CA Paris, 16e ch. B, 4 octobre 2002, n° 2001-09402
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Garage A. Picot (SA)
Défendeur :
Michel (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Garban
Conseillers :
MM. Bail, Provost-Lopin
Avoués :
SCP Hardouin, SCP Bommart-Forster
Avocats :
Mes Mialet, Bertin.
La société Établissements Michel était depuis 1970 le concessionnaire exclusif de la marque Peugeot sur le territoire de Brunoy (constitué des communes de Brunoy, Boussy Saint-Antoine, Epinay-sous-Sénard, Varennes, Jarcyn-Crosne, Yerres, Villecresnes, Mandres-les-Roses, Marolles-en-Brie, Périgny et Santeny)
Dans le cadre de la restructuration que la société Automobiles Peugeot a entendu opérer dans la distribution de ses marques sur différents secteurs, cette société a, par lettre recommandée avec avis de réception du 22 décembre 1997, notifié à ce concessionnaire sa décision de mettre fin au 31 décembre 1999 à son contrat de concession.
En 1998, des pourparlers se sont engagés entre la société Michel et la société Picot, concessionnaire choisi par le constructeur pour reprendre l'exploitation de la marque Peugeot sur le territoire de Brunoy à compter du 1er janvier 2000.
Dans un premier temps, la société Picot a proposé à la société Michel un contrat d'agent revendeur que la société évincée a refusé en raison de nombreux actes de concurrence déloyale commis par ce concurrent voisin au préjudice de sa concession et ce depuis des années.
Dans un second temps, la cession du fonds de commerce a été envisagée mais finalement cette solution a été écartée par la société Picot le 17 septembre 1999.
Puis, le 30 septembre 1999, la société Picot a fait l'offre de reprendre la clientèle et les effectifs à l'exception du couple Michel pour le prix de 2 500 000 F assortie d'une clause de non-concurrence. Le 6 octobre, la société Michel a rejeté cette proposition.
Enfin, le 7 décembre 1999, un accord de principe est intervenu portant sur le rachat par le garage Picot de la clientèle de la concession Peugeot de la société Michel et la reprise de tout le personnel à l'exception de Mme Michel au prix de 3 000 000 F.
Le 14 décembre, la société Picot a confirmé son accord sur le prix sous réserve de l'agrément de la société Automobiles Peugeot, de la non-reprise de Florence Michel et de la stipulation d'une clause de non-concurrence.
Après avoir suggéré, le 27 décembre, les termes d'une clause de non-concurrence que la société Michel a rejetés, la société Picot a proposé une autre disposition contractuelle plus réduite le 7 janvier 2000.
Le 19 janvier 2000, la société évincée a accepté cette proposition.
Toutefois, le lendemain, Maître Chevreau, avocat de la société Picot, a indiqué que la cession de clientèle avec reprise des salariés était devenue juridiquement irréalisable compte tenu de la procédure engagée par les salariés de la société Michel et des propos tenus par l'un des conseils de cette même société lors d'une réunion le 7 janvier 2000 desquels il ressortait clairement que la clientèle d'un concessionnaire n'a aucune valeur.
La société Picot n'a pas déféré à la mise en demeure de régulariser l'acte de cession qui lui a été adressé le 24 janvier 2000.
