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Décisions

Cass. crim., 1 octobre 1997, n° 96-82.728

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Culié

Rapporteur :

Mme Verdun

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié

Paris, 13e ch., du 2 avr. 1996

2 avril 1996

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par G Stéphane, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 2 avril 1996, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 50 000 francs d'amende ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation, 2 et 3 de l'arrêté n° 77-105/P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur, 111-4 du nouveau Code pénal, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble renversement de la charge de la preuve, violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Stéphane G coupable de publicité de nature à induire en erreur lors d'une annonce de réduction de prix ;

"aux motifs propres ou repris des premiers juges, d'une part, que les 27 et 28 avril 1994, les fonctionnaires de la DGCCRF ont effectué un contrôle du magasin à l'enseigne "G " exploité 19 boulevard Saint-Denis à Paris (2e) par la SARL BB dont Stéphane G est le gérant ; que les agents ont relevé qu'étaient apposés à l'extérieur et à l'intérieur de la bijouterie des panneaux et calicots et distribué des prospectus annonçant, dans le cadre d'une opération "ruée vers l'or" et "spécial fête des mères ", des réductions de prix de 50 ou 25 % jusqu'au 15 juin 1994 ; que les fonctionnaires ont conclu, après enquête, que la réduction annoncée était illusoire car le prix de référence des articles considérés avait été artificiellement majoré avant réduction ; que les contrôleurs du service des fraudes ont relevé de façon aléatoire dans les vitrines du magasin trente références de bijoux en or, afin de vérifier le caractère effectif et véridique des remises annoncées ; ils ont rapproché les prix d'achat hors taxes de ces produits avec les prix de référence barrés puis avec les prix de vente nets et ont calculé que Stéphane G avait appliqué des coefficients multiplicateurs moyens de 4, 03 sur les prix barrés et de 2, 27 sur les prix "promotionnels " ; la comparaison effectuée entre ces coefficients multiplicateurs et ceux qui sont habituellement pratiqués, tant par les autres bijoutiers de la région que par la société BB elle-même souligne que le coefficient appliqué sur les prix barrés était particulièrement élevé ; le rapport entre le prix de vente net et le prix d'achat hors taxe couramment pratiqué dans la région parisienne par les bijoutiers détaillants se situe en effet entre 2, 1 et 2, 8 (pour la chambre syndicale) ou 2, 04 et 2, 66 (d'après la monographie éditée par la délégation régionale des impôts) ; l'étude du compte de résultat de la société BB pour l'exercice comptable clos au 31 décembre 1993 fait apparaître que le coefficient moyen annuel pratiqué par la société BB au cours de cet exercice était de 1, 84 ; ces chiffres font ressortir que les prix de références barrés ont été majorés de telle sorte qu'ils n'avaient plus aucun rapport avec la réalité du marché ni avec l'activité de la société ; les pièces produites et les objections soulevées par Stéphane G ne peuvent suffire à remettre en cause les éléments de l'enquête ;

"aux motifs, d'autre part, que vainement Stéphane G conclut à sa relaxe en soutenant qu'il a déjà vendu aux prix de référence incriminés ; qu'elle considère en effet, qu'il appartient à l'annonceur d'établir que les prix de référence ont bien été pratiqués antérieurement aux soldes ; que la Cour - comme le tribunal - estime que les pièces produites aux débats et les objections soulevées par Stéphane G à l'appui de son argumentation sont insuffisantes pour remettre en cause les éléments de l'enquête ;

"1 - alors que, dès lors que la publicité porte sur une annonce de réduction de prix, sa licéité doit être appréciée au regard des règles précises posées par l'arrêté n° 77-105/P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 2 et 3 de ce texte que l'annonce d'une réduction de prix se rapportant à des produits ou services parfaitement identifiés est licite dès lors que l'avantage annoncé s'entend par rapport au prix de référence qui se définit comme ne pouvant excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire dans le même établissement de vente au détail au cours des 30 derniers jours précédant le début de la publicité ; que l'arrêt s'est borné à faire état de ce que "le prix de référence des articles considérés avait été artificiellement majoré avant réduction " sans constater les éléments de fait, qui ont permis de déterminer les prix de référence des articles concernés ainsi que la date à laquelle les prétendues majorations reprochées étaient intervenues et que dès lors la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions combinées de l'article L. 121-1 du Code de la consommation et des articles 2 et 3 de l'arrêté précité ;

"2 - alors que, tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de sa culpabilité incombe à la partie poursuivante ; que pour valoir jusqu'à preuve contraire, un procès-verbal doit constater les éléments de fait d'où se déduit l'existence de l'infraction ; que tel n'était pas le cas en l'espèce, les agents du service de la répression des fraudes ayant procédé par des déductions abstraites et que dès lors Stéphane G n'avait pas à rapporter devant la juridiction répressive la preuve contraire de leurs énonciations ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;

"3 - alors que dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, le demandeur faisait valoir notamment : "1° - qu'un constat d'huissier relevant les prix de vente des articles dans un magasin ne peut être péremptoirement écarté au motif qu'il ne serait pas prouvé que le prix de vente affiché ait été réellement pratiqué dès lors que les énonciations du procès-verbal peuvent être confrontées avec les feuilles de caisse, les factures d'achat et les factures faites aux clients ; "2° - qu'aucune disposition réglementaire ou légale n'imposait - contrairement à l'opinion des enquêteurs - aux commerçants de faire figurer sur ces feuilles de caisse le poids en or des bijoux vendus ; "3° - que seul l'examen de la structure du chiffre d'affaires réalisé par la bijouterie peut permettre de déterminer le coefficient multiplicateur global réellement pratiqué avant et après la campagne promotionnelle ; "4° - qu'il est inexplicable que les enquêteurs aient considéré que Stéphane G ait été en infraction pour le magasin à l'enseigne "G " alors que pour les quatre autres magasins qui pratiquent des conditions de prix identiques, ils n'ont pas retenu d'infractions ; "que ces arguments étaient péremptoires et qu'en omettant de les examiner, la cour d'appel a voué sa décision à une cassation certaine " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Stéphane G, gérant d'une société d'exploitation de commerces de bijouterie, est poursuivi pour avoir réalisé, lors d'une opération promotionnelle sur les bijoux en or, une publicité de nature à induire en erreur sur le montant des remises consenties ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, qui soutenait que ces remises auraient été calculées sur des prix de vente effectifs, et déclarer le délit constitué, les juges du second degré relèvent, par motifs propres et adoptés, que les prix de référence visés dans la publicité, sans rapport avec ceux du marché local, procèdent d'une majoration artificielle des coefficients multiplicateurs qu'appliquait habituellement le prévenu, au regard du compte de résultat de sa société pour l'année précédente ; qu'ils ajoutent que Stéphane G ne rapporte pas la preuve de la véracité de ces prix, les feuilles de caisses et constats d'huissier qu'il produit ne concernant qu'une partie non représentative des articles incriminés ou faisant état, non des prix réellement pratiqués, mais de ceux affichés en magasin ; qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à débat contradictoire, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre le prévenu dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision sans inverser la charge de la preuve, ni méconnaître les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard des consommateurs ; que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.