TPICE, 1re ch. élargie, 30 janvier 2002, n° T-212/00
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Nuove Industrie Molisane Srl
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vesterdorf
Juges :
M. Vilaras, Pirrung, Meij, Forwood
Avocats :
Mes van Bael, di Gianni, Abate, Conte.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie)
Cadre juridique
1. L'encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur de grands projets d'investissement (JO 1998, C 107, p. 7, ci-après l'"encadrement multisectoriel") définit les règles d'évaluation des aides accordées à ce titre, qui entrent dans son champ d'application.
2. Le point 3.10 de l'encadrement multisectoriel contient la description de la formule de calcul sur la base de laquelle la Commission détermine l'intensité maximale admissible d'une aide notifiée.
3. Cette formule repose, d'abord, sur la détermination de l'intensité maximale admissible applicable aux aides aux grandes entreprises dans la zone considérée, dénommée "plafond régional" (facteur R), lequel est, ensuite, affecté de trois coefficients correspondant, respectivement, à l'état de la concurrence dans le secteur considéré (facteur T), au ratio capital/travail (facteur I) et à l'impact régional de l'aide en question (facteur M). L'intensité maximale de l'aide autorisée correspond ainsi à la formule suivante : R x T x I x M.
4. En ce qui concerne le facteur "état de la concurrence", un coefficient correcteur de 0,25, 0,5, 0,75 ou 1 est applicable, selon le point 3.10 de l'encadrement sectoriel, en fonction des critères suivants:
"i) Projet entraînant une augmentation de capacité dans un secteur caractérisé par une grave surcapacité structurelle et/ou un déclin absolu de la demande 0,25
ii) Projet entraînant une augmentation de capacité dans un secteur caractérisé par une surcapacité structurelle et/ou un marché en déclin, et susceptible de renforcer une part de marché élevée 0,50
iii) Projet entraînant une augmentation de capacité dans un secteur caractérisé par une surcapacité structurelle et/ou un marché en déclin 0,75
iv) Aucun effet négatif probable sous l'angle des cas de figure i) à iii) 1,00"
Faits à l'origine du litige
5. Par lettre du 20 décembre 1999, enregistrée par le secrétariat général de la Commission le 21 décembre suivant, les autorités italiennes ont, conformément à l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88] CE (JO L 83, p. 1), notifié à la Commission un projet d'aide en faveur de la requérante, relevant de l'encadrement multisectoriel. Le projet notifié prévoyait l'octroi à celle-ci d'une aide de 46 312,2 millions de lires italiennes (ITL) en vue de la réalisation d'un nouveau site de production de "clinker", dont le coût total était de 127 532 millions de ITL.
6. Par lettre du 21 janvier 2000, la Commission a informé les autorités italiennes que l'ouverture d'une procédure formelle d'examen, au sens de l'article 6 du règlement n° 659-1999, apparaissait nécessaire. Elle leur indiquait que le coefficient devant être appliqué au titre de l'état de la concurrence était celui de 0,25, que le nombre de créations d'emplois prévues n'était pas suffisamment démontré et qu'elle considérait, en conséquence, que le projet d'aide donnait lieu à un dépassement de l'intensité maximale admissible. Elle les invitait, dès lors, à fournir des éléments complémentaires.
7. Dans un mémoire adressé à la Commission au début du mois de février 2000, les autorités italiennes ont fourni les informations complémentaires demandées.
8. À la suite d'une réunion entre la Commission et les autorités italiennes, le 23 février 2000, celles-ci ont, par lettre du 6 mars suivant, informé la Commission qu'elles donnaient "leur accord sur un coefficient de 0,75 pour l'état de la concurrence afin d'éviter l'ouverture d'une procédure d'enquête formelle".
9. Par lettre du 9 mars 2000, les autorités italiennes ont transmis à la Commission les nouvelles modalités du calcul de l'intensité maximale de l'aide tenant compte d'un coefficient de 0,75 au titre de l'état de la concurrence et ont, en conséquence, fixé le montant de l'aide projetée à 29 176,69 millions de ITL.
10. Le 30 mai 2000, la Commission a, en application de l'article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659-1999, adopté une décision de ne pas soulever d'objections à l'encontre du projet d'aide notifié (ci-après la "Décision").
