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Décisions

CCE, 8 septembre 1999, n° 2000-513

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aides accordées par la France à l'entreprise Stardust Marine

CCE n° 2000-513

8 septembre 1999

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir donné aux parties intéressées, conformément aux articles susmentionnés, la possibilité de présenter leurs observations, considérant ce qui suit:

I PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 88, PARAGRAPHE 2, DU TRAITÉ

(1) L'entreprise de location et d'exploitation de bateaux de plaisance Stardust Marine (ci-après dénommée "Stardust") est une ancienne filiale du Crédit Lyonnais transférée en 1995 au Consortium de réalisations (CDR), la structure de cantonnement des actifs non performants du Crédit Lyonnais. La Commission a appris, en juin 1997, par une plainte d'un concurrent que l'entreprise avait été recapitalisée par le CDR, puis vendue à la société FG Marine dans des conditions de procédure contestées par le plaignant, qui avait également soumis une offre d'achat à meilleur prix. À la suite d'échanges de courriers avec les autorités et d'une réunion entre services de la Commission et du Trésor le 10 octobre 1997, la Commission a, par lettre du 8 décembre 1997, informé les autorités françaises de l'ouverture de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité. Les autorités françaises ont adressé, le 9 février 1998, leur réponse ainsi qu'un dossier comprenant des éléments demandés par la Commission dans la lettre d'ouverture de procédure. À la suite de la publication de la communication de la Commission au Journal officiel des Communautés européennes (1), celle-ci a reçu un courrier du 7 mai 1998 de JMT et associés, société de l'ancien dirigeant de la société Stardust. Le plaignant dans cette affaire lui a, par la suite, remis un dossier complémentaire le 8 décembre 1998. La Commission a transmis ces informations aux autorités françaises, qui lui ont fait part de leurs commentaires par courriers du 14 octobre 1998 et du 17 février 1999. À la suite de deux réunions entre les services de la Commission, du Trésor et du CDR, les 5 et 28 mai 1999, les autorités françaises ont adressé à la Commission deux courriers complémentaires en date du 1er et du 8 juin 1999.

(2) Dans la lettre d'ouverture de la présente procédure, la Commission a considéré que les opérations suivantes étaient susceptibles d'inclure des éléments d'aides:

- deux injections en capital au sein de Stardust par la holding du Crédit Lyonnais qui détenait Stardust, Altus Finance, en 1994 et 1995, pour un montant total de 153,6 millions de francs français (FRF),

- deux injections en capital en faveur du même bénéficiaire par le CDR, pour un montant total de 348,5 millions de FRF, en 1996 et 1997,

- les conditions de privatisation de l'entreprise, susceptibles de s'être traduites par une aide au repreneur FG Marine.

(3) La Commission a, en outre, souligné lors de l'ouverture de la présente procédure que d'autres opérations, telles que l'octroi de prêts ou des avances en compte courant accordées à l'entreprise par le Crédit Lyonnais jusqu'en 1995, étaient également susceptibles d'inclure des éléments d'aides et seraient, le cas échéant, examinées dans le cadre de la présente procédure.

II LES MESURES DE SOUTIEN À STARDUST ET LA PRIVATISATION DE L'ENTREPRISE

(4) La société Stardust est spécialisée dans l'exploitation de bateaux, notamment de bateaux de plaisance, de bases nautiques, ainsi que dans les activités de courtage et d'agence commerciale de voiliers neufs ou d'occasion. L'activité principale de Stardust est la vente de croisières sur "bare boats" (bateaux sans équipage) dont elle a la gestion, détenus par des copropriétaires dits "quiritaires", détenteurs de "quirats" sur les bateaux, c'est-à-dire de parts de copropriété. Créée en 1989 en vue de l'exploitation et de la gestion de grands yachts de croisière, elle a bénéficié des possibilités ouvertes par la loi "Pons" de 1986 autorisant la défiscalisation d'investissements effectués dans les territoires et départements d'outre-mer français dans lesquels est domiciliée une grande partie de sa flotte de bateaux.

(5) L'engagement du Crédit Lyonnais a initialement pris la forme de prêts et cautions accordés par la banque SBT-Batif (filiale du Crédit Lyonnais). Contrôlée depuis 1994 par le Crédit Lyonnais par l'intermédiaire de sa filiale Altus Finance, Stardust fait partie des actifs du Crédit Lyonnais transférés au CDR dans le cadre du plan de défaisance de 1995, en raison de leur faible qualité et des pertes prévisibles qu'ils pouvaient provoquer. Il convient de noter qu'en tant que filiale du CDR Stardust faisait encore, après 1995 et jusqu'à sa privatisation, partie du groupe Crédit Lyonnais, puisque le CDR est resté jusqu'à la fin de 1998 une filiale à 100 % du Crédit Lyonnais, non consolidée parce que le Crédit Lyonnais a été déchargé de ses pertes qui étaient imputées à l'État. Le management du Crédit Lyonnais a toutefois cessé d'avoir le moindre rôle direct dans la gestion de Stardust après son transfert au CDR, en raison de la séparation totale de gestion voulue entre le CDR et le Crédit Lyonnais, conformément à la décision 95-547-CE de la Commission du 26 juillet 1995 portant approbation conditionnée de l'aide accordée par la France au Crédit Lyonnais (2).

(6) Stardust employait en 1996 environ 160 personnes et disposait d'actifs nets totaux inscrits au bilan de l'ordre de 360 millions de FRF (3). Son chiffre d'affaires était de 178 millions de FRF en 1995/1996 (exercice 1995/1996 clos au 30 juin 1996), dégageant une perte considérable de 147 millions de FRF, dont 72 millions dus à des éléments exceptionnels. Cette perte, supérieure au chiffre d'affaires, qui succédait à une perte très importante lors de l'exercice antérieur (362 millions de FRF), a provoqué une situation critique, à tel point que les capitaux propres de la société sont devenus négatifs (soit - 350 millions de FRF au 30 juin 1996) ainsi que la situation nette, de laquelle devaient encore être déduits des engagements hors bilan très importants vis-à-vis des propriétaires des bateaux en gestion. Une entreprise privée dans une telle situation aurait dû être mise en liquidation ou, s'il existait à l'époque des perspectives crédibles de retour à sa viabilité, être recapitalisée si cette opération était effectivement en mesure de procurer une rémunération suffisante pour ses actionnaires.

(7) Selon les informations soumises par les autorités françaises préalablement à l'ouverture de la présente procédure, le CDR a, depuis l'approbation par la Commission du plan d'aides au Crédit Lyonnais par la décision 95-547-CE, procédé à des augmentations de capital de Stardust en deux étapes. La première opération a été faite à l'issue d'une assemblée générale extraordinaire tenue le 26 juin 1996. Une première augmentation de capital de 259,5 millions de FRF avait alors été décidée, qui a été effectuée en deux paiements, respectivement en juin 1996 (les deux tiers) et en mars 1997 (le tiers restant). Une seconde augmentation de capital a été réalisée à l'issue d'une assemblée générale extraordinaire du 5 juin 1997, pour un montant de 89 millions de FRF. Le CDR a été le seul souscripteur de ces deux augmentations de capital, pour un montant qui s'élève ainsi à un total de 348,5 millions de FRF. Il convient de noter qu'aucune de ces deux opérations n'a été notifiée à la Commission, qui n'a pas non plus été informée à l'époque de la tenue et des résultats de ces deux assemblées générales extraordinaires.

(8) Ces deux opérations venaient selon les autorités en complément de deux augmentations de capital que, préalablement à l'apport de Stardust au CDR et antérieurement à la décision 95-547-CE, Altus Finance avait souscrites, par compensation de créances, respectivement en octobre 1994 et en avril 1995, pour un montant total de 156,3 millions de FRF. Ces deux opérations n'avaient pas non plus fait à l'époque l'objet d'une notification à la Commission. En outre, il apparaît, selon les informations soumises à la Commission par les autorités françaises, que d'autres mesures de soutien financier à Stardust ont pu inclure des éléments d'aides, telles que des prêts des sociétés du groupe Crédit Lyonnais et une avance non rémunérée en compte courant d'actionnaire de juin 1995.

(9) À la suite de la dernière opération de recapitalisation en juin 1997, le CDR a vendu sa participation dans la Société Stardust, soit 99,99 % du capital, à l'entreprise FG Marine, pour un montant de 2 millions de FRF. Cette cession s'est effectuée sans appel d'offres ouvert. Selon les autorités françaises, la procédure suivie a consisté à nouer une vingtaine de contacts avec des repreneurs potentiels. Sur ces vingt contacts, sept ont jugé utile d'avoir accès au dossier. Trois d'entre eux ont manifesté une intention d'achat d'actifs isolés. Trois autres sociétés, enfin, ont fait une offre réelle et documentée d'acquisition du capital de la société Stardust. Selon les autorités françaises, la vente s'est faite au mieux-disant, FG Marine, dont l'offre était supérieure d'environ 40 millions de FRF à la meilleure offre suivante sollicitée par la banque-conseil.

(10) La Commission a considéré, lors de l'ouverture de la présente procédure, que la cession de Stardust n'avait pas suivi les principes garantissant que la procédure avait été ouverte, transparente et non discriminatoire, tels que les a définis la Commission dans son XXIIIe Rapport sur la politique de la concurrence (4), et permettant d'écarter toute suspicion d'aide. Il convenait également d'examiner pour quelles raisons les autorités avaient rejeté l'offre non sollicitée de rachat de 15 millions de FRF présentée par le plaignant, malgré son caractère bien plus élevé que l'offre de FG Marine retenue. La Commission a, pour cette raison, inclus l'examen des conditions de privatisation de Stardust dans le champ de la présente procédure.

III RÉPONSE DES AUTORITÉS

(11) Dans leur courrier de réponse du 8 février 1999, les autorités françaises ont considéré que les opérations de Stardust par Altus Finance, avant le transfert de la participation à CDR, avaient été réalisées dans des conditions normales d'investisseur et que, étant couvertes par la décision 95-547-CE relative au Crédit Lyonnais, elles ne comportaient par conséquent aucun élément d'aides. Elles ont considéré que les opérations de recapitalisations par le CDR après le cantonnement de Stardust étaient conformes à la décision 95-547-CE.

(12) Elles ont, par ailleurs, souligné que les recapitalisations de Stardust par le CDR, qui ont consisté en des conversions de créance en capital, ne s'étaient pas traduites par les apports de fonds supplémentaires et que le CDR avait réalisé cette opération dans une logique identique à celle d'un investisseur privé. Le CDR avait, selon les autorités françaises, cherché à minimiser le coût de ce dossier pour les finances publiques.

(13) Ainsi qu'elles l'avaient déjà considéré préalablement à l'ouverture de la présente procédure, les autorités françaises ont justifié les recapitalisations faites par le CDR en soulignant que les coûts de liquidation de Stardust eussent été très supérieurs. À l'appui de cet argument, elles ont présenté le décompte suivant des coûts de liquidation à la charge du CDR:

- pertes de créances de 228 millions de FRF du CDR sur l'entreprise,

- pertes de créances de 180 millions de FRF du CDR sur les investisseurs en quirats et de créances de 60 millions de FRF sur les copropriétés des navires gérés par Stardust,

- pertes de cautions de 172,2 millions de FRF résultant des contrats avec les quiritaires dont les obligations ont été transférées au CDR.

(14) Elles ont également considéré que la liquidation aurait, en fait sinon en droit, privé pratiquement le CDR de ses perspectives de recouvrement dans une quinzaine de procédures judiciaires en cours, directement ou indirectement, contre l'ancien dirigeant et coactionnaire de Stardust, M. Tissier. À l'appui de cette considération, elles ont souligné qu'il était nécessaire de préserver la mémoire de l'entreprise pour poursuivre favorablement ses litiges judiciaires en cours.

(15) Les autorités françaises ont considéré que les recapitalisations de Stardust voyaient leur pertinence économique justifiée par le début de redressement de l'entreprise. À titre subsidiaire, quand bien même la Commission considérerait que ces injections en capital sont des aides, elles ont indiqué qu'elles rempliraient les conditions de compatibilité avec le marché commun prévues par les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (5). Elles ont notamment considéré que les mesures prises étaient liées à un plan de restructuration de l'entreprise permettant d'établir la viabilité à long terme de l'entreprise, que l'opération n'avait pas entraîné de distorsions de concurrence contraires à l'intérêt commun et que l'aide le cas échéant constatée avait été proportionnée aux coûts et avantages de la restructuration.

