de la restructuration n'ont pas été chiffrés (toujours point II.2). En outre, comme indiqué précédemment, les coûts communiqués à la Commission comportent d'importantes disparités selon les différentes lettres des autorités françaises.

Pour ce qui est de la viabilité à long terme de l'entreprise, comme le démontreraient les comptes prévisionnels soumis à la Commission avant l'ouverture de la procédure (lettres des 22 novembre 1996 et 2 avril 1997), il y a lieu de constater que le premier compte d'exploitation fourni comporte des erreurs dans le calcul du résultat d'exploitation. Quant au second, il indique que le résultat net de l'entreprise en 1996 (environ 20 millions de FRF) est exclusivement dû à l'octroi de l'aide à l'investissement. Le résultat net de 1999, terme supposé de la restructuration, serait de 848000 FRF en diminution constante de 60 % à 70 % par an depuis 1996. Un tel résultat pourrait être à rapprocher d'un certain manque de compétitivité de l'entreprise.

Il découle de ce qui précède que, même en l'absence de plan de restructuration au sens des lignes directrices susmentionnées, les indications fournies par les autorités françaises ne démontrent pas la viabilité à long terme de l'entreprise.

Ce fait se trouve encore renforcé par les dernières informations présentées par le Gouvernement français dans sa télécopie du 16 octobre 1998: en effet, selon ces informations, les résultats d'une partie importante des activités de la nouvelle entreprise sont restés en fait très inférieurs aux perspectives retenues par le repreneur dans son plan de restructuration [...] *. Outre le fait que les diverses informations communiquées par le Gouvernement français et décrites aux points II 1. et II.2. de la présente décision ne peuvent pas être considérées comme un plan de restructuration au sens des lignes directrices, ces faits démontrent que l'octroi des aides sous examen n'a pas été accompagné d'un plan de restructuration crédible.

À cela s'ajoute le fait que, toujours selon les mêmes lignes directrices, l'aide doit être proportionnée aux coûts et avantages de la restructuration. Cela suppose notamment que les bénéficiaires de l'aide doivent normalement contribuer de manière importante au plan de restructuration sur leurs propres ressources ou par un financement extérieur obtenu aux conditions du marché. Dans le cas présent, le repreneur apporte un capital d'environ 500 000 FRF en plus des sommes destinées à l'achat des actifs, soit 4,8 millions de FRF. Cela est à rapprocher des 40 millions de FRF de fonds publics. La disproportion apparaît comme évidente puisque le repreneur n'apporte qu'environ 12 % de ces fonds. La condition de proportionnalité n'est donc pas remplie.

Cette disproportion entre fonds publics et apport du repreneur appelle plusieurs commentaires. En premier lieu, il est clair que l'entreprise ne serait de toute façon pas viable sans l'apport de l'État. En second lieu, la diminution constante et très importante des profits pendant la durée supposée de la restructuration est une hypothèse particulièrement optimiste étant donné que des mesures supplémentaires de fermeture d'ateliers doivent être envisagées en 1998 par le repreneur. Enfin, les indications des autorités françaises selon lesquelles le prix moyen pratiqué par l'entreprise se situe au-dessus du prix moyen du marché pertinent et selon lesquelles les prix pratiqués sur ce marché particulier (Lycra Laine) sont là aussi parmi les plus élevés d'Europe (lettre du 8 mai 1998) montrent que l'entreprise se situe parmi les moins compétitives du marché alors qu'elle n'a pas dû supporter une partie prépondérante de ses coûts grâce à l'apport public.

Par ailleurs, la position défendue par le Gouvernement français de qualifier les aides sous forme du prêt participatif d'aides au sauvetage ne peut pas non plus être acceptée. En effet, les lignes directrices définissent les aides au sauvetage comme permettant de "soutenir temporairement une entreprise placée devant une détérioration importante de sa situation financière reflétée par une crise aiguë de liquidités ou une insolvabilité technique, ce laps de temps étant mis à profit pour analyser les circonstances ayant donné lieu à ces difficultés et mettre au point un plan adéquat pour y remédier".

Toutefois, cette aide a été octroyée afin de permettre la reprise des actifs et donc la création de la nouvelle entreprise. De toute évidence, elle n'a pas été octroyée pour soutenir temporairement l'activité jusqu'à l'élaboration d'un plan de restructuration qui, comme la Commission a conclu ci-avant, fait défaut.

- Aides destinées à faciliter le développement régional

En vertu de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité, la Commission peut considérer comme compatibles des aides destinées à faciliter le développement de certaines régions économiques quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Par décision susmentionnée du 14 septembre 1994 relative au régime de la prime d'aménagement du territoire pour les projets industriels, la Commission a décidé sur la base des données socio-économiques des régions concernées que des investissements initiaux au sens du point 18 i) de l'annexe de la communication de la Commission sur les aides à finalité régionale(9), réalisés dans la région dans laquelle la Lainière de Roubaix est située, peuvent être éligibles à des aides régionales avec une intensité d'aide de 25 % brut pour une grande entreprise, à laquelle peut s'ajouter un bonus de 10 % pour les PME (correspondant à 35 % brut). La Lainière de Roubaix doit être considérée comme une PME au sens de la définition communautaire.

En ce qui concerne la prime d'investissement de 22 millions de FRF octroyée à la Lainière de Roubaix, la Commission considère ce qui suit: les investissements à concurrence de 22,2 millions de FRF décrits ci-dessus réalisés par la Lainière de Roubaix peuvent être considérés comme des investissements initiaux au sens de la communication de 1979. Par conséquent et vu ce qui précède, des aides à l'investissement à concurrence de 35 % en valeur brut des coûts d'investissements de 22,2 millions de FRF, c'est-à-dire 7,77 millions de FRF en valeur brut, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun sur la base de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point c). Par contre, des aides à concurrence de 14,23 millions de FRF ne peuvent pas être considérées comme compatibles avec le marché commun sur cette même base.