11. La Commission y souligne que, par lettres datées des 6 et 9 mars 2000, le Gouvernement italien a complété sa notification et que le montant de l'aide prévue en faveur de la requérante est de 29 176,69 millions de ITL, pour un coût total d'investissement évalué à 127 532 millions de ITL, soit 15,56 % en équivalent subvention net (ESN).
12. Sur la base d'une évaluation de l'aide notifiée au regard des critères établis par l'encadrement multisectoriel, la Commission expose les raisons pour lesquelles les facteurs applicables en l'espèce doivent être fixés à :
- 25 % en ce qui concerne l'intensité maximale autorisée dans la région de Molise ;
- 0,75 pour le facteur T compte tenu de l'état de la concurrence sur le marché concerné ;
- 0,7 pour le facteur I (ratio capital/travail) ;
- 1,2 pour le facteur M au regard de l'impact régional de l'aide envisagée,
Soit un total de 15,75 % en ESN (25 % x 0,75 x 0,7 x 1,2).
13. Étant constaté que le montant de l'aide que la République italienne envisage d'octroyer à la requérante est donc conforme à l'aide maximale autorisée, la Commission déclare l'aide notifiée compatible avec le marché commun au titre de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE.
Procédure et conclusions des parties
14. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2000, la requérante a introduit le présent recours.
15. Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 6 novembre 2000, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité, sur laquelle la requérante a présenté ses observations le 2 février 2001.
16. En application de l'article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, la procédure orale a été ouverte sur la demande de la Commission tendant à ce qu'il soit statué sur l'irrecevabilité.
17. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 25 septembre 2001.
18. Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler la Décision uniquement en ce que la Commission a utilisé, pour le facteur "état de la concurrence", le coefficient correcteur 0,75, au lieu du coefficient 1, et n'a, dès lors, déclaré l'aide compatible qu'à concurrence de "29 179,69" millions de ITL ;
- annuler les prémisses de droit et de fait liées à la partie de la Décision dont l'annulation est demandée ;
- condamner la Commission aux dépens ;
- prendre toute autre mesure en droit et en équité.
19. Dans le cadre de son exception d'irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- déclarer le recours irrecevable ;
- condamner la requérante aux dépens.
20. Dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter l'exception d'irrecevabilité ;
- à titre subsidiaire, joindre l'exception d'irrecevabilité au fond ;
- condamner la Commission aux dépens occasionnés par l'incident de procédure.
Sur la recevabilité
Arguments des parties
21. La Commission soutient que le présent recours est irrecevable.
22. En premier lieu, la requérante n'aurait pas d'intérêt à agir. En effet, le recours tendrait, en réalité, à soumettre au contrôle du Tribunal une mesure qui relève de la seule volonté de l'État membre concerné, en l'occurrence la notification par les autorités italiennes d'une aide d'un montant de 29 176,69 millions de ITL.
23. En outre, l'annulation éventuelle de la Décision n'aurait pas pour effet d'obliger les autorités italiennes, et encore moins la Commission, à augmenter le montant de l'aide autorisé. À cet égard, la Commission précise que, si elle a le pouvoir, dans le cadre de la procédure formelle d'examen, de contraindre un État membre à réduire le montant d'une aide qu'il envisage d'octroyer, elle n'a, en revanche, aucun pouvoir pour l'obliger à augmenter le montant de l'aide notifiée, et cela encore moins dans le cadre de la phase d'examen préliminaire. La notification d'une aide constituerait ainsi une proposition contraignante de l'État membre concerné sur laquelle, à moins d'ouvrir la procédure formelle d'examen, la Commission aurait seulement le pouvoir de prendre une décision de ne pas soulever d'objections.
24. Or, en l'espèce, le choix du coefficient de 0,75, au titre de l'état de la concurrence, aurait été effectué directement par les autorités italiennes. En adoptant ce coefficient et en réduisant, par voie de conséquence, le montant de l'aide envisagée, les autorités italiennes auraient donc modifié et remplacé le projet d'aide initialement notifié. La Décision aurait ainsi été conditionnée par la décision des autorités italiennes de modifier leur notification en ce sens. En définitive, selon la Commission, la requérante lui attribue, à tort, le choix d'un élément de fait et de droit (le coefficient de 0,75) qui émane exclusivement de l'État membre en question.