Saisi par actes des 9 mai (n° procédure 2000 F 00595) et 4 août 2000 (n° procédure 2000 F 912) à la demande de la société Michel sur les fondements d'une part des articles 1382 et 1134 du Code civil principalement en paiement de dommages et intérêts et d'autre part des articles 1134 alinéa 1 et 3 et 1589 du même Code en paiement de la somme de 3 000 000 F et de dommages et intérêts, le Tribunal de commerce de Créteil, par jugement du 24 avril 2001, a :
- prononcé la jonction des instances n° 2000 F 0595 et 2000 F 0912, débouté la société Picot de sa demande de sursis à statuer au titre de l'instance n° 2000 F 0912,
- condamné la société Picot à payer à la société Michel la somme de 3 000 000 F en principal avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2000,
- dit la société Michel mal fondée en sa demande en paiement de la somme de 300 000 F et l'en a débouté,
- dit la société Michel irrecevable en sa demande reconventionnelle,
- dit la société Michel mal fondée en sa demande en paiement de dommages et intérêts et l'en a débouté,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement sous réserve qu'en cas d'appel, la société Michel fournisse une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit,
- condamné la société Picot au paiement de la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, débouté la société Michel du surplus de sa demande et débouté la société Picot de sa demande formée de ce chef,
- condamné la société Picot aux dépens
LA COUR,
Vu l'appel de cette décision interjeté par la société Garage Picot,
Vu les conclusions signifiées le 28 février 2002 par lesquelles la société Garage Picot demande à la cour
vu notamment les articles 1128,1134,1172, 1382, 1583 et 1589 du Code civil, 32 du nouveau Code de procédure civile et L. 225-51 du Code de commerce,
- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations à son
encontre et rejeté ses demandes,
statuant à nouveau,
- de déclarer la société Michel irrecevable ou à tout le moins mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de l'en débouter,
- de condamner la société N4ichel outre aux entiers dépens, au paiement des sommes de 431 127,10 euros à titre de dommages et intérêts et 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Vu les conclusions signifiées le 28 janvier 2002 par lesquelles la société Michel demande à la cour :
Sur l'appel principal :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une convention de cession portant sur la clientèle de la société Michel au profit de la société Garage Picot devenue parfaite le 19 janvier 2000 à 18 h 58 et en ce qu'il a condamné la société Garage Picot à payer le prix convenu à la société Michel soit la somme de 3 000 000 F,
- de dire et juger irrecevable au regard de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile et des articles R. 516-1 et 2 du Code du travail la demande nouvelle formée à hauteur d'appel par la société Garage Picot tendant à voir condamner la société Michel à lui payer une somme de 2 828 008,37 F,
- de prendre acte que le garage Picot a renoncé à hauteur d'appel à la demande qu'elle avait formulée en première instance tendant à voir condamner la société Michel à lui payer un prorata de congés payés résultant de l'application de l'article L. 122-12-1 du Code du travail à hauteur de la somme de 300 950,25 F, demande jugée à bon droit irrecevable par le jugement entrepris,
en conséquence,
- de débouter la société Garage Picot de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Sur l'appel incident
- de réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société Michel de sa demande en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 300 000 F,
statuant à nouveau,
- de dire et juger que la société Garage Picot par ses différentes manœuvres frauduleuses (résistance abusive, tentative de spoliation de la clientèle objet de la cession, rupture abusive de pourparlers portant sur les autres éléments du fonds de commerce) a engagé sa responsabilité au préjudice de la société Michel,
en conséquence, vu les articles 1134 alinéa 1 et 3 et 1382 du Code civil,
de condamner la société Garage Picot, outre aux entiers dépens, au paiement des sommes de 500 000 F à titre de dommages et intérêts et de 120 000 F HT en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Sur ce
Considérant qu'à la suite de la décision unilatérale de la société Automobiles Peugeot, le contrat de concession automobile qu'avait souscrit la société Michel a été résilié le 31 décembre 1997 avec prise d'effet au 31 décembre 1999;
Et considérant qu'il est constant que la société concédante a choisi en remplacement du concessionnaire évincé la société Picot;
Considérant que la société Picot a proposé fin 1998 à la société Michel un contrat d'agent revendeur Peugeot;
Mais considérant que la société Michel a rejeté cette proposition le 22 février 1999;
Considérant que la société Automobiles Peugeot a fait savoir le 16 juin 1999, au cours d'une réunion tripartite, et ce avant de le confirmer par écrit le 5 juillet que "la cession du fonds de commerce avec location des murs était la seule solution viable économiquement et réaliste", invitant les parties à conclure rapidement un accord;
Mais considérant que la société Picot a, le 17 septembre 1999, avisé la société évincée de ce qu'elle n'était pas intéressée par la reprise du droit au bail et des stocks;
Considérant que le 30 septembre 1999, la société Établissements Garage Picot a formé par lettre recommandée avec accusé de réception "une offre ferme et définitive"... rédigée comme suit :
- "reprise des éléments incorporels soit la clientèle des Établissements Michel attachée à la concession Peugeot à l'exclusion de tous éléments corporels et incorporels pour une valeur de 2 500 000 F.
