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Décisions

Cass. crim., 15 juin 1999, n° 98-83.505

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M Gomez

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

: M. Cotte

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, Me Choucroy.

TGI Saumur, ch. corr. du 5 sept. 1997

5 septembre 1997

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par B Jean-Pierre, O Jean-Michel, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, du 19 mars 1998, qui, pour tromperie et publicité de nature à induire en erreur, a condamné le premier à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende, le second à 50 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire ampliatif produit, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, L. 115-2, L. 213-1 et L. 214-1 du 10 juillet 1975 et de l'article 30 du traité de Rome, manque de base légale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-Pierre B à un an d'emprisonnement avec sursis et à une peine d'amende de 100 000 francs et Jean-Michel O à une amende de 50 000 francs ;

"aux motifs que, par des motifs pertinents, le tribunal a retenu la culpabilité de Jean-Pierre B et Jean-Michel O ; que la SA B, dont Jean-Pierre B est le président et Jean-Michel O l'un des administrateurs, a, entre le 1er janvier 1996 et le 30 juin 1996 importé de Belgique et fait identifier 63 bovins de race "blanc bleu" dans le but de les engraisser dans son élevage de Coron ; que, le 17 juillet 1996, un contrôleur de la DGCCRF s'est rendu à la SA B en vue de vérifier la situation de ces bovins ; qu'il a constaté que cinq d'entre eux avaient été abattus dans l'abattoir de la SARL A, filiale de la SA B et dont Jean-Michel O est le directeur ; qu'un vétérinaire inspecteur s'est rendu à l'abattoir et a constaté que dix animaux avaient été commercialisés, dont certains en avril et mai 1996, avec la mention "viande bovine française" sur six bons de livraison ; qu'il a ainsi pu être constaté que la viande de ces bovins originaires de Belgique avait été revendue à divers établissements et bouchers avec, sur les factures, la mention "viande bovine française" ; qu'en outre, sur les carcasses et morceaux vendus a été apposé le logo de l'association INTERBEV qui comporte la mention "viande bovine française" ; que les prévenus prétendent que le délit de tromperie n'est pas constitué car les factures n'étaient pas adressées à des consommateurs, mais à des professionnels ; que l'article L. 213-1 du Code de la consommation sanctionne quiconque, qu'il soit partie ou non au contrat, aura trompé le contractant sans distinction de la qualité de ce contractant ; que la vente à un autre professionnel, qui en outre constitue une mise sur le marché avec la seule finalité de la revente au consommateur est donc l'un des éléments du délit ; que les prévenus font état de ce qu'ils ont respecté la réglementation communautaire ; mais que le tribunal fait observer qu'il ne leur était pas reproché un manquement à la réglementation mais l'utilisation abusive d'une appellation et d'un logo qui avaient eu pour effet de tromper leurs cocontractants ; qu'en effet, pour réagir contre les méventes dues aux réticences des consommateurs face aux dangers que la consommation de viande bovine d'origine douteuse faisait courir à leur santé, les professionnels français, regroupés dans l'association INTERBEV, ont édité une charte et ont fait une campagne publicitaire nationale en publiant cette charte afin de calmer les craintes des consommateurs ; que Jean-Pierre B et Jean-Michel O ne contestent pas que leurs sociétés soient membres de cette association et l'ont confirmé à la cour ; qu'ils savaient donc parfaitement quelles étaient les conditions imposées par la charte pour qu'ils puissent mettre sur le marché des viandes avec l'appellation "viande bovine française" et le logo "VBF" ; qu'il est prouvé que cette charte a fait l'objet d'une publicité importante sur tout le territoire national, insistant sur la "traçabilité" du bovin avec indication de son cheptel de naissance ; que le respect de cette charte était pour le consommateur une qualité substantielle de la viande qu'il voulait acheter car ces conditions étaient seules de nature à lui donner la garantie que les animaux étaient nés, élevés et abattus en France et donc préservés le mieux possible d'une contamination ; qu'en constatant que les bovins étaient importés de Belgique, le tribunal a fait une exacte application de la loi ; qu'il est prétendu que l'étiquetage serait une erreur commise à l'abattoir, due à la désorganisation en période de congés ; que cela est impossible car les factures mentionnent "viande bovine française" avec l'indication du numéro d'identification des bovins, ce qui démontre que la commercialisation sous cette appellation s'est faite de matière volontaire ; que cette falsification n'a pu, en outre, se faire sans instructions précises, à la fois à la direction de l'abattoir et de la direction de la SA B, les factures étant rédigées au vu des documents d'accompagnement des bovins, dit "documents de traçabilité" ; que, sur ces documents, le numéro de cheptel de naissance n'avait pas été renseigné, ce qui signifiait que la SA B ne pouvait garantir l'origine française des bovins ; qu'il ne pouvait donc s'agir d'une erreur, mais d'une décision de Jean-Pierre B et Jean-Michel O d'apposer la mention "viande bovine française" sur des animaux qui n'étaient pas nés en France ; que c'est, par ailleurs, ce qui résulte de l'audition de Jean-Pierre B lorsqu'il déclare aux gendarmes qu'il s'appuyait sur le Journal officiel du 15 décembre 1990 qui indiquait qu'un animal d'origine étrangère élevé en France pendant au moins trois mois était considéré comme français ; que cela démontre, en effet, qu'il a agi de manière tout à fait délibérée dans le but de gagner, selon le rapport de la DGCCRF, 4 000 à 5 000 francs par carcasse ; que Jean-Pierre B ne justifie pas plus qu'en première instance de son indisponibilité pour raison de santé et, même s'il se trouvait en arrêt maladie du 19 avril au 15 septembre 1996, rien ne démontre qu'il n'avait pas conservé le contrôle des affaires ; qu'en outre, les mentions apposées sur les factures à l'origine des délits qui lui sont imputés, résultaient des directives qu'il avait lui-même prises en se fondant faussement sur la réglementation ; que le jugement sera confirmé sur la culpabilité, mais réformé sur la peine en ce qui concerne Jean-Pierre B ; qu'il a déjà été condamné à une amende de 25 000 francs pour des faits de même nature commis en 1993 ; qu'une telle réitération justifie qu'il lui soit appliqué une peine d'emprisonnement avec sursis et que l'amende sera réduite à 100 000 francs ;

