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Décisions

Cass. crim., 18 mai 1998, n° 97-83.020

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

SCP Chaisemartin, Courjon.

TGI Montbéliard, ch. corr., du 13 déc. 1…

13 décembre 1996

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par P Roger, la société X, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, du 6 mai 1997, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, a condamné le premier à 100 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Roger P coupable du délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur et l'a condamné en répression à la peine de 100 000 francs d'amende, a ordonné la publication de cette décision dans l'Est Républicain et le Pays de Franche-Comté, l'a condamné à diverses réparations civiles, la société X étant déclarée civilement responsable ;

"aux motifs qu'il convient tout d'abord de rappeler que, saisis, le 31 octobre 1995 d'une plainte de Jean-Claude Ballanche agissant ès qualité de président du Syndicat professionnel des bijoutiers-horlogers de Belfort, aux termes de laquelle il dénonçait le fait que la société X à Taillecourt démarchait des commerçants de Belfort et leur remettait un prospectus faisant état "d'une remise permanente de 40 % sur les prix publics des montres et bijoux en or 18 carats, en argent et en plaqué or exposés dans son magasin de Taillecourt", les services de la DGCCRF du Doubs procédaient à une enquête et se présentaient à la bijouterie-joaillerie de ladite société le 18 mars 1996; que, dans un premier temps, l'un des responsables de cet établissement, Eric Ardaens indiquait aux enquêteurs que la société X consentait une remise de 40 % sur les prix étiquetés en magasin à tout membre d'un comité d'entreprise ou à son conjoint et ce, dès le premier achat; que, s'agissant des acheteurs non-membres d'un comité d'entreprise, la société consentait des avantages dits "remises de fidélité" en fonction du montant cumulé de leurs achats soit plus précisément : - remise de 10 % dès que le cumul des achats atteint 1 000 francs, de 20 % jusqu'à 2 000 francs, de 30 % à partir de 3 000 francs et de 40 %, à partir de 4 000 francs, le tout avec possibilité de se regrouper en famille ou entre amis pour obtenir plus rapidement la remise maximum de 40 % le tout faisant l'objet d'une "caste de clients privilégiés" établie lors du premier achat; que c'est dans ces conditions que le magasin de Taillecourt avait répertorié 3 482 clients dont 3 155 membres d'un comité d'entreprise représentant 90,6 % de la clientèle bénéficiant de la remise de 40 % et ne payant donc jamais le prix marqué sur étiquette de vente de bijoux en magasin soit encore "le prix public"; que, par ailleurs, les agents de la Concurrence et de la Répression des Fraudes se faisaient remettre les listings "journal des ventes" informatiques du magasin pour les semaines du 3 au 22 janvier 1996; que leur examen permettait d'établir que pour cette période, le total des ventes clients réalisées était de 400 dont 390 avec remise et 10 sans, soit 97,5 % de vente avec et 2,5 % sans remise; qu'ainsi, et dans ces conditions, la quasi totalité des ventes clients avaient fait l'objet d'une remise en sorte que les prix publics sur étiquettes des articles en magasin n'étaient et ne sont pratiqués que très exceptionnellement par la société X; qu'il est constant que pour pouvoir annoncer et pratiquer des réductions par rapport à un prix initial dit réglementairement "prix de référence", il est nécessaire que ce prix ait été effectivement pratiqué faute de quoi le prix aurait un caractère fictif et ne permettrait pas de consentir des remises sur les prix des bijoux dans la mesure où ceux-ci n'ont jamais été vendus à leur prix de référence, prix mentionné sur les étiquettes en magasin; que dans ces conditions, en consentant systématiquement des remises à la clientèle sur les prix des montres et des bijoux mentionnés sur étiquettes en magasin, la société X annonce des prix purement fictifs puisqu'ils ne sont jamais pratiqués; que, dès lors, la publicité des prix faite sur le point de vente de la société à Taillecourt apparaît comme mensongère, ces prix étant purement théoriques et sans aucune réalité ; qu'il en est d'autant plus ainsi que la stratégie commerciale de vente mise au point par cette société permet, à côté de la clientèle de comités d'entreprise, de capter la clientèle autre que celle des comités d'entreprises, par le système de la "remise de fidélité", qui, à très court terme, pourra bénéficier de remise sur le montant cumulé de leurs achats, rendant ainsi plus théoriques encore