(16) Elles ont, par ailleurs, précisé de nouveau les conditions selon lesquelles Stardust avait été vendue à l'entreprise FG Marine et ont conclu que cette cession avait permis une mise en concurrence normale, à laquelle tout opérateur important de ce secteur d'activité était en mesure de participer. Elles ont rappelé les pratiques de démarchage direct par le CDR de candidats potentiels dont elles avaient préalablement fait état et qu'a présentées la Commission dans la communication d'ouverture de la présente procédure, ayant donné lieu à vingt contacts noués par la banque-conseil du CDR, dont une dizaine avec des entreprises étrangères ou des filiales françaises de groupes à capitaux étrangers. Les autorités françaises ont soutenu que les critères de vente avaient correspondu à une pratique normale de marché et que le prix de cession n'était pas le seul critère quand intervenaient des éléments hors bilan comme des cautions ou des risques judiciaires. Les autorités françaises ont considéré qu'il existait un lien constitutif sinon d'une collusion, du moins d'une alliance objective d'intérêts, entre le concurrent de Stardust ayant déposé une plainte auprès de la Commission et l'ancien dirigeant de l'entreprise, M. Tissier. Elles ont considéré que ces intérêts n'étaient pas ceux de Stardust, mais visaient au contraire à l'éliminer du marché.

(17) Les autorités françaises ont apporté des précisions sur le calendrier de vente de l'entreprise: la date limite pour déposer des offres communiquée par la banque-conseil du CDR avait été fixée au 19 février 1997; un protocole de cession (sous condition suspensive de l'autorisation ministérielle) avec le repreneur avait été signé le 6 mars 1997; une demande d'autorisation avait été adressée par le CDR au ministère de l'Economie et des Finances le 12 mars. Le plaignant n'avait adressé une lettre de prise de contact en vue d'une offre que le 2 avril. Le 4 avril, le conseil du plaignant adressait au ministère de l'Economie et des Finances une lettre indiquant qu'il était mandaté pour examiner les actions à entreprendre face aux pratiques commerciales de Stardust, preuve selon les autorités de l'hostilité des objectifs du plaignant. Le ministère de l'économie et des finances avait donné son autorisation le 14 avril et l'offre chiffrée du plaignant n'avait été adressée au CDR que le 16 avril 1997, liée à des conditions à présent contestées par le plaignant (recapitalisations de l'entreprise).

(18) Les autorités françaises, ont, en outre, contesté que les termes d'une lettre du 14 juillet 1993 du directeur général de la concurrence de la Commission puissent être constitutifs d'obligations nouvelles et ont, par conséquent, considéré que la référence à cette lettre dans la communication d'ouverture de la présente procédure (6) n'était pas pertinente pour examiner des opérations de privatisation. Elles ont considéré comme contraire à l'article 295 du traité la présomption d'illicéité que fait peser la Commission sur des opérations par ailleurs conformes à la pratique normale des affaires.

(19) Les autorités françaises ont conclu que les diverses opérations visées par la présente procédure n'avaient donné lieu à aucune aide d'État et que, pour cette raison, elles n'avaient pas, contrairement à ce qu'avait conclu la Commission dans sa communication d'ouverture de la présente procédure, été assujetties à l'obligation de notification prévue à l'article 88, paragraphe 3, du traité.

IV COMMENTAIRES DES PARTIES INTÉRESSÉES

(20) La Commission a reçu dans le cadre de la présente procédure les commentaires de la société JMT et associés, constituée par l'ancien dirigeant de l'entreprise, M. Tissier, écarté de la direction de Stardust par le CDR en 1995 et partie dans plusieurs contentieux judiciaires avec le CDR et avec Stardust. Ce dernier a, en particulier, contesté les conditions qu'il jugeait discriminatoires de la procédure de privatisation de Stardust et a adressé à la Commission plusieurs documents étayant une telle assertion [voir point V iii)].

(21) La Commission a également reçu le 8 décembre 1998 des observations complémentaires du plaignant qu'elle a transmises aux autorités françaises et auxquelles celles-ci ont répondu par un courrier de février 1999. Ces observations apportent également des indications complémentaires concernant les conditions de privatisation de l'entreprise, reprises ci-après.

V ÉVALUATION DU CARACTÈRE D'AIDE DES MESURES VISÉES

i) Financement de l'entreprise par le groupe Crédit Lyonnais préalablement à son cantonnement au sein du CDR

(22) Il convient, en premier lieu, de noter que les aides le cas échéant incluses dans les financements accordés antérieurement à 1995 à Stardust par le groupe Crédit Lyonnais, par l'intermédiaire de sa holding de participations Altus, ne sont pas autorisées par les décisions de la Commission 95-547-CE du 26 juillet 1995 et 98-490-CE du 20 mai 1998 concernant les aides accordées par la France au groupe Crédit Lyonnais: le bénéficiaire en est Stardust et non pas la banque. Le fait que, le cas échéant, de telles aides aient, par la suite, généré des pertes pour le Crédit Lyonnais, qui ont été couvertes par l'État dans le cadre du plan de sauvetage et de restructuration de la banque, ne leur retire pas le caractère d'aides à l'entreprise Stardust, le Crédit Lyonnais étant non pas l'entité qui a bénéficié de l'aide à Stardust, mais celle par l'intermédiaire de laquelle cette aide a été accordée (7). La Commission ne peut être réputée avoir approuvé une aide dont elle n'avait pas connaissance: les procédures sur le Crédit Lyonnais ayant abouti aux décisions de juillet 1995 et de mai 1998 portaient sur les aides à la banque et les distorsions de concurrence subséquentes constatées dans le secteur bancaire. Par ailleurs, les mesures en question s'analysent dans le contexte où elles ont été accordées, et non pas ex-post: si le Crédit Lyonnais n'avait pas connu les difficultés ayant motivé deux décisions de la Commission, les mesures de soutien qu'il a accordées auparavant à des entreprises comme Stardust n'en perdraient pas pour autant leur caractère d'aides.

(23) Les distorsions le cas échéant provoquées par de telles aides, qui doivent être examinées en conséquence, sont des distorsions au niveau de Stardust et produisent leurs effets dans le secteur de la plaisance nautique. Il convient donc de bien dissocier les aides à Stardust antérieures à 1995 des aides approuvées en faveur du Crédit Lyonnais. Pour ces raisons, la Commission avait inclus dans l'ouverture de la présente procédure l'examen des recapitalisations antérieures à 1995 par Altus Finance (la holding de participations du Crédit Lyonnais), en rappelant que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les aides doivent être examinées selon leurs effets.

(24) La Commission ne peut donc retenir l'argument des autorités selon lequel les mesures en question antérieures à 1995 étaient couvertes par la décision 95-547-CE relative au Crédit Lyonnais.

(25) Pour apprécier si les mesures de financement dont a bénéficié Stardust comprennent des éléments d'aides, la Commission se place non pas dans la situation présente, où le résultat - très négatif - de ces financements est connu, mais dans le contexte où ces financements ont été accordés par le Crédit Lyonnais, antérieurement à 1995. Depuis l'origine du partenariat entre la filiale du Crédit Lyonnais SBT (devenue CDR-créances après son transfert au cantonnement) et Stardust, la banque a été le banquier exclusif de la société. Ce partenariat a pris des formes variées, sous forme de prêts directs et indirects, notamment sous forme de financements accordés par la SBT aux investisseurs désireux d'acquérir des quirats sur les navires gérés par Altus, ou sous forme de cautionnements de financements de ces investissements. Une telle pratique a eu un caractère très risqué en faisant peser sur la SBT l'ensemble des risques bancaires et un large parti des risques hors bilan de l'entreprise. Elle a exposé SBT non seulement sur Stardust, mais sur les quiritaires des bateaux en gestion. Une telle prise de risques présentait un conflit d'intérêts dans l'hypothèse d'une rupture des contrats de gestion liés à une situation de liquidation: en cas de litige entre les actionnaires, les créanciers et les quirataires, la SBT, créancière de l'entreprise et garante des quiritaires, aurait été doublement perdante. Cette situation l'a conduite à mener une politique de fuite en avant et de soutien permanent pour éviter une situation de ce type dans l'hypothèse d'une faillite de l'entreprise. Cela est confirmé par le fait que, selon les autorités françaises elles-mêmes, une telle position de financier exclusif, dont s'est trouvé hériter le CDR, impliquait selon la loi française un appel en comblement de passif du Crédit Lyonnais et de son successeur le CDR en cas de liquidation de l'entreprise.

(26) Un tel comportement ne relève pas d'une pratique prudentielle normale de la part d'un banquier. Cela aurait dû conduire le Crédit Lyonnais à limiter son exposition sur l'entreprise et, dès que les premiers signaux d'alerte sont apparus, à provisionner les risques et à chercher à réduire, voire à clôturer, sa position. L'analyse de son comportement montre que c'est le contraire qui s'est produit et que les difficultés de Stardust ont conduit le Crédit Lyonnais à augmenter son exposition sur Stardust, en raison notamment de la situation de conflit d'intérêts dans laquelle il s'était mis. La constance et le caractère permanent de ce soutien permettent de conclure qu'il ne relève pas d'une erreur isolée de gestion de la banque, mais d'une pratique suivie et délibérée d'accompagnement de la croissance de l'entreprise, ayant favorisé Stardust par rapport aux conditions de financement qu'il aurait pu trouver auprès des banques privées sur le marché. Jusqu'à la fin de 1994, ce soutien constant a été manifesté par la confiance maintenue par la banque à l'entreprise et à son management.

(27) Il convient de conclure que les mesures permanentes, avant même la recapitalisation de 1994, de soutien à l'entreprise par le groupe Crédit Lyonnais n'avaient pas le caractère de concours financiers qu'aurait consentis une banque privée en économie de marché. La Commission, pour déterminer le caractère d'aide d'une opération de financement sur fonds publics telle que celle-ci, applique le principe de l'investisseur privé en économie de marché (8) et conclut qu'il s'agit d'une aide d'État si ce principe n'est pas satisfait, c'est-à-dire si un investisseur privé, dans des conditions identiques, n'aurait pas octroyé de tels financements à l'entreprise. Ces mesures de soutien, au-delà de la prudence normale requise d'un banquier, avaient un caractère d'aides puisque les ressources publiques mobilisées dans le cadre de ce soutien, par le canal du Crédit Lyonnais, étaient des ressources d'État au sens visé par l'article 87 du traité. (

28)

<EMPLACEMENT TABLEAU>

(29) Les autorités françaises ont, par ailleurs, transmis à la Commission un extrait du registre des "grands risques" du groupe Altus Finance afférent au cas Stardust. Selon cet extrait, l'exposition d'Altus Finance sur l'entreprise était même supérieure au montant indiqué ci-dessus au tableau 1, puisqu'elle atteignait 775 millions de FRF au 31 décembre 1994, en raison, outre les créances et engagements repris au tableau 1, des risques hors bilan importants afférents à ce client. On ne connaît pas le total du bilan au 31 décembre 1994, l'exercice ayant été clos au 30 juin 1995. À cette date, le total du bilan était de 359 millions de FRF, contre 334 millions au 31 décembre 1993. Il apparaît donc, en tout état de cause, que le niveau de risques pris par le Crédit Lyonnais sur cette entreprise était au moins le double du total de son bilan.

(30) Selon les informations soumises par les autorités françaises, la totalité des créances de CDR constatées au 30 juin 1995, pour un montant de 348 millions de FRF (soit quasiment le chiffre de 352 millions de FRF au 31 décembre 1995 voir tableau 1), avait une origine antérieure au transfert de Stardust à la défaisance. La première opération d'injection en capital par le Crédit Lyonnais par l'intermédiaire de la holding Altus a été réalisée au mois d'octobre 1994 et a consisté à incorporer au capital de l'entreprise 37 millions de FRF de créances que le Crédit Lyonnais détenait sur elle par l'intermédiaire de la SBT. Cette augmentation de capital intervenait après un exercice déficitaire en 1993. En raison de la gravité de la situation, les comptes n'ont pas été clos au 31 décembre 1994 et l'exercice a été prolongé de six mois jusqu'à ce qu'une perte de plus de 300 millions de FRF, dont 200 millions de résultat exceptionnel, soit constatée.

(31) Les autorités françaises ont indiqué que cette augmentation de capital avait été accordée à Stardust dans le cadre de plans de l'ancienne direction de l'entreprise avec la société Swedish American Lines (SAL): sur la base des plans d'affaires préparés par un cabinet de conseil, ASA, lors de la reprise de Jet Sea et d'ATM, (plan qui a été communiqué à la Commission), les perspectives de rentabilité de l'entreprise étaient bonnes. Toutefois, selon les autorités françaises, la situation de l'entreprise "s'est aggravée en 1994, année au cours de laquelle M. Tissier a poursuivi les opérations de diversification hasardeuses". De plus, ainsi qu'indiqué par les autorités françaises, "l'ancienne direction [c'est-à-dire préalablement à la mise en place d'une nouvelle direction par le CDR en 1995] n'avait pas mis en place une stratégie commerciale et une rationalisation des structures propices à assurer la rentabilité de l'exploitation des navires". Les autorités françaises ont, en outre, indiqué qu'au moment de la prise de contrôle par Altus de l'entreprise à la fin de 1994 un audit en cours faisait déjà apparaître un besoin de provisionnement d'environ 203 millions de FRF, qui a, par la suite, été imputé sur les comptes de l'exercice clos au 30 juin 1995 et a aggravé les pertes de l'entreprise. Elles ont conclu, dans le courrier adressé à la Commission le 17 février 1999, que c'était bien la gestion passée de Stardust qui avait occasionné les pertes de l'entreprise et rendu nécessaires les recapitalisations.