Par contre, en ce qui concerne le prêt participatif de 18 millions de FRF, il convient de constater que les coûts éligibles, tels que communiqués par le Gouvernement français dans sa lettre du 21 juillet 1998, ne peuvent pas être considérés comme des investissements initiaux au sens de la communication précitée. Il s'agit au contraire de coûts de caractère continu qu'une entreprise est normalement tenue de supporter. Ces aides doivent donc être considérées comme des aides au fonctionnement qui, en vertu de la pratique constante de la Commission conformément à la communication de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, points a) et c), aux aides régionales (10) ne peuvent pas être octroyées en dehors d'une région éligible aux aides régionales en vertu de l'article 92, paragraphe 3, point a). Le prêt participatif ne peut donc pas être considéré comme compatible avec le marché commun sur la base de cette dérogation.

- Autres bases de dérogation

Finalement, la Lainière de Roubaix pourrait en principe être éligible à des aides à l'emploi en vertu des lignes directrices concernant des aides à l'emploi (11). Toutefois, il convient de constater que le Gouvernement français, en dépit de multiples demandes d'information de la part de la Commission, n'a pas clairement démontré et chiffré les coûts sociaux qui pourraient être éligibles aux aides sous examen. En effet, dans ses lettres les plus récentes des 8 mai, 21 juillet et 16 octobre 1998, le Gouvernement français a communiqué des coûts qui ne peuvent pas être éligibles aux aides à l'emploi sur la base des dites lignes directrices.

V. CONCLUSIONS

La Commission constate que le Gouvernement français a illégalement accordé une prime d'investissement de 22 millions de FRF ainsi qu'un prêt participatif de 18 millions de FRF en violation de l'article 93, paragraphe 3, du traité.

La Commission considère que des aides à l'investissement à concurrence de 35 % brut des coûts d'investissements de 22,2 millions de FRF, c'est-à-dire 7,77 millions de FRF, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun sur 1a base de l'article 92, paragraphe 3, point c). Par contre, des aides à concurrence de 14,23 millions de FRF doivent être considérées comme incompatibles avec le marché commun. Par conséquent, pour rétablir la situation économique dans laquelle se trouverait l'entreprise sans l'octroi de l'aide incompatible, le Gouvernement français doit prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de son bénéficiaire l'aide incompatible de 14,23 millions de FRF.

Par ailleurs, la Commission constate que le prêt de 18 millions de FRF comporte un élément d'aide qui consiste en la différence entre le taux appliqué par le Gouvernement français et le taux de référence en vigueur au moment de l'octroi du prêt. La Commission estime ce montant à 1461067 FRF pour la durée totale du prêt (équivalant - à titre indicatif pour le cas où le taux serait relevé au niveau du taux de référence au 31 décembre 1998 - à 1164980 FRF). Les aides équivalant à ce montant doivent être considérées comme incompatibles avec le marché commun. Le Gouvernement français doit, pour rétablir la situation économique dans laquelle se trouverait l'entreprise sans octroi de l'aide incompatible, supprimer sans retard l'aide en cause par l'application des conditions normales du marché correspondant au minimum au taux de référence de 8,28 % applicable au moment de l'octroi du prêt,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'aide sous forme de prime d'investissement accordée par la France en faveur de Nouvelle Filature Lainière de Roubaix pour un montant de 7,77 millions de FRF peut être considérée comme compatible avec le marché commun sur la base de l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité.

Article 2

L'aide sous forme de prime d'investissement accordée par la France en faveur de Nouvelle Filature Lainière de Roubaix pour un montant de 14,23 millions de FRF est incompatible avec le marché commun.

Article 3

1. Le prêt participatif de 18 millions de FRF constitue une aide dans la mesure où le taux appliqué à ce prêt par la France est inférieur au taux de référence de 8,28 % applicable au moment de l'octroi du prêt.

2. L'aide visée au paragraphe 1 accordée par la France en faveur de Nouvelle Filature Lainière de Roubaix est incompatible avec le marché commun.

Article 4

1. La France prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de son bénéficiaire Nouvelle Filature Lainière de Roubaix l'aide visée à l'article 2 et déjà illégalement mise à sa disposition.

2. La récupération a lieu conformément aux procédures du droit national. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire jusqu'à leur récupération effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

3. La France supprime sans retard l'aide visée à l'article 3 par l'application des conditions normales du marché correspondant au minimum au taux de référence de 8,28 % applicable au moment de l'octroi du prêt.

Article 5

La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.

Article 6

La République française est destinataire de la présente décision.

(1) JO C 392 du 24.12.1997, p. 6.

(2) Certaines parties du présent texte ont été adaptées de manière à ne pas divulguer des informations confidentielles; ces parties ont été mises entre crochets et signalées par un astérisque.

(3) JO C 364 du 20.12.1994, p. 6.

(4) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12.

(5) Bulletin des Communautés européennes 9-1984.

(6) JO C 212 du 12.8.1988, p. 2.

(7) Voir note 2 de bas de page.

(8) Voir note 3 de bas de page, point 3.2.

(9) JO C 31 du 3.2.1979, p. 9.

(10) Voir note 5 de bas de page, point 6.

(11) JO C 334 du 12.12.1995, p. 4.