Livv
Décisions

CA Besançon, ch. corr., 6 décembre 2001, n° 00-00102

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Institut des Appellations d'Origine, Lazzarotto

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Waultier

Substitut général :

M. Bonnin

Conseillers :

MM. Colson, Landot

Avocat :

Me Maniere

TGI Dole, du 21 sept. 1999

21 septembre 1999

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

LE JUGEMENT:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré D Christian coupable de :

- tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, infraction commise courant 1996 à Poligny, prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation;

- apposition sur un produit d'une appellation d'origine contrôlée inexacte, courant 1996, à Poligny, infraction prévue et réprimée par L. 115-15 et L. 213-1 du Code de la consommation;

et, en application de ces articles, l'a condamné ;

Sur l'action publique :

- à la peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis;

Sur l'action civile :

- renvoyé l'affaire à l'audience du 19 octobre 1999 ;

LES APPELS:

Appel a été interjeté par:

Monsieur D Christian, le 23 septembre 1999

M. le Procureur de la République, le 23 septembre 1999 contre Monsieur D Christian

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Eric Lazzarotto demande les sommes de 5 760 F (remboursement de facture), de 3 000 F (préjudice moral), et de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

L'INAO demande les sommes de 5 000 F à titre de dommages et intérêts et de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le Ministère public requiert la confirmation de la décision.

Cité à mairie, M. D a signé l'accusé de réception prévu par les dispositions légales. M. D n'est ni présent ni représenté, mais a demandé à la cour, par fax reçu le 6 décembre 2001 à 12 h 04, le renvoi de son dossier, en l'absence de son avocat, or la cour constate; que M. D a été informé de la date d'audience le 13 novembre, qu'il avait donc largement le temps de préparer sa défense et de prévenir son avocat; que son conseil n'a pas informé la cour de son absence et d'une éventuelle demande de renvoi; que les avocats des parties civiles sont présents et n'ont pas non plus été informés d'une demande de renvoi; que ce dossier a déjà fait l'objet de plusieurs renvois; enfin, que M. D qui ne s'est pas déplacé avait la possibilité de se faire représenter. Dans ces conditions, la cour ne peut que rejeter la demande de renvoi de M. D en l'absence de motifs ou d'excuses pertinentes pour y faire droit.

DISCUSSION

Sur l'action publique :

Par lettre du 3 juillet 1997, la DDCCRF a informé M. D que des prélèvements d'office avaient été effectués:

- le 26 janvier 1996 sur un lot de quinze bouteilles de vin Côtes du Jura, Chardonnay 1993, à l'intérieur du magasin de M. P à Dôle, révélant un titre alcoométrique de 13,91 % au lieu de 12,5 %;

- le 9 mai 1996, sur trois bouteilles au supermarché SA X à Ornans, révélant un taux alcoométrique très inférieur à celui qui aurait dû figurer sur l'étiquetage (11,47 %; 10,05 %; 11,93 % au lieu de 12,5 %);

- le 21 mars 1997 sur:

- un stock résiduel de 390 bouteilles de Côtes du Jura 1992, révélant une acidité volatile de 38,9 milliéquivalentes par litre (mq/l) au lieu de 18 mq/l, à la caserne des pompiers de Saint Claude;

- un lot de 12 bouteilles de Côtes du Jura 1993, chez Mme M, à Chassal révélant une acidité volatile de 53,3 mq/l;

- un lot de 84 bouteilles Côtes du Jura Pinot 1995, révélant un titre alcoométrique de 8,11 %;

- un lot de 156 bouteilles de Côtes du Jura 1992, révélant une acidité volatile de 41,2 mq/1.

L'administration a précisé que le titre alcoométrique ne devait pas dépasser 13 % pour les vins rouges, 13,5 % pour les vins blancs, et ne pas être inférieur à 10 %, tout vin confondu.