(32) Il apparaît donc que, de l'avis des autorités françaises, la société était mal gérée avant 1995, nonobstant le caractère optimiste des prévisions faites à l'époque. La Commission note, en outre, qu'en 1994 la société Stardust était déjà dans un état critique (voir tableau 2), ainsi que l'audit réalisé à la fin de 1994 l'a montré, que ces opérations de concours bancaires supplémentaires et d'injections en capital n'avaient, étant donné la situation critique de l'entreprise, aucune perspective de rémunération qui puisse satisfaire un investisseur privé et qu'elles étaient même selon toute probabilité en grande partie réalisées à fonds perdus. Il n'y a donc pas lieu de considérer, sur cette base, que la prise de risques supplémentaires sur l'entreprise, sous forme d'une augmentation des prêts (de plus de 100 millions de FRF - voir tableau 1) et d'une injection en capital en 1994, correspondait au comportement normal qu'aurait eu un investisseur privé.

(33) Lors de réunions tenues à Bruxelles les 15 et 28 mai 1999 et dans un courrier du 1er juin 1999, les autorités françaises ont de nouveau contesté toute qualification d'aide pour une telle opération, qui selon elles, était parfaitement défendable dans le contexte de l'époque, au regard du critère de l'investisseur privé en économie de marché, sur la base du plan d'entreprise ambitieux de Stardust et des bonnes perspectives du marché de la plaisance nautique. La Commission ne peut toutefois retenir cet argument: elle a, lors de ces réunions, souligné qu'à sa connaissance aucun banquier privé ni aucune société de capital risque agissant de façon avisée n'aurait pris des risques sur une même entreprise supérieurs à deux fois la totalité de son bilan, fût-ce dans le cas d'une entreprise rentable et bien gérée. Les autorités françaises, invitées par la Commission à produire des exemples de prise de risques comparables par un investisseur avisé, permettant d'étayer leur argument, n'ont pas été en mesure de le faire.

(34) Les autorités françaises ont notamment souligné, dans leur courrier du 1er juin 1999, que l'issue désastreuse sur le plan financier des engagements financiers pris par le groupe Crédit Lyonnais était due à des tromperies:

- sur le rachat de la société Jet Sea en 1993, dont le nombre de bateaux s'était avéré être de trente et non de cent soixante-dix, donnant lieu à une action devant la cour d'appel de Floride,

- sur un accord avec la société américano-suédoise SAL, qui s'était avérée ne plus être une filiale de la société d'hôtels Carlson Radison ainsi que stipulé dans l'accord de partenariat avec Stardust, de sorte que cet accord n'avait jamais pu être exécuté,

- [...] (9).

Sur cette base, les autorités françaises concluent que la banque a été gravement trompée, y compris par l'établissement de faux bilans, et que Stardust n'a pas été le bénéficiaire réel des concours accordés.

(35) Sans contester la possibilité de telles tromperies, la Commission n'est pas en mesure de se prononcer sur la matérialité des préjudices subis par Stardust, qu'il revient, le cas échéant, aux tribunaux nationaux d'établir. Dans une telle éventualité toutefois, ces tromperies ne modifient pas l'avis de la Commission sur le caractère d'aides des opérations sous revue: si les tromperies en question ont pu accroître les pertes du Crédit Lyonnais et, par la suite, celles du CDR sur Stardust, elles ne remettent pas en cause le caractère non avisé des financements mis en place par le Crédit Lyonnais au bénéfice de l'entreprise: dès lors que le Crédit Lyonnais prenait, sous forme de prêts et de garanties, des risques supérieurs au double du bilan de Stardust, il s'exposait en effet non seulement en cas de difficultés économiques normales de l'entreprise, dues par exemple à un retournement du marché, mais aussi en cas d'événements exceptionnels, tels que ce genre de tromperies.

(36) Le fait que l'intervention de l'État ait, le cas échéant, permis de couvrir les pertes liées à de telles tromperies ne retire rien non plus au caractère d'aides de ces interventions: dans la vie normale des affaires, les entreprises doivent faire elles-mêmes face aux conséquences financières de tels événements sur leurs propres ressources et ne bénéficient que du recours devant les tribunaux pour être indemnisées face aux conséquences de telles tromperies. Toute intervention publique à fonds perdus permettant d'effacer de telles conséquences est une mesure d'aide qui allège les charges, fussent-elles exceptionnelles pour les raisons évoquées ci-dessus, qui pèsent normalement sur les résultats d'une entreprise.

(37) Les ressources du Crédit Lyonnais, entreprise publique, mobilisées pour cette opération par l'intermédiaire de ses filiales SBT et Altus sont des ressources d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. La Commission n'a normalement pas de raisons de considérer que, dès lors qu'un financement a été accordé par le Crédit Lyonnais, il s'agirait d'une aide. La majorité des interventions de la banque, avant et après 1995, et nonobstant les graves difficultés qu'elle a connues, ne sont pas réputées être des aides et répondent en principe à une logique commerciale de marché, en vue de la réalisation d'une marge contribuant au résultat de la banque, fût-ce s'il s'est avéré que ces investissements ont par la suite généré des pertes. Ce n'est que lorsqu'il peut être établi, comme dans le cas présent, sur la base de faits précis, que son intervention, resituée dans son contexte, n'a pas répondu aux critères d'un investisseur privé en économie de marché que la Commission qualifie d'aides d'État de telles interventions.

(38) Dans le présent cas d'espèce, outre les aides accordées sous forme d'une conversion de créances en capital, il convient donc, compte tenu des éléments précédents, de considérer comme des mesures contenant des éléments d'aides les financements sous forme de cautionnements (de l'entreprise et de ses clients) et de prêts ayant conduit le Crédit Lyonnais à une exposition financière sur Stardust très supérieure à la totalité de son bilan. L'injection en capital d'octobre 1994, pour un montant de 44,3 millions de FRF, ne représente ainsi qu'une part minime des aides incluses dans les financements du Crédit Lyonnais à l'entreprise, dont le solde différé a été transféré à la charge du CDR (c'est-à-dire de l'État, puisque les pertes du CDR sont imputées à l'État par le mécanisme du prêt participatif de l'établissement public de restructuration et de financement), après le cantonnement de Stardust au CDR en 1995. Vu l'état financier de l'entreprise à la fin de 1994, les risques financiers pris par le groupe Crédit Lyonnais et les pertes prévisibles dont il a été fait état à la suite de l'audit de la fin de 1994, justifiant plus de 200 millions de FRF de provisions nouvelles, il était prévisible, dès la fin de 1994, que la charge différée de ces aides se chiffrerait en centaines de millions de francs français.

ii) Aides à Stardust accordées par le Crédit Lyonnais, mais différées à la charge du CDR, constatées pendant le cantonnement de Stardust de 1995 à 1997

(39) Ainsi que l'a souligné la Commission dans sa décision 98-490-CE relative aux aides accordées au Crédit Lyonnais, "les ressources du CDR sont des ressources d'État au sens de l'article 92 du traité(10), non seulement parce que le CDR est la filiale à 100 % d'une entreprise publique, mais aussi parce qu'il est financé par un prêt participatif garanti par l'État et que ses pertes sont à la charge de l'État. La Commission note que ces opérations ne bénéficient d'aucune dérogation les exemptant des obligations découlant des articles 92 et 93 du traité, et en particulier que les autorités françaises et le CDR ne sauraient être exemptés de ces obligations en vertu de la décision 95-547-CE ni de la présente décision. Il convient, en particulier, de noter que les opérations du CDR à l'égard de ses filiales ne sont réputées inclure aucun élément d'aide que si elles se conforment au principe dit de 'l'investisseur privé en économie de marché' et que toute injection de fonds (ou abandon de créances) est conforme à ce principe. La Commission considère, dans sa communication aux États membres (11) relative aux principes à appliquer pour déterminer si une intervention publique est à considérer comme une aide, que des injections en capital au sein d'entreprises publiques contiennent des éléments d'aides d'État si, dans des circonstances analogues, un investisseur privé n'aurait pas, compte tenu de la rémunération attendue de l'apport de fonds, procédé à l'injection de capital en question. Dans un courrier du 16 octobre 1997 adressé au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, le commissaire Karel Van Miert a rappelé que les opérations du CDR comportant une recapitalisation de ses actifs, une vente à prix négatif ou un effacement de dettes étaient susceptibles d'inclure des aides et devraient être notifiés à la Commission. De même, les cessions des actifs du CDR ne respectant pas des procédures d'appels d'offres ouverts et transparents doivent également être notifiées à la Commission. Seules les opérations indiscutablement en deçà du seuil de minimis d'aide de 100000 écus sont exemptées de cette obligation (12)."

(40) Les mesures de recapitalisation décidées par le CDR en faveur de Stardust doivent, pour les raisons rappelées ci-dessus, être examinées en tant que telles et ne sauraient être réputées approuvées dans le cadre du plan de sauvetage et de restructuration de la banque, qui a pour seul objet les aides accordées au Crédit Lyonnais en tant que tel.

(41) Dans la communication relative à l'ouverture de la présente procédure, la Commission, sur la base des informations dont elle disposait, avait indiqué que l'injection de capital de 112 millions de FRF du début de 1995 avait été souscrite par la holding Altus. Toutefois, dans la réponse qu'elles ont adressée à la Commission le 8 avril 1998 dans le cadre de la procédure, les autorités indiquent que ce n'est pas Altus, mais le CDR qui a souscrit cette seconde augmentation de capital. Cette deuxième recapitalisation est intervenue en avril 1995, à la suite du transfert de l'entreprise au CDR et de la révocation par le conseil d'administration de l'ancien dirigeant de l'entreprise. La recapitalisation de 112 millions de FRF a été souscrite intégralement par le CDR, les fonds étant entièrement affectés au remboursement des encours bancaires de la SBT Batif (groupe Crédit Lyonnais) sur Stardust. Selon les autorités cette deuxième recapitalisation a été effectuée dans le cadre d'un plan de réduction des frais généraux et de recentrage de l'entreprise sur ses métiers de base, la commercialisation et la gestion de bateau, accompagnée de la mise en place d'outils de gestion performants. Ce plan prévoyait, selon les autorités françaises, un retour à une exploitation bénéficiaire dans un délai de deux ans. Elles n'ont toutefois soumis à la Commission qu'un plan ultérieur, datant de février 1996, soit postérieur de près d'un an à cette recapitalisation.

(42) En outre, le CDR a bloqué en compte courant non rémunéré en juillet 1995 des dettes de l'entreprise vis-à-vis du CDR à hauteur de 127,5 millions de FRF. Cette transformation d'une créance en compte courant, permettant un allégement de charges financières d'exploitation de l'entreprise déchargée de la sorte des frais financiers afférents à cette créance, était, dans le contexte où elle a été accordée, et vu la situation financière critique de l'entreprise, une mesure contenant des éléments d'aides supplémentaires à concurrence des produits financiers auxquels le CDR renonçait de la sorte. Elle présente, en l'absence d'un plan de restructuration, toutes les caractéristiques d'une aide au fonctionnement. Eu égard à sa conversion en capital l'année suivante (voir ci-après), l'élément d'aide retenu par la Commission concernant cette avance temporaire a trait à l'allégement de charges financières afférent à cette avance pendant sa durée.

(43) La troisième recapitalisation de l'entreprise a été accordée à l'issue de l'assemblée générale du 25 juin 1996 en vue de la clôture de l'exercice de l'entreprise s'achevant le 30 juin 1996. Cette clôture des comptes de l'exercice 1995-1996 a constaté des pertes considérables de l'ordre de 147 millions de FRF (succédant à des pertes ayant atteint un niveau record de 360 millions de FRF en 1994/1995), soit plus des trois quarts du chiffre d'affaires d'environ 178 millions de FRF de l'exercice 1995/1996 (voir tableau 2). Le CDR a souscrit 250,5 millions de FRF, dont les deux tiers, soit 167,8 millions libérés immédiatement, par incorporation de la ligne en compte courant de 127,5 millions de FRF mise en place en juillet 1995 et à hauteur de 40,3 millions de FRF par conversion de la dette bancaire de l'entreprise auprès de la SBT Batif, qui avait également été transférée au CDR lors du cantonnement de Stardust. Selon les autorités, cette troisième recapitalisation s'appuie sur un nouveau plan d'entreprise établi par la direction de l'entreprise en février 1996 qu'elles ont présenté à la Commission [voir point VII ii)].

