Livv
Décisions

Cass. crim., 24 février 1993, n° 92-82.147

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Souppe

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Galand

Avocats :

SCP Tiffreau, Thouin-Palat, Me Spinosi.

TGI Nanterre, 15e ch. corr., du 12 févr.…

12 février 1991

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par S Henri, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 12 mars 1992, qui, pour publicité fausse ou de nature à induire en erreur et tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 44-1 de la loi du 27 décembre 1973, 485 et 512 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Henri S coupable de publicité mensongère et de nature à induire en erreur ;

"aux motifs que, il résulte de l'enquête effectuée par les services extérieurs de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à la suite d'une plainte déposée par Mme Habechian que S Henri a diffusé des documents publicitaires contenant abusivement une présentation laudative de la portée économique et technologique de son entreprise ; que S a utilisé le sigle "international" en invoquant que sa société réalise une part importante de son activité avec l'étranger alors que pour l'année 1989 la part de l'exportation n'a été que d'environ 1/3 du chiffre d'affaires total ; que d'autre part S a indiqué comme adresse de l'entreprise Puteaux-La Défense alors que le siège de celle-ci n'est pas dans le périmètre du quartier de La Défense ; que de plus la société X International est présentée comme ayant 15 années d'expérience alors qu'elle n'a été constituée que le 8 mars 1982 ; que le terme de "fabricant français" a été également utilisé alors qu'aucun brevet de fabrication n'a été présenté et que le 30 mai 1989 seulement 7 personnes étaient employées, aucune ne s'occupant de fabrication ou d'assemblage d'éléments ; que les premiers juges ont dans ces conditions à bon droit retenu la culpabilité de S du chef de publicité mensongère, ce dernier ayant par la présentation abusive de son entreprise induit en erreur le public français sur la portée économique et financière de celle-ci ;

"alors premièrement que, il résultait des propres énonciations de l'arrêt que la société X International réalisait une partie de son activité avec l'étranger ; qu'en déclarant néanmoins S coupable de publicité mensongère au motif inopérant que cette activité ne représentait qu'environ 1/3 du chiffre d'affaires de cette société, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors deuxièmement que, en retenant au soutien de sa déclaration de culpabilité que S avait indiqué comme adresse de l'entreprise Puteaux-La-Défense quand bien même le siège de celle-ci ne se trouvait pas dans le périmètre du quartier de La Défense, sans préciser en quoi cette indication était de nature, selon l'arrêt à induire "en erreur le public français sur la portée économique et financière" de cette entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"alors troisièmement que, dans ses conclusions d'appel (cf. p 2), S avait fait valoir qu'il avait crée son entreprise en s'entourant de spécialistes ayant près de vingt ans d'expérience, ce qui avait pour conséquence que les services et prestations fournis "correspondaient effectivement à ceux que l'on pouvait attendre d'une telle expérience" ; qu'en retenant qu'il avait faussement présenté sa société comme ayant quinze années d'expérience, sans répondre au chef péremptoire de ses écritures de procédure qui impliquait l'inexistence du délit qui lui était reproché, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

"alors quatrièmement que, selon les mentions du registre du personnel visé par l'arrêt, deux des sept salariés de la société X International étaient employés en qualité de "techniciens", ce qui établissait, comme S l'avait fait valoir dans ses conclusions d'appel (cf. p 4), que l'entreprise exerçait effectivement une activité de fabrication ; que la cour d'appel ne pouvait, sans derechef violer les textes susvisés, affirmer le contraire au motif erroné qu'aucun des employés ne s'occupait de fabrication ou d'assemblage d'éléments" ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 4 du Code pénal, 485 et 512 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré S coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue ;

"aux motifs que S Henri fait valoir que les termes "HP 15 000" sont une simple dénomination de l'appareil exclusive de tout engagement sur une quelconque puissance ; qu'il résulte cependant des documents publicitaires joints en annexe du procès-verbal des services de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes que la mention 15 000 n'est pas une simple référence de gamme mais constitue une allusion directe à la puissance de l'appareil, celle-ci étant un critère d'achat prépondérant pour ce type d'appareil ; qu'il résulte de l'expertise que l'appareil livré, présenté comme ayant une puissance de 15 000 watts, n'avait en réalité qu'une puissance de 9 000 watts ; que S soutient d'autre part que l'appareil a été livré directement par le transitaire, la société Pinalpina, dont le bon de livraison porte la mention "départ usine non - dédouané" ; qu'il n'a donc pu être matériellement utilisé avant la livraison ; que l'expert a précisé que ce ne sont pas les examens auxquels s'est livré le technicien de la société Verre et Quartz qui ont pu amener des encrassements des ventilateurs par la poussière ; que de plus l'appareil était de fabrication étrangère contrairement à ce que laissait croire la publicité et que son caractère hydraulique évoqué notamment sur le contrat de location Loveco et sur le bon de livraison, ne correspond pas à la réalité ;

"alors premièrement que, le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue est une infraction intentionnelle ; que la cour d'appel n'a en l'espèce nullement caractérisé la mauvaise foi de S, et a ce faisant privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"alors deuxièmement que, la loi pénale doit être interprétée restrictivement ; qu'une simple "allusion", même directe, aux qualités d'un produit s'avère en conséquence exclusive du délit de tromperie ; qu'en déclarant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors troisièmement que, dans ses conclusions d'appel, S avait fait valoir que l'appareil en cause avait été examiné par l'expert neuf mois après sa livraison, ce qui ne permettait pas d'établir qu'il était effectivement usagé lors de la vente ; qu'en se fondant sur le rapport d'expertise pour déclarer que l'appareil n'avait pas livré neuf sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

"alors quatrièmement que, en retenant que l'appareil était de fabrication étrangère contrairement à ce que laissait croire la publicté et que son prétendu caractère hydraulique ne correspondait pas à la réalité, sans rechercher si ces fausses indications étaient relatives à des qualités substantielles de cet appareil, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale ;

"alors cinquièmement que, dans ses conclusions " d'appel, S avait fait valoir qu'il n'avait jamais prétendu à sa cocontractante que l'appareil qu'il lui vendait avait été fabriqué par sa société ; qu'en entrant en voie de condamnation au moyen de la considération inopérante tirée des mentions portées sur les documents publicitaires de cette société et sans répondre aux conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel a une nouvelle fois privé sa décision de motifs ;

"et sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 1147 du Code civil, 3, 3, 485 et 512 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné S, déclaré coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, à payer à Mme Boyadjian, épouse Habechian la somme de 150 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que en ce qui concerne l'action civile, la Cour a les éléments suffisants d'appréciation pour évaluer, toutes causes confondues, le préjudice subi par Mme Habechian à la somme e 150 000 francs ;

"alors que l'arrêt, qui se borne à viser les éléments de la cause, sans en effectuer la moindre analyse, pour évaluer à 150 000 francs le préjudice subi par Mme Habechian, dont S avait contesté l'existence même dans ses conclusions d'appel, ne permet pas de savoir si celle-ci n'a pas en réalité, et au mépris du principe de la réparation intégrale, bénéficié d'un profit indu" ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les juges du second degré, qui n'avaient pas à répondre mieux qu'ils l'ont fait aux conclusions dont ils étaient saisis, ont exposé sans insuffisance ni contradiction les motifs dont ils ont déduit que les délits reprochés au prévenu étaient caractérisés en tous leurs éléments et justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité qu'ils ont estimée propre à réparer le préjudice découlant de ces infractions ;que les moyens, qui reviennent à remettre en question les faits et circonstances de la cause souverainement appréciés par les juges du fond après débat contradictoire, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.