L'administration a noté qu'elle avait fréquemment été sollicitée par des consommateurs mécontents, des professionnels concurrents ou d'autres administrations, mais qu'à chaque fois au moment de son intervention sur les lieux de vente (en magasin ou chez M. D, les vins incriminés étaient indisponibles). L'administration a signalé toutefois qu'elle était venue faire des prélèvements chez M. D le 4 mars 1996 (<adresse>) sur les Côtes du Jura - Chardonnay 1993. Elle a mentionné que ces prélèvements avaient révélé une acidité volatile plutôt élevée, mais ne dépassant pas la limite légale, que la dégustation était toutefois défavorable et mettait en évidence la présence d'acétate d'éthyle; enfin, que le titre alcoométrique atteignait la limite supérieure admise.

M. D a déclaré qu'il ne pouvait admettre les faits, aucune vérification de sa part n'ayant pu être faite. A l'audience correctionnelle, il a précisé que l'administration n'était pas venue faire des prélèvements chez lui, qu'il n'y avait pas de preuve que le vin prélevé était de son exploitation. Enfin, il a indiqué qu'il n'exploitait plus de terrain depuis deux ans.

Le 14 septembre 2000, la cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de toutes les parties a, avant dire droit, ordonné une contre-expertise, imparti à M. D un délai d'un mois à compter du 14 septembre 2000, pour choisir un expert étant précisé :

- que cet expert devait être choisi parmi les experts inscrits soit sur la liste nationale des experts établie par le bureau de la Cour de cassation, soit sur une des listes dressées par les cours d'appel,

- qu'il avait toutefois droit de renoncer explicitement à cette désignation et s'en rapporter aux conclusions de l'expert désigné par la juridiction,

- que s'il n'avait pas désigné un expert dans le délai imparti, cet expert était nommé d'office par la juridiction,

et renvoyé l'affaire à l'audience du 26 octobre 2000 à 14 heures pour constater la décision de M. D et établir la mission d'expertise.

Le 26 octobre 2000, la cour a, avant dire droit, ordonné une contre-expertise et le 6 avril 2001, l'expert a déposé son rapport.

L'expertise a révélé :

- une acidité volatile supérieure à la valeur réglementaire pour un échantillon rouge sur 3 (26,2 au lieu de 20 mq/l) et pour 3 échantillons de blanc sur 6 (48 ; 59,7 et 47,7 mq/l au lieu de 18 mq/l);

- un titre alcoométrique erroné sur tous les échantillons (allant de 4,43 (8,07 au lieu de 12,5 à 0,61) à 0,61 (11,89 au lieu de 12,5) sachant qu'une variation entre plus ou moins 0,5 % est admise;

- une appellation Côtes du Jura non justifiée pour trois échantillons (8,07 et 9,68 au lieu de 10 % minimum pour deux rouges, et 13,85 au lieu de 13,5 pour un blanc (maximum).

Sur ce,

I. Sur l'imputabilité des infractions à M. D :

M. D relève que les prélèvements n'ont pas eu lieu chez lui; qu'il n'a pu faire aucune vérification sur ces prélèvements et qu'il n'y a pas de preuve que le vin provient de son exploitation. Certes, les prélèvements n'ont pas été effectués chez M. D, mais ce dernier ne peut contester le fait que les prélèvements ont concerné des bouteilles dont l'étiquette mentionne expressément que le vin provient de son exploitation. Quant aux conditions matérielles des prélèvements, les deux expertises réalisées par deux laboratoires différents garantissent la régularité des prélèvements.

II. Sur l'infraction de tromperie

Aux termes de l'article L. 213-1 du Code de la consommation, la tromperie est caractérisée lorsqu'elle porte sur les qualités substantielles d'une marchandise. Au cas particulier, s'agissant de vin, les qualités substantielles résultent de la conformité de ce produit à la réglementation qui en fixe la composition. Or, en l'espèce, tant le laboratoire interrégional de Strasbourg que celui de Montpellier ont mis en évidence la non-conformité du produit vendu par M. D, au regard de l'acidité volatile et du titre alcoométrique.

