CA Rennes, ch. corr., 6 février 2003, n° 02-00711
RENNES
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocat général :
Mme Fiasella-Le Braz
Conseillers :
Mme Pigeau, M. Lourdelle
Avocat :
Me Robiou du Pont
Rappel de la procédure :
LE JUGEMENT :
Le Tribunal correctionnel de Nantes par jugement contradictoire en date du 14 février 2002, pour publicité mensongère ou de nature a induire en erreur a relaxé R Alain.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par M. le Procureur de la République, le 15 février 2002 contre Monsieur R Alain comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne, le 20 février 2002 contre monsieur R Alain
LA PRÉVENTION :
Considérant qu'il est fait grief à Alain R : - d'avoir à Saint Jacques de la Lande et sur le territoire national, courant septembre 1998 et notamment le 18 septembre 1998, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur des poissons présentés dans un document publicitaire comme étant des filets de rascasse alors qu'il s'agissait de filets de sébaste (diffusion 1 204 000 exemplaires) faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al.1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation
En la forme :
Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme
AU FOND :
Rappel des faits
Le 18 septembre 1998, des contrôleurs de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) de Rennes relevaient dans les rayons d'un magasin à l'enseigne "X" à Rennes des filets de poisson mis en vente sous l'appellation 'filets de rascasse cette vente s'inscrivait dans une opération publicitaire précédée de la diffusion massive de documents publicitaires au plan régional dans tous les magasins appartenant au même réseau de distribution (Y).
Le prix proposé incitait au contrôle, sachant que la rascasse est un poisson rare et cher, et il apparaissait que les factures portaient la mention 'Sébaste, ou rascasse du nord". Une analyse d'échantillon devait confirmer cette constatation, ce qui n'est pas discuté.
Au vu de ce contrôle et de ce résultat M. R, Directeur des opérations à la centrale régionale Z était entendu le 26 février 1999, lequel reconnaissait la matérialité des faits les expliquant par une confusion entretenue par ses propres fournisseurs qui dans le cadre de la préparation de l'opération commerciale ont toujours utilisé le terme "Rascasse" et seulement celui de "Rascasse du Nord ou Sébaste" à quelques jours de la livraison, alors que les publicités étaient distribuées.
Selon lui, malgré un fax adressé à tous les magasins de l'enseigne pour procéder aux mises au point nécessaires, le magasin de Rennes n'a pas suivi.
Procès-verbal était relevé par la DGCCRF au double visa
- de l'article L. 121-1 du Code la consommation relatif à la publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ;
- de l'article L. 213-1 du même Code sur la tromperie.
Poursuivi du seul délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, M. R a été relaxé, le tribunal estimant que l'élément intentionnel ne pouvait être retenu contre le prévenu en raison de ses diligences pour réparer l'erreur de libellé.
Prétentions des parties devant la cour
Le Ministère public appelant conclut par écrit à la régularité des poursuites et à la déclaration de culpabilité du prévenu.
Le prévenu conclut à sa relaxe aux motifs
- que l'article 207-4 (en réalité 216-4) du Code de la consommation impose de continuer et terminer les poursuites, engagées en vertu des chapitres I à IV (livre Il titre 1 du Code de la consommation), sur la base des mêmes textes, ce qui n'est pas le cas en l'espèce où engagées sur le fondement de la tromperie (L. 121-1), elles ont été poursuivies sur celui de la publicité mensongère (L. 213-1),
- qu'au fond il a tout mis en œuvre, une fois le problème apparu pour que des rectificatifs soient assurés sur les étals de vente, ce qui n'a pas été suivi par le magasin de Rennes, étant précisé que l'enseigne X regroupe sous forme de coopérative sous le sigle "Y" des magasins indépendants,
Sur quoi la cour
Sur la validité des poursuites
L'article L. 216-4 du Code de la consommation impose que les poursuites engagées en vertu des chapitres Il à VI soient continuées et terminées en vertu des mêmes textes, en l'espèce, après prélèvement d'échantillons, contrôle sur place, et audition de M. R, les agents ont relevé deux délits l'un de publicité mensongère, l'autre de tromperie de sorte que les poursuites engagées sur un seul de ces délits n'ont pas contrevenu à la substitution prohibée par le texte invoqué.
Le moyen sera écarté.
Sur le fond
Il est constant qu'il y a bien eu publicité de nature à induire en erreur puisqu'ont été proposés à la vente avec diffusion très large de tracts auprès des consommateurs, reprise par une mise en rayon particulière avec affichettes, des "filets de Rascasse" alors qu'il ne s'agissait que de filets de "Sebaste", encore appelés "Rascasses du Nord", ou encore "Daurades Sebastes", ces dernières ayant des qualités gustatives banales (et vendues très nettement moins cher) que les "rascasses", beaucoup plus rares et beaucoup plus chères.
En sa qualité de Directeur des opérations, M. R a délégation de pouvoirs avec les moyens adéquats, ce qui n'est pas discuté, pour le développement de l'offre commerciale concernant l'achat et la vente, les services et produits vendus,
L'argumentation retenue par le tribunal selon laquelle le prévenu n'a pas eu l'intention de commettre le délit dans la mesure où il a prévenu les magasins de l'erreur commise, ne saurait être admise dans la mesure où le délit était déjà constitué par la très large publicité déjà diffusée et dans la mesure où, professionnel de la distribution, il sait en établissant plusieurs mois à l'avance, après étude des prix et discussion avec les responsables de magasins, quelles sont les dénominations commerciales admises(les documents internes à l'entreprise le confirment) et les prix des différents produits, notamment lorsque comme en l'espèce il y a une différence considérable entre un produit rare et de haute qualité mais très cher et un produit banal de qualité courante et d'un prix correspondant nettement moins cher, de sorte que la confusion alléguée à laquelle d'autres professionnels participent éventuellement ne peut être le fait d'une inadvertance voire d'une maîtrise insuffisante du métier, lesquelles au demeurant ne suppriment pas le délit, mais tout au plus, peuvent venir atténuer la sanction prononcée, l'envoi d'un fax rectificatif ne supprime pas davantage le délit mais peut seulement atténuer la sanction encore que dans la présente affaire l'envoi d'un fax sans s'assurer parallèlement de sa bonne exécution démontre assez que le moyen n'est pas suffisant,
Le jugement devra être réformé, M. R déclaré coupable et condamné à l'amende telle que prévue au dispositif avec publication conformément à l'article L. 121-4 du Code de la consommation.
La partie civile ne comparaissant pas bien que dûment citée, la cour n'est saisie d'aucune demande.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de R Alain et par arrêt de défaut à l'égard du comite régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne, en la forme reçoit les appels, au fond réforme le jugement déféré. Déclare M. R coupable du délit qui lui est reproché. Le condamne à une amende délictuelle de 2 000 euros. Ordonne la publication aux frais du condamné dans les quotidiens Ouest France et le Télégramme de Brest (toutes éditions) du texte de la prévention et du dispositif du présent arrêt. Prononce la contrainte par corps, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 Euros dont est redevable le condamné, le tout par application des articles susvisés, 749, 750 et 800-1 du Code de procédure pénale.