Cass. crim., 10 novembre 1998, n° 98-81.613
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roman
Rapporteur :
M. Blondet
Avocat général :
M. Lucas
Avocat :
Me Capron
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par D Philippe, O Hervé, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 19 novembre 1997, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, les a condamnés respectivement à une amende de 7 000 francs et de 4 000 francs, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, 1er et 2 de l'arrêté du ministre de l'Agriculture en date du 17 mars 1992, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Philippe D à une amende de 7 000 francs et Hervé O à une amende de 4 000 francs pour publicité de nature à induire en erreur ;
"aux motifs qu'"aux termes de l'arrêté du 17 mars 1992, sont définies comme "viandes" : toutes parties des animaux propres à la consommation humaine, et comme "abats" : toutes les parties des animaux comestibles autres que la carcasse et, notamment, les langues" (cf. arrêt attaqué, p. 5, 3ème alinéa) ; qu'"ainsi, il résulte de cette définition que les langues, parties des animaux propres à la consommation humaine, même si elles sont définies de manière spécifique comme abats, appartiennent à l'ensemble des viandes et sont ainsi considérées tant par le consommateur qu'en l'espèce, par le professionnel, puisque les langues incriminées, d'origine hollandaise, étaient mentionnées, au rayon boucherie, sur le prospectus publicitaire du magasin, et vendues à la coupe dans le même rayon, malgré la présence de deux affiches avertissant de l'origine française de toutes viandes proposées à la vente dans ce commerce" (cf. arrêt attaqué, p. 5, 4ème alinéa) ; qu'"Hervé O a reconnu que lui ou ses subordonnés n'avaient pas contrôlé l'origine des langues de boeuf qu'il vendait à la coupe, malgré la présence de l'affiche apposée dans son magasin" (cf. arrêt attaqué, p. 5, 5e alinéa) ; qu'"ainsi, en apposant, ou en faisant apposer sur les lieux de vente des produits de boucherie, une affiche garantissant de façon trompeuse pour le consommateur moyennement avisé, l'origine française des viandes commercialisées, alors que les prévenus ne pouvaient ignorer qu'il y était vendu de la langue de boeuf provenant de Hollande, Philippe D et Hervé O ont commis le délit visé à la poursuite" (cf. arrêt attaqué, p. 5, 6e alinéa) ;
"alors que la viande s'entend des parties comestibles de la carcasse des animaux domestiques des espèces bovines, porcines, ovines, caprines ou solipèdes, tandis que l'abat s'entend des parties comestibles, hors carcasse, des mêmes animaux domestiques ; qu'en énonçant, dès lors, qu'une publicité relative à la viande est une publicité relative aux abats, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que les inspecteurs de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont relevé la présence, à l'entrée et au rayon boucherie d'un supermarché, d'affiches sur lesquelles le distributeur, s'engageant sur la provenance des viandes de boeuf qu'il proposait à la vente, affirmait : "Nos produits sont tous d'origine française et de bonne qualité" ; que, poursuivant leur contrôle, ils ont constaté l'exposition, au rayon de boucherie traditionnelle à la coupe, de 5 langues de boeuf ne comportant pas d'indication d'origine, puis la présence, dans la chambre froide de l'établissement, de 80 langues de boeuf emballées sous vide provenant, selon leur étiquetage, de Hollande ;
Attendu qu'Hervé O, directeur du magasin, et Philippe D, chef de produit à la centrale régionale d'achat, poursuivis pour publicité de nature à induire en erreur, ont fait valoir, pour leur défense, qu'appartenant à la classe des abats, qui se distingue de celle des viandes, les langues de boeuf n'étaient pas comprises dans la publicité qu'ils avaient consacrée aux viandes de boeuf d'origine française par ailleurs proposées à la vente ;
Attendu que, pour écarter ce moyen et déclarer les prévenus coupables du délit visé à la prévention, les juges du second degré énoncent que si les langues de boeuf, parties accessoires d'animaux tués pour la consommation, se rangent dans la catégorie des abats, ceux-ci appartiennent à la classe des viandes ; qu'ils ajoutent que la clientèle de l'établissement ne pouvait, en l'espèce, distinguer les langues de boeuf de l'ensemble des produits de boucherie auxquels s'appliquaient les engagements de l'annonceur, dès lors qu'elles étaient proposées à la vente sur le même rayon ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.