CJCE, 9 décembre 1997, n° C-353/95 P
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Tiercé Ladbroke (SA)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, République française
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rodríguez Iglesias
Présidents de chambre :
MM. Gulmann, Ragnemalm, Schintgen
Avocat général :
M. Cosmas
Juges :
MM. Mancini, Kapteyn (rapporteur), Murray, Edward, Puissochet, Hirsch, Jann
Avocats :
Mes Lever, Vajda, Kon.
LA COUR,
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 novembre 1995, Tiercé Ladbroke SA (ci-après "Ladbroke") a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 18 septembre 1995, Tiercé Ladbroke/Commission (T-471-93, Rec. p. II-2537, ci-après l'"arrêt entrepris"), par lequel celui-ci a rejeté le recours de Ladbroke visant à l'annulation de la décision de la Commission contenue dans sa lettre du 18 janvier 1993, rejetant une plainte (IV-34.013) déposée par Ladbroke au titre des articles 92 et 93 du traité CEE (ci-après la "décision litigieuse").
2. Il ressort de l'arrêt entrepris que, le 18 mars 1991, le Pari mutuel urbain français (ci-après le "PMU"), groupement d'intérêt économique constitué par les principales sociétés de courses en France et bénéficiant des droits exclusifs pour l'organisation en France des paris sur les courses de chevaux pris hors hippodrome, pour la prise de paris à l'étranger sur les courses organisées en France et pour les paris pris en France sur les courses de chevaux organisées à l'étranger, ainsi que le Pari mutuel unifié belge, association sans but lucratif, et la SC auxiliaire PMU belge, société coopérative qui est son auxiliaire (ci-après appelés ensemble le "PMU belge"), constitués par les onze sociétés de courses de chevaux belges, ont conclu un accord en vertu duquel le PMU est autorisé à prendre en France, au nom du PMU belge, des paris sur des courses de chevaux belges (ci-après l'"accord litigieux") (points 1 à 3 de l'arrêt entrepris).
3. L'accord litigieux a été conclu dans le cadre de la législation française, en particulier de la loi de finances n° 64-1279, du 23 décembre 1964, pour l'année 1965 (ci-après la "loi n° 64- 1279"). Cette loi prévoit, en son article 15, paragraphe 3, que les sociétés de courses de chevaux autorisées à organiser le pari mutuel en dehors des hippodromes peuvent être habilitées à recevoir des paris engagés en France sur des courses étrangères, dans la mesure où les paris enregistrés sont centralisés et incorporés dans la répartition en liaison directe avec le ou les organismes chargés de gérer le pari mutuel dans le pays considéré. Selon cette même disposition, les paris ainsi recueillis sont soumis aux prélèvements légaux et fiscaux en vigueur dans le pays où la course est organisée et le produit de ces prélèvements est réparti entre le pays où les paris sont recueillis et celui où la course est disputée. La répartition ainsi effectuée peut comprendre une part spéciale consacrée aux frais de gestion (point 4 de l'arrêt entrepris).
4. En outre, le décret n° 91-118, du 31 janvier 1991, relatif à la collecte de paris par le PMU sur les courses de chevaux organisées en Belgique (ci-après le "décret n° 91-118"), dispose que, sur la part inférieure à 50 millions de FF d'enjeux collectés annuellement sur les courses organisées en Belgique, le PMU versera mensuellement le produit du droit de timbre au budget général et 0,876 % du montant des enjeux au Fonds national des haras et des activités hippiques. Selon ce même décret, sur la part comprise entre 50 et 75 millions de FF d'enjeux collectés annuellement, s'ajoutent aux versements susmentionnés le tiers du produit d'un prélèvement supplémentaire progressif (ci-après le "PSP") sur les gains au profit du budget général et 0,181 % du montant des enjeux au profit du Fonds national des haras et des activités hippiques. Sur la part comprise entre 75 et 100 millions de FF d'enjeux collectés annuellement, s'ajoutent aux versements susmentionnés les deux tiers du PSP sur les gains au profit du budget général et 0,362 % du montant des enjeux au profit du Fonds national des haras et des activités hippiques. Enfin, sur la part supérieure à 100 millions de FF collectés annuellement, s'ajoutent à ces versements la totalité du produit du PSP sur les gains au profit du budget général et 0,543 % du montant des enjeux au profit du Fonds national des haras et des activités hippiques (point 5 de l'arrêt entrepris).
