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Décisions

CJCE, 6e ch., 28 octobre 1999, n° C-6/98

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Arbeitsgemeinschaft Deutscher Rundfunkanstalten

Défendeur :

PRO Sieben Media AG

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. R. Schintgen

Rapporteur :

M. Kapteyn

Avocat général :

M. Jacobs

Juge :

M. Ragnemalm

Avocats :

Mes Kebler, Rabe, Jestaedt

CJCE n° C-6/98

28 octobre 1999

LA COUR (sixième chambre)

1. Par ordonnance du 17 décembre 1997, parvenue à la Cour le 12 janvier 1998, l'Oberlandesgericht Stuttgart a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), deux questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 11, paragraphe 3, de la directive 89-552-CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23), telle que modifiée par la directive 97-36-CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 202, p. 60).

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige entre, d'une part, l'Arbeitsgemeinschaft Deutscher Rundfunkanstalten (ci-après l'"ARD") et, d'autre part, PRO Sieben Media AG (ci-après "PRO Sieben"), soutenue par SAT 1 Satellitenfernsehen GmbH et Kabel 1, K 1 Fernsehen GmbH (ci-après "SAT 1 et Kabel 1").

3. L'ARD est composée de onze sociétés de radiodiffusion de droit public des Länder, lesquelles sont conjointement responsables du programme de télévision de l'ARD.

PRO Sieben ainsi que SAT 1 et Kabel 1 sont des organismes privés de radiodiffusion télévisuelle.

Cadre juridique

La directive 89-552, telle que modifiée par la directive 97-36

4. L'article 3, paragraphe 1, de la directive 89-552 prévoit:

"1. Les États membres ont la faculté, en ce qui concerne les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la présente directive."

5. Selon l'article 11, paragraphe 1, de la directive 89-552, la publicité doit en principe être insérée entre les émissions; elle peut également être insérée pendant les émissions de façon à "ne porter atteinte ni à l'intégrité ni à la valeur des émissions, en tenant compte des interruptions naturelles du programme ainsi que de sa durée et de sa nature, et de manière à ce qu'il ne soit pas porté préjudice aux droits des ayants droit".

6. L'article 11, paragraphe 2, de la directive 89-552 prévoit que, pour les programmes qui se composent de parties autonomes, telle la retransmission télévisée d'événements sportifs, la publicité ne peut être insérée qu'entre les parties autonomes ou au cours des interruptions.

7. L'article 11, paragraphe 3, de cette directive dispose:

"3. La transmission d'œuvres audiovisuelles, telles que longs métrages et films conçus pour la télévision (à l'exclusion des séries, feuilletons, émissions de divertissement et documentaires), pour autant que leur durée programmée soit supérieure à quarante-cinq minutes, peut être interrompue une fois par tranche de quarante-cinq minutes. Une autre interruption est autorisée si leur durée programmée est supérieure d'au moins vingt minutes à deux ou plusieurs tranches complètes de quarante-cinq minutes."

8. L'article 20 de la directive 89-552 dispose:

"Sans préjudice de l'article 3, les États membres peuvent prévoir, dans le respect du droit communautaire, des conditions autres que celles fixées à l'article 11 paragraphes 2 à 5 et aux articles 18 et 18 bis pour les émissions qui sont destinées uniquement au territoire national et qui ne peuvent être reçues par le public, directement ou indirectement, dans un ou plusieurs autres États membres."

La Convention européenne sur la télévision

9. L'article 14, paragraphe 3, de la Convention européenne sur la télévision transfrontalière, du 5 mai 1989 (ci-après la "Convention"), est libellé comme suit dans les textes en langues anglaise et française, lesquels font foi:

Version anglaise

"3. The transmission of audiovisual works such as feature films and films made for television (excluding series, serials, light entertainment programms and documentaries), provided their duration is more than 45 minutes, may be interrupted once for each complete period of 45 minutes. A further interruption is allowed if their duration is at least 20 minutes longer than two or more complete periods of 45 minutes."

Version française

"3. La transmission d'œuvres audiovisuelles, telles que les longs métrages cinématographiques et les films conçus pour la télévision (à l'exclusion des séries, des feuilletons, des émissions de divertissement et des documentaires), à condition que leur durée soit supérieure à quarante-cinq minutes, peut être interrompue une fois par tranche de quarante-cinq minutes. Une autre interruption est autorisée si leur durée est supérieure d'au moins vingt minutes à deux ou plusieurs tranches complètes de quarante-cinq minutes."