"1°) alors, d'une part, que, à défaut d'une définition légale ou réglementaire, le délit de tromperie s'apprécie au regard des usages du commerce ou d'un consensus de la profession ; qu'en l'espèce, Jean-Pierre B et Jean-Michel O soutenaient que la mention "viande bovine française" n'a été définie qu'au travers d'une "brochure" rédigée unilatéralement par l'association INTERBEV à une date déterminée et dont l'éventuelle méconnaissance ne pouvait caractériser le délit de tromperie ; qu'en ne s'expliquant pas de façon concrète sur les circonstances et l'époque de la diffusion de cette "brochure" au sein de la profession, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un usage ou d'une norme obligatoire qui fût juridiquement opposable aux prévenus, et privé sa décision de base légale ;

"2°) alors, d'autre part, que le délit de tromperie implique que la réglementation ou les usages fixant les caractéristiques auxquelles la marchandise doit satisfaire aient été connus du consommateur ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de Jean-Pierre B qui faisait valoir qu'à l'époque des faits litigieux, la campagne pour le label VBF ne faisait que commencer, de sorte que le sens précis de ce logo était encore ignoré du public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"3°) alors, d'autre part encore, que le délit de tromperie n'a pas lieu en cas de désistement volontaire du fournisseur avant la mise en vente au détail ; que Jean-Pierre B et Jean-Michel O soutenaient que Jean-Michel O avait averti tous ses clients dès le 17 juillet 1996 que la viande qui leur avait été vendue ne pouvait porter le logo de l'association INTERBEV, ce dont il se déduisait que la mention "viande bovine française" qui figurait sur les factures devait être réputée non écrite ; qu'en ne s'expliquant pas sur cette intervention du vendeur antérieure à la mise en vente au détail des marchandises et caractérisant un désistement volontaire exclusif de toute infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"4°) alors, enfin, que l'article 30 du traité de Rome interdit l'adoption de toute mesure ayant pour effet de restreindre le commerce intracommunautaire ; que, faute d'avoir recherché si la brochure de l'association INTERBEV, établissant une discrimination entre les produits français et communautaires, n'avait pas eu pour effet de restreindre le commerce entre Etats membres, de sorte qu'elle ne pouvait constituer les bases d'une poursuite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"5°) alors que la responsabilité pénale du président d'une société mère au titre d'une infraction commise par une filiale suppose, soit que le dirigeant de la filiale ne dispose ni de l'autonomie, ni des moyens, ni encore de l'autorité nécessaire à gérer indépendamment cette filiale, soit que le président de la société mère s'est directement immiscé dans la gestion de la filiale ; qu'en l'espèce, il a été constaté que le logo "VBF" a été apposé sur la foi de documents, dont la cour constate d'ailleurs qu'ils étaient incomplets, par une filiale de la SA B exploitant les abattoirs du groupe, cette filiale étant dirigée par Jean-Michel O, ce dernier reconnaissant expressément être seul maître de cette société ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner Jean-Pierre B, que l'étiquetage résultait d'instructions précises émanant notamment de ce dernier sans constater que ce dernier détenait le pouvoir de direction effective de sa filiale ou qu'il se serait immiscé dans son fonctionnement en évinçant Jean-Michel O de ses fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des règles susvisées et du principe de la personnalité de la culpabilité et des peines" ;

Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 121-4 du Code pénal, de même que des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale et de l'article L. 121-5 du Code de la consommation, manque de base légale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-Pierre B à un an d'emprisonnement avec sursis et à une peine d'amende de 100 000 francs et Jean-Michel O à une amende de 50 000 francs ;

"aux motifs que, par des motifs pertinents, le tribunal a retenu la culpabilité de Jean-Pierre B et Jean-Michel O ; que la SA B, dont Jean-Pierre B est le président et Jean-Michel O l'un des administrateurs, a, entre le 1er janvier 1996 et le 30 juin 1996, importé de Belgique et fait identifier 63 bovins de race "blanc bleu" dans le but de les engraisser dans son élevage de Coron ; que, le 17 juillet 1996, un contrôleur de la DGCCRF s'est rendu à la SA B en vue de vérifier la situation de ces bovins ; qu'il a constaté que cinq d'entre eux avaient été abattus dans l'abattoir de la SARL A, filiale de la SA B et dont Jean-Michel O est le directeur ; qu'un vétérinaire inspecteur s'est rendu à l'abattoir et a constaté que dix animaux avaient été commercialisés, dont certains en avril et mai 1996, avec la mention "viande bovine française" sur six bons de livraison ; qu'il a ainsi pu être constaté que la viande de ces bovins originaires de Belgique avait été revendue à divers établissements et bouchers avec, sur les factures, la mention "viande bovine française" ; qu'en outre, sur les carcasses et morceaux vendus a été apposé le logo de l'association INTERBEV qui comporte la mention "viande bovine française" ; que les prévenus prétendent que le délit de tromperie n'est pas constitué car les factures n'étaient pas adressées à des consommateurs, mais à des professionnels ; que l'article L. 213-1 du Code de la consommation sanctionne quiconque, qu'il soit partie ou non au contrat, aura trompé le contractant sans distinction de la qualité de ce contractant ; que la vente à un autre professionnel, qui en outre constitue une mise sur le marché avec la seule finalité de la revente au consommateur est donc l'un des éléments du délit ; que les prévenus font état de ce qu'ils ont respecté la réglementation communautaire ; mais que le tribunal fait observer qu'il ne leur était pas reproché un manquement à la réglementation mais l'utilisation abusive d'une appellation et d'un logo qui avaient eu pour effet de tromper leurs cocontractants ; qu'en effet, pour réagir contre les méventes dues aux réticences des consommateurs face aux dangers que la consommation de viande bovine d'origine douteuse faisait courir à leur santé, les professionnels français, regroupés dans l'association INTERBEV, ont édité une charte et ont fait une campagne publicitaire nationale en publiant cette charte afin de calmer les craintes des consommateurs ; que Jean-Pierre B et Jean-Michel O ne contestent pas que leurs sociétés soient membres de cette association et l'ont confirmé à la cour ; qu'ils savaient donc parfaitement quelles étaient les conditions imposées par la charte pour qu'ils puissent mettre sur le marché des viandes avec l'appellation "viande bovine française" et le logo "VBF" ; qu'il est prouvé que cette charte a fait l'objet d'une publicité importante sur tout le territoire national, insistant sur la "traçabilité" du bovin avec indication de son cheptel de naissance ; que le respect de cette charte était pour le consommateur une qualité substantielle de la viande qu'il voulait acheter car ces conditions étaient seules de nature à lui donner la garantie que les animaux étaient nés, élevés et abattus en France et donc préservés le mieux possible d'une contamination ; qu'en constatant que les bovins étaient importés de Belgique, le tribunal a fait une exacte application de la loi ; qu'il est prétendu que l'étiquetage serait une erreur commise à l'abattoir, due à la désorganisation en période de congés ; que cela est impossible car les factures mentionnent "viande bovine française" avec l'indication du numéro d'identification des bovins, ce qui démontre que la commercialisation sous cette appellation s'est faite de matière volontaire ; que cette falsification n'a pu, en outre, se faire sans instructions précises, à la fois à la direction de l'abattoir et de la direction de la SA B, les factures étant rédigées au vu des documents d'accompagnement des bovins, dit "documents de traçabilité" ; que, sur ces documents, le numéro de cheptel de naissance n'avait pas été renseigné, ce qui signifiait que la SA B ne pouvait garantir l'origine française des bovins ; qu'il ne pouvait donc s'agir d'une erreur, mais d'une décision de Jean-Pierre B et Jean- Michel O d'apposer la mention "viande bovine française" sur des animaux qui n'étaient pas nés en France ; que c'est, par ailleurs, ce qui résulte de l'audition de Jean-Pierre B lorsqu'il déclare aux gendarmes qu'il s'appuyait sur le Journal officiel du 15 décembre 1990 qui indiquait qu'un animal d'origine étrangère élevé en France pendant au moins trois mois était considéré comme français ; que cela démontre, en effet, qu'il a agi de manière tout à fait délibérée dans le but de gagner, selon le rapport de la DGCCRF, 4 000 à 5 000 francs par carcasse ; que Jean-Pierre B ne justifie pas plus qu'en première instance de son indisponibilité pour raison de santé et, même s'il se trouvait en arrêt maladie du 19 avril au 15 septembre 1996, rien ne démontre qu'il n'avait pas conservé le contrôle des affaires ; qu'en outre, les mentions apposées sur les factures à l'origine des délits qui lui sont imputés, résultaient des directives qu'il avait lui-même prises en se fondant faussement sur la réglementation ; que le jugement sera confirmé sur la culpabilité, mais réformé sur la peine en ce qui concerne Jean-Pierre B ; qu'il a déjà été condamné à une amende de 25 000 francs pour des faits de même nature commis en 1993 ; qu'une telle réitération justifie qu'il lui soit appliqué une peine d'emprisonnement avec sursis et que l'amende sera réduite à 100 000 francs ;