25. Le fait que, lors de la modification du projet notifié, les autorités italiennes se sont conformées aux indications des services de la Commission ne serait nullement pertinent, car cette modification résulterait d'un choix fait librement par cet État membre. Celui-ci aurait pu maintenir le projet initial inchangé et défendre ses intérêts avec le soutien de la requérante, dans le cadre de la procédure formelle d'examen. En outre, en cas de décision partiellement négative, tant la République italienne que l'entreprise bénéficiaire de l'aide en cause auraient pu justifier d'un intérêt à former un recours en annulation.
26. En deuxième lieu, la Commission estime que, en tant que bénéficiaire de l'aide, la requérante n'a pas qualité pour agir, dès lors qu'il s'agit d'une décision positive qui ne lui porte pas directement préjudice. Se référant à l'arrêt du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission (T-138-89, Rec. p. II-2181), la Commission souligne que le dispositif de la Décision n'est pas attaqué par la requérante. En outre, les appréciations contenues dans la Décision, relatives à la détermination du coefficient correcteur de 0,75, ne constitueraient pas, en tout état de cause, le support nécessaire du dispositif, puisque la Commission n'aurait pu,en aucun cas, autoriser des aides d'un montant supérieur à celui notifié par les autorités italiennes.
27. Enfin, la Commission fait valoir que la juridiction nationale est seule compétente en l'espèce, car elle seule peut vérifier, d'après le droit national, la légalité de la mesure par laquelle les autorités administratives ont notifié l'attribution de l'aide (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 mars 1978, UNICME e.a./Commission, 123-77, Rec. p. 845).
28. La requérante rétorque, en premier lieu, qu'elle a un intérêt à agir contre la Décision, car il s'agit d'une décision illégale, fondée sur une appréciation erronée de la formule de calcul destinée à établir l'intensité maximale de l'aide admissible.
29. Le fait qu'il s'agisse d'une décision approuvant l'aide serait sans conséquence en l'espèce. D'une part, la modification de la notification par les autorités italiennes ne serait pas un élément de nature à justifier que la Décision soit soustraite à tout contrôle de légalité (voir arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T-102-96, Rec. p. II-753, point 45). En particulier, il résulterait de la jurisprudence qu'il appartient au Tribunal de vérifier que la Commission se conforme aux règles indicatives qu'elle s'est elle-même imposée dans une communication (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFASS et AKT/Commission, T-380-94, Rec. p. II-2169, point 57). D'autre part, en cas d'annulation, la requérante aurait les moyens d'obtenir une augmentation de l'aide auprès des autorités italiennes au niveau correspondant au montant initialement envisagé, après une décision de la Commission conforme à l'arrêt du Tribunal. Ainsi, dans le cadre de la modification du contrat de plan conclu avec les autorités compétentes, à la suite de la Décision, une clause aurait été intégrée par laquelle il serait expressément prévu que la réduction du montant de l'aide initialement envisagé n'aurait lieu qu'à titre temporaire en attendant l'issue du présent recours.
30. Quant à l'argument selon lequel les autorités italiennes ont elles-mêmes décidé de modifier le montant de l'aide pour éviter l'ouverture de la procédure formelle d'examen, il serait dénué de pertinence. Compte tenu du caractère objectif de l'appréciation concernant le coefficient correcteur applicable, une enquête approfondie aurait été inutile, de sorte qu'il n'y avait aucune raison d'ouvrir la procédure formelle d'examen.
31. En deuxième lieu, elle estime avoir qualité pour agir et conteste l'argument selon lequel elle ne serait pas directement concernée par la Décision. Celle-ci lui occasionnerait un préjudice substantiel dans la mesure où elle ne déclare l'aide compatible avec le marché commun que pour un montant inférieur à celui envisagé initialement. La situation serait donc tout à fait distincte de celle ayant prévalu dans l'arrêt NBV et NVB/Commission, précité, dans lequel le motif contesté ne constituait pas le support nécessaire du dispositif.
32. Enfin, la requérante fait valoir que le recours au juge national serait tout à fait inapproprié, puisque, selon une jurisprudence constante, celui-ci est lié par la décision de la Commission, de sorte qu'il est impossible pour le bénéficiaire de l'aide de mettre en cause l'illégalité de la Décision (arrêt de la Cour du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf, C-188-92, Rec. p. I-833).