Le droit allemand

10. La loi fondamentale allemande attribue aux Länder la compétence législative en matière de radiodiffusion et de radiodiffusion télévisuelle. D'après le Staatsvertrag über den Rundfunk im vereinigten Deutschland (traité d'État relatif à la radiodiffusion dans l'Allemagne unie, ci-après le "Rundfunkstaatsvertrag"), du 31 août 1991, les sociétés de radiodiffusion de droit public ne peuvent diffuser dans leurs programmes télévisés que 20 minutes de publicité, au maximum, par jour ouvrable. Les organismes privés de radiodiffusion télévisuelle peuvent consacrer à la publicité 20 % au maximum de la durée d'émission quotidienne, dont 15 % pour les messages publicitaires.

11. L'article 26, paragraphe 4, du Rundfunkstaatsvertrag dispose:

"Sous réserve du paragraphe 3, deuxième phrase, les œuvres telles que les longs métrages et les films conçus pour la télévision, à l'exclusion des séries, feuilletons, émissions de divertissement et documentaires, pour autant que leur durée soit supérieure à quarante-cinq minutes, peuvent être interrompues une fois par tranche complète de quarante-cinq minutes. Une autre interruption est autorisée si ces émissions ont une durée supérieure d'au moins vingt minutes à deux ou plusieurs tranches complètes de quarante-cinq minutes."

12. Cette disposition a été reprise à l'article 44, paragraphe 4, du Dritter Staatsvertrag zur Änderung rundfunkrechtlicher Staatsverträge (troisième traité d'État visant à la modification des traités d'État relatifs aux droits de la radiodiffusion), qui est entré en vigueur le 1er janvier 1997.

13. Par lettre du 7 avril 1992, le Gouvernement allemand a informé la Commission de la transposition de la directive 89-552 et lui a communiqué le Rundfunkstaatsvertrag de 1991.

Faits et questions préjudicielles

14. Il ressort du dossier que le litige au principal porte sur le calcul du nombre d'interruptions publicitaires autorisé en vertu de l'article 26, paragraphe 4, du Rundfunkstaatsvertrag dans les longs métrages diffusés par les organismes privés de radiodiffusion télévisuelle. À cet égard, deux interprétations sont avancées, communément appelées le principe du brut et le principe du net.

15. Selon le principe du brut, soutenu par PRO Sieben ainsi que par SAT 1 et Kabel 1, la durée des publicités doit être incluse dans la période de temps par rapport à laquelle le nombre d'interruptions autorisé est calculé. Selon le principe du net, soutenu par l'ARD, seule la durée elle-même des œuvres doit être incluse. Il est constant que, dans certaines circonstances, l'application du principe du brut permet un plus grand nombre d'interruptions publicitaires que ne le permet le principe du net.

16. Par jugement du 10 octobre 1996, le Landgericht Stuttgart a enjoint à PRO Sieben de s'abstenir d'interrompre par de la publicité la transmission d'œuvres audiovisuelles telles que des longs métrages et des films pour la télévision dont la durée, à l'exclusion des périodes de publicité insérée (principe du net), n'est pas supérieure à 45 minutes, ou d'interrompre par de la publicité, plus d'une fois par période complète de 45 minutes, des transmissions d'œuvres télévisuelles plus longues, calculées selon le principe du net. En outre, une interruption supplémentaire est autorisée si la transmission, calculée selon le principe du net, a une durée supérieure d'au moins 20 minutes à deux ou plusieurs tranches complètes de 45 minutes.

17. Ayant interjeté appel de cette décision devant l'Oberlandesgericht, PRO Sieben a soutenu que, même si, en vertu de la législation allemande, le principe du net devait être appliqué, celui-ci était contraire à la directive 89-552 et au droit communautaire primaire.

18. La juridiction de renvoi, tout en partageant l'interprétation du droit national donnée par le Landgericht Stuttgart, a estimé néanmoins que l'issue du litige dépendait de l'interprétation de la directive 89-552.

19. Dans ces conditions, l'Oberlandesgericht Stuttgart a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) L'article 11, paragraphe 3, de la directive 97-36-CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, modifiant la directive 89-552-CEE (directive modifiant la directive dite 'de radiodiffusion télévisuelle'), ou l'article 11, paragraphe 3, identique dans les termes, de la directive 89-552-CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (directive dite de radiodiffusion télévisuelle), prévoit-il le principe du brut ou du net ?

2) À supposer que l'article 44, paragraphe 4, du Dritter Staatsvertrag zur Änderung rundfunkrechtlicher Staatsverträge (troisième traité d'État visant à la modification des traités d'État relatifs au droit de la radiodiffusion - annexe B 33, p. 437 de l'annexe) prescrive le principe du net, cela est-il compatible avec l'article 11, paragraphe 3, combiné avec l'article 3, paragraphe 1, de la directive relative à la radiodiffusion télévisuelle ou le droit communautaire primaire (les articles 5, 6, 30 et suivants, 59 et suivants, 85 et suivants du traité CE, le principe général d'égalité de traitement) ?"