- reprise au 1er janvier 2000 de l'ensemble de vos effectifs par les sociétés du Groupe Picot hors Monsieur et Madame Michel sur la base des contrats de travail au 30 juin 1999",
indiquant " cette proposition confirme les termes de notre courrier du 17 septembre 1999 qui précisait clairement les raisons pour lesquelles nous avons décidé de ne pas reprendre le droit au bail ", ajoutant " cette offre étant assortie entre autre d'une clause de non-concurrence et de non reprise du personnel cédé par les Établissements Michel à préciser lors de la transaction définitive ";
Que la société appelante a terminé le courrier en ces termes :
" faute d'une réponse précise le 11 octobre 1999, accompagnée des éléments demandés et nécessaires, nous considérerons que vous ne souhaitez pas donner suite à notre proposition ";
Mais considérant que le 6 octobre suivant, la société Michel a répondu à cette offre en dénonçant la mauvaise foi de la société Garage Picot dont l'objectif était selon elle de "se désengager de la cession initialement convenue" en renonçant à la reprise du droit au bail et des stocks véhicules neufs et pièces de rechange;
Et considérant ensuite qu'en réponse à un autre courrier de la société Picot, Maître du Chalard, avocat de la société Michel, a, le 7 décembre 1999, confirmé l'accord de sa cliente sur la proposition de 3 000 000 F faite par le garage Picot, cette somme correspondant "à la reprise de la clientèle, à l'exclusion de tous autres éléments corporels et incorporels" précisant que la société Picot comme l'avait confirmé son conseil, devait reprendre l'ensemble du personnel en application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail;
Mais considérant que si le 14 décembre, Maître Chevreau, avocat de la société Picot, a lui-même confirmé l'accord de sa cliente, concernant la reprise de la clientèle de la société Michel pour le prix de 3 000 000 F, il a précisé que cet accord était soumis à trois conditions :
- l'agrément de la société Automobiles Peugeot,
- la reprise de l'ensemble du personnel à l'exception de Florence Michel,
- un accord sur la rédaction de la clause de non-concurrence et la mise sous séquestre du prix de vente
Qu'ainsi, au vu de ces éléments, il apparaît que les parties étaient d'accord sur la cession de la clientèle de la concession Peugeot au prix de 3 000 000 F sous trois conditions dont celle relative à la reprise du personnel à l'exception de l'épouse du PDG, Florence Michel, n'aurait jamais été réalisée selon la société Picot;
Considérant que la société Picot soutient à titre principal que la convention portant sur la cession de la clientèle de la société Michel à son profit serait nulle comme dépourvue d'objet licite et ce en application de l'article 1128 du Code civil ; que la cession de clientèle est impossible d'une part parce que la clientèle est rattachée à la marque et donc au concédant et non au concessionnaire, d'autre part parce que le conseil d'administration n'a pas autorisé son président à procéder à la moindre vente d'actif, et enfin parce qu'à la date du 19 janvier 2000, la société Michel n'était plus concessionnaire Peugeot;
Mais considérant que l'article 1128 du Code civil lequel dispose:
"il n'y a que les choses qui sont clans le commerce qui puissent faire l'objet des conventions" n'est pas applicable en la cause dès lors que la clientèle d'un concessionnaire automobile et commerciale est parfaitement cessible; qu'en effet, la société Michel est une société commerciale inscrite au registre du commerce et des sociétés qui dans le cadre du contrat de concession qu'elle a conclu avec la société Automobiles Peugeot fait en son nom et pour son compte des actes de commerce ayant précisément pour objet de développer une clientèle;
Et considérant que la société Picot ne peut sérieusement soutenir que la cession n'a pas pu intervenir au motif que le conseil d'administration de la société Michel n'aurait pas autorisé son Président à conclure un tel engagement alors que ce dernier en cette qualité est investi légalement des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et qu'il n'est pas justifié qu'il ait agi en dehors de la limite de l'objet social et que la société Picot en ait eu connaissance;
Considérant enfin que si, à la date du 19 janvier 2000, la société Michel n'était plus concessionnaire, il n'en demeure pas moins que dès le 14 décembre 1999, l'accord de principe sur la chose et le prix était acquis ; que par ailleurs, il est avéré que le 16 décembre 1999 et dans les jours et les mois qui ont suivi, la société Automobiles Peugeot a édité à partir des fichiers clients de la société Michel des mailings au nom et pour le compte de la société Picot concessionnaire Peugeot et portant le spécimen de la signature de Monsieur Picot;
