CA Douai, 1re ch., 17 septembre 2001, n° 2001-02562
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
A l'Usine (SA)
Défendeur :
Union Régionale de PME-PMI Nord-Pas-de-Calais Commerce, Industrie et Prestations de Services
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Roussel
Conseillers :
Mmes Lévy, Hirigoyen
Avoués :
SCP Marc'Hadour- Pouille-Groulez, Me Normand
Avocats :
Mes Minet, Malle
Par jugement rendu le 8 mars 2001 auquel il est fait référence pour l'exposé des données de base du litige, le Tribunal de grande instance de Lille a :
- débouté la société A l'Usine de l'ensemble de ses exceptions de procédure ;
- constaté que la société A l'Usine a organisé et organise, dans son local "l'Entrepôt", des opérations commerciales qui constituent des ventes au déballage non autorisées ;
- fait interdiction à la société A l'Usine d'organiser ces ventes dans le local "l'Entrepôt" sauf autorisation préalable de l'autorité administrative compétente, et ce à compter de la signification du jugement ; dit qu'en cas de non respect de cette interdiction, une astreinte de 50 000 F courra contre la société A l'Usine par jour d'ouverture en infraction avec le jugement (le contentieux de l'astreinte relevant de la compétence du juge de l'exécution saisi par la partie la plus diligente) ;
- dit le jugement exécutoire par provision ;
- condamné la société A l'Usine à payer à l'URPME la somme de 12 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- condamné la société A l'Usine aux dépens.
La SA Lancement de Magasins d'Usine à l'enseigne "A l'Usine" a relevé appel de cette décision et a été autorisée à assigner l'Union Régionale des PME-PMI Nord-Pas-de-Calais Industrie de Prestation de Services à jour fixe.
Il est fait référence pour l'exposé des moyens et prétentions des parties devant la cour à leurs dernières conclusions signifiées le :
- 7 mai 2001 pour la société Lancement de Magasins d'Usine à l'enseigne A l'Usine
- 21 mai 2001 pour l'Association URPME Nord-Pas-de-Calais, Commerce, Industrie et Prestation de Services.
RAPPEL DES FAITS
En 1982, la société A l'Usine a racheté un ensemble immobilier anciennement à usage industriel, incluant deux bâtiments principaux et plusieurs petits bâtiments, dont un à usage d'entrepôt, objet du présent litige. Elle a, après avoir fait démolir certains bâtiments, obtenu le 4 juillet 1983 l'approbation de la Commission Départementale d'Urbanisme Commercial, pour créer et exploiter une galerie marchande dans des bâtiments principaux s'étendant sur 9 759 m². Elle a ainsi consenti des baux de droit commun portant sur des cellules dépendant de ces bâtiments principaux.
Le bâtiment dit "l'Entrepôt" d'une surface au sol de 1 055 m² n'a été exploité qu'à compter de 1987, la société A l'Usine consentant à différents preneurs des baux à courte durée en vue d'opérations de vente ponctuelles et variées, qualifiées de "fête de la rentrée", "fête de la maison", "grande braderie", "vente sous l'entrepôt".
L'URPME PMI estime que les ventes organisées par la société A l'Usine dans le local dit "l'Entrepôt" sont qualifiables de ventes au déballage et donc soumises à autorisation préfectorale préalable.
La société A l'Usine fait valoir que l'intention du législateur est de soumettre à autorisation préalable les ventes faites sur des emplacements non ordinairement affectés au commerce, que l'Entrepôt est utilisé pour le négoce depuis 1987, que la loi du 27 décembre 1973 n'exigeait pas que soient soumis à autorisation de la Commission Départementale d'Urbanisme Commercial (CDUC) les projets de création de surface commerciales correspondant à la surface de l'Entrepôt, qu'aucune autorisation n'a donc été sollicitée en 1983, lors de l'ouverture de "l'Usine" alors que l'Entrepôt était doté dès l'origine des équipements nécessaires au commerce et que ne constituent pas des ventes au déballage les ventes au public de marchandises diverses compatibles avec l'équipement de l'ancien entrepôt, qui sont organisées par des négociants disposant de baux à courte durée.
Sur ce,
En vertu de l'article 27 de la loi du 5 juillet 1996 sont considérées comme vente au déballage les ventes de marchandises effectuées dans des locaux ou sur des emplacements non destinés à la vente au public de ces marchandises.
Il ressort de ce texte que le caractère commercial des locaux où sont effectuées les ventes ne s'avère pas le critère exclusif de la vente au déballage dont une caractéristique essentielle réside dans la nature des marchandises vendues.
En effet, l'emploi par le législateur de l'adjectif démonstratif "ces" implique que pour échapper à la réglementation sur les ventes au déballage, les ventes doivent porter sur des objets identiques à ceux habituellement exposés et vendus par le commerçant.
La déspécialisation temporaire implique donc autorisation préalable.
La circulaire du 16 janvier 1997 qui a précisé le texte de loi et qui est invoquée par les parties conforte l'existence de ce double critère et relève ainsi que les ventes au déballage "se caractérisent par le lieu où elle sont réalisées et les marchandises qui y sont vendues".
