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Décisions

Cass. crim., 15 octobre 1997, n° 96-85.116

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Culié

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan.

TGI Pau, ch. corr., du 25 janv. 1996

25 janvier 1996

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par Z Jean-François, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Pau, 1re chambre, du 18 juin 1996, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 30 000 francs d'amende, ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 3 de l'arrêté n° 77-105 P du 2 septembre 1977, 121-3 du Code pénal, 388, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-François Z coupable du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur ;

"aux motifs propres et adoptés que c'est à l'annonceur de produire les documents qui lui permettent de justifier de la réalité du prix de référence conformément à l'article 3 de l'arrêté n° 77-105 P du 2 septembre 1977; que l'inventaire déposé à la mairie de Pau, le 3 août 1994, faisant état des prix de vente TTC, n'a aucune valeur probante dès lors que ces prix sont le plus souvent les prix conseillés par le fabricant; que le prévenu n'a pu justifier, par la production de bordereaux, de tickets de caisse ou de tout autre document; que ces prix étaient effectivement ceux qu'il pratiquait à l'égard de la clientèle ; que la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a pu constater que la marge pratiquée pendant l'opération de promotion n'était pas différente de la marge normale de l'entreprise (le coefficient multiplicateur pour la période des soldes pris sur 15 articles choisis au hasard étant de 2,19 pour 2,21 pour l'exercice normal), de sorte que les réductions annoncées dans les publicités étaient parfaitement illusoires; que la publicité est de nature à induire en erreur lorsqu'elle implique que le consommateur bénéficiera dans son esprit d'une remise par rapport au prix normal. ce qui n'était pas le cas ;

"alors, d'une part, que, l'arrêté n° 77105 P du 2 septembre 1977 n'ayant pas été visé par la poursuite, les juges du fond ne pouvaient, sans excéder leur saisine et violer les droits de la défense, entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu, en se référant au fait qu'il n'aurait pas respecté ces dispositions et n'aurait pas, notamment, rapporté la preuve de la réalité du prix de référence, conformément à l'article 3 de cet arrêté; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a ajouté une condition qui ne figurait pas dans l'article L. 121-1 du Code de la consommation seul visé par la prévention, et a modifié l'élément légal de l'infraction ;

"alors, d'autre part, qu'il n'y a pas de délit sans intention de le commettre; qu'en se bornant à conclure au caractère non réel des remises consenties, sans caractériser l'élément intentionnel du délit de publicité de nature à induire en erreur, la cour d'appel a violé l'article 121-3 du Code pénal ;

"alors, de troisième part, et en tout état de cause, que l'arrêté du 2 septembre 1977 précise en son article 3 que l'annonceur doit être à même de justifier par des notes, bordereaux, bons de commande, tickets de caisse ou tout autre document, de l'ensemble des prix qu'il a effectivement pratiqués au cours de cette période; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que le document fourni, l'inventaire déposé à la mairie de Pau le 3 août 1994, faisait état des prix de vente TTC pour la période antérieure à la liquidation; qu'il s'ensuit que c'est à tort que la cour d'appel a dénié à cet élément de preuve toute valeur probante ;

"alors, de quatrième part, et en toute hypothèse, que, conformément à l'arrêté du 2 septembre 1977, le prix de référence ne peut excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par le même établissement au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité; qu'en se référant exclusivement, pour entrer en voie de condamnation, à l'analyse de la Direction de la concurrence, fondée sur une comparaison du coefficient multiplicateur pour la période de la liquidation (1er septembre au 1er octobre 1994), et le coefficient multiplicateur pour l'exercice clos le 30 juin 1994, et non pour les trente derniers jours précédant le début de la publicité, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977 ;

"alors, de cinquième part, que, dans ses conclusions régulièrement déposées (pages 8, 9 et 10), Jean-François Z faisait valoir que l'analyse de la Direction de la concurrence était faussée par le fait qu'elle a effectué une comparaison entre le coefficient pour la période de liquidation (2,19) et le coefficient pour l'exercice normal comprenant l'ensemble de l'activité (2,21), au lieu de ne tenir compte, pour la période de référence, que de l'activité de bijouterie (coefficient 2,94), à l'exclusion de l'activité de vente de cuir et de ventes à soi-même également effectuées par la bijouterie X mais avec une marge moindre ou sans marge; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, de nature à démontrer que, pendant la période de liquidation, les marges avaient été moindres; que pendant la période de référence précédant la liquidation, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

"alors, enfin, que le prévenu a également fait valoir que l'historique des ventes réalisées par la bijouterie X pendant la période antérieure à la liquidation, document certifié conforme, qu'il produisait devant la cour d'appel, permettait de voir exactement à quel prix réel avaient été vendus chacun des articles objet de la liquidation, prix qui se recoupaient exactement avec ceux qui étaient indiqués dans l'inventaire des stocks déposé à la mairie; qu'en s'abstenant de tenir compte de cet élément de preuve et de répondre sur ce point aux conclusions du prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-François Z, qui exploite une bijouterie, a organisé à l'occasion d'une opération de liquidation une campagne publicitaire intitulée "la ruée vers l'or", annonçant des réductions de prix de 25 à 50 %; qu'à la suite d'un contrôle de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, il est poursuivi pour publicité de nature à induire en erreur ; que, pour le déclarer coupable de ce délit, les juges d'appel,qui, contrairement aux allégations du moyen, n'ont pas adopté les motifs des premiers juges relatifs à l'arrêté du 2 septembre 1977 sur la publicité des prix, énoncent que le prévenu n'a pu justifier des tarifs antérieurement pratiqués par l'entreprise autrement que par la production de l'inventaire déposé en mairie, sans valeur probante, qui mentionne le plus souvent les prix conseillés par le fabricant;qu'ils relèvent que la marge appliquée par le prévenu était sensiblement la même avant et pendant l'opération de liquidation de sorte que la remise annoncée était illusoire; qu'ils ajoutent que certains des prix présentés comme réduits par le prévenu n'étaient pas moindres que les prix de vente habituellement pratiqués pour des articles identiques dans des magasins concurrents ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son appréciation souveraine des circonstances de la cause, qui caractérisent à tout le moins la négligence de l'annonceur, la cour d'appel, qui a fait l'exacte application des articles L. 121-1 et L. 121-2 du Code de la consommation, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.