Considérant que la société Picot prétend ensuite que son accord était soumis à trois conditions : l'agrément de la société Automobiles Peugeot, la non-reprise de Mme Michel en qualité de salariée et la rédaction commune d'une clause de non-concurrence;
Qu'elle indique qu'à supposer acquis l'agrément de la société Automobiles Peugeot, elle a toujours refusé de reprendre Florence Michel;
Qu'elle en conclut que l'une des conditions suspensives n'a à aucun moment été réalisée, peu important que la clause relative à cette salariée ait été nulle de plein droit en application de l'article L.122-12 du Code du travail ; que par conséquent, le désaccord subsistait sur une des clauses essentielles;
Mais considérant d'une part que l'agrément de la société Automobiles Peugeot était acquis, ce qui n'est pas sérieusement débattu par la société Picot et ce d'autant que les courriers de la société concédante des 5 juillet 1999, 8 et 24 décembre 1999 le confirment sans aucune ambiguïté;
Et considérant d'autre part que contrairement à ce qu'affirme la société Picot, la condition suspensive concernant la non-reprise de Florence Michel n'avait plus en réalité aucun objet dès lors que le contrat de travail de cette employée (comme celui des 24 autres salariés) avait été de plein droit transféré à compter du 1er janvier 2000 à la société Garage Picot et rompu par celle-ci le 3 janvier 2000 - comme l'a définitivement jugé la chambre sociale 18e C de la Cour d'appel de Paris par deux arrêts des 27 septembre 2000 et 8 février 2001 - ; qu'en effet, le 3 janvier 2000 comme en atteste un constat d'huissier établi à la requête du personnel de la société Michel, les 25 salariés constatant la fermeture de la concession Michel, se sont présentés au siège social de la société Picot et se sont vus refuser l'accès à leurs postes de travail dans les locaux de la société Picot, le président de cette concession indiquant que l'article L. 122-12 du Code du travail ne lui était pas applicable et précisant que sa société n'était pas le nouveau concessionnaire Peugeot pour le secteur de Brunoy;
Qu'ainsi, dès Le 3 janvier 2002, la condition relative à la non-reprise de Florence Michel est acquise dès lors que le PDG de la société Picot a refusé de reprendre cette employée comme l'ensemble du personnel affecté à la concession Peugeot et qu'à cette date, les contrats de travail étaient bel et bien rompus que cette question est ainsi sortie de fait du champ contractuel ; que si les arrêts de la chambre sociale devaient être cassés, il n'en demeure pas moins qu'à la date du 3 janvier 2000, la rupture des contrats de travail et notamment celui de Florence Michel était consommée, la seule question restant en litige étant celle de savoir à qui imputer la rupture;
Que lorsque, le 7 janvier 2000, la société Picot propose une autre rédaction de la clause de non-concurrence, elle n'évoque pas dans ce courrier la question relative aux contrats de travail sortie du champ contractuel ; qu'au demeurant, cette nouvelle proposition écrite intervient à la suite d'une réunion tripartite et alors que la société Picot a connaissance de la procédure initiée dès le 4 janvier 2000 par les 25 salariés de la société Michel dans le cadre de la rupture de leur contrat de travail;
Considérant enfin que concernant la condition relative à la clause de non-concurrence, il est établi que le 27 décembre 1999, soit quelques jours avant l'expiration du préavis, la société Picot a informé la société Michel par l'intermédiaire de son avocat qu'aux termes de la clause de non- concurrence, "elle et ses représentants devront s'engager directement ou indirectement à ne pas s'intéresser à une activité d'achat et de vente de véhicules neufs ou d'occasion pendant une période de cinq ans sur les départements de l'Essonne, du Val-de-Marne et de Seine-et-Marne", que cette clause "devra également comprendre l'entretien des véhicules ainsi que la vente des pièces de rechange et autres accessoires";
Mais considérant que le 7 janvier 2000, la société Garage Picot, rappelant les échanges de courriers, a accepté de limiter l'étendue géographique de la clause de non-concurrence "à un rayon de 15 kms à vol d'oiseau du fonds exploité à Brunoy et non plus dans les départements de l'Essonne, du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne" ; qu'à cette date, restait donc en suspens la seule condition relative à la rédaction de la clause de non-concurrence à propos de laquelle la société Picot écrit "j'accepte cependant encore une fois d'alléger ma position";