5. En France, les taux cumulés des divers prélèvements légaux et fiscaux dont peut faire l'objet le montant des enjeux des paris recueillis sur les courses de chevaux ne peuvent dépasser 30 %, tandis que, en Belgique, ces prélèvements peuvent atteindre, selon l'article 44-2°, sous d), de l'arrêté royal du 8 juillet 1970, portant règlement général des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, 35 % au maximum (points 6 et 7 de l'arrêt entrepris).
6. Dans le cadre de ce dispositif législatif, l'accord litigieux a prévu que le prélèvement sur le produit des paris pris en France sur les courses de chevaux belges, au taux de 35 % selon les dispositions combinées des législations française et belge précitées, est réparti selon un système tenant compte du montant du chiffre d'affaires réalisé. A cet effet, l'accord litigieux prévoit quatre tranches. La première tranche est constituée par un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions de FF; les attributaires publics français reçoivent 6,386 % du prélèvement et la partie belge 23,114 %. La deuxième tranche est constituée par un chiffre d'affaires compris entre 50 et 75 millions de FF; la part française s'élève à 10,817 % et la part belge descend à 16,183 %. La troisième tranche est constituée par un chiffre d'affaires compris entre 75 et 100 millions de FF; la part française atteint 15,238 % et la part belge 9,762 %. Enfin, pour un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions de FF, la part belge descend à 5,602 % et la part française s'élève à 19,169 % (point 8 de l'arrêt entrepris).
7. Le 12 juillet 1991, Ladbroke, dont l'activité consiste à prendre en Belgique des paris à la cote sur les courses de chevaux courues à l'étranger, a saisi la Commission d'une plainte contre le PMU, le PMU belge et la République française en vertu, notamment, des articles 92 et 93 du traité. Cette plainte invitait la Commission à constater que l'accord litigieux avait pour effet l'octroi, par la République française au PMU belge, d'une aide étatique illégale, qui n'avait pas été notifiée (point 9 de l'arrêt entrepris).
8. Dans sa plainte, Ladbroke a souligné que les paris pris en France, conformément à l'accord litigieux, sont collectés et gérés de la même façon que ceux pris sur les courses françaises, faisant partie du système français et étant centralisés selon le système de totalisation du PMU avec les moyens et la technologie de ce dernier. Transférés par la suite du système français au système belge de totalisation, les enjeux des paris sur les courses belges pris en France seraient assujettis à un prélèvement de 35 %, conformément à la législation belge. De ce prélèvement de 35 %, un montant correspondant à 26 % serait affecté au PMU belge et le restant, soit 9 %, serait restitué au système français, dont 4 % environ à la République française et 5 % environ aux sociétés de courses françaises. En revanche, s'agissant des enjeux sur les courses françaises pris en France, le prélèvement d'environ 30 % serait affecté pour 18 % à la République française et pour 10 % aux sociétés de courses (point 10 de l'arrêt entrepris).
9. Ladbroke a ainsi prétendu que le fait que la République française, le PMU et les sociétés de courses françaises retiennent seulement 9 % du prélèvement sur les enjeux des paris sur les courses belges et non pas 28 %, comme c'est le cas pour le prélèvement sur les enjeux des paris sur les courses françaises, est un traitement fiscal qui, impliquant une charge pour la République française et un profit pour son bénéficiaire, le PMU belge, constitue une aide d'État illégale au profit de ce dernier (point 11 de l'arrêt entrepris).
10. Par la décision litigieuse, la Commission a rejeté la plainte de Ladbroke concernant le prétendu octroi d'une aide d'État illégale aux motifs suivants:
- le prélèvement sur le produit des paris sur les courses belges ne saurait être qualifié de taxe, dès lors qu'il est lui-même soumis à des retenues publiques de nature fiscale et qu'en France, comme en Belgique, il varie en fonction de facteurs divers (point 14 de l'arrêt entrepris);
- après déduction des contributions "exclusivement françaises", se situant à environ 5 %, la retenue publique française, au taux de 18 %, qui est applicable sur le prélèvement de 30 % qui frappe les enjeux des paris sur les courses françaises, tomberait à moins de 13 % et se rapprocherait de la retenue publique française de 6,4 % qui frappe actuellement le prélèvement de 35 % appliqué sur le produit des paris pris en France sur les courses belges (point 15 de l'arrêt entrepris);
- la part du prélèvement qui revient au PMU belge serait, en taux, presque identique, que le lieu de la collecte du pari soit situé en France ou en Belgique (point 16 de l'arrêt entrepris);
- l'accord litigieux, considéré dans son ensemble, ne paraîtrait avantageux pour le PMU belge que dans sa phase initiale, en raison de la diminution de la part de ce dernier sur le prélèvement frappant les tranches du chiffre d'affaires qui sont d'un montant plus élevé (point 17 de l'arrêt entrepris).