En ce qui concerne les lieux de vente, la circulaire mentionne que "doivent être considérées comme locaux ou emplacements non destinés à la vente au public de marchandises, l'ensemble des espaces, publics ou privés, qui ne sont pas exploités, en vertu d'un titre d'occupation, pour l'exercice d'une activité commerciale, artisanale, le cas échéant après autorisation d'équipement commercial".
En ce qui concerne "les marchandises qui y sont vendues", la circulaire ajoute que "constituent des ventes au déballage, les ventes de marchandises d'une nature distincte de celle à laquelle sont destinés les locaux ou emplacements utilisés. Il en est ainsi des halls d'hôtels lorsqu'ils abritent par exemple une vente de tapis ou de cellules non affectés d'un centre commercial lorsqu'une vente temporaire y est organisée".
Il est constant en l'espèce que l'Entrepôt n'abrite ni un locataire fixe, ni le siège social d'une entreprise ou d'un commerçant et que les ventes variées qui y sont effectuées par des occupants disposant de baux de courte durée ne concernent pas des objets identiques à ceux habituellement exposés et vendus, puisque précisément aucune fixité relativement à la nature des produits vendus n'existe.
Il s'avère, dans ces conditions, que les ventes effectuées dans le local "l'Entrepôt" constituent bien des ventes au déballage au regard de la nature des marchandises vendues, qui ne correspondent pas à des produits destinés à la vente au public des marchandises relevant de la loi du 5 juillet 1996, à défaut d'activité fixe principale à laquelle pourraient se rattacher les ventes promotionnelles effectuées.
De plus, et à titre surabondant, le second critère, tiré du lieu de vente, fait également défaut en l'espèce, comme l'ont relevé les premiers juges.
Il ressort, en effet, de l'examen de l'ensemble des éléments de la cause que le local "l'Entrepôt" ne fait l'objet d'aucune autorisation de la CDUC, en l'état des pièces régulièrement communiquées, alors que ce local fait partie d'un ensemble, incluant la surface du centre commercial "l'Usine" ayant fait l'objet d'une autorisation de la CDUC en 1983, et que l'article 29 de la loi du 27 décembre 1973 dans sa rédaction d'origine, applicable en l'espèce, soumettait à autorisation toute extension de magasin ou augmentation des surfaces de vente des établissements commerciaux ayant déjà atteint les surfaces prévues pour être soumis à autorisation.
Il ressort des photographies, plans et pièces produites que l'ensemble des constructions acquises en 1982 par l'appelante forme un ensemble commercial, qu'il n'existe ainsi qu'une seule entrée desservant l'ensemble des 13 000 m² de surfaces commerciales et qu'un seul parking, commun à l'ensemble de ces surfaces, et que l'exploitation de "l'Entrepôt" à compter de 1987 nécessitait donc une autorisation qui n'a pas été sollicitée.
Dans ces conditions, les ventes pratiquées actuellement le sont dans un local non commercial à défaut d'être pourvu des autorisations nécessaires.
La lettre du 5 février 2001 signée par un inspecteur de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) évaluant à 13620 m² la surface de vente licite, incluant l'Entrepôt, ne constitue qu'un avis de ce fonctionnaire, non opposable à la juridiction civile et, différent d'ailleurs de celui émis par son supérieur hiérarchique, le directeur régional-directeur du nord de la DGCCRF le 11 juillet 2000 qui estimait que la surface de vente effectivement exploitée par "l'Usine" n'était pas conforme à la surface autorisée par la CDUC et par le Préfet, selon décision, en date du 4 juillet 1983.
Le fait que des ventes s'effectuent dans le local en cause depuis de nombreuses années s'avère sans incidence sur la qualification effective qu'il convient de donner à ces opérations commerciales et il ressort de l'ensemble des considérations susvisées que les ventes pratiquées dans "l'Entrepôt" correspondent aux critères légaux des ventes au déballage nécessitant autorisation préfectorale.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, notamment en ce qu'il a fait interdiction à la société A l'Usine d'organiser les ventes litigieuses et condamné la société A l'Usine à payer 12 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à l'URPME.
Il échet par ailleurs de fixer une nouvelle astreinte de 50 000 F par jour d'ouverture en contravention avec le présent arrêt.
L'URPME PMI doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts à défaut pour elle de justifier d'un préjudice spécifique.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'URPME PMI la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais relatifs à la procédure d'appel.
Les dépens doivent être supportés par l'appelante qui succombe dans ses prétentions principales.
Par ces motifs : Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Interdit en conséquence les ventes sous l'Entrepôt à compter du présent arrêt, sauf accord préfectoral préalable ; Fixe à l'encontre de la société A l'Usine une astreinte de 50 000 F par jour d'ouverture en contravention avec la présente décision, à compter de la signification du présent arrêt ; Condamne la SA Lancement des Magasins d'Usine à l'Enseigne à l'Usine" à payer à l'URPME PMI Nord-Pas-de-Calais Commerce, Industrie et Prestation de Services la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la procédure d'appel ; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ; Condamne la SA Lancement des Magasins d'Usine aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile par Maître Normand, avoué à la cour.