CA Rennes, 3e ch., 23 janvier 2003, n° 02-00877
RENNES
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocat général :
Mme Fiasella-Le Braz
Conseillers :
Mmes Pigeau, Antoine
Avocat :
Me Objilere-Guilbert.
RAPPEL DE LA PROCEDURE :
LE JUGEMENT :
Le Tribunal correctionnel de Lorient par jugement contradictoire en date du 23 janvier 2002, pour publicité mensongère ou de nature a induire en erreur a condamné X Gilbert à 3 000 euros d'amende avec sursis et ordonné la publication du jugement dans les journaux Ouest France et le Télégramme.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par Monsieur X Gilbert, le 24 janvier 2002 à titre principal M. Le Procureur de la République, le 24 janvier 2002 à titre incident
LA PREVENTION :
Considérant qu'il est fait grief à Gilbert X
- d'avoir à Lorient et sur le territoire national, du 13 mars 2001 au 19 juillet 2001, effectué une publicité mensongère comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur en l'espèce en prétendant que les frais de constitutions de contrats, de documents et autres prestations connexes n'entrent pas dans le cadre de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 (193-4-13) infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al.1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation
Procédure devant la cour :
Mr X sollicite sa relaxe et le Ministère public conclut à la confirmation du jugement.
EN LA FORME :
Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme
AU FOND :
Il résulte du dossier et des débats les éléments suivants :
Monsieur X est président bénévole de Y, syndicat professionnel auquel adhèrent les agences matrimoniales et notamment celle installée à Vienne et travaillant à l'enseigne "A". Le 27 décembre 2000, la Direction départementale de la Concurrence, Consommation et des fraudes de l'Isère procède au contrôle de cette agence, à la suite de la plainte d'une cliente, et à cette occasion a été remis par l'exploitant un "contrat de conseils et courtage matrimoniaux et autres prestations de relations humaines" portant le logo de Y et se référant expressément à la loi 89-421 du 23 juin 1989 mais distinguant dans ses articles 4 et 5 le prix de prestations "n'entrant pas dans le champ d'application" de cette loi et celui de la prestation proprement dite.
Or l'article 6-II de cette loi du 23 juin 1989 relative à l'information et à la protection du consommateur ainsi qu'à diverses pratiques commerciales interdit tout règlement avant l'expiration du délai de rétractation. Et le décret 90-422 du 16 mai 1990 prévoit une peine d'amende contraventionnelle (5ème classe) pour tout règlement obtenu avant l'expiration du délai de 7 jours.
Entendu, Monsieur X a soutenu que ne pouvaient être considérées comme rentrant dans le champ d'application de la loi protectrice des investigations particulières telles qu'étude graphologique ou psychologique et que dès lors l'infraction n'existait pas, il a également souligné que s'il établissait des contrats type, il ne pouvait être responsable des modifications éventuelles apportées par les adhérents. Enfin il a rappelé qu'en 1996, il avait sollicité l'avis de l'Administration sur ses contrats et qu'aucune suite judiciaire n'avait été donnée, l'Administration soutenant que son interprétation de l'article 4 était erronée.
Il a justifié après le jugement d'une modification du contrat type dans lequel l'article 1 est complété par un alinéa prévoyant la possibilité pour le conseiller de proposer des prestations complémentaires mentionnées à l'article 4 et faisant l'objet d'une tarification particulière.
Les contrats de courtage matrimonial obéissent aux dispositions de la loi du 23 juin 1989 et du décret du 16 mai 1990, ce qu'admet le prévenu. Ces textes prévoient notamment un délai de réflexion de 7 jours durant lequel le client démarché peut revenir sur son engagement sans être tenu compte au paiement d'une quelconque indemnité et ne doit verser aucun acompte sous quelque forme que ce soit. De même, au cas de résiliation pour motif légitime le client est en droit d'obtenir le remboursement du trop perçu au prorata de la durée du contrat encore à courir.
Or les contrats type établis par Monsieur X et soumis aux clients potentiels prévoient en leur article 4 des frais annexes et des frais de constitution de dossier "n'entrant pas dans le champ d'application de la loi et payables à la signature du contrat" et en leur article 6 l'acquisition à titre définitif au profit du professionnel de ces frais au cas de rupture anticipée du contrat imputable au client.
Interrogé sur la nature de ces prestations "n'entrant pas dans le champ d'application de la loi", Monsieur X a repris la défense avancée devant les premiers juges en les définissant ainsi : entretiens précontractuels, prestations confiées à des spécialistes comme peuvent l'être graphologue, sexologue, morphopsychologue, astrologue ou même numérologue, tous spécialistes permettant de cerner la personnalité du client et pouvant éventuellement exclure ou conforter la signature du contrat proprement dit.
Il considère donc qu'il s'agit de prestations indépendantes de l'offre de rencontre pouvant dès lors faire l'objet d'une facturation particulière.
Or en présentant dans le même acte les prestations de "base" et des prestations complémentaires qu'il définit de façon arbitraire comme extérieures au contrat de courtage matrimonial alors qu'à l'évidence cependant elles en font partie intégrante, puisque leur objectif unique et avoué est de cerner davantage la personnalité du candidat et de lui assurer une chance supplémentaire de trouver le partenaire souhaité, il s'oblige nécessairement à respecter la réglementation en vigueur dont l'essence est l'information et la protection du consommateur.
En délivrant aux agences matrimoniales adhérant au syndicat dont il est le président des certificats affirmant qu'ils respectent bien la législation en vigueur et en leur établissant des contrats type, Monsieur X se rend bien personnellement coupable de publicité mensongère si ces contrats ne sont pas conformes aux règles légales, ce qui est bien le cas en l'espèce.
C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu la culpabilité de Monsieur X et la décision doit donc être confirmée de ce chef.
Il est justifié par le prévenu que celui-ci cherche régulièrement à établir des contrats qui soient légalement conformes sans pour autant obtenir de l'administration les réponses souhaitables en temps et en heure. Cette circonstance conduit la Cour à faire une application différente de la loi pénale et à ne pas ordonner la publication de la présente décision, la condamnation à une peine d'amende avec sursis méritant elle d'être confirmée.
Par ces motif, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de X Gilbert, en la forme reçoit les appels, au fond confirme le jugement sur la culpabilité. Infirme sur la peine. Condamne Monsieur X à une peine d'amende de 3 000 euros avec sursis. Constate que l'avertissement prévu à l'article 132-29 du Code pénal n'a pu être donné au prévenu absent lors du prononcé de l'arrêt, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable le condamné, le tout en application des articles susvisés, 800-1 du Code de procédure pénale.