Sur la première question

20. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 11, paragraphe 3, de la directive 89-552, telle que modifiée par la directive 97-36, prévoit le principe du brut ou celui du net.

21. Selon l'ARD, les Gouvernements français, néerlandais et portugais, l'article 11, paragraphe 3, de la directive 89-552, modifiée, se réfère au principe du net. En revanche, PRO Sieben, soutenue par SAT 1 et Kabel 1 ainsi que par les Gouvernements italien, luxembourgeois et du Royaume-Uni et la Commission, a estimé que cette disposition, fait référence au principe du brut.

22. À l'appui de leurs interprétations respectives, les parties au principal, les gouvernements qui ont soumis des observations à la Cour ainsi que la Commission ont invoqué des arguments tirés du texte de l'article 11, paragraphe 3, de la directive 89-552 dans ses versions allemande, anglaise et française, de l'article 14, paragraphe 3, de la Convention, de l'économie et de la finalité de la directive 89-552 ainsi que de la genèse de celle-ci et de la directive 97-36.

23. Il convient de relever d'abord, ainsi que l'a fait M. l'avocat général aux points 18 à 25 de ses conclusions, que les arguments tirés du texte de l'article 11, paragraphe 3, de la directive 89-552, modifiée, ne fournissent pas d'indication claire sur la question de savoir si cette disposition prescrit le principe du brut ou celui du net.

24. S'agissant, ensuite, de l'article 14, paragraphe 3, de la Convention, dont le libellé est identique à celui de l'article 11, paragraphe 3, de la directive 89-552, modifiée, sauf que la première disposition se réfère à la "durée" tandis que la seconde se réfère à la "durée programmée", il suffit de constater, ainsi que l'a fait M. l'avocat général au point 29 de ses conclusions, que cette divergence peut être interprétée de façon contradictoire.

25. Pour les raisons mentionnées aux points 31 à 36 des conclusions de M. l'avocat général, il ne saurait être tiré de la déclaration du Conseil et de la Commission figurant au procès-verbal du Conseil du 3 octobre 1989 ou de la proposition du Parlement européen du 14 février 1996 concernant la directive 97-36 des arguments concluants pour répondre à la question de savoir si l'article 11, paragraphe 3, de la directive 89-552, modifiée, prescrit le principe du brut ou celui du net.

26. Force est donc de constater que l'article 11, paragraphe 3, de la directive 89-552, modifiée, est libellé en des termes ambigus.

27. Dans ces conditions, il convient de rappeler que, lorsque le texte d'une disposition communautaire contient, dans ses différentes versions linguistiques, considérées à la lumière de l'historique de la disposition et des travaux préparatoires, sur lesquels les parties ont appuyé leur argumentation dans leurs observations soumises à la Cour, trop d'éléments contradictoires et équivoques pour indiquer la réponse, il y a lieu, aux fins de l'interprétation de cette disposition, de considérer le contexte dans lequel elle figure et l'objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir arrêt du 7 février 1979, Pays-Bas/Commission, 11-76, Rec. p. 245, point 6).

28. Ainsi que la Cour l'a constaté dans les arrêts du 9 février 1995, Leclerc-Siplec (C-412-93, Rec. p. I-179, point 28), et du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop (C-34-95 à C-36-95, Rec. p. I-3843, point 3), l'objectif premier de la directive 89-552, qui a été adoptée sur le fondement des articles 57, paragraphe 2, du traité CE (devenu après modification, article 47, paragraphe 2, CE) et 66 du traité CE (devenu article 55 CE), consiste à assurer la libre diffusion des émissions télévisées.

29. Il importe de relever ensuite qu'une disposition qui, en matière de prestations de services, impose une restriction à une activité qui concerne l'exercice d'une liberté fondamentale, telle que la libre diffusion des émissions télévisées, doit exprimer cette restriction en des termes clairs.

30. Il s'ensuit que, lorsqu'une disposition de la directive 89-552 impose une restriction à la diffusion et à la distribution de services de télévision, sans que le législateur communautaire ait rédigé celle-ci en des termes clairs et non équivoques, celle-ci doit être interprétée de façon restrictive.

31. Dès lors que l'article 11, paragraphe 3, de la directive 89-552, modifiée, prévoit une restriction en ce qui concerne la possibilité d'interrompre la transmission d'œuvres audiovisuelles par de la publicité, il y a lieu d'interpréter cette restriction dans le sens le plus strict.

