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Décisions

Cass. soc., 30 septembre 2003, n° 00-43.927

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Laurent

Défendeur :

Meubles Rondin (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Merlin (faisant fonctions)

Rapporteur :

Mme Quenson

Avocat général :

M. Kehrig

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Peignot, Garreau.

Orléans, du 27 avr. 2000

27 avril 2000

LA COUR : - Vu leur connexité, joint les pourvois n° 00-43.927, 01-43.010 et 01-43.081 ; - Attendu que Mme Laurent a été engagée par la société Meubles Rondin début 1987 ; qu'elle a saisi en 1998 le conseil de prud'hommes d'une action en constatation de la rupture judiciaire du contrat de travail imputable à l'employeur et paiement de diverses sommes ; que deux arrêts ont été rendus successivement par la Cour d'appel d'Orléans ; que, par arrêt du 27 avril 2000, elle a prononcé la résolution judiciaire aux torts de l'employeur du contrat de VRP conclu entre la société Meubles Rondin et Mme Laurent, résiliation à effet du 26 janvier 1998, condamné la société Meubles Rondin à payer à Mme Laurent la somme de 141 000 francs à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 26 580,80 francs à titre d'indemnité de licenciement et, avant dire droit, ordonné une expertise avec mission pour l'expert de déterminer au vu des conditions contractuelles le montant du rappel de commissions dû à Mme Laurent pour la période de mai 1997 à mars 1998 inclus ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 00-43.927 (contre l'arrêt du 27 avril 2000) : - Attendu que Mme Laurent fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle n'a pas droit à l'indemnité de clientèle, alors, selon le moyen, que le représentant statutaire a droit à une indemnité de clientèle dès lors que, de son fait, une clientèle a été apportée, créée ou développée; qu'il s'ensuit que l'indemnité est due quand bien même cet apport, cette création et ce développement sont dus à un proche du représentant, celui-ci sollicitant son concours ; que, tirant profit de l'activité et des relations de son époux, lui-même représentant dans d'autres sociétés, Mme Laurent a obtenu le référencement des meubles Rondin par la centrale d'achat des magasins But; que l'action de son époux dont elle est à l'origine ne saurait la priver d'un droit à indemnité de clientèle; qu'en jugeant néanmoins l'intervention de M. Laurent exclusive de ce droit, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas - le caractère personnel des actes ayant permis la création de clientèle - et violé l'article L. 751-9 du Code du travail;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté l'absence d'apport de clientèle personnelle à la salariée, a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision;

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième branches, et sur le second moyen du pourvoi n° 00-43.927 de la salariée (contre l'arrêt du 27 avril 2000) : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 01-43.010 de l'employeur contre l'arrêt du 22 mars 2001 : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à la salariée des sommes à titre de rappel de commissions après déduction de la provision déjà allouée par la cour d'appel et à titre de congés payés sur commissions, alors, selon le moyen : 1°) que, par application de l'article 8 de l'Accord national interprofessionnel des VRP, les commissions dues pour les contrats signés pendant la suspension du contrat de travail provoquée par la maladie du salarié doivent être déduites de l'indemnité journalière complémentaire de celle versée par la Sécurité sociale; qu'en jugeant que le seul fait d'avoir versé des commissions pendant l'arrêt maladie révélait la volonté des parties de déroger aux dispositions de l'article 8 de l'Accord national interprofessionnel des VRP, la cour d'appel a donc violé cet article par refus d'application, ensemble l'article 1134 du Code civil ; 2°) qu'il résulte des pièces de la procédure qu'en 1998, la société Meubles Rondin estimait que Mme Laurent ne pouvait pas bénéficier du statut de VRP dès lors qu'elle ne travaillait pas sous la subordination juridique de la société Meubles Rondin mais dans le cadre d'une activité indépendante; qu'ainsi, dans leur jugement du 9 juillet 1999, les premiers juges n'avaient pu que constater que "la société Rondin demandait la requalification du contrat de travail de Mme Laurent en contrat de société"; que, partant, la société Meubles Rondin, considérant à l'époque des faits du litige que l'Accord national interprofessionnel des VRP n'avait pas à s'appliquer, ce n'est certainement pas par volonté de déroger aux dispositions de l'article 8 de cet accord qu'elle a réglé des commissions à Mme Laurent, en cours de maladie; qu'à l'inverse, si elle n'a pas versé l'indemnité journalière complémentaire prévue par ce texte, c'est précisément parce qu'elle estimait que ce texte n'avait pas à s'appliquer; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a derechef violé l'article 8 de l'Accord national interprofessionnel des VRP, ensemble l'article 1134 du Code civil;