Et considérant que par courrier du 19 janvier 2000, la société Michel a répondu en ces termes : " ... malgré le caractère exorbitant de votre demande, j'accepte la clause de non-concurrence telle qu'elle est présentée dans votre lettre du 7 janvier 2000 plus rien désormais ne s'opposant désormais à la régularisation des actes, je vous remercie de me proposer par retour une date de signature";
Qu'entre le 7 et le 19 janvier 2000, il est avéré que la société Picot, alors même qu'elle a connaissance de l'instance initiée dès le 4 janvier 2000 par les anciens salariés de la société Michel à son égard, ne rétractera pas son offre mais qu'elle poursuivra les négociations ; que par suite, comme l'a jugé le tribunal de commerce, la vente est devenue parfaite le 19 janvier 2000;
Considérant que la société Picot fait valoir enfin que l'accord invoqué par la société Michel serait nul ; qu'invoquant les dispositions de l'article 1172 du Code civil aux termes desquelles il est prévu que "toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux bonnes moeurs, ou prohibée par la loi, est nulle et rend nulle la convention qui en dépend";
Qu'elle précise que la non-reprise de Mme Michel comme salariée était une des conditions substantielles posées par elle et ajoute que si comme le prétend la société Michel, cette condition est nulle, cette nullité rend nulle la convention qui en dépend soit la cession de clientèle;
Que la société appelante soutient par ailleurs que la nullité de plein droit affectant la condition suspensive liée à la non-reprise de Mme Michel aurait ou pour effet de rendre nulle la convention en son entier et en application de l'article 1172 du Code civil;
Mais considérant d'une part qu'ainsi que cela a été précédemment démontré, la condition suspensive relative à cette question n'avait plus d'objet dès lors que quand le 7 janvier 2000, la société Picot poursuit les pourparlers en proposant une clause de non-concurrence réduite, la rupture du contrat de travail de l'intéressée était consommée;
Et considérant qu'à supposer que cette condition ait survécu jusqu'à l'ultime phase de la négociation, il n'apparaît pas qu'elle ait eu un caractère déterminant de l'engagement des parties et ce d'autant que dans le dernier état de la négociation, la seule clause en litige était le contenu de la clause de non-concurrence;
Que dès lors, au vu des éléments qui précèdent, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Garage Picot à payer à la société Michel la somme de 3 000 000 F en principal avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2000;
Sur la demande en paiement de la somme de 2 828 008,37 F soit 431 127,10 euros sur le fondement de l'article 1382 du Code civil;
Considérant que la société Picot fait valoir à l'appui de cette demande en paiement qu'aucun accord n'avait été conclu au 31 décembre 1999 (et non indiqué dans les conclusions au 31 décembre 2000), que la société Michel a fermé les locaux le 27 décembre 1999 sans l'en avertir, qu'elle a préféré "parier" (sic) sur la cession qui conjuguée à la décision de la Cour de justice des Communautés européennes qui a servi de fondement à la condamnation de la société Picot au profit des salariés, lui a permis de se délier de ses employés sans avoir à débourser le moindre centime, ce qui a facilité sa réinstallation manifestement envisagée de longue date;
Qu'elle estime que cette attitude parfaitement déloyale et fautive dont elle demande réparation est à l'origine de sa condamnation devant la 18e chambre de cette cour;
Considérant que la société Michel conclut à l'irrecevabilité de cette demande nouvelle sur le fondement des articles 564 du nouveau Code de procédure civile et R. 516-1 et R. 516-2 du Code du travail ; qu'elle indique que cette demande n'a pas été évoquée en première instance ; qu'elle ajoute qu'elle tend à revenir sur ce qu'a jugé la 18e chambre de la cour à l'occasion des arrêts des 27 septembre 2000 et 8 février 2001;
Considérant qu'aux termes de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, "les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait";
Et considérant qu'aux termes de l'article R. 516-1 du Code du travail, "toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet dune seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne se soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes";
Considérant enfin que l'article R. 516-2 du même Code dispose:
"les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel, sans que puisse être opposée l'absence de tentative de conciliation.