32. Or, il est constant que le principe du brut permet un plus grand nombre d'interruptions publicitaires que le principe du net.

33. Il convient donc de répondre à la première question que l'article 11, paragraphe 3, de la directive 89-552, telle que modifiée par la directive 97-36, doit être interprété en ce sens qu'il prévoit le principe du brut, en sorte que, pour calculer la période de 45 minutes aux fins de déterminer le nombre d'interruptions publicitaires autorisé dans la diffusion d'œuvres audiovisuelles, tels des longs métrages et des films conçus pour la télévision, la durée des publicités doit être incluse dans cette période.

Sur la seconde question

Sur la première partie de la seconde question

34. Par la première partie de sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions combinées des articles 11, paragraphe 3, et 3, paragraphe 1, de la directive 89-552, telle que modifiée par la directive 97-36, autorisent les États membres à prévoir le principe du net.

35. Selon PRO Sieben, il résulte tant de l'économie que de la finalité de la directive 89-552 que l'article 3, paragraphe 1, de cette directive doit être interprété de façon restrictive. Elle fait valoir, notamment, que la faculté que les États membres ont de prévoir des règles plus strictes ou plus détaillées, prévue à cette disposition, ne saurait porter sur l'article 11 de la directive 89-552.

36. À cet égard, elle précise que, en ce qui concerne la publicité télévisée qui, selon l'article 11, paragraphe 1, peut être insérée pendant des émissions aux conditions énoncées aux paragraphes 2 à 5 de cette disposition, les États membres ne peuvent prévoir d'autres conditions que celles mentionnées à l'article 20 de la directive 89-552, modifiée. Toutefois, selon PRO Sieben, la dérogation prévue à cette dernière disposition ne saurait justifier l'application du principe du net, étant donné que celle-ci ne concerne que les émissions qui sont destinées uniquement au territoire national et qui ne peuvent être reçues, directement ou indirectement, dans un ou plusieurs autres États membres.

37. Il convient d'abord de constater qu'il ressort déjà du libellé de l'article 20 de la directive 89-552 que cette disposition s'applique "sans préjudice de l'article 3" de celle-ci.

38. Ensuite, il importe de relever que l'interprétation soutenue par PRO Sieben reviendrait à vider de son objet l'article 3, paragraphe 1, en tant que disposition générale dans un domaine essentiel couvert par la directive 89-552, modifiée.

39. Or, il ne résulte ni des considérants ni de l'objectif de la directive 89-552 que l'article 20 doit être interprété comme privant les États membres de la faculté qui leur a été reconnue par son article 3, paragraphe 1.

40. En effet, le vingt-septième considérant de la directive 89-552 se réfère en termes généraux, et sans la limiter aux circonstances définies à l'article 20, à la faculté des États membres de fixer des règles plus strictes ou plus détaillées que les normes minimales et les critères auxquels est soumise la publicité en vertu de ladite directive.

41. En revanche, la faculté des États membres prévue à l'article 20 de la directive 89-552 est visée au vingt-huitième considérant de celle-ci, dès lors qu'il se réfère à la faculté des États membres de fixer d'autres conditions relatives à l'insertion de la publicité et d'autres limites applicables au volume de publicité afin de favoriser la diffusion de ce type d'émission, à condition que ces émissions soient uniquement destinées au territoire national et qu'elles ne puissent être reçues, directement ou indirectement, dans un ou plusieurs autres États membres.

42. Enfin, la réalisation de l'objectif de la directive 89-552 consistant à assurer la libre diffusion des émissions télévisées conformes aux normes minimales prévues par elle n'est aucunement affectée lorsque les États membres imposent des règles plus strictes à la publicité.

43. Il convient donc de répondre que les dispositions combinées des articles 11, paragraphe 3, et 3, paragraphe 1, de la directive 89-552, modifiée, autorisent les États membres à prévoir, pour les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence, le principe du net pour la publicité qui peut être insérée pendant des émissions, donc de prévoir que, pour calculer cette période, la durée des publicités doit être exclue, à condition toutefois que ces règles soient compatibles avec d'autres dispositions pertinentes du droit communautaire.

Sur la seconde partie de la seconde question

44. Par la seconde partie de sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si les articles 5 du traité CE (devenu article 10 CE), 6, 30, 59 du traité CE (devenus, après modification, articles 12 CE, 28 CE et 49 CE) et 85 du traité CE (devenu article 81 CE) ainsi que le principe général d'égalité de traitement s'opposent à ce qu'un État membre prévoie, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 89-552, l'application du principe du net.