(44) La quatrième opération de recapitalisation de l'entreprise a eu lieu préalablement à sa cession et a été approuvée le 5 juin 1997, date à laquelle l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires a également approuvé la vente de l'entreprise à FG Marine. Cette recapitalisation, d'un montant de 89,5 millions de FRF, s'est aussi faite sous forme d'une compensation des créances détenues par le CDR sur l'entreprise et n'a pas non plus requis d'investissements nouveaux de la part du CDR. Ainsi qu'indiqué par les autorités françaises à la Commission, cette injection a vu son montant motivé par la valeur négative de l'entreprise, confirmée par le prix de cession négatif proposé par le repreneur, avant recapitalisation.

(45) L'évaluation de la rationalité économique du comportement du CDR, et conformément au principe de l'investisseur privé qu'applique la Commission dans les opérations d'injections en capital au sein d'entreprises publiques, est difficile dans le présent cas d'espèce. Ainsi que le note le rapport de l'expert indépendant commis dans le cadre de la privatisation de l'entreprise, "l'activité de l'entreprise étant déficitaire depuis trois exercices, toutes les méthodes mettant en œuvre la mesure d'une rentabilité future par rapport à un capital investi ne peuvent au cas présent s'appliquer". L'expert indique que "les capitaux à investir ne permettant pas de dégager un équilibre d'exploitation avant deux exercices au mieux, il convient d'inclure le manque à gagner dans l'évaluation retenue pour deux années de pertes théoriques, soit 40 millions de FRF". L'expert, qui a remis son rapport le 11 mars 1997, soit trois mois avant la dernière recapitalisation, a notamment conclu que la situation nette négative de l'entreprise rendait nécessaire une recapitalisation de celle-ci. L'expert a conclu que l'entreprise avait une valeur négative de 182 millions de FRF au 31 décembre 1996.

(46) La Commission prend note des arguments présentés par les autorités françaises dans le cadre de la présente procédure et qui établissent que l'exposition du CDR sur cette opération dépassait considérablement son exposition d'actionnaire, et comprenait aussi au 31 décembre 1996:

- une exposition en tant que banquier de Stardust, sur des créances de 228 millions de FRF transférées par le Crédit Lyonnais au CDR en même temps que l'actionnariat dans Stardust,

- une exposition sur des créances aux investisseurs en quirats, pour un montant de 180 millions de FRF et au titre de prêts de 60 millions de FRF au titre de copropriétés de navires gérés par Stardust,

- une exposition au titre de caution de contrats de l'entreprise avec les quiritaires, pour un montant de 172,2 millions de FRF.

(47) De sorte que si l'on additionne l'ensemble des engagements directs et indirects du CDR sur Stardust présentés par les autorités françaises, on aboutit au montant très considérable de 1048 millions de FRF au 31 décembre 1996, dont 816 millions d'engagements directs (dont titres et prêts 552 millions de FRF, cautions 181 millions de FRF) et 232 millions de FRF d'engagements indirects sur des relations commerciales de l'entreprise. Cette surexposition, à comparer avec un bilan de 273 millions de FRF seulement au 30 juin 1996 donne la mesure du risque pris par le Crédit Lyonnais sur cette entreprise, avant son transfert au CDR, hors de toute considération prudentielle de limitation de risque animant normalement un banquier.

(48) Les autorités françaises ont justifié le maintien de l'exploitation de l'entreprise, malgré ses pertes, et qui a été préféré à une solution de liquidation, en raison de cette situation très particulière qui faisait du CDR à la fois l'actionnaire (à 99,9 %), l'unique banquier et le garant de bonne fin des contre-garanties données aux quiritaires des bateaux. En cas de liquidation, le CDR aurait non seulement été appelé en comblement de passif, mais aurait dû honorer toutes les garanties données par la banque aux quiritaires. Les autorités ont souligné que les engagements directs et indirects qui sont à la source des pertes subies par le CDR sur ce dossier existaient déjà au moment du cantonnement de l'entreprise dans la structure de défaisance du Crédit Lyonnais et ont insisté sur le fait que les recapitalisations de Stardust n'avaient entraîné aucune mise à disposition d'argent nouveau. Elles ont conclu que la gestion faite de ce dossier au CDR avait permis de limiter les pertes, comparées à un coût total de liquidation estimé à 915 millions de FRF, hors frais de licenciements, par l'expert désigné dans le cadre de la privatisation de Stardust.

(49) La Commission admet le bien-fondé de l'argument de la prise en compte des risques bancaires et hors bilan dans le calcul de la rationalité économique du choix de l'actionnaire CDR. Elle note également que l'expert commis dans le cadre de la privatisation de l'entreprise a souligné "que l'alternative d'un dépôt de bilan paraît difficilement concevable, compte tenu des obligations de bonne fin résultant des contrats avec les quiritaires", au nombre de plus d'un millier, à l'égard desquels les engagements pris par Stardust sont cautionnés par le CDR. De plus, le CDR avait des créances directes sur les quiritaires des navires, contractées par le groupe Crédit Lyonnais, mais gérées par Stardust, estimées à 180 millions de FRF dans le rapport de l'expert.

(50) La Commission reconnaît que, considérée isolément dans le temps, l'action de l'État, par l'intermédiaire du CDR, à partir du moment où l'entreprise a été cantonnée en 1995, ait pu en partie répondre à des objectifs de saine gestion, de minimisation des pertes et de préservation des intérêts patrimoniaux de l'État. Pour que la démonstration qu'ont souhaitée faire le CDR et les autorités françaises soit probante, il aurait fallu qu'il soit établi que l'État a cherché à maximiser le produit de la vente de l'entreprise et que la procédure de vente a été ouverte, transparente et non discriminatoire [voir point V iii)], de sorte que le montant de la dernière recapitalisation, contingent au prix de vente compte tenu de la valeur négative de l'entreprise avant recapitalisation qui résultait des offres de reprise, serait pleinement justifié et ne comprendrait indubitablement pas d'éléments d'aides au repreneur. Toutefois, même dans cette hypothèse non vérifiée, une bonne gestion du dossier par le CDR, en investisseur avisé, ne retirerait pas aux mesures en question le caractère d'aides à Stardust.

(51) En effet, pour apprécier cette opération, la Commission considère le continuum de l'action de l'État à l'égard de Stardust (résumé pour les cinq dernières années au tableau 1), que l'acte de cantonnement de l'entreprise au sein du CDR ne saurait rompre comme s'il ne s'était rien passé avant 1995. S'il suffisait, pour qu'une opération soit considérée comme n'incluant aucun élément d'aides, que l'État accorde (dans le présent cas d'espèce par l'intermédiaire du Crédit Lyonnais avant 1995) une aide - non notifiée et illégale - sous forme de prêts ou de cautionnements divers à haut risque, y compris sur des tiers (les quiritaires et investisseurs), à une entreprise non rentable, puis, à la suite du transfert de la propriété de cette entreprise, à une structure de cantonnement telle que le CDR ou à toute autre structure, que l'État consente à l'entreprise une renonciation de créances sous forme d'une conversion en capital, alors qu'il est établi que cette conversion en capital est faite à fonds perdus et ne pourra pas être rémunérée puisqu'elle est destinée à combler une situation nette négative, alors les États membres pourraient aisément accorder des aides et se soustraire aux conséquences de l'article 87 du traité et au contrôle de la Commission prévu par le traité.

(52) En l'espèce, sans le soutien permanent du Crédit Lyonnais, puis du CDR - il convient, au demeurant, de rappeler que le CDR est resté jusqu'à la fin de 1998 une filiale à 100 %, non consolidée du Crédit Lyonnais -, l'entreprise aurait fait faillite, aurait disparu du marché, et ses actifs et parts de marché auraient pu être repris par ses concurrents. Le rapport d'expert commis lors de la privatisation de l'entreprise et remis par les autorités à la Commission note sur ce point que "l'appui de son actionnaire principal a permis le maintien de la société malgré une situation financière difficile". Ce soutien a été sans défaut et permanent, avant et pendant le cantonnement de l'entreprise au CDR.

(53) La conversion de créances du CDR sur Stardust en capital, quand bien même elle serait pleinement justifiée à l'instant où l'opération intervient, est en réalité la matérialisation finale d'une aide accordée à l'issue d'un processus durable de soutien à l'entreprise engagé bien plus tôt, et ce sensiblement avant son cantonnement au sein du CDR. Il convient, sur ce point, de rappeler que, lors de l'ouverture de la présente procédure, la Commission avait souligné qu'il "apparaît selon les informations soumises à la Commission par les autorités que d'autres mesures de soutien financier à Stardust ont pu inclure des éléments d'aides, telles que des prêts des sociétés du groupe Crédit Lyonnais" et elle les avait, ce faisant, incluses dans le champ couvert par la présente procédure.

(54) Or, ainsi qu'il vient d'être démontré ci-dessus [au point V i)], les concours financiers accordés par le groupe Crédit Lyonnais à Stardust avant son cantonnement au CDR en 1995 n'ont pas répondu aux critères qu'aurait appliqués un investisseur privé en économie de marché et sont des aides. De tels concours du Crédit Lyonnais font partie des nombreuses opérations à haut risque ayant provoqué la crise gravissime qui a conduit l'État à monter l'opération de sauvetage et de restructuration du Crédit Lyonnais approuvée par la Commission dans ses décisions 95-547-CE du 26 juillet 1995, du 25 septembre 1996 et 98-490-CE du 20 mai 1998. Ainsi que l'a noté la Commission dans sa décision 98-490-CE, "il y a lieu de croire que si le Crédit Lyonnais n'avait pas en permanence eu le soutien total implicite ou explicite de l'État, il ne se serait pas lancé dans la politique hasardeuse qu'il a conduite". Le fait qu'une banque comme le Crédit Lyonnais, via ses filiales SBT Batif et Altus, ait consenti de tels concours financiers à Stardust n'est donc pas le signe que ces concours sous forme de prêts et de cautionnements divers correspondaient à un comportement bancaire normal en économie de marché. Au contraire, la Commission a, sur la base des éléments précédents, de bonnes raisons de considérer que ces concours de prêts et cautionnements n'étaient pas avisés, raison pour laquelle le groupe Crédit Lyonnais s'est trouvé être la seule banque exposée sur une entreprise mal gérée et comportant de tels risques, alors que les banques privées étaient restées en dehors de cette affaire.

(55) Il convient donc de conclure que les conversions de créances en capital consenties par le CDR à Stardust sont des aides, bien qu'elles ne se soient traduites, ainsi que l'ont souligné les autorités, ni par des déboursements nouveaux de fonds ni par une augmentation de l'exposition nominale du CDR sur l'entreprise en termes d'actifs. Elles représentent, en réalité, des paiements différés d'éléments d'aides inclus dans le soutien antérieur du Crédit Lyonnais à l'expansion de l'entreprise.

(56) En outre, selon les autorités, les éléments "aberrants" de l'exploitation de Stardust, issus des diversifications du passé, avaient été repris par le CDR, cette opération allégeant Stardust, avant sa privatisation, de ses actifs les moins rentables et les plus risqués. Il s'agit, en particulier, des deux bateaux "Class America" et du bateau "Friday Star", ainsi que des contentieux issus du passé avec les anciens propriétaires de l'entreprise Jet Sea et du contentieux contre l'ancien président et les sociétés qui lui sont liées. [...]

(57) Compte tenu de tous ces éléments, les autorités chiffrent le coût global de gestion du dossier à 557,9 millions de FRF, dont il convient de déduire simplement 2 millions de FRF perçus au titre de la privatisation de l'entreprise. Ce coût présenté par les autorités inclut les moins-values sur titres réalisées et les injections en capital ainsi que les risques inhérents aux actifs rachetés par le CDR à Stardust, estimés à 61,1 millions de FRF.

(58) La Commission conclut que les injections en capital à fonds perdus par le CDR, postérieures au cantonnement, sont le coût différé des aides accordées depuis plusieurs années à l'entreprise par l'État sous forme de soutien du Crédit Lyonnais.

iii) Éventualité d'aides au titre de la procédure de privatisation de l'entreprise

(59) Les autorités ont souligné le caractère suffisant des garanties procurées à la Commission par l'existence d'un contrôle des opérations en cause par la Commission de privatisation, le Trésor et le comité consultatif de contrôle du CDR. Tel n'est cependant manifestement pas la conclusion qui s'imposerait au vu de l'avis de l'Inspection des finances, dans un rapport cité par un article du Monde en novembre 1997 et que les autorités ont refusé de communiquer à la Commission. Ce rapport conclut, selon les extraits cités par le quotidien Le Monde et que n'ont pas démentis les autorités, que "l'examen des procédures de cession conduit à relever plusieurs anomalies qui auraient dû être évitées par le CDR et qui jettent un doute quant à l'égalité de traitement des concurrents".