Les juridictions statuant en matière prud'homale connaissent de toutes les demandes reconventionnelles ou en compensation qui, par leur nature, entrent dans leur compétence, même si elles sont formées en cause d'appel";
Considérant que la société Picot a sollicité devant le tribunal de commerce le paiement de 100 000 F pour procédure abusive et le remboursement en application de l'article L. 122-12 du Code du travail de la somme de 300 950,25 F qu'elle a été amenée à régler aux salariés de la société Michel;
Considérant que la demande formée devant la cour l'est sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et vise une somme de 2 828 008,37 F soit 431 127,10 euros que la société Picot n'explicite ni ne détaille et qui en tout état de cause ne correspond pas au montant des indemnités dues aux salariés de la société Michel en exécution des arrêts des 27 septernbre 2000 et 8 février 2001;
Considérant que même si cette demande est présentée de façon peu explicite et circonstanciée, elle n'en est pas pour autant nouvelle dès lors qu'elle se rattache aux prétentions initiales de la société Picot;
Et considérant qu'aucun élément objectif ne permet d'affirmer qu'elle dérive des contrats de travail et relève des dispositions des articles R. 516-1 et R. 516-2 du Code du travail;
Mais considérant que cette demande n'est pas fondée dès lors que la société Picot ne rapporte pas en quoi l'attitude de la société Michel aurait été fautive et déloyale et que les faits de la cause n'accréditent nullement cette thèse;
Sur l'appel incident :
Considérant que la société Michel critique le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 300 000 F à titre de dommages et intérêts qu'elle allègue du comportement éminemment frauduleux de la société Picot qui a tenté délibérément de se soustraire aux engagements qu'elle avait volontairement souscrits ; qu'elle fait valoir que si le 20 janvier 2000, cette dernière a contesté l'existence de ses obligations, elle s'est abstenue d'évoquer la non-réalisation d'une des conditions suspensives, argumentation qu'elle développera a posteriori à l'occasion des débats devant le tribunal de commerce;
Considérant que la société intimée soutient d'une part qu'elle a été spoliée par la société Picot et indique à cet égard :
- que la transmission de son fichier clients par la société Automobiles Peugeot à la société Picot s'est faite dès le 16 décembre 1999 en fraude de ses droits et a incité la société repreneuse à se soustraire à l'exécution de son engagement contractuel;
- que la société Picot a repris l'exploitation de la société Michel à compter de janvier 2000 comme l'établissent le procès-verbal de constat dressé entre le 1er janvier et le 30 mars 2000 et les 1 300 factures émises par le garage Picot sur cette période concernant la clientèle ayant son domicile personnel ou professionnel sur le territoire concédé à la société Michel;
Qu'elle fait observer que contrairement à l'autre constat que la société Picot a fait établir entre le 3 juillet et le 3 août 2000, que la présence de nombreux clients de la société Michel dans le fichier informatique de la société Picot n'est pas étonnant dans la mesure où cette dernière a débauché au cours du préavis de résiliation un certain nombre de ses salariés (dont un nommé M. Rousseau qui a, selon elle, transmis le fichier clients de la société Michel à la société Picot) ; que la société Picot exploite le territoire de Brunoy par l'intermédiaire d'agents revendeurs les établissements Le Baron, le Garage Marollais, et le Garage Errante qui traitent la clientèle du secteur ; que la non-reprise du bail commercial et des salariés de la concession imputables au garage Picot ont pu inciter les clients à s'adresser à un autre concessionnaire voisin;
Qu'elle fait remarquer que d'autres éléments permettant l'exploitation de la clientèle de la concession ont été transférés par la société Automobiles Peugeot comme l'intégralité des commandes de véhicules neufs prises avant le 31 décembre 1999 que le garage Picot a livrées, les agréments de carrosserie et de dépannage, les agents et leur clientèle;