Sur l'article 30 du traité

45. Il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé qu'une législation qui interdit la publicité télévisée dans un secteur particulier concerne des modalités de vente en ce qu'elle interdit une certaine forme de promotion d'une certaine méthode de commercialisation de produits (arrêt Leclerc-Siplec, précité, point 22).

46. Or, la restriction sur la publicité en cause au principal étant d'un genre similaire, mais d'une étendue moindre, elle concerne également des modalités de vente.

47. Dans l'arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C-267-91 et C-268-91, Rec. p. I-6097, point 16), la Cour a considéré que des dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente ne relèvent pas de l'article 30 du traité, pourvu que, d'une part, elles s'appliquent à tous les opérateurs exerçant leur activité sur le territoire national et que, d'autre part, elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et ceux en provenance d'autres États membres.

48. Or, ces deux conditions sont manifestement remplies par une réglementation en matière de publicité télévisée telle que celle en cause au principal.

Sur l'article 59 du traité

49. En ce qui concerne la compatibilité avec l'article 59 du traité d'une réglementation nationale imposant le principe du net, qu'un État membre peut prévoir en vertu de la faculté prévue à l'article 3, paragraphe 1, de la directive 89-552, modifiée, il y a lieu d'observer que, dès lors qu'elle limite la possibilité pour les organismes de radiodiffusion télévisuelle établis dans l'État d'émission de diffuser une publicité au profit des annonceurs établis dans d'autres États membres, une telle réglementation comporte une restriction à la libre prestation des services.

50. Toutefois, il convient de relever que la protection des consommateurs contre les excès de la publicité commerciale ou, dans un but de politique culturelle, le maintien d'une certaine qualité des programmes constituent des raisons impérieuses d'intérêt général pouvant justifier des restrictions à la libre prestation des services (voir, notamment, arrêt du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda, C-288-89, Rec. p. I-4007, point 27).

51. En ce qui concerne la proportionnalité de la restriction en cause, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les exigences imposées aux prestataires de services doivent être propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles visent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint (voir, notamment, arrêts Collectieve Antennevoorziening Gouda, précité, point 15, et du 10 mai 1995, Alpine Investments, C-384-93, Rec. p. I-1141, point 45).

52. Aucun élément du dossier ne permet de conclure que, dans l'affaire au principal, ces conditions ne sont pas remplies.

Sur les articles 5, 6 et 85 du traité ainsi que sur le principe d'égalité de traitement

53. Ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 83 à 85 de ses conclusions, les articles 5, 6 et 85 du traité ainsi que le principe d'égalité de traitement ne sont pas pertinents dans la situation telle que décrite par la juridiction de renvoi.

54. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les articles 5, 6, 30 et 85 du traité ainsi que le principe général d'égalité de traitement ne s'appliquent pas à une réglementation nationale qui prévoit l'application du principe du net pour les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence. L'article 59 du traité ne s'oppose pas à ce qu'un État membre prévoie, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 89-552, l'application du principe du net.

Sur les dépens

55. Les frais exposés par les Gouvernements français, italien, luxembourgeois, néerlandais, portugais, suédois et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par l'Oberlandesgericht Stuttgart, par ordonnance du 17 décembre 1997, dit pour droit:

1) L'article 11, paragraphe 3, de la directive 89-552-CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle, telle que modifiée par la directive 97-36-CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, doit être interprété en ce sens qu'il prévoit le principe du brut, en sorte que, pour calculer la période de 45 minutes aux fins de déterminer le nombre d'interruptions publicitaires autorisé dans la diffusion d'œuvres audiovisuelles, tels des longs métrages et des films conçus pour la télévision, la durée des publicités doit être incluse dans cette période.

2) Les dispositions combinées des articles 11, paragraphe 3, et 3, paragraphe 1, de la directive 89-552, modifiée, autorisent les États membres à prévoir, pour les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence, le principe du net pour la publicité qui peut être insérée pendant des émissions, donc de prévoir que, pour calculer cette période, la durée des publicités doit être exclue, à condition toutefois que ces règles soient compatibles avec d'autres dispositions pertinentes du droit communautaire.

Les articles 5 du traité CE (devenu article 10 CE), 6, 30 du traité CE (devenus, après modification, articles 12 CE et 28 CE) et 85 du traité CE (devenu article 81 CE) ainsi que le principe général d'égalité de traitement ne s'appliquent pas à une réglementation nationale qui prévoit l'application du principe du net pour les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence.

L'article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) ne s'oppose pas à ce qu'un État membre prévoie, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 89-552, l'application du principe du net.