Cass. crim., 6 octobre 1999, n° 98-82.230
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
M. Sassoust
Avocat général :
M. Lucas
Avocats :
SCP Boré, Xavier, Boré, Me Parmentier
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par B Gérard, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 22 janvier 1998, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 10 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard B coupable de publicité mensongère ;
"aux motifs que l'ensemble des allégations, indications ou présentations énoncées dans les deux publicités parues dans le bimestriel, ont toutes eu le caractère soit mensonger soit de nature à induire en erreur, non seulement à l'égard du plaignant initial mais à l'égard de tous ceux que les publicités devaient atteindre ; que Gérard B, interlocuteur dans le publi-reportage du n° 39, rédacteur concepteur dans la publicité du n° 41, est le responsable personnel et direct des allégations litigieuses ; que l'intention coupable résulte du fait que le prévenu, avant la parution des deux publicités, avait la connaissance de la fausseté de certaines affirmations, tant en ce qui concerne les données commerciales, financières fondant lesdites affirmations, qu'en ce qui concerne ce que la cour identifie à des promesses non tenues ; que pour l'appréciation de l'ampleur de la responsabilité, la cour relève que Gérard B savait qu'il s'adressait à des personnes à la recherche d'un emploi ou activité rémunératrice, que Gérard B sans offrir de formation ni d'aide sérieuse obtenait des fonds de montants élevés en accumulant, sur deux puis une page, le mensonge, la promesse qu'il savait ne pas vouloir et pouvoir tenir participant ainsi à l'appauvrissement de citoyens déjà socialement affaiblis, d'autant plus induits à croire à un salut qu'il est publié sous forme de reportage dans une publication ancienne ayant un bon tirage ; que si le n° 39 de la revue bimestrielle n'a pas fait l'objet de bon à tirer, il convient de rappeler que celui-ci n'est pas une condition de l'existence matérielle du délit ; que s'il y a absence du contrôle de contenu qui allait être publié, il est relevé que Gérard B ne renie rien du contenu des deux pages du publi-reportage du n° 39 ;
"1°) alors que le délit de publicité mensongère, destiné à protéger le consommateur, ne saurait s'appliquer à une offre d'exploitation d'une concession exclusive s'adressant à de futurs partenaires à même de contrôler les informations données, l'état de santé de l'entreprise et d'apprécier les risques encourus ; qu'en appliquant en l'espèce les règles sur la publicité mensongère à des informations parfaitement contrôlables par les futurs concessionnaires se proposant de participer à l'expansion de l'entreprise et d'en supporter les risques, motif pris que les résultats envisagés dans la "publicité" n'auraient pas été atteints, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que la cour d'appel constate que Gérard B n'a pas eu connaissance avant sa publication du contenu de la publicité parue dans le n° 39 de la revue "W" ; qu'en estimant cependant que l'intention coupable résultait du fait que le prévenu, avant la parution des deux publicités, avait la connaissance de la fausseté de certaines de ses affirmations, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, des droits de la défense et de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Gérard B à payer à Jean-Paul Mary la somme de 163 400 francs à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que le prévenu fait grief à la partie civile de ne lui avoir communiqué aucune pièce, grief qui ne paraît pas pertinent dès lors que Jean-Paul Mary n'utilise aucune pièce nouvelle et reprend ses conclusions de première instance ; que le préjudice matériel d'un citoyen lésé comporte l'ensemble des frais exposés pour entrer ou se maintenir dans la convention offerte, soit en l'espèce, les frais forfaitaires payés, les frais de constitution de la structure mise en place pour commencer l'exploitation ; qu'en revanche des frais exposés pour un reclassement professionnel ne peuvent être pris en compte pour ne pas être issus directement de l'infraction ; que doit être exclue une perte de salaires (de 8 000 francs sur 18 mois d'exercice) qui est une projection d'une éventualité ; qu'il peut être estimé que la conclusion du contrat de concession et l'attente des résultats allégués ont interdit à Jean-Paul Mary de rechercher un emploi dans le domaine d'agent de bureautique et gestion informatisée de comptabilité, d'autant qu'il avait l'équivalence d'un BEP administration commerciale et comptable et du BAC professionnel bureautique avec mention assez bien, obtenu le 14/09/94 et que né le 24/08/1950 il avait, fin 1994 l'âge de 44 ans, ensemble d'un curiculum vitae qui lui permettait d'espérer retrouver un emploi dans l'un des volets de sa compétence ; que Jean-Paul Mary sera indemnisé par les Assedics jusqu'au 2 mai 1995 ; que ce chef de préjudice personnel sera justement indemnisé par l'allocation de 50 000 francs de dommages-intérêt ; que Jean-Paul Mary qui a effectivement effectué des démarches préalables par la prise de connaissance des statuts de la société X a dépensé : - conseil pour problème de droit des sociétés 100 francs, contrat de concession 59 300 francs, capital de constitution de la SARL In Ovation 50 000 francs ; qu'enfin Jean-Paul Mary réclame un préjudice personnel, ou moral qui, déduction faite de la perte d'un salaire minimum s'il avait sollicité un emploi, pris en charge ci-dessus au titre de la perte d'une chance, et déduction faite des frais de formation antérieure, dont l'indemnisation est refusée, sera évalué à 4 000 francs ;
"1°) alors que le demandeur a sollicité la communication des pièces sur lesquelles se fondait la partie civile pour établir son préjudice ; qu'en refusant cette communication motif pris que Jean-Paul Mary n'utiliserait aucune pièce nouvelle et reprendrait ses conclusions de première instance, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense et les exigences d'un procès équitable ;
"2°) alors que la cour d'appel reconnaît que Jean-Paul Mary avait signé un contrat de concession exclusive avec la société X avant d'avoir eu connaissance des "publicités" litigieuses ; qu'en estimant cependant qu'il n'aurait été convaincu de contracter qu'au regard des informations contenues dans lesdites "publicités", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les textes susvisés ;
"3°) alors que Jean-Paul Mary sollicitait dans ses conclusions de première instance une somme de 272 248 francs au titre d'un préjudice personnel ou moral représentant les dépenses qu'il aurait engagées pour parfaire son reclassement professionnel et la perte de salaire minimum à laquelle il aurait pu prétendre ; que la cour d'appel a écarté comme n'étant pas lié à l'infraction le préjudice tiré de dépenses afférentes à un reclassement professionnel de même qu'elle a écarté pour les mêmes raisons le préjudice lié à une perte de salaire ; qu'en accordant cependant à Jean-Paul Mary une somme de 4 000 francs au titre de son préjudice personnel ou moral la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et méconnu le principe de la réparation intégrale" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable et ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.