(60) Quelle que soit la qualité du cadre réglementaire de contrôle de ces opérations de privatisation en France et du cadre de contrôle propre au CDR, sur lesquels la Commission ne porte pas de jugement d'ensemble dans la présente décision, cette opération-ci, comme toute autre, doit être examinée en tant que telle et jugée sur pièces afin de vérifier si la procédure de privatisation a été ouverte, transparente et non discriminatoire et qu'elle n'a donné lieu à aucune aide supplémentaire en faveur de l'entreprise ou de son repreneur. Pour examiner les conditions dans lesquelles Stardust a été privatisée, la Commission a ainsi suivi une approche factuelle, strictement limitée au cas en question.

(61) Ainsi qu'il est rappelé dans la communication d'ouverture de la présente procédure, en vue de déterminer si une opération de privatisation est susceptible d'inclure des éléments d'aides, la Commission applique des critères généraux qui ont été définis au fil des ans sur la base de l'examen de cas individuels et entérinés dans son XXIIIe rapport sur la politique de concurrence de 1993 (13). Elle avait également expressément rappelé aux autorités françaises ces critères dans un courrier précédemment cité du directeur général de la concurrence du 14 juillet 1993. Selon les termes de ce courrier, la vente de certaines entreprises publiques peut comporter des éléments d'aides d'État, qui doivent faire l'objet d'une notification préalable conformément à l'article 88 du traité.

(62) Les critères présentés dans cette lettre sont les suivants:

a) la présence d'aide est exclue et il ne doit pas y avoir notification si les conditions suivantes sont reprises:

- la vente est effectuée par voie d'appel d'offres inconditionnel, selon des modalités et à des conditions non discriminatoires et transparentes,

- l'entreprise est cédée au plus offrant et

- les parties intéressées disposent d'un délai suffisant pour préparer leur offre et reçoivent toutes les informations nécessaires pour être en mesure de réaliser une évaluation concrète;

b) en revanche, les cessions suivantes doivent être notifiées au préalable conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité, car elles sont susceptibles de contenir des éléments d'aides d'État:

- toute cession réalisée par voie de procédure restreinte ou par vente de gré à gré,

- toute cession précédée d'une procédure d'annulation de dettes par l'État, les entreprises publiques ou tout organisme public,

- toute cession précédée d'une conversion de la dette en capital ou d'une augmentation de capital,

- toute cession réalisée à des conditions qui ne seraient pas acceptables pour une transaction réalisée entre des investisseurs opérant en économie de marché.

(63) En l'espèce, la Commission note que, dans la présente opération de cession:

- il n'y a pas eu de procédure ouverte, transparente et inconditionnelle d'appel d'offres et d'examen des candidatures, ce qui aurait inter alia présupposé la publication d'un avis de vente de l'entreprise assorti d'un calendrier identique pour toutes les parties intéressées,

- l'entreprise n'a pas été cédée au plus offrant, le plaignant ayant déposé une offre de prix de 15 millions de FRF supérieure de 13 millions de FRF à celle de FG Marine qui a été retenue,

- le CDR a procédé selon une méthode de gré à gré par démarchage direct par sa banque-conseil, sans appel d'offres public,

- la cession a été précédée d'une opération de conversion de dette en capital.

(64) Ces éléments ne sont pas ex ante constitutifs d'une preuve, mais d'une présomption d'aides, et impliquaient pour cette raison une notification, comme indiqué dans la lettre précitée.Les termes contestés par les autorités de la lettre du directeur général de la concurrence du 14 juillet 1993 ne créent en effet pas d'obligations nouvelles pour les autorités mais requièrent simplement, ainsi que le prévoient les règles générales en matière d'aides d'État, dès lors qu'il existe un doute sur le caractère d'aide d'une opération, que celle-ci doit être notifiée à la Commission. Les autorités françaises, qui connaissaient la position de la Commission depuis cette lettre du directeur général de la concurrence, ne pouvaient ignorer qu'il existait des doutes sur la présence d'aides dans cette opération et devaient donc la notifier à la Commission. Tel n'a pas été le cas de cette opération de privatisation malgré l'accumulation de tels doutes. La Commission note que les critères exposés ci-dessus qu'elle applique ne constituent pas une discrimination au détriment des entreprises publiques contraire à l'article 295 du traité, ainsi que le considèrent les autorités françaises, mais visent, au contraire, à éviter une discrimination en faveur des entreprises publiques vendues ou en faveur des repreneurs de ces entreprises, qui lorsque ces entreprises sont privatisées, sont des entreprises privées.

(65) Afin d'établir si la présomption d'aides en faveur du repreneur, soulignée dans la communication d'ouverture de la présente procédure, est confirmée par les faits, la Commission note les éléments suivants.

(66) Premièrement, la motivation du refus d'examen par le CDR de l'offre du plaignant - sa présentation hors délais - ne peut être retenue: le délai du 19 février communiqué par la banque-conseil du CDR aux candidats sollicités ne pouvait tout au plus que lier ceux-ci. Dès lors qu'au moins un autre candidat que ceux qui ont été sollicités s'est manifesté, il apparaît démontré que la procédure restreinte et non publique de gré à gré suivie n'était manifestement pas adéquate, que la présélection des candidats sollicités ne couvrait pas le champ exhaustif des candidats potentiels à un tel rachat et que l'offre aurait dû être élargie et faire l'objet d'une information publique précisant les délais de clôture de l'appel d'offres, afin que toutes les parties intéressées, sollicitées ou non sollicitées, disposent de possibilités d'information et de conditions de délais identiques. Il convient, en outre, de noter que si, ainsi que l'ont considéré les autorités françaises, la notoriété de cette cession était éventuellement réelle dans le milieu de la plaisance nautique en France, en revanche, l'on peut émettre des doutes sur la réalité de cette notoriété dans l'ensemble des autres pays de la Communauté ainsi qu'en dehors du milieu de la plaisance nautique.

(67) Ainsi que la Commission l'a souligné dans la communication d'ouverture de la présente procédure, dans de telles opérations de privatisation, il n'appartient pas au vendeur public ou à ses mandataires d'établir a priori l'étendue du marché des repreneurs potentiels et de le délimiter en éliminant de la sorte certains candidats potentiels. En l'espèce, le fait que l'offre retenue par le CDR émane en réalité d'un groupe financier ayant constitué une société ad hoc, FG Marine, pour reprendre Stardust, démontre que la prospection du marché des repreneurs potentiels devait être élargie très en dehors du secteur de la plaisance nautique et qu'en circonscrivant à sept investisseurs financiers la prospection en dehors du secteur de la plaisance nautique, le CDR et sa banque-conseil ont d'emblée éliminé d'autres candidats potentiels.

(68) Deuxièmement, certains des actionnaires du repreneur faisaient partie du management de Stardust, notamment l'ancien responsable du dossier Stardust au sein de la holding Altus, devenu en 1995 le président de l'entreprise sous la houlette de son nouvel actionnaire, le CDR. Le management de l'entreprise a manifestement conclu un accord avec un investisseur (le groupe Christian Paillot) pour la reprise de Stardust. À cette fin, une nouvelle entreprise idoine, FG Marine, a été constituée, associant à l'actionnariat majoritaire du groupe Christian Paillot des intérêts minoritaires comme ceux du management de Stardust. L'entreprise a donc été rachetée par une offre présentée à la fois par le groupe financier majoritaire au sein du repreneur et le management de Stardust en tant qu'actionnaire minoritaire de la nouvelle entité FG Marine.

(69) La Commission note que le CDR n'a pas considéré que cette situation était constitutive d'un conflit d'intérêts de nature à altérer l'indépendance du choix du repreneur. Au contraire, dans une note interne du 14 mai 1997 communiquée à la Commission par l'ancien dirigeant de l'entreprise dans le cadre de la présente procédure, le CDR a non seulement indiqué que la participation du management au capital du repreneur envisagé était connue depuis décembre 1996, mais encore qu'il l'avait jugée parfaitement normale. Il convient toutefois de s'interroger sur les possibilités qu'a pu avoir le repreneur de bénéficier de la connaissance précise de l'entreprise qu'avait le management de Stardust, avec lequel il s'était associé, pour présenter une offre de prix, de sorte que l'on peut présumer qu'il n'a objectivement pas été traité sur un pied d'égalité avec les autres candidats.

(70) Dans une réunion tenue avec les autorités françaises et le CDR, ce dernier a considéré que la prise de participation du management de l'entreprise vendue au sein du repreneur était une pratique courante dans de telles situations. À l'appui de cette assertion, les autorités ont transmis à la Commission, le 1er juin 1999, des courriers de repreneurs potentiels ayant soumis des offres de rachat et indiquant leur intention d'associer le management de l'entreprise au capital de la société de reprise. La Commission note toutefois que FG Marine était, sur la base des informations soumises par les autorités, le seul candidat à la reprise de Stardust dont faisait déjà partie le management de l'entreprise lors du dépôt des offres. Les autres offres n'avaient sur ce point, à ce stade, qu'un caractère de projet d'association du management au capital du repreneur.

(71) Il apparaît qu'une telle situation de conflit d'intérêts aurait dû être écartée par le CDR. Dans des opérations de ce type, la participation du management au capital de l'entreprise vendue est envisageable et même normale, puisqu'il s'agit d'une manière éprouvée de maintenir la présence, la motivation et la cohésion de l'équipe dirigeante dont le départ pourrait représenter un élément important de perte de valeur, en particulier dans le cas d'une petite ou moyenne entreprise. Par contre, toute prise de participation du management au capital de l'entreprise repreneuse devrait normalement, dans la période précédant la privatisation, être écartée en raison des inégalités qu'elle est de nature à introduire entre les candidats (ce qui n'exclut pas, par la suite, une telle prise de participation). Certaines sociétés n'ayant pas porté plainte dans cette affaire ont néanmoins indiqué leur irritation envers le CDR, en particulier à l'égard des conditions précipitées de la procédure et du caractère partiel des informations dont ils ont eu connaissance compte tenu de ces conditions contestables.

(72) Troisièmement, l'expert indépendant désigné dans le cadre de la privatisation ne s'est prononcé que sur la proposition de FG Marine. Il indique "nous n'avons procédé à aucune analyse des autres propositions". Il n'a donc pas, en particulier, examiné les autres éléments des autres propositions déterminants du point de vue même du CDR et des autorités, tels que les risques hors bilan et garanties attachés à la transaction. Si d'autres éléments que le prix sont, comme le soutiennent les autorités, essentiels pour examiner une transaction et choisir un repreneur, argument qu'elles ont présenté à la Commission pour justifier le rejet de l'offre plus avantageuse en termes de prix soumise par le plaignant au CDR, alors la Commission ne voit pas pourquoi l'examen de l'expert indépendant commis sur cette opération a été limité à la seule offre du repreneur. La Commission note que l'expertise a été conclue le 11 mars avant l'offre présentée par le plaignant au CDR, mais que cela ne justifie pas que les trois autres offres reçues par le CDR préalablement à l'expertise n'aient pas fait l'objet d'un examen par l'expert.

(73) Quatrièmement, selon une note interne du CDR datée du 24 avril 1997 soumise par le plaignant à la Commission et transmise aux autorités, le fait que la société Stardust ait appuyé son développement sur les dispositions de défiscalisation de la loi Pons justifie une procédure privilégiant les concurrents français. Cette note conclut en effet sur ce point: "Dans ces conditions, il semble qu'une solution française doit être préférée à une solution étrangère." Cette raison est l'une de celles qu'invoque le CDR dans cette note pour considérer que les deux sociétés concurrentes Moorings et Sunsail n'ont délibérément pas été contactées. Cette note établit ainsi clairement que certaines des dispositions fondamentales du traité ont été enfreintes dans cette opération. Les autorités françaises ont contesté, dans un courrier du 1er juin 1999, une telle exclusion de la société Moorings de l'appel d'offres et ont présenté à la Commission un courrier du 8 décembre 1997 d'un dirigeant de Moorings établissant clairement que le rachat de Stardust avait été examiné, puis rejeté par Moorings, en raison de son manque d'intérêt pour la société. La Commission prend note de ce courrier, mais souligne que les autorités n'ont pas contesté l'authenticité de la note en question du CDR.

(74) Eu égard aux présomptions d'aide préalablement soulignées et compte tenu de ces éléments, la Commission conclut que la procédure suivie n'a pas respecté l'ouverture, la transparence et le caractère non discriminatoire requis. L'offre de FG Marine a, sur la base des éléments précédents, bénéficié de conditions discriminatoires.

(75) La Commission a, par ailleurs, noté l'argument du plaignant selon lequel la vente est frappée de nullité en droit. L'entreprise FG Marine, constituée de la sorte en vue de la reprise de Stardust, était en effet encore en cours de constitution au moment de la conclusion du protocole de cession le 6 mars 1997 et lors de l'accord donné par le ministère des finances le 14 avril, et il a fallu attendre qu'elle soit légalement enregistrée au registre du commerce et des sociétés - ce qui n'a été fait que le 26 mai 1997 - pour tenir en juin 1997 l'assemblée générale extraordinaire de Stardust entérinant la vente à FG Marine et la recapitalisation de 89 millions de FRF la précédant. L'extrait de l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés mentionne, en outre, que le début d'exploitation de FG Marine a commencé le 15 avril 1997. De sorte que la validité juridique du protocole de cession conclu le 6 mars avec une entreprise en cours de création, qui n'était pas encore légalement enregistrée, fait à présent l'objet d'une contestation par le plaignant.