les prix de référence en magasin; qu'au surplus, la société X à indiqué aux enquêteurs les prix d'achat des bijoux commercialisés dans son magasin de Taillecourt pour permettre de connaître les coefficients multiplicateurs appliqués; qu'ils ont ainsi établi que le coefficient multiplicateur moyen appliqué dans ce magasin sur les prix de vente TTC annoncés - au prix de référence - ressortait à 4,70 et 2,63 pour les ventes avec remise de 40 % et de ce fait était nettement supérieur au coefficient moyen appliqué dans l'ensemble de la profession, soit entre 2,26 et 2,50; qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que, d'une part, les prix de référence (prix public magasin) sont très élevés et que le coefficient multiplicateur appliqué est supérieur au coefficient moyen de la profession, qu'ils ne sont donc pas compétitifs contrairement aux affirmations des documents publicitaires distribués aux comités d'entreprise et celles de la carte "client privilégié"; que, d'autre part, ces prix sont totalement théoriques et artificiels puisque jamais pratiqués; qu'en définitive, il s'agit bien, en l'espèce, de publicités mensongères dans la mesure où le consommateur croit bénéficier d'une remise de 40 % sur les bijoux vendus au magasin S de Taillecourt, donc de prix moins chers que chez les autres bijoutiers, alors qu'en réalité, il se voit appliquer un coefficient multiplicateur supérieur au coefficient moyen pratiqué dans la profession; qu'une telle pratique est tout à la fois préjudiciable aux consommateurs qui sont abusés et aux bijoutiers concurrents qui, eux, travaillent à prix nets et en ne faisant que peu de réductions et très occasionnellement, et qui doivent subir la concurrence déloyale de la société X; qu'il résulte bien de l'ensemble de ces éléments que Roger P, président-directeur général de la SA X, s'est bien rendu coupable du délit prévu par l'article L. 121-1 du Code de la consommation et réprimé par l'article L. 213-1 dudit Code; qu'au soutien de son appel, Roger P prétend acheter de l'or et de l'argent en grande quantité, en se rendant dans des pays de production et bénéficier ainsi de prix d'achats très avantageux lui permettant de faire fabriquer des bijoux pour un coût de façon particulièrement bas, de l'ordre de 3 francs à 3,30 francs par gramme d'or; que, d'une part, le coût de fabrication invoqué par Roger P n'a rien d'exceptionnel en soi car correspondant aux coût de la profession, et qu'il ne rapporte en rien la preuve qu'il aurait, lui, des prix de revient inférieurs; que, d'autre part, il est constant que le prix de l'or est en cours mondial excluant tout rabais même s'agissant d'achat de grande quantité; qu'il résulte de ces constatations que Roger P ne saurait invoquer sérieusement à l'appui de sa défense une quelconque compétitivité par rapport au commerce traditionnel de la bijouterie-horlogerie qui lui permettrait d'offrir à sa clientèle des bijoux à des prix défiant toute concurrence alors qu'en réalité, les prix qui sont pratiqués dans son magasin de Taillecourt sont, sinon supérieurs à ceux de la profession, du moins égaux, et ce sans qu'il soit nécessaire de faire procéder à une quelconque expertise ;

"alors, d'une part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, même représentant un faible pourcentage des ventes, les prix de référence, avant remise, mentionnés sur les étiquettes des articles commercialisés par la société X étaient effectivement pratiqués dans le magasin en cause; que, dès lors, la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, affirmer par ailleurs que, faute d'avoir jamais été pratiqués, ces prix de référence présentaient un caractère purement fictif, en sorte que la remise de 40 % proposée sous certaines conditions par la société X caractérisait le délit de publicité mensongère ;

"alors, d'autre part, que, comme le soutenait Roger P et l'a constaté la cour d'appel elle-même, les prix de vente appliqués par la société X n'étaient pas supérieurs à ceux pratiqués par l'ensemble de la profession; que, dans ces conditions, la circonstance que le coefficient multiplicateur moyen appliqué était supérieur au coefficient moyen usuel n'avait pas pour conséquence une majoration artificielle des prix et ne pouvait donc suffire à caractériser le délit de publicité de nature à induire en erreur ; qu'en se fondant néanmoins sur cet élément inopérant pour déclarer Roger P coupable de publicité mensongère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable et ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice découlant de cette infraction ;d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.