"et aux motifs adoptés que les mentions "viande bovine française" figurant sur les factures et les logos "VBF" apposés sur les viandes livrées constituent des allégations mensongères en ce que les prescriptions imposées par l'association INTERBEV n'étaient pas respectées ; que les prévenus affirment qu'il ne s'agirait pas là de moyens de publicité dans la mesure où la mention et le logo étaient apposés sur des documents postérieurement à la vente aux bouchers de la viande litigieuse ; que, toutefois, les prévenus ne pouvaient ignorer que le logo "VBF" qu'ils faisaient apposer sur les viandes livrées se trouverait comme puissant argument de vente compte tenu de la crise sur l'étal du boucher ; que rassurer le consommateur est d'ailleurs la seule utilité de ce logo puisqu'il ne viendrait pas à l'idée d'aucun professionnel sérieux de tromper un autre professionnel ; qu'en conséquence, l'utilisateur du logo destiné in fine à rassurer la clientèle constitue un moyen de publicité en l'espèce mensonger ; que si l'infraction reprochée nécessite, pour être caractérisée, une intention frauduleuse, encore faut-il préciser que la mauvaise foi de l'annonceur n'est pas un élément constitutif de l'infraction ; que les prévenus n'ont pas vérifié la véracité et la sincérité de l'information délivrée pour que l'infraction soit caractérisée ; que la bonne foi de Jean-Michel O peut être mise en doute lorsqu'il affirme que, dès le lendemain de l'abattage des bêtes, soit le 16 juillet 1996, il se serait aperçu de l'erreur commise et aurait téléphoné à tous les bouchers concernés lesquels n'auraient pu lui retourner les bons de remise en raison de l'intervention des inspecteurs de la DGCCRF alors même que ceux-ci ne sont intervenus à la halles d'Angers que le 23 juillet 1996 et que les bons de remise et les logos s'y trouvaient encore ; qu'il convient encore de rappeler que les logos "VBF" ont été apposés sous la responsabilité de Jean-Michel O parce que la mention "viande bovine française" figurait sur les documents émis par la SA B ;