11. Toutefois, afin de pouvoir prendre en compte tout fait nouveau et l'éventualité que l'accord, dans les années à venir, ne reçoive application au-delà de la phase initiale, la Commission s'est réservé le droit de réexaminer l'accord après une période de quatre ans et a invité les autorités françaises à lui soumettre un rapport annuel sur la mise en œuvre de l'accord litigieux (point 18 de l'arrêt entrepris).
12. Par l'arrêt entrepris, le Tribunal a rejeté, aux points 58 à 63, le recours formé à l'encontre de la décision litigieuse, jugeant, en substance, que la Commission, en concluant qu'il n'y avait pas d'avantage constituant une aide d'État en faveur du PMU belge, a pu se fonder sur une comparaison entre le taux des recettes réalisées par le PMU belge en France et en Belgique.
13. Le Tribunal a néanmoins considéré, au point 68, que la motivation de la décision litigieuse n'était pas de nature à dissiper, à l'égard de Ladbroke, toute équivoque quant au bien-fondé du refus de la Commission d'admettre l'existence d'un avantage financier au profit du PMU belge et du rejet de sa plainte, de sorte que la Commission devait être considérée comme ayant, en partie, contribué à l'introduction du recours en première instance. Par conséquent, chaque partie, y compris la République française, partie intervenante, a été condamnée à supporter ses propres dépens.
14. Lors de la procédure orale, le Gouvernement français a informé la Cour que l'accord litigieux avait cessé d'être mis en œuvre le 1er octobre 1996, essentiellement en raison d'enjeux insuffisants.
15. Pour un plus ample exposé des faits à l'origine du litige, il est renvoyé aux points 1 à 18 de l'arrêt entrepris.
16. Dans son pourvoi, Ladbroke demande à la Cour:
1°) d'accueillir le pourvoi et d'annuler l'arrêt entrepris;
2°) d'annuler la décision litigieuse, et
3°) de condamner la Commission au paiement de ses dépens dans la procédure suivie tant devant le Tribunal que devant la Cour.
17. La Commission conclut à ce que la Cour rejette le pourvoi et condamne Ladbroke aux dépens.
18. La République française conclut à ce que la Cour rejette le pourvoi.
19. A l'appui de son pourvoi, Ladbroke invoque une erreur de droit en ce que le Tribunal a omis de traiter expressément de l'argumentation qu'elle a présentée sur les raisons pour lesquelles l'accord litigieux comporte une aide d'État au sens de l'article 92 du traité, en considérant, à tort, que l'accord litigieux n'accordait aucun avantage au PMU belge.
20. Les quatre branches de ce moyen portent sur le raisonnement du Tribunal contenu, successivement, aux points 58, 59, 60 et 62 de l'arrêt entrepris.
21. Ladbroke critique d'abord le raisonnement contenu au point 58 de l'arrêt entrepris, dans lequel le Tribunal a considéré, en substance, que l'ouverture du marché français de prise de paris sur les courses de chevaux, permettant au PMU belge d'accéder, par l'intermédiaire du PMU, aux parieurs français, constitue un choix effectué par le législateur français qui ne saurait être, en soi, mis en cause au regard de l'article 92, paragraphe 1, du traité, pour le seul motif que l'application de l'accord litigieux peut avoir pour effet d'accroître les recettes du PMU belge.
22. Tout en reconnaissant que l'autorisation donnée par un État membre à une entreprise d'un autre État membre d'accéder à son marché national ne comporte pas par elle-même une aide d'État, Ladbroke estime qu'il en va autrement si les recettes résultant pour cette entreprise de l'ouverture du marché soit proviennent directement de cet État membre, soit résultent d'un transfert de fonds ordonné par l'État. Dans de tels cas, il y aurait lieu de présumer que ces recettes constituent des aides accordées par l'État ou au moyen de ressources d'État, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, à moins qu'il ne soit démontré qu'elles constituent un paiement normal de services rendus par l'entreprise étrangère soit à l'État, soit au cédant des fonds.
