CA Rennes, ch. corr., 19 décembre 2002, n° 02-00306
RENNES
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocat général :
Mme Fiasella-Le Braz
Conseillers :
M. Lourdelle, Mme Antoine
Avocat :
Me Moreau.
Rappel de la procédure
Le jugement : - Le Tribunal correctionnel de Morlaix par jugement Contradictoire en date du 22 novembre 2001, pour : Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise publicité mensongère ou de nature a induire en erreur a condamné P Marcel une peine d'amende de 10 000 F.
Les appels : - Appel a été interjeté par M. le Procureur de la République, le 23 novembre 2001, à titre principal, Monsieur P Marcel, le 4 décembre 2001, à titre incident,
La prévention : - Il est fait grief à Marcel P
1 - d'avoir à Saint Martin Des Champs, le 29 juillet 1998 et en tout cas depuis temps non prescrit, trompé ou tenté de tromper le consommateur, contractant, sur la composition, les qualités substantielles, l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation d'un édulcorant de table, en l'espèce en raison de la présence de l'acésulfame, édulcorant, non mentionnée dans l'étiquetage, de fructose annoncé comme éliminé et de l'absence d'indication relative aux effets indésirables lors d'une consommation excessive de fructo-digosaccharides, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
2 - d'avoir à Saint Martin Des Champs, le 29 juillet 1998 et en tout cas depuis temps non prescrit, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la composition, les qualités substantielles et les conditions d'utilisation du même produit, en l'espèce, en ne mentionnant pas dans la publicité la présence d'acésulfame, en présentant le fructose comme éliminé, en n'indiquant pas les effets indésirables du produit lors d'une consommation excessive de fructo-digosaccharides, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al.1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation
En la forme, les appels sont réguliers et recevables en la forme
Au fond :
Rappel des faits
Un agent de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Finistère (DGCCRF) ayant prélevé le 29 janvier 1998 dans les locaux d'un répartiteur pharmaceutique des flacons destinés à la vente d'un produit dénommé "X" élaboré par les laboratoires "Y", SARL dont M. P est le gérant, procès-verbal a été dressé au vu des analyses du produit, portées à la connaissance de M. P le 29 juillet 1998 et après analyse de l'un des composants de ce produit (Z) notifiée le 13 novembre 1998.
Il est reproché à M. P de n'avoir pas indiqué sur l'étiquetage du produit X que celui-ci contenait un édulcorant "l'acésulfame de potassium", d'avoir précisé que le fructose avait été éliminé alors que les analyses en avaient décelé la présence et de n'avoir pas indiqué les effets indésirables possibles en cas de consommation excessive du fait de la présence de fructo-oligosaccharides.
Le tribunal a estimé que les faits étaient constitués, M. P n'ayant pas comparu. Prétentions des parties devant la cour
Le Ministère public conclut à l'aggravation de la sanction et à la publication de la décision.
Le prévenu conclut à sa relaxe aux motifs que les poursuites sont dépourvues de fondement légal par suite de la nullité qui entache les analyses du laboratoire.
Subsidiairement il conclut à l'absence de preuve d'élément intentionnel et matériel des délits de tromperie et publicité mensongère et par suite au bénéfice des dispositions de l'article 121-3 du Code pénal de sorte que pour ces motifs il sollicite encore sa relaxe.
Plus subsidiairement il demande de constater l'effacement des condamnations par l'effet de la loi d'amnistie.
Sur ce la cour
Sur la nullité de la procédure
Le prévenu invoque le non respect des dispositions de l'article L. 215-11 du Code de la consommation en ce qu'il n'a pas été informé du droit qu'il avait de réclamer une expertise contradictoire à la suite des analyses du laboratoire du service de la Répression des Fraudes.
Or d'une part les résultats des analyses ont bien été portés à la connaissance de M. P qui lors de la première notification a remis des échantillons du produit Z entrant dans la composition du X aux fins d'analyse et les résultats de cette deuxième analyse dont il a eu également connaissance sont favorables à sa thèse et il s'en prévaut.