(76) Les autorités françaises ont souligné, dans leur courrier du 1er juin 1999, qu'en droit français une société en formation peut agir valablement dès l'instant où les fonds représentant le capital initial ont été déposés en banque avec un projet de statuts et que tel était le cas à la date de signature du protocole de cession, le 6 mars 1997. Elles ont, de plus, adressé à la Commission une pièce à l'appui de cette assertion. La Commission ne peut à ce stade tirer de conclusion sur la base de cet argument du plaignant: elle n'a pas à se prononcer au titre du contrôle des aides tel que prévu par le traité sur la régularité de la cession, qui relève de la compétence des tribunaux français.

(77) La Commission n'est toutefois pas en mesure de confirmer si cette procédure, malgré son caractère discriminatoire et peu transparent, s'est in fine traduite par des aides. En effet, le fait que le plaignant ait soumis une offre de prix de 15 millions de FRF, soit 13 millions de FRF de plus que le repreneur, n'est pas un élément suffisant pour établir indubitablement l'existence d'une aide égale à la différence de prix entre ces deux offres.

(78) La Commission ne conteste pas que, ainsi que l'ont souligné les autorités françaises, d'autres éléments que le prix, tels que des garanties ou des risques hors bilan, puissent être pris en compte par des actionnaires privés dans une opération de cession d'une entreprise, de sorte que le fait que l'offre retenue n'ait pas été celle du mieux-disant sur le prix facial proposé n'est pas en soi une preuve irréfutable d'aide, la notion de mieux-disant pouvant être interprétée plus largement, compte tenu des différences de risques hors bilan entre les offres. Elle note, par ailleurs, que le rapport de l'expert indépendant commis dans le cadre de la privatisation de l'entreprise a conclu que sa valeur après une augmentation de capital de 90 millions de FRF serait encore négative pour un montant de - 29 millions de FRF, alors que le prix de vente a finalement été positif de 2 millions de FRF. Enfin, au vu des éléments présentés par les autorités françaises, l'effet de cette vente sur les risques hors bilan à la charge du vendeur, bien que difficilement chiffrable, était néanmoins potentiellement très supérieur à la différence de 13 millions de FRF entre les deux offres, notamment parce que le CDR continue au-delà de la vente d'être porteur de cautions sur les quiritaires.

(79) Selon les autorités, en effet, des risques juridiques différents, afférents aux nombreuses procédures juridiques opposant le CDR et Stardust à l'ancien dirigeant de l'entreprise, M. Tissier, existaient en cas de reprise par le plaignant, et certains éléments incitaient le CDR à penser que la reprise de Stardust par le plaignant impliquait une réévaluation de ces risques juridiques et de leurs conséquences financières pour le vendeur, le CDR, postérieurement à la vente. La Commission note que, dans le protocole de cession conclu le 6 mars 1997, il est stipulé, à l'article 5.3, que les bénéfices de l'ensemble des procédures qui opposent la société à son ancien dirigeant (et aux personnes physiques et sociétés offshore qui lui sont liées) appartiendront au cédant (le CDR), de sorte que ce dernier était fondé à prendre en considération les éléments hors bilan liés à ces risques et bénéfices afférents aux litiges judiciaires pour choisir l'offre globalement la plus avantageuse.

(80) La Commission a examiné les autres garanties du vendeur au repreneur accordées dans le cadre de l'opération de cession, notamment les garanties sur les comptes de l'entreprise, et considère que celles-ci ne dérogent pas aux conditions normales de cession d'une entreprise par un opérateur privé et visant à limiter les incertitudes pour le repreneur.

(81) La Commission ne se prononce pas sur la pertinence en tant que telle du rejet par le CDR de l'offre de rachat de Stardust par le plaignant. Toutefois, ce ne sont pas ces motifs afférents à des risques, éventuellement fondés, qui ont été opposés par le CDR au plaignant pour refuser son offre, mais un argument de forclusion de délais, non fondé étant donné que ceux-ci n'avaient pas été publiquement pré annoncés. La Commission ne peut non plus retenir l'argument des autorités selon lequel le plaignant aurait eu des visées hostiles visant à la disparition de Stardust: le fait qu'un acheteur reprenne une entreprise et ses actifs ne préjuge pas des formes juridiques futures selon lesquelles ces actifs seront exploités ou vendus, de sorte que l'exigence de maintien de l'exploitation de l'entreprise dans sa forme actuelle introduit une conditionnalité qui peut s'avérer discriminatoire.

(82) Le caractère discriminatoire de cette procédure de privatisation démontre que l'État n'a pas cherché à maximiser le prix de vente de l'entreprise. Étant donné les vices précédemment relevés de la procédure, la Commission n'est pas en mesure de conclure que le prix de vente de Stardust est un prix de marché ayant permis la meilleure valorisation de l'entreprise et n'incluant indubitablement aucun élément d'aides au repreneur. La Commission note, toutefois, que les candidats à la reprise d'une entreprise valorisent éventuellement eux-mêmes des éléments sujets à de fortes incertitudes, tels les risques hors bilan ou la valeur d'éléments immatériels tels que le fonds de commerce, et qu'ils incluent des éléments de valorisation qui leur sont propres, tels que par exemple les synergies commerciales avec leurs propres activités, qu'un calcul ex ante ne peut prendre en compte. Eu égard à l'incertitude sur le niveau du prix de marché auquel aurait abouti une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire, et en l'absence d'une telle procédure seule en mesure de le démontrer, la Commission n'est pas en mesure de conclure, malgré les vices de procédure relevés, que le repreneur a bénéficié d'une aide au titre du prix de cession.

iv) Conclusion sur le caractère et le montant d'aides des mesures sous examen

(83) Le soutien constant de l'État à Stardust, par l'intermédiaire du groupe Crédit Lyonnais, puis du CDR, comprend des aides afférentes aux conditions financières non conformes au comportement normal d'un investisseur privé en économie de marché, ayant été accordées par le Crédit Lyonnais et le CDR à l'entreprise tout au long de son développement, puis lors de la crise très grave qu'elle a traversée de 1993 à 1996. La non-conformité à un comportement normal d'investisseur en économie de marché de ces mesures de soutien financier avant le cantonnement apparaît, au regard du niveau extraordinairement élevé qu'a atteint l'exposition du Crédit Lyonnais, reprise par le CDR, sur l'entreprise, sous forme de créances et d'éléments hors bilan, dépassant 1 milliard de FRF compte tenu des financements accordés aux clients de Stardust, soit environ trois fois le montant des actifs de l'entreprise à la fin de 1996. Les aides accordées à Stardust ont finalement connu leur traduction finale dans les opérations de recapitalisation par le Crédit Lyonnais et le CDR.Ces aides se montent, en valeur non actualisée à la date de leur paiement, à:

- 44,3 millions de FRF au titre de la première recapitalisation de Stardust par Altus Finance en octobre 1994,

- un allégement de charges financières de juillet 1995 à juin 1996 afférent à l'avance en compte courant de 127,5 millions de FRF consentie par le CDR à Stardust. Cette avance en compte courant ayant, par la suite, été convertie en capital, il convient de considérer que la date d'octroi de la recapitalisation afférente doit être considérée comme celle de l'avance en compte courant, car, vu la situation de l'entreprise, il était déjà clair en juillet 1995 que le CDR ne serait pas en mesure de recouvrer cette avance,

- 451,8 millions (14) de FRF afférents aux trois recapitalisations de l'entreprise de 1995 à 1997 par le CDR depuis son cantonnement au sein de la défaisance jusqu'à sa privatisation.

(84) L'ensemble de ces aides est ainsi évalué à un montant total de 496,3 millions de FRF en valeur non actualisée (aux dates de versement). En valeur actualisée en octobre 1994, date à laquelle est intervenue la première recapitalisation examinée dans le cadre de la présente décision, et résultant des aides accordées auparavant (15) par le groupe Crédit Lyonnais, leur valeur est de 450,4 millions de FRF. Ces transactions ont permis de solder, à fonds perdus puisqu'en comparaison la privatisation de Stardust n'a rapporté que 2 millions de FRF, le coût pour l'État de ce soutien récurrent à l'entreprise et représentent donc le contenu en aides des opérations financières de soutien à Stardust.

VI DISTORSION DES ÉCHANGES ENTRE LES ÉTATS MEMBRES

(85) Ainsi que la Commission l'a noté dans la communication d'ouverture de la présente procédure, le marché de la location de bateaux de plaisance, principale activité de Stardust, est un marché sur lequel des sociétés de l'ensemble de la Communauté sont en concurrence et qui s'est internationalisé sous l'effet du développement des flux touristiques internationaux. Certaines sociétés sont présentes dans de nombreuses régions de la Communauté, principalement en Méditerranée et dans les Antilles françaises. Les locataires de bateaux sont une clientèle d'origine géographique variée. Selon le courrier des autorités françaises du 8 juin 1999, il apparaît que la clientèle de Stardust ne provient que pour 14 % de France et que 44 % provient du reste de l'Europe (le solde, soit 41 %, provenant du reste du monde), ce qui démontre l'ampleur du commerce communautaire au prorata de son chiffre d'affaires pour une telle entreprise. Il convient par ailleurs de noter que, sans les opérations d'aides du Crédit Lyonnais et du CDR, l'entreprise aurait dû être mise en liquidation et qu'un certain nombre de concurrents communautaires de Stardust auraient pu bénéficier des parts de marché ainsi libérées et se porter candidats à des reprises d'actifs, renforçant ainsi leur implantation sur le marché français et européen de la location de bateaux de plaisance.

(86) Il résulte des éléments précédents que les mesures en question ont entravé ou ont été susceptibles d'entraver les échanges au sein de la Communauté. Compte tenu des éléments d'aides inclus dans ces mesures, il faut, par conséquent, considérer que les interventions examinées tombent sous le coup de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, puisqu'elles contiennent des aides d'État qui faussent ou menacent de fausser la concurrence dans une mesure susceptible d'affecter les échanges intracommunautaires. Toutes ces mesures auraient dû être notifiées à la Commission conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité et ont donc, faute de notification, un caractère illégal.

VII EXAMEN DE LA COMPATIBILITÉ DES AIDES AVEC LE TRAITÉ

(87) Comme indiqué par la Commission dans la communication sur l'ouverture de la présente procédure, les mesures en question ne constituent pas une aide à caractère social octroyée à des consommateurs individuels ni une aide destinée à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun; il ne s'agit pas non plus d'une aide destinée à remédier à une grave perturbation économique.

(88) Comme il ne s'agit pas non plus d'une aide de nature à, et octroyée pour, faciliter le développement de certaines régions françaises ni d'une aide destinée à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, les dérogations prévues au point a) et au point c), deuxième partie de la première phrase, de l'article 87, paragraphe 3, ne pourront être prises en considération.

(89) Sur la base des informations présentées par les autorités françaises, seule la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), première partie de la première phrase, pourrait éventuellement être prise en considération pour les mesures d'aide accordées préalablement à 1995 par le Crédit Lyonnais et depuis le cantonnement de l'entreprise jusqu'à sa privatisation par le CDR.

i) Compatibilité des aides accordées dans le cadre des recapitalisations de l'entreprise préalablement à son cantonnement au sein du CDR

(90) Les opérations d'aides accordées par le Crédit Lyonnais à l'entreprise jusqu'en 1995 sont à examiner dans le cadre de l'expansion rapide de l'entreprise au début des années 1990. Le chiffre d'affaires de l'entreprise, grâce au soutien du Crédit Lyonnais, a doublé de 1992 à 1993, puis a de nouveau environ été multiplié par deux de 1993 à 1994 (il était d'environ 190 millions de FRF en 1994 mais l'exercice comptable de 18 mois retient un chiffre de 292 millions jusqu'en juin 1995). Ce quadruplement en deux ans n'a pas été possible par autofinancement, compte tenu des faibles résultats de 1992 et des résultats négatifs de 1993 et 1994, mais uniquement grâce aux concours de l'unique financier du groupe, le Crédit Lyonnais, toujours plus engagé et plus exposé. Les modalités extraordinairement favorables des financements du Crédit Lyonnais, allant jusqu'à accorder cautions et crédits à la clientèle de Stardust, dont la gestion était confiée à l'entreprise, ont accéléré ce développement. Le soutien financier du Crédit Lyonnais a permis à l'entreprise de racheter des entreprises concurrentes et d'accroître ses parts de marché. De sorte que l'entreprise, qui était encore une petite PME au rôle marginal au début des années 1990 - sa création remonte à 1989 - a, en dépit de ses mauvaises performances, pu devenir l'un des leaders du secteur, non seulement au niveau européen mais également à l'échelle mondiale.

