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Décisions

CA Caen, ch. corr., 26 février 2001, n° 00-00547

CAEN

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Holman

Conseillers :

Mlle Bodelot, M. Cadin

Avocat :

Me Abegg

TGI Lisieux, ch. corr., du 7 mars 2000

7 mars 2000

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :

Saisi de poursuites dirigées contre M. D Henri, d'avoir à Saint-Pierre-sur-Dives, dans le Calvados et sur le territoire national, courant juillet 1999

1) effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'existence, la nature, les qualités substantielles et sur l'origine d'un bien, en l'espèce de la viande bovine commercialisée sous la dénomination "X", alors que sur les premiers mois de 1999, 51,67 % des animaux ne provenaient pas de (localité)et qu'au surplus l'entreprise n'a pas la qualité d'éleveurs mais d'intermédiaire dans la négoce de la viande

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

2) d'avoir trompé ou tenté de tromper les consommateurs sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles d'une marchandise, en l'espèce de la viande, en commercialisant mensongèrement celle-ci comme provenant d'animaux élevés par l'entreprise dans le Pays d'Auge

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

Le Tribunal correctionnel de Lisieux, par jugement en date du 7 mars 2000, a déclaré le prévenu coupable des infractions et l'a condamné à 15 000 F d'amende.

Sur l'action civile, ledit tribunal a reçu l'UFC "Que Choisir" en sa constitution de partie civile, a déclaré Henri D responsable du préjudice subi par l'UFC et l'a condamné à lui payer 5 000 F à titre de dommages-intérêts et 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par Monsieur D Henri, le 13 mars 2000,

M. le Procureur de la République, le 13 mars 2000

MOTIFS :

1- Sur l'action publique

M. D est Président directeur général de la société "X", enregistrée au registre du commerce de Lisieux le 14 août 1987. La société utilise depuis cette date son nom commercial comme enseigne et comme marque publicitaire.

Le 5 mars 1998, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Calvados attirait l'attention de M. D sur le fait que l'utilisation de la raison sociale "X" lors de la présentation et sur l'étiquetage des viandes pouvait être considérée comme une indication de provenance et ce d'autant plus que le logo de la société représentait deux bovins broutant sous un pommier, alors que cette entreprise ne procédait à aucun élevage d'animaux de boucherie, et que les animaux qu'elle faisait abattre provenaient pour partie seulement de Normandie.

Le 2 avril 1999, les fonctionnaires de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes se présentaient au siège de l'entreprise et se faisaient remettre la liste d'abattage des bovins pour la période comprise entre le 1er octobre 1998 et le 31 mars 1999.

Il était constaté que pour la période concernée, 48,46 % des animaux abattus ne provenaient pas de Normandie, 51,67 % ne provenaient pas de (localité).

Par ailleurs, le 7 avril 1998, il était constaté à la boucherie M de Carentan la mise en vente d'une carcasse de bovin en provenance de la Somme. Sur la fiche présentée à la clientèle, le nom de l'éleveur et la provenance de l'animal étaient inscrits sous le logo et la raison sociale "X".

Le même constat était fait le 8 novembre 1998 au marché Z de Gavray pour un animal en provenance de l'Aisne.

Le prévenu conclut à la réformation du jugement et sollicite la relaxe.

Il demande paiement d'une somme de 10 000 F en application de l'article 800-2 du Code de procédure pénale.

1) Sur la publicité mensongère

Concernant les clients professionnels de la société, le logo et la raison sociale ne sont pas de nature à induire en erreur sur la provenance géographique de la viande et la qualité d'intermédiaire négociant de l'entreprise puisqu'ainsi qu'il en est justifié par le prévenu et admis par l'Administration dans son courrier du 24 mars 1998, aucune anomalie n'a été relevée lors du contrôle du système de traçabilité des viandes bovines, qui permet lors de toutes les transactions à l'ensemble des intervenants de la filière bovine, distributeurs compris, d'être informés sur la provenance des animaux commercialisés.

Concernant les consommateurs, la publicité incriminée n'est pas davantage de nature à induire en erreur le consommateur moyen sur la véritable origine de la marchandise, puisque sur la fiche comportant l'enseigne et le logo de la société, sont inscrits en gros caractères le nom de l'éleveur et le lieu d'élevage.

Enfin, l'Administration ne saurait à la fois prétendre que le nom social de l'entreprise est susceptible d'induire en erreur et conseiller à M. D (courrier du 24 mars 1998) d'utiliser le signe "xxx" pour les animaux élevés et abattus hors Normandie, alors que cette abréviation est composée des initiales du nom incriminé.

En conséquence, les éléments constitutifs de l'infraction n'étant pas réunis, le jugement sera réformé et le prévenu relaxé de ce chef de poursuite.

2) Sur la tromperie :

Pour les motifs ci-dessus exposés, il n'est pas établi que le prévenu ait commercialisé mensongèrement de la viande comme provenant d'animaux élevés par son entreprise dans le (localité).

En conséquence, les éléments constitutifs de l'infraction n'étant pas réunis, le jugement sera réformé et le prévenu relaxé de ce chef de poursuite.

3) Sur l'application de l'article 800-2 du Code de procédure pénale :

Aux termes de l'article 800-2 du Code de procédure pénale, ce texte nécessite un décret d'application pour entrer en vigueur.

En l'absence de décret pris à ce jour, la demande est irrecevable.

II- Sur l'action civile

L'Union Fédérale des Consommateurs, partie civile, sollicite la confirmation des dispositions civiles du jugement ainsi que 2 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en appel.

Le prévenu étant relaxé des chefs de poursuite, le jugement sera réformé en ses dispositions civiles et les demandes de la partie civile seront rejetées.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire à l'égard de toutes les parties reçoit les parties en leurs appels vu les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1, L. 121-4, L. 213-1, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation ; Réforme le jugement relaxe M. Henri D ; Déclare irrecevable la demande en application de l'article 800-2 du Code de procédure pénale, rejette les demandes de la partie civile laisse les dépens de l'action civile à la charge de l'Union Fédérale des Consommateurs.