En outre sur les trois éléments de reproches seuls la présence de fructose fait l'objet de discussion, de sorte que les analyses pour les deux autres éléments ne sont pas discutées.
Il n'y a pas lieu à annulation, sauf à examiner au fond, la force probante de l'analyse contestée.
Sur les éléments constitutifs des délits
a) La présence de fructose
L'analyse litigieuse du produit X effectuée le 16 juillet 1998 conclut à la présence de fructose, élément ne figurant pas sur l'étiquette du produit. Cette présence pouvant provenir du produit Z fabriqué par un autre fournisseur, l'analyse de ce produit n'a pas mis en évidence de fructose, M. P n'avait pas à l'époque d'explication.
Cependant des correspondances avec le fabricant et de celle avec le laboratoire de la Répression des Fraudes, une explication permet de faire reste de droit à M. P et à retenir comme insuffisamment probante l'analyse du 16 juillet 1998.
En ce sens il doit être partiellement relaxé.
b) La présence d'acésulfame de potassium
Il est constant que le produit X contient de l'acésulfame de potassium, édulcorant autorisé, sans que ce produit figure sur l'étiquetage des flacons de X, alors qu'un tel étiquetage s'impose en vertu des textes en vigueur(article 10 du décret du 18 septembre 1989). Il ne figure pas non plus sur le dépliant publicitaire, vantant les mérites de ce produit nouveau, contrairement aux autres composants.
Il s'ensuit que le délit est matériellement constitué et que l'intention de le commettre résulte de l'omission de cette mention par un professionnel averti, spécialiste de compléments alimentaires et qui s'est selon lui doté des services de salariés compétents pour le conseiller utilement.
Il ne peut invoquer les dispositions des paragraphes 3 de l'article 121-3 du Code pénal qui, concernant les délits d'imprudence, sont étrangères au cas d'espèce.
c) Les fructo-oligosaccharides:
Il est constant que le X contient de tels éléments figurant sur l'étiquette et les dépliants publicitaires.
Or M. P qui avait pourtant reçu le 19 juillet 1996 une note de la DGCCRF relative à divers produits fabriqués par lui avait eu son attention attirée sur ces "fructo-oligosaccharides" avec l'indication de précaution d'emploi et recommandation d'en tenir compte pour la commercialisation.
Ainsi devait-il être recommandé de ne pas dépasser 30 g/jour pour un adulte sain.
Rien de tel n'a été fait, de sorte que les éléments matériel et intentionnel tant de tromperie que de publicité mensongère sont établis, sans que puisse être invoqué l'article 121-3 § 2 et 3 du Code pénal non applicable au cas d'espèce.
Dès lors que M. P a distribué ces produits par l'intermédiaire d'un répartiteur pharmaceutique, il importe peu qu'il ne se serait agi que d'échantillons dont M. P n'allègue pas qu'ils étaient gratuits, invoquant en conclusion "leur commercialisation" et les textes ne font pas du caractère onéreux de la cession un élément constitutif du délit de publicité mensongère.
Sur la sanction
M. P ayant cessé sa distribution en France du produit la sanction restera modérée, mais ne sera effacée par la loi d'amnistie qu'après paiement de l'amende.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire à l'égard de P Marcel, en la forme reçoit les appels. Au fond réforme partiellement le jugement et reprenant en son entier le dispositif. Déclare le prévenu coupable des délits de tromperie et de publicité mensongère en ce que le produit X ne portait pas mention de la présence de l'acésulfame, édulcorant de table et en ce qu'il ne portait pas d'indication relative aux effets indésirables lors de la consommation de fructo-oligosaccharides. Le relaxe quant à la mention relative à l'élimination du fructose. Le condamne à la peine de 2 000 euro d'amende. Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt dans les journaux Ouest France et le Télégramme de Brest (toutes éditions). Prononce la contrainte par corps, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable le condamné, le tout par application des articles susvisés, des articles 800-1,749 et 750 du Code de procédure pénale.