La contre expertise a ainsi confirmé les acidités volatiles supérieures à la limite fixée par la réglementation du Côtes du Jura blanc 1993 - 13° (59,7 mq/l, 53,3 mq/l lors du premier contrôle) ; du Côtes du Jura blanc 1992 (48 mq/l ; 38,9 mq/l lors du premier contrôle) ; du Côtes du Jura blanc 1992 - 12,5° (47,7 mq/l ; 41,2 mq/l lors du premier contrôle) la limite légale étant de 18 mq/l, et la non-conformité du titre alcoométrique de tous les échantillons. S'agissant de ce contrôle, l'examen comparatif des résultats des deux laboratoires montre que le temps n'a pas d'effet sur le titre alcoométrique, aussi trouve-t-on pour le Côtes du Jura Pinot 1994 12,5 vol, des taux de 11,48 % et de 11, 47 % pour le Côtes du Jura Chardonnay 1993 12,5 % vol, des taux de 10,03 ; 10,05 ; pour les Côtes du Jura Poulsard, des taux de 11,89 - 11,93. Les mêmes observations peuvent être faites pour les autres échantillons.

Ces non-conformités sont révélatrices de la négligence de M. D dans le contrôle de son vin, alors qu'il était tenu, en sa qualité de professionnel du vin, de s'assurer de la conformité de son produit à la réglementation en vigueur.

La déclaration de culpabilité de M. D sera donc confirmée.

III. Sur les appellations d'origine inexacte :

L'article L. 115-16 du Code de la consommation sanctionne quiconque aura mis en vente des appellations d'origine qu'il savait inexacte.

En l'espèce, la contre-expertise a confirmé les résultats du premier laboratoire. L'élément matériel de l'infraction est donc constitué, les deux échantillons Côtes du Jura 1993 et Côtes du Jura 1995 présentant en effet des titres alcoométriques respectivement de 9,68 %, 9,70 % pour la première analyse et 8,07 - 8,11 % inférieurs à la limite légale de 10 %, et l'échantillon Côtes du Jura blanc Chardonnay 1993 présentant un titre de 13,85 (13,91 %) pour la première analyse) supérieur à la limite légale de 13,50 %.

Quant à l'élément intentionnel, compte tenu de l'importance de l'écart existant entre le titre alcoométrique figurant sur l'étiquette et le titre alcoométrique réel (8,07 % au lieu de 12,5 % ; 9,68 % au lieu de 13 % et 13,85 au lieu de 12,5 %).

M. D ne peut soutenir qu'il ne savait pas qu'il ne pouvait dans ces conditions mettre en vente son vin sous appellation d'origine. M. D est un professionnel et en cette qualité se devait de s'assurer que son vin était bien conforme à la réglementation.

La culpabilité de M. D sera donc confirmée de ce chef.

Dès lors les premiers juges ayant fait une exacte appréciation des faits de la cause, la décision sera confirmée.

Sur l'action civile :

Au regard des pièces versées au débat, le préjudice de l'INAO sera fixé à 5 000 F au titre des dommages-intérêts outre 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais tant de première instance que d'appel, et le préjudice de M. Eric Lazzarotto, à 5 760 F au titre du préjudice matériel, 2 000 F au titre du préjudice moral outre 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de l'INAO et de M. Eric Lazzarotto et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de M. Christian D ; Déclare les appels recevables ; Rejette la demande de renvoi ; Sur l'action publique : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Constate que Christian D est redevable d'un droit fixe de procédure de 800 F auquel est assujetti le présent arrêt ; Sur l'action civile : Evoquant, Condamne M. Christian D à verser à l'INAO la somme de deux mille francs (2 000 F) à titre de dommages et intérêts outre celle de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale tant pour la première instance que celle d'appel ; Le condamne à verser à M. Eric Lazzarotto la somme de cinq mille sept cent soixante francs (5 760 F) au titre du préjudice matériel, celle de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale tant pour la première instance que celle d'appel ; Condamne Christian D aux dépens de l'instance civile.