"1°) alors, d'autre part, que seul l'annonceur pour le compte duquel la publicité mensongère est faite est responsable de l'infraction commise ; qu'il a été relevé que l'infraction de publicité mensongère résultait de l'apposition du logo "VBF" par une filiale de la SA B sur des morceaux de viande et des carcasses destinées à être vendues au détail ; que cette publicité ne pouvait attirer la clientèle que vers les détaillants concernés et nullement vers la société B ou sa filiale, de telle sorte que ces sociétés ne pouvaient être considérées comme les annonceurs responsables ; qu'en retenant, néanmoins, ses dirigeants dans les liens de la culpabilité, la cour d'appel a violé l'article L. 121-5 du Code de la consommation ;

"2°) alors, d'autre part encore, que l'infraction n'est pas consommée lorsque le désistement volontaire intervient avant sa commission ; que Jean-Pierre B et Jean-Michel O soutenaient que Jean-Michel O avait averti tous ses clients dès le 17 juillet 1996 que la viande qui leur avait été vendue ne pouvait porter le logo de l'association INTERBEV, ce dont il se déduisait que la mention "viande bovine française" qui figurait sur les factures devait être réputée non écrite ; qu'en ne s'expliquant pas sur cette intervention du vendeur antérieure à la mise en vente au détail des marchandises et caractérisant un désistement volontaire exclusif de toute infraction, la cour d'appel a prié sa décision de base légale ;

"3°) alors, encore, que, faute d'avoir constaté à quelle date les consommateurs ont été informés de l'existence et du sens du logo "VBF", la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un contrôle effectué auprès de la société B, spécialisée dans le commerce de bestiaux et de viandes en gros, Jean-Pierre B, son président, et Jean-Michel O, administrateur et directeur d'un abattoir appartenant à la société, sont poursuivis pour publicité fausse ou de nature à induire en erreur et tromperie sur l'origine de la marchandise vendue à douze établissements commercialisant de la viande de boucherie ;

Attendu que, pour les déclarer coupables des infractions, les juges d'appel retiennent qu'au cours du premier semestre 1996, la société a introduit sur le territoire national, en provenance de Belgique, et fait identifier soixante-trois bovins pour les engraisser dans son élevage ; qu'au jour du contrôle, au mois de juillet 1996, plusieurs d'entre eux avaient été abattus dans l'abattoir de la société ; que les juges relèvent que les carcasses avaient été vendues par celle-ci aux détaillants en tant que "viande bovine française", cette mention étant portée sur les bons de livraison et factures ;que le logo "VBF" de l'association Interprofessionnelle du bétail et des viandes (INTERBEV), qui signifie que les animaux sont nés, élevés et abattus en France, avait été apposé sur la viande ;que les juges ajoutent que les faits poursuivis ne procèdent pas d'une erreur d'étiquetage, commise à l'abattoir, mais résultent des directives, prises par les prévenus, adhérents d'INTERBEV, de considérer comme français un animal d'origine étrangère élevé en France ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié le caractère trompeur de l'indication d'origine de la viande bovine, alors non réglementée, a justifié sa décision, notamment au regard de l'article L. 121-5 du Code de la consommation, sans encourir les griefs allégués ;d'où il suit que les moyens, inopérants en ce qu'ils invoquent un désistement volontaire après la réalisation de la vente, et nouveaux et mélangés de fait en ce qu'ils allèguent une entrave au commerce intra-communautaire, ne sauraient être accueillis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, et des articles 2 et 4 de la loi du 10 juillet 1975, manque de base légale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a reçu l'association INTERBEV en sa constitution de partie civile et a condamné Jean-Pierre B et Jean-Michel O à lui payer 200 000 francs à titre de dommages et intérêts et 10 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs adoptés que l'association INTERBEV a été déclarée en préfecture le 8 janvier 1980 et ses statuts y ont été déposés à cette date et qu'elle a été reconnue comme organisation interprofessionnelle agricole au sens de la loi du 10 juillet 1975 par arrêté ministériel du 18 novembre 1980 publié au Journal officiel le 2 décembre 1980 ; qu'elle a la personnalité morale et de ce seul fait a la capacité à agir en justice sans qu'elle ait à justifier d'un quelconque agrément puisqu'il ne s'agit pas d'une association agréée ; que les statuts de l'association versés aux débats sont incontestables quoique non datés puisque paraphés et certifiés conformes par son président M Daul ; que l'article 11 desdits statuts autorise l'association INTERBEV à ester en justice sans qu'il soit nécessaire de prendre une délibération spéciale ; que l'association INTERBEV regroupe l'ensemble des professions du secteur économique bétail et viande ; que, dès lors, agir en justice lorsque la qualité des viandes vendues en France est menacée constitue la défense d'intérêts collectifs somme des intérêts individuels des membres de l'association ; qu'en outre, se défendre contre une utilisation frauduleuse d'un sigle qu'elle a créé constitue la défense d'un intérêt personnel et direct au sens de l'article 2 du Code de procédure pénale ; qu'il y a donc lieu de déclarer l'association INTERBEV recevable à se constituer partie civile ; qu'elle justifie d'actions importantes et coûteuses visant à assurer la traçabilité de la viande bovine, à rassurer le consommateur français et, de ce fait, contribue à la santé publique ; que les fraudes commises par les prévenus contribuent à discréditer les efforts consentis par la profession et l'usage abusif du logo, propriété de l'association INTERBEV, ont causé à ladite association un préjudice important l'obligeant à accentuer ses campagnes publicitaires ; qu'il convient donc d'indemniser la partie civile à hauteur de 200 000 francs ;