Mais considérant que la société Michel procède par affirmations et ne rapporte aucune preuve d'une prétendue spoliation de sa clientèle par la société Picot qu'aucun élément objectif ne vient étayer la thèse selon laquelle la transmission de son fichier clients par la société Automobiles Peugeot à la société Picot aurait été faite en fraude de ses droits dès le mois de décembre 1999 et aurait incité la société repreneuse à se soustraire à l'exécution de son engagement contractuel et ce d'autant que les seules pièces versées à l'appui de ces allégations constituent toutes des mailings datés des 5, 28 janvier et 15 mai 2000 ; que la reprise de l'exploitation de la concession Michel à partir de janvier 2000 était l'aboutissement logique des négociations contractuelles et qu'ainsi, l'émission de plus de mille factures par la société Garage Picot entre le 1er janvier et le 30 mars 2000 concernant l'ancienne clientèle de la société Michel témoigne de la reprise de l'activité par la société Picot ; que tous ces éléments confortent l'idée selon laquelle la clientèle de la concession Peugeot de la société Michel a été effectivement cédée à la société Picot;
Considérant que la société Michel prétend d'autre part que les pourparlers portant sur la reprise des éléments corporels du fonds de commerce et du droit au bail ont été rompus abusivement et brutalement par la société Picot par deux courriers des 17 et 30 septembre 1999 aux termes desquels elle invoquait une perte de confiance pour en réalité réduire le champ de la négociation et ce alors qu'elle disposait des bilans 1996 et 1997 de la société Michel depuis septembre 1998 et qu'elle avait ou communication du rapport d'évaluation de la concession établi par le cabinet Price Waterhouse Coopers en mai 1999 et de sa mise à jour en septembre 1999;
Mais considérant que si les négociations entre les deux concessionnaires ont commencé en 1998 sous l'égide de la société Automobiles Peugeot, il n'en demeure pas moins qu'aucune offre visant la cession du fonds de commerce n'a été émise par la société Michel et que la lettre du 5 juillet 1999 qu'évoque la société Michel émane de la société Automobiles Peugeot qui, notant que la société Michel rejetait toute formule d'association avec la société Picot ou toute autre évolution de son statut, a indiqué "nous sommes amenés à constater que la cession de fonds de commerce avec une location des murs est la solution plus réaliste et économiquement viable" ; que dès lors, les lettres des 17 et 30 septembre 1999 de la société Picot ne peuvent s'analyser comme caractérisant la rupture abusive de pourparlers engagés sur ce terrain;
Que par suite, en l'absence de fautes distinctes de l'inexécution de son engagement contractuel de reprendre la clientèle de la concession Peugeot de la société Michel, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Michel de sa demande en paiement de la somme de 300 000 F à titre de dommages et intérêts et de rejeter celle formée sur le même fondement par la société intimée devant la cour à hauteur de la somme de 500 000 F;
Considérant qu'il y a lieu d'allouer à la société Michel une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile qu'en revanche, la demande formée à ce titre par la société Picot doit être rejetée;
Considérant que la société Picot qui succombe doit supporter les entiers dépens;
Par ces motifs, statuant publiquement par arrêt contradictoire, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant, déclare recevable et mal fondée la demande de la société Garage Picot en paiement de la somme de 2 828 008,37 F soit 431 127,10 euros, déboute la société Michel de sa demande en paiement de la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts, rejette toute autre demande des parties, condamne la société Garage Picot à payer à la société Michel la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.