Cass. crim., 4 mars 2003, n° 02-80.652
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Gailly
Avocat général :
M. Davenas
Avocats :
SCP Bachelier, Potier de la Varde, SCP Parmentier, Didier.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par D Christian, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 6 décembre 2001, qui, pour infractions au Code de la consommation, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-2 et 121-3, alinéa 1, du Code pénal, L. 213-1 et L. 214-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian D coupable de tromperie;
"aux motifs qu'aux termes de l'article L. 213-1 du Code de la consommation, la tromperie est caractérisée lorsqu'elle porte sur les qualités substantielles d'une marchandise ; qu'au cas particulier, s'agissant du vin, les qualités substantielles résultent de la non-conformité de ce produit à la réglementation qui en fixe la composition ; qu'or, en l'espèce, tant le laboratoire interrégional de Strasbourg que celui de Montpellier ont mis en évidence la non-conformité du produit vendu par Christian D au regard de l'acidité volatile et du titre alcoolémique ; que ces non-conformités sont révélatrices de la négligence de Christian D dans le contrôle de son vin, alors qu'il était tenu, en sa qualité de professionnel du vin, de s'assurer de la conformité de son produit à la réglementation en vigueur;
"1°) alors qu'en cas de poursuite du chef de tromperie pour mise sur le marché d'un produit non conforme à la réglementation qui en fixe la composition, le juge pénal ne peut entrer en voie de condamnation sans constater quel texte réglementaire aurait été méconnu; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer Christian D coupable de tromperie, que deux laboratoires avaient mis en évidence la non-conformité de son vin à la réglementation en vigueur sans indiquer quel texte aurait été méconnu, la cour d'appel, qui n'a ainsi pas caractérisé l'élément matériel du délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, n'a pas donné une base légale à sa décision;
"2°) alors que le délit de tromperie est une in fraction intentionnelle; qu'en se bornant, pour déclarer Christian D coupable de ce délit, à relever qu'il avait fait preuve de négligence dans le contrôle du vin, sans constater qu'il avait méconnu la réglementation applicable en connaissance de cause, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision";
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-2 du Code pénal, L. 115-6 et L. 115-16 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian D coupable d'apposition d'une fausse appellation d'origine;
"aux motifs que l'élément matériel est constitué, les deux échantillons Côtes du Jura 1993 et Côtes du Jura 1995 présentant en effet des titres alcoométriques inférieurs à la limite légale de 10 % et l'échantillon Côtes du Jura Blanc Chardonnay 1993 présentant un titre supérieur à la limite légale de 13,50 % ; quant à l'élément intentionnel, il est établi, compte tenu de l'importance de l'écart existant entre le titre alcoométrique figurant sur l'étiquette et le titre alcoométrique réel; que Christian D ne peut soutenir qu'il ne savait pas dans ces conditions mettre en vente son vin sous appellation d'origine; que Christian D est un professionnel et en cette qualité se devait de s'assurer que son vin était bien conforme à la réglementation;
"alors que les appellations d'origine contrôlées étant définies par décrets, la juridiction correctionnelle ne saurait déclarer coupable du délit d'apposition d'une fausse appellation d'origine le prévenu poursuivi de ce chef sans déterminer le texte réglementaire fixant les conditions d'attribution de l'appellation d'origine en cause; qu'en se bornant, pour déclarer Christian D coupable d'apposition d'une fausse appellation d'origine, à relever qu'il avait fait figurer l'appellation "Côte du Jura" sur des étiquettes de bouteilles de vin dont le titre alcoométrique serait trop inférieur ou trop supérieur à celui exigé par la réglementation pour bénéficier de cette appellation sans déterminer quel texte réglemente celle-ci, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément matériel du délit dont elle a déclaré le prévenu coupable et, partant, n'a pas donné une base légale à sa décision";
Les moyens étant réunis : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un contrôle effectué, en juillet 1997, par la direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, sur des vins d'appellation d'origine contrôlée Côtes du Jura vendus par Christian D, négociant, ce dernier est poursuivi pour tromperie et infraction à la législation sur les appellations d'origine;
Attendu que, pour le déclarer coupable de ces infractions, les juges relèvent que les vins analysés présentent une acidité volatile supérieure à la limite réglementaire, un titre alcoométrique indiqué sur l'étiquette non conforme à la valeur réelle et se situant, pour certains échantillons, en deçà de 10 % ou au delà de 13,5 %, limites fixées pour les vins blancs AOC Côtes du Jura;
Attendu qu'ils ajoutent que l'importance des écarts constatés est révélatrice de la négligence de Christian D, qui, en sa qualité de professionnel, était tenu de s'assurer de la conformité de son produit à la réglementation en vigueur;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le prévenu, qui n'a pas soulevé avant toute défense au fond, une exception de nullité de citation, ne saurait faire grief à l'arrêt qui énonce les textes de loi dont il est fait application de ne pas avoir mentionné les textes réglementaires auxquels ils renvoient et sur lesquels il s'est expliqué, la cour d'appel a justifié sa décision; d'où il suit que les moyens doivent être écartés;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 591, 749 et 750 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé en toutes ses disposftions le jugement entrepris qui avait prononcé la contrainte par corps à l'encontre de Christian D pour garantir le paiement du droit fixe de procédure de 600 francs dont il le déclarait redevable;
"alors que l'assujettissement au droit fixe de procédure dont le montant est déterminé par l'article 1018 A du Code général des impôts ne peut donner lieu au prononcé de la contrainte par corps prévue par l'article 749 du Code de procédure pénale";
Attendu que le droit fixe de procédure prévu par l'article 1018 du Code général des impôts n'est dû que lorsque la décision qui le prononce met fin à la procédure ; qu'ainsi, la confirmation du jugement, n'a pu s'étendre à ses dispositions relatives à ce droit et à la contrainte par corps; que, dès lors, le moyen n'est pas fondé;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 800-1 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Christian D aux dépens de l'action civile;
"alors que les frais de justice correctionnelle sont à la charge de l'Etat et sans recours envers les condamnés";
Attendu que la cour d'appel, après avoir déclaré Christian D coupable des infractions poursuivies, l'a condamné aux dépens de l'action civile;
Attendu que cette condamnation est dépourvue de conséquence, l'Etat ayant pris en charge les frais de justice criminelle; d'où il suit que le moyen est inopérant;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme : Rejette le pourvoi.