Appréciation du Tribunal
33. Il y a lieu de rappeler que la recevabilité d'un recours en annulation introduit par une personne physique ou morale est subordonnée à la condition qu'elle justifie d'un intérêt à voir annuler l'acte attaqué (voir, notamment, arrêts NBV et NVB/Commission, précité, point 33, et Gencor/Commission, précité, point 40).
34. En l'espèce, il convient d'observer que la requérante ne met pas en cause le dispositif de la Décision par laquelle la Commission, sur la base de la notification soumise par les autorités italiennes concernant le projet d'aide individuelle en sa faveur, a, au terme d'un examen préliminaire, et en application de l'article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659-1999, déclaré cette mesure compatible avec le marché commun en vertu de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE. En revanche, la requérante sollicite l'annulation de la Décision uniquement en ce que la Commission a utilisé, pour le facteur "état de la concurrence", le coefficient correcteur 0,75, au lieu du coefficient 1, et n'a, dès lors, déclaré l'aide compatible qu'à concurrence de 29 176,69 millions de ITL.
35. Dès lors, il importe de déterminer si la requérante, bénéficiaire de l'aide individuelle en question, notifiée en temps utile par l'État membre concerné en application de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 659-1999, est recevable à attaquer ces motifs de la Décision par laquelle la Commission déclare, au terme de son examen préliminaire, ne pas soulever d'objections à l'encontre de l'aide projetée, sans remettre en cause son dispositif.
36. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seuls peuvent faire l'objet d'un recours en annulation les actes qui produisent des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (arrêt de la Cour du 31 mars 1998, France e.a/Commission, C-68-94 et C-30-95, Rec. p. I-1375, point 62 ; arrêt du Tribunal du 22 mars 2000, Coca-Cola/Commission, T-125-97 et T-127-97, Rec. p. II-1733, point 77).
37. Pour déterminer si un acte ou une décision produit de tels effets, il y a lieu de s'attacher à sa substance (arrêt France e.a./Commission, précité, point 63, et arrêt Coca-Cola/Commission, précité, point 78).
38. Il en résulte, notamment, que le seul fait que la Décision déclare l'aide notifiée compatible avec le marché commun et ne fait donc pas grief, en principe, à la requérante ne dispense pas le Tribunal d'examiner si l'appréciation de la Commission selon laquelle le marché concerné connaît un déclin relatif, ce qui détermine le coefficient de 0,75 pour le facteur "état de la concurrence", produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante (voir, par analogie, arrêt Coca-Cola/Commission, précité, point 79).
39. À cette fin, il y a lieu de relever, tout d'abord, que, dans le cadre de l'appréciation de la compatibilité avec le marché commun d'une aide relevant de l'encadrement multisectoriel, la détermination du coefficient correcteur applicable, au titre de l'état de la concurrence, résulte d'une analyse structurelle et conjoncturelle du marché qu'il incombe à la Commission de réaliser, au moment de l'adoption de sa décision, sur la base des critères objectifs exposés dans l'encadrement multisectoriel (voir, ci-dessus, point 4).
40. Par ailleurs, dans la mesure où l'intensité maximale d'aide admissible est déterminée sur la base de la formule de calcul comportant, notamment, un coefficient correcteur au titre de l'état de la concurrence, l'appréciation de la Commission concernant le coefficient spécifique applicable est susceptible de produire des effets juridiques obligatoires en ce qu'elle conditionne le montant de l'aide qui peut être déclaré compatible avec le marché commun.
41. Toutefois, les effets d'une telle appréciation ne sauraient être considérés comme affectant les intérêts de l'entreprise bénéficiaire de l'aide lorsque, au terme de l'examen préliminaire effectué par la Commission, l'intensité maximale d'aide admissible demeure supérieure ou égale au montant de l'aide notifiée par l'État membre concerné. En effet, dans cette hypothèse, l'aide que l'État membre projetait d'octroyer à l'entreprise bénéficiaire est nécessairement déclarée compatible avec le marché commun, pour autant qu'elle réponde aux conditions d'application de l'encadrement multisectoriel.
42. Force est de constater que, dans la Décision, l'appréciation effectuée par la Commission concernant les coefficients correcteurs applicables au titre, notamment, de l'état de la concurrence l'a conduite à déterminer une intensité maximale d'aide admissible (15,75 % en ESN) supérieure à l'intensité de l'aide notifiée (15,56 % en ESN). La Commission ayant, en conséquence, déclaré l'aide notifiée compatible avec le marché commun, l'appréciation selon laquelle le coefficient correcteur applicable au titre de l'état de la concurrence est de 0,75 ne porte pas, en tant que telle, atteinte aux intérêts de la requérante.