"1°) alors, d'une part, que l'action résultant de la violation d'une norme émanant d'une organisation interprofessionnelle régie par la loi du 10 juillet 1975 n'ouvre droit qu'à une action en indemnité et non à une action en responsabilité civile, action dont la compétence relève exclusivement du tribunal d'instance ; qu'ainsi, la juridiction correctionnelle, qui n'a compétence que pour connaître des actions en réparation du dommage résultant de l'infraction, ne pouvait connaître de l'action de l'association INTERBEV sans violer tant l'article 2 du Code pénal que l'article 4, alinéa 2, de cette loi ;

"2°) alors, d'autre part, que seule la violation de règles résultant des accords étendus réalisés au sein d'une organisation interprofessionnelle agricole peut donner lieu à indemnisation ; que l'accord interprofessionnel conclu au sein de l'association INTERBEV le 17 février 1997 a été étendu par arrêté du 18 février 1997 et ne faisait référence ni à la mention "viande bovine française" ni au logo "VBF" ; que les faits reprochés à Jean-Pierre B et Jean-Michel O sont antérieurs à l'extension de l'accord, de telle sorte que la prétendue violation de règles qui, à l'époque de ces faits, n'avaient aucune valeur, n'ouvrait pas droit à indemnisation ;

"3°) alors, d'autre part encore, que le sigle sur lequel une organisation interprofessionnelle agricole peut éventuellement faire valoir des droits ne peut résulter que d'un accord interprofessionnel étendu ; que le sigle dont se prévaut l'association INTERBEV n'est pas mentionné dans l'accord interprofessionnel du 17 février 1997 et n'aurait pu, le cas échéant, être protégé que postérieurement à l'extension opérée par l'arrêté du 18 février 1997 publié au Journal officiel du 19 février 1997, intervenu postérieurement aux faits reprochés à Jean-Pierre B et Jean-Michel O, de sorte qu'en faisant droit à l'action civile en raison d'une atteinte à ce sigle, à une date où il ne pouvait être protégé, la cour d'appel a encore méconnu les textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer recevable et fondée l'action civile de l'association INTERBEV, reconnue par arrêté ministériel comme organisation interprofessionnelle agricole au sens de la loi du 10 juillet 1975, les juges d'appel énoncent que l'usage abusif du logo qu'elle a créé ainsi que le discrédit porté par les agissements des prévenus à l'action qu'elle mène pour assurer la "traçabilité" de la viande bovine et restaurer la confiance des consommateurs, dans le contexte de l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine, lui cause un préjudice personnel et direct ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 2 du Code de procédure pénale ;d'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.