Mais attendu que, par application de l'article 8 de l'Accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, le représentant de commerce dont le contrat de travail est suspendu pour maladie bénéficie sous certaines conditions d'une indemnité journalière complémentaire de celle servie par la Sécurité sociale; que seront déduites du montant de cette indemnité les sommes éventuellement perçues par le représentant de commerce sur les ordres passés depuis le premier jour d'absence ; qu'il en résulte que pendant la suspension du contrat de travail pour maladie, le VRP doit percevoir les commissions sur les ordres passés depuis le premier jour d'absence et qu'elles seront déduites du montant de l'indemnité journalière complémentaire servie par l'employeur;

Et attendu que la cour d'appel a constaté que l'employeur n'avait pas versé à la salariée l'indemnité journalière conventionnelle en sorte qu'aucune déduction n'était à opérer ; que, par ce motif substitué, la décision se trouve légalement justifiée;

Sur le premier moyen du pourvoi de la salariée n° 01-43.081 contre l'arrêt du 22 mars 2001 : - Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de compléments d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen : 1°) que la rémunération servant de base de calcul aux indemnités de licenciement, le salarié, qui sollicite le paiement d'indemnités de licenciement d'une part, une expertise visant à déterminer le montant de ses commissions demeurant impayées d'autre part, se réserve implicitement mais nécessairement la faculté de solliciter un complément d'indemnités de licenciement en cas de reconnaissance et d'évaluation, après expertise, de ses droits à commissions ; qu'en l'espèce, après avoir fait droit, par un premier arrêt, à la demande d'indemnité de licenciement formulée par la salariée, de même qu'à sa demande d'expertise pour fixation de ses droits à commissions restant dus, la cour d'appel a refusé d'accueillir la demande en complément d'indemnités de licenciement faite par la salariée au vu du rapport d'expertise déterminant les commissions restées impayées, faute pour cette demande d'avoir été formulée dès l'origine de sa saisine, et en tout cas avant son précédent arrêt qui, sur les indemnités de licenciement, aurait ainsi acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'en statuant ainsi, en méconnaissant la portée évidente des conclusions avant expertise de la salariée, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile; 2°) qu'en tout état de cause, lorsque le juge prud'homal est appelé à statuer sur une question unie par un lien de dépendance nécessaire à un chef de demande ayant fait l'objet d'une précédente décision rendue dans le cadre de la même instance, il demeure saisi de ce chef de demande que les parties sont donc autorisées à compléter; qu'en l'espèce, après que la cour d'appel avait fait droit à la demande d'indemnités de licenciement formulée par la salariée, ainsi qu'à sa demande d'expertise visant à déterminer le montant des commissions restant dû par l'employeur, la salariée avait sollicité de la même cour d'appel qu'elle augmente à proportion des droits à commissions établis par l'expertise les indemnités de licenciement qu'elle lui avait allouées par sa précédente décision; qu'en retenant que la décision sur les indemnités de licenciement avait acquis l'autorité de chose jugée pour refuser de faire droit à cette demande complémentaire nécessaire liée à la détermination des droits à commission restant dus et qui constituait l'objet même de l'expertise ordonnée, la cour d'appel a violé les articles 480 et 481 du nouveau Code de procédure civile et les articles R. 515- 1 et R. 516-2 du Code du travail; 3°) que le juge saisi ne peut soulever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée dans une même instance sans inviter les parties à présenter leurs observations; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'employeur avait opposé à la demande de complément d'indemnité de licenciement l'autorité de la chose jugée par la décision du 27 avril 2000 ; qu'en soulevant d'office l'irrecevabilité tirée de l'autorité de chose jugée sans permettre sur ce point un débat contradictoire, le juge d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu d'abord que l'arrêt du 27 avril 2000 avait l'autorité de la chose jugée relativement aux sommes allouées à la salariée au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'indemnité de licenciement et que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée dans une même instance est d'ordre public;

Et attendu ensuite que la procédure prud'homale étant orale, le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée est présumé avoir été débattu contradictoirement devant les juges du fond; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Sur le second moyen du pourvoi de la salariée n° 01-43.081 contre l'arrêt du 22 mars 2001 : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi;

Par ces motifs: rejette les pourvois.