(91) Cette expansion a été concomitante avec des opérations de croissance externe. En 1992, Stardust a repris la gérance du fonds de commerce de la société ATM, qui gérait et vendait une flotte de 150 bateaux sans équipage. En 1993, ATM, en faillite, a été racheté, ainsi que la société Jet Sea, également en faillite. À l'issue de ces deux opérations, Stardust s'est trouvé gestionnaire de 180 bateaux et de sept bases nautiques. Cette expansion s'est accompagnée d'une politique de prestige engageant l'entreprise dans la commercialisation des deux bateaux français pour l'America Cup de 1994. Stardust s'est engagé à racheter ces deux bateaux au terme de cinq ans à 40 % de leur valeur, soit 32 millions de FRF.

(92) La société a été incapable de maîtriser cette expansion accélérée et cette politique de prestige. Ses pertes, selon les autorités françaises, proviennent principalement:

- de pertes liées à l'activité initiale de Stardust concernant la vente et la gestion de bateaux de type "Scorpio", en partie liées à des prises de risques inconsidérées [...],

- d'une mauvaise stratégie commerciale et d'une gestion inadaptées,

- d'événements exceptionnels non récurrents tels que les pertes liées à l'America Cup, estimées par les autorités françaises à un montant de 45 millions de FRF.

(93)

<EMPLACEMENT TABLEAU>

(94) La situation gravissime générée par ces pertes a non seulement complètement absorbé les fonds propres de l'entreprise, mais, dans l'état de faillite virtuelle où elle se trouvait, elle l'a rendue insolvable vis-à-vis de son unique banquier, le Crédit Lyonnais. Au lieu d'en tirer les conséquences et de clôturer à perte ses positions sur Stardust, le Crédit Lyonnais s'est engagé encore davantage, lui accordant de nouveaux crédits en 1994 et convertissant au cours de l'exercice de 18 mois de 1994 et du premier semestre 1995 des créances que détenait la filiale du Crédit Lyonnais, la SBT Batif, en prises de participations de la holding de participations du Crédit Lyonnais, Altus Finance. Cette opération a permis à l'entreprise d'éviter la faillite mais n'a fait qu'engager plus encore le Crédit Lyonnais à ses côtés et, en l'absence de plan de restructuration, n'a en réalité fait que reporter les échéances, étant donné l'ampleur des pertes générées par la mauvaise gestion de l'entreprise et son caractère peu rentable. De sorte que le contenu en aides des mesures de soutien accordées par le Crédit Lyonnais pour accompagner la croissance de la banque a très largement dépassé cette recapitalisation de la fin de 1994 et que le poids de l'apurement de ces pertes afférentes aux aides à Stardust a en réalité été différé et transféré à l'État dans le cadre de la défaisance, compte tenu du cantonnement de Stardust, au début de 1995, au sein du CDR.

(95) Pour apprécier la compatibilité de ces mesures avec le traité, il convient de noter que les mesures d'aides en question ont en réalité précédé les recapitalisations de l'entreprise de 1994 à 1997 - qui ne représentent que le paiement différé des éléments d'aides qu'elles contenaient - et qu'elles sont principalement afférentes au financement inconsidéré de l'entreprise par le Crédit Lyonnais pendant sa période de croissance accélérée, en 1992-1994. Or, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, la seule base de dérogation possible pour les mesures de soutien examinées est la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, ce qui suppose que les aides en question soient des aides au sauvetage et à la restructuration.

(96) En l'espèce, loin d'être utilisées pour restructurer l'entreprise, les aides à Stardust ont principalement eu pour effet d'accélérer sa croissance et son contrôle de parts de marché toujours plus importantes. Selon le plan d'entreprise établi par le consultant ACA en octobre 1993 et soumis par les autorités à la Commission dans le cadre de la présente procédure, l'objectif était de faire de Stardust le leader du marché européen de la petite croisière. Ce plan considérait la croissance de 1993/1994 comme la période de "décollage" de l'entreprise devant être suivie d'une période durable de croissance à partir de 1995. Ceci supposait que la flotte passe de 218 bateaux en 1993 à 355 en 1996, accompagnée d'une augmentation de leur valeur et de leur capacité unitaire, de la répartition de plusieurs centaines de bateaux sur des bases situées dans les grandes zones touristiques mondiales - les Antilles, la Polynésie, la Méditerranée et l'Océan Indien - pour une clientèle principalement européenne et nord-américaine, l'objectif étant de réaliser un chiffre d'affaires de plus de 300 millions de FRF en 1996, à comparer avec environ 50 millions de FRF en 1992. Le plan d'octobre 1993 n'a ainsi pas les caractéristiques d'un plan de restructuration impliquant une période d'austérité en vue de permettre le redressement interne de l'entreprise et d'atténuer les distorsions de concurrence provoquées par les aides. Il s'agit au contraire d'un ambitieux plan de croissance visant à faire de cette PME l'un des leaders mondiaux du secteur de la plaisance nautique.

(97) Il ressort de ces éléments que les aides accordées par le Crédit Lyonnais pendant cette période de croissance sous forme de financements à haut risque, et ayant été matérialisées ultérieurement à partir de fin 1994 par le Crédit Lyonnais et le CDR par des recapitalisations pour les raisons précédemment exposées, ne peuvent être considérées comme des aides à la restructuration ou au sauvetage de Stardust. Au contraire, ces aides ont eu un effet distorsif maximal puisqu'elles visaient la croissance accélérée de l'entreprise sous forme de rachat de ses concurrents et d'accroissement de ses parts de marché, ce qui lui a permis de quadrupler son chiffre d'affaires de 1992 à 1994.

(98) Il en résulte que les aides en question, illégales car non notifiées, ne peuvent en outre pas être considérées comme compatibles avec le marché commun.

ii) Compatibilité des aides prises en charge dans le cadre des mesures de recapitalisation de l'entreprise et de portage d'actifs par le CDR après le cantonnement de Stardust dans la structure de défaisance

(99) Les autorités ont souligné à l'égard de la Commission l'amorce du retour à la rentabilité de l'entreprise et le retour à l'équilibre de l'exploitation envisagé pour l'exercice 1997/1998. Elles ont souligné que les opérations de restructuration engagées par la nouvelle direction de l'entreprise mise en place par le CDR en 1995 commençaient à produire leurs effets. Elles ont présenté à la Commission les mesures de restructuration mises en œuvre par la direction devant permettre à l'entreprise de recouvrer la rentabilité à partir de 1997/1998 et sur la base desquelles s'était déterminé le repreneur.

(100) Ces arguments présentés par les autorités appellent les commentaires suivants de la part de la Commission. Il convient, à titre liminaire, de noter que, hormis les incertitudes qui pèsent sur les conditions entourant la dernière recapitalisation, indissociable du niveau de l'offre de prix faite par le repreneur, dans les conditions de procédure qui ont été précédemment soulignées, la Commission reconnaît que la gestion de ce dossier par le CDR paraît avoir répondu à des critères de gestion visant à traiter les conséquences des engagements non avisés pris par le Crédit Lyonnais et à limiter les pertes à la charge de l'État. Le coût considérable de cette opération pour l'État paraît être pour l'essentiel imputable à la gestion non avisée de ce dossier par le Crédit Lyonnais pendant les années antérieures au cantonnement de l'entreprise au sein de la défaisance.

(101) La Commission, ainsi qu'elle l'indique ci-dessus dans l'évaluation du caractère d' aides des mesures en question, considère en effet que le fait générateur des aides sous examen n'est pas tant l'action du CDR en tant que telle que le soutien non avisé accordé par le Crédit Lyonnais à l'entreprise avant son cantonnement au sein de la défaisance: les aides ont en effet été engagées bien avant que l'État ne doive solder ses pertes sur l'opération par l'intermédiaire du CDR. De même que dans le cas d'une mesure d'aides sous forme d'une garantie, le fait générateur de la mesure d'aide n'est pas l'acte de paiement par l'État - dans le cas d'une garantie, l'exercice de celle-ci - mais l'acte même qui en est l'origine - dans le cas de la garantie, son octroi -. Le fait que la Commission évalue les aides in fine accordées à Stardust par les coûts de recapitalisation et de l'opération de rachats d'actifs, principalement échus au CDR, ne saurait donc décharger les soutiens financiers antérieurement octroyés à Stardust par le Crédit Lyonnais de leur caractère d'aides. Ainsi qu'il vient d'être souligné, ce soutien accordé par le groupe Crédit Lyonnais avait atteint un niveau déraisonnable, dépassant considérablement la totalité du bilan de l'entreprise avant même le transfert de Stardust au CDR.

(102) Le CDR a ainsi trouvé une situation tellement compromise que le solde financier du cantonnement de Stardust au sein de la structure de défaisance ne pouvait selon toute vraisemblance qu'être très négatif, quand bien même la procédure de privatisation aurait été ouverte, transparente et non discriminatoire. Les aides incluses dans un tel soutien inconsidéré n'ont été que très partiellement soldées à la charge du Crédit Lyonnais, lors de la recapitalisation de 1994 - 44,3 millions de FRF, soit moins de 10 % du total des aides - l'apurement financier de cette opération ayant été retardé dans le temps et imputé directement à la charge de l'État, dans le cadre du mécanisme de défaisance ayant transféré au CDR les actifs non performants de la banque. Il convient donc de constater un décalage important dans le temps entre la période où les aides ont commencé à être accordées, avant 1995, et la constatation finale en 1997 des pertes permettant de solder l'opération et de déterminer le montant exact d'aides incluses dans les mesures de soutien financier accordées par le Crédit Lyonnais.

(103) Par conséquent, les mesures de recapitalisation et de rachat d'actifs à risques mises en place par le CDR en faveur de l'entreprise ne devraient pas, dans le présent cas d'espèce, être évaluées sur la base du plan de restructuration mis en place par la nouvelle direction de l'entreprise en février 1996, mais au même titre que la recapitalisation de 1994, dans le contexte où les aides ont en réalité été initialement accordées à Stardust, et notamment au cours des années 1992, 1993 et 1994. Or, ainsi qu'il vient d'être établi, cette première recapitalisation de 1994 ne réunit pas les conditions permettant de considérer qu'elle est compatible avec l'intérêt commun. Il en va donc de même des aides différées à la charge du CDR.

(104) De plus, il convient aussi de noter que les autorités n'ont présenté à la Commission aucun plan de restructuration établi au début de 1995 et permettant d'examiner la compatibilité avec le traité de la recapitalisation d'avril 1995, pour un montant de 112 millions de FRF. Elles se sont limitées, dans leur réponse du 9 février 1998, à présenter une justification a posteriori des mesures prises à l'époque par la nouvelle direction de l'entreprise. Le plan de restructuration qu'elles ont soumis à la Commission dans le cadre de la présente procédure dans leur courrier est postérieur et date de février 1996. Il résulte de ces éléments que les mesures de restructuration ont été tardivement prises, dans un contexte très différent, dans ce cas particulier, de l'octroi des aides, dès le début des années 1990, par le Crédit Lyonnais, qui ont permis de faire de cette petite entreprise l'un des leaders du secteur de la plaisance nautique, ce qu'elle demeure, y compris après les mesures de restructuration en question.

(105) Les autorités ont en complément adressé à la Commission dans leur courrier du 2 juin 1999 un document non daté, présenté comme un plan de restructuration mis en œuvre dès l'été 1995. Il apparaît toutefois clairement, au vu des données présentées, qu'il s'agit d'un document postérieur à 1995. Ce plan met en exergue les mesures prises pour rétablir la viabilité de l'entreprise. Il ne permet toutefois pas non plus de considérer que les aides octroyées à l'entreprise sont compatibles avec le traité, dans la mesure où la stratégie présentée prévoit une présence renforcée en Europe et une forte croissance de l'entreprise, et ne prévoit aucune mesure visant à atténuer caractère distorsif des aides à l'entreprise.

(106) À titre subsidiaire, quand bien même l'évaluation de la compatibilité des aides octroyées par le CDR serait faite indépendamment du contexte antérieur à 1995 où elles ont en réalité été accordées, les aides devant normalement être évaluées dans ce contexte [même si le paiement a été effectué en plusieurs tranches (16)], la Commission a néanmoins examiné si celles-ci ne pourraient pas être considérées comme compatibles avec le marché commun.