43. Cette conclusion n'est pas infirmée par le fait que, au cours de la phase d'examen préliminaire, les autorités italiennes ont modifié la notification initiale en prévoyant l'octroi à la requérante d'une aide de 29 176,69 millions de ITL, plutôt que de46 312,2 millions de ITL, pour dissiper les doutes de la Commission quant à la compatibilité du projet notifié avec le marché commun.
44. En effet, pour autant que la modification de la notification par les autorités italiennes visait à répondre à des doutes de la Commission de nature à justifier l'ouverture de la procédure formelle d'examen au sens de l'article 4 du règlement n° 659-1999 (voir arrêt de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84-82, Rec. p. 1451, points 14 et 17), il suffit de relever que, en l'occurrence, la requérante ne demande pas l'annulation de la Décision en vue d'obtenir le respect des garanties de procédure prévues en faveur des parties intéressées, par l'article 6 du règlement n° 659-1999, en cas d'ouverture de cette procédure formelle. Dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission, elle fait valoir, au contraire, qu'il n'y avait aucune raison d'ouvrir cette procédure à l'égard du projet initialement notifié par le Gouvernement italien.
45. Par conséquent, dans la mesure où elle ne soutient pas que le défaut d'ouverture de la procédure formelle d'examen lui ait fait grief, il ne saurait être présumé que la requérante a un intérêt à agir contre la Décision au motif que, en tant qu'entreprise favorisée par l'aide, elle était une partie intéressée (arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323-82, Rec. p. 3809, point 16) qui avait donc vocation, en cas d'ouverture de la procédure, à présenter ses observations à la Commission en ce qui concerne, notamment, l'état de la concurrence sur le marché.
46. Enfin, contrairement à ce que la requérante prétend, l'annulation de la constatation contestée concernant le coefficient correcteur applicable au titre de l'état de la concurrence n'aurait pas, par elle-même, comme conséquence le versement d'une aide d'un montant supérieur à celui de l'aide faisant l'objet de la Décision. En effet, une augmentation du montant de l'aide accordée supposerait, d'une part, que les autorités italiennes aient décidé de projeter une nouvelle aide et de soumettre une nouvelle notification en ce sens auprès de la Commission et, d'autre part, que celle-ci déclare ensuite ce nouveau projet d'aide compatible avec le marché commun. Une annulation de la Décision ne constituerait donc pas une garantie du versement de sommes supplémentaires à la requérante par les autorités italiennes.
47. En outre, indépendamment de l'issue du présent recours, la Décision ne préjuge pas de la possibilité pour les autorités italiennes de notifier un projet tendant à instituer une nouvelle aide en faveur de la requérante, ou à modifier l'aide déjà accordée à celle-ci. Ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, en cas d'adoption par la Commission d'une décision totalement ou partiellement négative à l'encontre d'un tel projet, la requérante, en tant qu'entreprise bénéficiaire de l'aide individuelle projetée, serait alors en droit de former un recours en annulation (voir arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission, 730-79, Rec. p. 2671, point 5, Intermills/Commission, précité, point 5, et TWD Textilwerke Deggendorf, précité, point 24).
48. Quant à l'argument tiré de l'absence de voie de recours effective devant le juge national, il suffit de rappeler qu'une telle circonstance, à la supposer établie, ne saurait justifier une modification, par la voie d'une interprétation juridictionnelle, du système des voies de recours et des procédures établi par le traité (ordonnance de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C-10-95 P, Rec. p. I-4149, point 26, et arrêt du Tribunal du 22 février 2000, ACAV e.a./Conseil, T-138-98, Rec. p. II-341, point 68). En outre, à supposer que la République italienne ait manqué à des obligations contractuelles envers la requérante, notamment en ce qui concerne le montant de l'aide notifiée, l'issue du présent litige ne fait pas obstacle à ce que le juge national soit saisi aux fins de contrôler, au regard du droit interne, la légalité du comportement des autorités administratives nationales.
49. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, à défaut d'intérêt à agir, le recours doit être rejeté comme irrecevable.
Sur les dépens
50. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a donc lieu de la condamner à supporter les dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre élargie)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) La requérante est condamnée aux dépens.