(107) Il convient de noter que, selon le plan d'affaires de février 1996 soumis par les autorités à la Commission et ayant selon elles servi de base aux recapitalisations subséquentes, l'entreprise devait être recentrée sur son métier de base, c'est-à-dire les prestations de locations de croisière sur les "bare boats": il était prévu une forte croissance de cette dernière activité, dans le cadre d'une stratégie dite de sortie "par le haut", la flotte de "bare boats" devant passer de 189 unités à la fin de 1994 à 264 à la fin de 1996. En contrepartie, les autres activités de l'entreprise devaient être réduites. Ce plan prévoyait une réduction sensible des immobilisations de l'entreprise et de son chiffre d'affaires, qui devait passer de 208 à 162 millions de FRF, de 1995 à 1997, soit une baisse d'environ 22 %. L'activité la plus touchée était la vente de bateaux, en réduction de 175 à 63 millions de FRF. Par contre, l'activité la plus rentable, la location de "bare boats", devait très sensiblement croître, de 44 à 99 millions de FRF. De sorte que le chiffre d'affaires de l'entreprise en 1997, après cette réduction de l'activité, est resté environ 2,5 fois supérieur à son niveau de 1992, alors que les aides du Crédit Lyonnais à Stardust ont en réalité été accordées dès le début de la période (voir la section V).

(108) Sur l'ensemble de la période pendant laquelle ont été consenties les aides, celles-ci ont en réalité, malgré les mesures tardives de restructuration et de réduction d'activité qui ont été prises, permis une très forte croissance de l'activité de Stardust. Cette croissance, ainsi que le montre une note des autorités françaises du 8 juin 1999, lui a permis un développement de son chiffre d'affaires beaucoup plus rapide que celui de ses deux principaux concurrents, Moorings, resté stable sur la période, et Sunsail, qui a doublé son chiffre d'affaires sur la période, soit une augmentation sensiblement inférieure à celle de Stardust. Cette performance de Stardust sur la période, étant donné qu'il s'agissait d'une société peu rentable et mal gérée, s'explique principalement par le montant exceptionnellement élevé d'aides qu'elle a reçu. Sans ces aides, l'entreprise aurait été mise en liquidation après la mise au jour de sa situation réelle par l'audit de fin 1994 et aurait disparu du marché.

(109) Un tel plan, même en supposant qu'il permette de restaurer la viabilité de l'entreprise et de limiter les aides au strict minimum, ne pouvait donc, vu les montants considérables d'aide en cause, atteignant près du triple du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise de 1995/1996, être compatible avec les règles existantes en matière d'aides à la restructuration, qui prévoient des contreparties atténuant pour les concurrents les distorsions de concurrence provoquées par les aides. Les mesures de restructuration prises tardivement apparaissent simplement avoir été strictement nécessaires pour restaurer la viabilité de l'entreprise, en particulier en limitant les immobilisations et les risques dans l'activité de vente de bateaux. Il n'apparaît aucunement qu'elles aient été au-delà de ce strict nécessaire et qu'elles aient inclus des éléments visant à constituer une mesure de compensation des concurrents pour les distorsions provoquées par les aides sur le coeur stratégique de l'activité de l'entreprise, la location de "bare boats".

(110) Ce plan ambitieux de recentrage sur l'activité de location de "bare boats" a par la suite été assez fidèlement exécuté. Selon les dernières données communiquées par les autorités françaises, le nombre de semaines annuelles de location facturées par l'entreprise pour les "bare boats" est effectivement passé de 1890 sur l'exercice 1993 à 2794 pour l'exercice 1995/1996 et 3971 pour l'exercice 1997/1998, et l'objectif pour 1999 est fixé à 4800 semaines, soit une activité en volume sur ce créneau multipliée par 2,5 par rapport à 1993. Sur l'ensemble de la période sous examen (1992-1997), au cours de laquelle le Crédit Lyonnais a commencé à accorder des aides à l'entreprise pour accélérer son développement, le chiffre d'affaires de Stardust est passé de 53 millions de FRF à environ 135 millions de FRF.

(111) En l'espèce, les concurrents français et européens de Stardust, en particulier ceux qui sont fortement présents dans la même activité de location de croisières de "bare boats", ne pouvaient en réalité trouver aucune compensation significative dans ce plan et, bien au contraire, ont subi un préjudice du fait des aides accordées à l'entreprise pour son recentrage sur cette activité principale où elle connaît une très rapide croissance. Ainsi qu'il a été souligné par ailleurs, la clientèle de Stardust a une origine géographique diversifiée, puisque 44 % de sa clientèle est européenne (hors de France), 14 % française, le solde provenant du reste du monde, principalement des États-Unis. Ces éléments confirment la sensibilité des mesures prises en faveur de Stardust et leur effet potentiel sur la concurrence, non seulement en France mais aussi dans le reste de la Communauté. Au lieu de présenter des contreparties atténuant les distorsions provoquées par les aides, les mesures de restructuration prises par la nouvelle direction de l'entreprise avec l'appui de son actionnaire ont donc en réalité, grâce aux aides octroyées, abouti à une très forte croissance de l'activité de Stardust dans l'activité stratégique sur laquelle elle s'est recentrée.

(112) Par voie de conséquence il convient de conclure de cet examen subsidiaire que les mesures de soutien accordées par le CDR à Stardust en 1995-1997, quand bien même elles pourraient être examinées ex post sur la base du plan de février 1996, ne remplissent pas les critères prévus par l'encadrement sur les aides à la restructuration des entreprises en difficulté.

(113) Les aides à l'entreprise ne peuvent donc être déclarées compatibles avec l'intérêt commun.

VIII CONCLUSIONS

(114) Les mesures de soutien sous forme de financements et de cautionnements bancaires accordés par l'État à l'entreprise Stardust par l'intermédiaire du groupe Crédit Lyonnais puis du CDR contiennent des éléments d'aide. Elles sont illégales car non notifiées. Ces éléments d'aides se sont traduits par des financements à fonds perdus sous forme d'une recapitalisation par le Crédit Lyonnais, puis sous forme d'une avance en compte courant, et de recapitalisations par abandon de créances de l'actionnaire qui lui a succédé, le CDR, après le cantonnement de Stardust dans la défaisance en 1995. Les aides en question se montent, en valeur non actualisée, à un montant total nominal de 496,2 millions de FRF. Leur valeur actualisée au 31 octobre 1994 est de 450,4 millions de FRF.

(115) La seule dérogation possible pour de telles aides, prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), ne peut être appliquée car il ne s'agit pas d'aides à la restructuration mais d'aides qui, dans le contexte où elles ont été accordées, ont visé à accompagner et à permettre la croissance rapide d'une entreprise de surcroît non rentable, de sorte qu'elles ont eu un effet distorsif non compatible avec l'intérêt commun.

(116) Par ailleurs, Stardust a été privatisée dans des conditions de procédure n'ayant pas le caractère ouvert, transparent et non discriminatoire requis, permettant d'éliminer toute présomption d'aide et de déterminer un prix de marché. La Commission note que la détermination d'un tel prix peut inclure des éléments de risques hors bilan, de sorte que la plainte qui lui a été soumise par un concurrent ayant présenté au CDR une offre de prix d'une valeur faciale supérieure à celle de l'offre du repreneur de Stardust n'est pas, en soi, un élément de preuve suffisant pour conclure à l'existence d'une aide au repreneur afférente à cette transaction. Eu égard à ces éléments hors bilan et aux incertitudes afférentes à la valeur de marché réelle de l'entreprise qui aurait pu être extériorisée à l'issue d'une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire, la Commission ne retient in fine pas d'éléments d'aides supplémentaires, à l'entreprise ou à son repreneur, afférents à cette transaction de privatisation.

(117) Vu le caractère incompatible des aides en question, elles devront faire l'objet d'une récupération par l'État, soit directement, soit par l'intermédiaire du CDR dont les pertes sont prises en charge par l'État, par le mécanisme de garantie du prêt participatif de l'Établissement public de financement et de restructuration (EPFR). Ces modalités de récupération s'appliquent aussi aux 44,3 millions de FRF d'aides injectés dans Stardust par le Crédit Lyonnais en octobre 1994. Le Crédit Lyonnais a en effet déjà été indemnisé lors du transfert de Stardust à la défaisance pour les pertes générées par cette opération et c'est donc à l'État, qui en assume la charge finale, de récupérer les aides octroyées à Stardust. Toute récupération de ce montant de 44,3 millions de FRF par le Crédit Lyonnais irait à l'encontre de l'obligation de limiter au strict nécessaire les aides à la banque, dans le cadre de son plan de restructuration. Le plan approuvé par la Commission en mai 1998 n'ayant pas envisagé de telles ressources supplémentaires provenant des entreprises telles que Stardust auxquelles la banque à le cas échéant, accordé des aides, le Crédit Lyonnais ne saurait bénéficier de cette récupération.

(118) Le décompte et la récupération des aides à Stardust n'affectent pas le montant des aides au Crédit Lyonnais autorisées par les décisions 95-547-CE et 98-490-CE: ce montant d'aides autorisé demeure inchangé. Toute augmentation ou diminution possible des aides effectives au Crédit Lyonnais en raison des aides décomptées à Stardust et de leur récupération par le CDR est en particulier sans effet sur le montant autorisé par la Commission dans sa décision du 98-490-CE relative aux aides accordées par la France au Crédit Lyonnais, qui tient compte, ainsi qu'expliqué dans ladite décision(17), des incertitudes sur le montant des aides au Crédit Lyonnais: en effet les aides en question à Stardust, inférieures à 0,5 milliard de FRF en montant non actualisé, ne sont pas de nature à remettre en cause la fourchette d'incertitude et de précaution de 45 milliards de FRF prise en compte par la Commission dans sa décision 98-490-CE. De même, dans la logique de la décision 98-490-CE, qui prend également en compte la contrainte de viabilité de la banque et de limitation des aides au strict nécessaire, les obligations de l'État membre relatives aux contreparties requises sous forme de cessions d'actifs et de fermetures d'activités de la banque demeurent inchangées,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Les augmentations de capital de Stardust Marine de 44,3 millions de FRF effectuées par Altus Finance en octobre 1994, de 112 millions de FRF par le CDR en avril 1995, l'avance en compte courant du CDR de 127,5 millions de FRF de juillet 1995 à juin 1996, les recapitalisations de 250,5 millions de FRF en juin 1996 et de 89 millions de FRF en juin 1997 par le CDR sont des mesures d'aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. Ces mesures, d'une valeur totale actualisée au 31 octobre 1994 de 450,4 millions de FRF, ne peuvent être déclarées compatibles avec le marché commun au sens de l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité et avec l'article 61, paragraphes 2 et 3, de l'accord EEE.

Article 2

La France est tenue d'exiger la restitution par Stardust à l'État, ou au CDR, des 450,4 millions de FRF correspondant au contenu en aides des mesures en question, en valeur actualisée au 31 octobre 1994. S'y ajoutent les intérêts calculés sur ce montant, à compter de cette date, au taux d'intérêt de référence établi par la Commission pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides en France.

Article 3

La France informe la Commission dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision des mesures prises pour s'y conformer.

Article 4

La République française est destinataire de la présente décision.

(1) JO C 111 du 9.4.1998, p. 9.

(2) JO L 308 du 21.12.1995, p. 92.

(3) Chiffres au 30 juin 1996, date de clôture de l'exercice.

(4) Voir XXIIIe Rapport sur la politique de la concurrence, point 403, p. 276. Les principes auxquels se réfère la Commission dans ce rapport avaient été préalablement communiqués aux autorités françaises dans un courrier du directeur général de la concurrence du 14 juillet 1993.

(5) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12.

(6) Voir note 4 de bas de page.

(7) Au sens de la jurisprudence en matière d'aides d'État, les ressources d'une entreprise publique comme le Crédit Lyonnais sont des ressources d'État au sens prévu à l'article 87 du traité.

(8) Voir notamment, communication de la Commission aux États membres (JO C 307 du 13.11.1993, p. 3).

(9) Secret d'affaires.

(10) L'article 92 du traité CE devient, à dater du 1er mai 1999, l'article 87 du traité CE, tel que modifié par le traité d'Amsterdam, et l'article 93 devient l'article 88.

(11) JO C 307 du 13.11.1993, p. 3.

(12) JO L 221 du 8.8.1998, p. 41.

(13) Voir note 4 de bas de page.

(14) Ce montant inclut l'avance en compte courant de juillet 1995, par la suite transformée en capital, de sorte que ces deux éléments ne peuvent être additionnés dans le calcul total des aides.

(15) Compte tenu de la durée de la période pendant laquelle ont été accordées les aides par le Crédit Lyonnais avant le transfert de Stardust à la défaisance, la Commission retient le 30 octobre 1994 (la première recapitalisation examinée date d'octobre 1994), comme la date de référence conventionnelle pour le calcul de la valeur actualisée des aides, au taux de référence de l'époque, soit 8,93 %. 1994 est, selon les autorités, la dernière année au cours de laquelle les engagements du Crédit Lyonnais sur l'entreprise ont augmenté.

(16) Voir l'arrêt Ducros du TPI, affaire T-149-95, Rec. 1997, p. II-2031, point 66 des motifs.

(17) JO L 221 du 8.8.1998, en particulier p. 52 à 61.