23. Selon Ladbroke, le Tribunal aurait donc dû analyser si les recettes françaises du PMU belge proviennent, comme elle l'a soutenu, de l'État ou de ressources d'État par le biais d'un prélèvement obligatoire prévu par les règles de droit public français et par un système de transfert de fonds ordonné par la République française. En cas de réponse positive, le Tribunal aurait ensuite dû examiner quelle fraction de ces recettes pouvait éventuellement être qualifiée de contrepartie raisonnable des services rendus par le PMU belge au PMU.
24. Il convient de rappeler, à cet égard, que l'article 92 du traité dispose que, "Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions".
25. Pour qu'il y ait aide d'État au sens de cette disposition, il faut donc, d'une part, une aide favorisant certaines entreprises ou certaines productions et, d'autre part, que cet avantage provienne de l'État ou de ressources d'État.
26. Il s'ensuit que, dans la mesure où la motivation de la décision litigieuse relative à l'absence d'un avantage au profit du PMU belge était correcte, c'est à juste titre que le Tribunal a jugé que ce seul motif suffisait pour fonder le rejet de la plainte, sans qu'il y eût besoin pour le Tribunal d'examiner l'argumentation de Ladbroke selon laquelle les recettes françaises du PMU belge proviennent d'un prélèvement obligatoire prévu par les règles de droit public français.
27. Il convient dès lors d'examiner si c'est à bon droit que le Tribunal a confirmé la motivation de la décision litigieuse relative à l'absence d'un traitement favorisant le PMU belge.
28. A cet égard, Ladbroke conteste le raisonnement contenu aux points 59 à 63 de l'arrêt entrepris, dans lesquels le Tribunal n'a pas sanctionné la motivation de la décision litigieuse, selon laquelle le PMU belge n'a pas été favorisé parce que les recettes que ce dernier perçoit, en application de l'accord litigieux, sur les paris pris en France sont d'un taux équivalent à celui des recettes qu'il réaliserait si les paris sur les courses belges étaient pris directement par lui en Belgique.
29. Le Tribunal a notamment affirmé, aux points 60 et 62 de l'arrêt entrepris, qu'une comparaison entre le taux des recettes réalisées par le PMU belge en France et en Belgique sur les paris sur les courses belges constituait le critère approprié pour déterminer si le PMU belge a ou non bénéficié d'un avantage au sens de l'article 92, étant donné que les dispositions de l'article 15, paragraphe 3, de la loi n° 64-1279 ont établi en règle générale que les paris sur les courses de chevaux à l'étranger sont soumis aux prélèvements légaux et fiscaux en vigueur dans le pays où ces courses sont organisées. Selon le Tribunal, le traitement en France du prélèvement sur les paris des courses belges, qui a pour résultat d'attribuer au PMU belge une part de ce prélèvement comparable à celle qui lui reviendrait en application des retenues légales et fiscales belges, ne constitue dès lors pas une mesure dérogatoire par rapport à l'économie du système général, mais est, au contraire, conforme audit système.
30. En revanche, Ladbroke prétend que la comparaison aurait dû être faite entre les prélèvements sur les paris placés en France sur les courses non françaises et ceux effectués sur les paris placés en France sur les courses françaises. En effet, si un État membre revendique son autorité à l'égard d'une activité économique particulière (soit sous une forme fiscale, soit par l'institution de prélèvements), il devrait placer sur le même pied l'ensemble de cette activité économique. Le système général d'établissement des retenues légales et fiscales pour la prise de paris en France devrait donc être, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, celui qui est mis en place pour les paris placés en France et non pas celui mis en place par les dispositions de l'article 15, paragraphe 3, de la loi n° 64-1279 dont, en outre, le PMU belge est le seul bénéficiaire.
31. Il est certes exact que la seule comparaison entre les recettes du PMU belge en France et celles qu'il aurait perçues si les mêmes paris avaient été pris en Belgique ne saurait être considérée comme suffisante pour conclure à l'absence de traitement favorisant le PMU belge.
32. Le Tribunal, aux points 61 à 63 de l'arrêt entrepris, a toutefois examiné également l'argument de Ladbroke selon lequel il fallait que le prélèvement sur les courses belges soit traité de la même manière que celui sur l'enjeu des paris sur les courses françaises revenant au PMU.
33. Or, le raisonnement de Ladbroke méconnaît la spécificité des paris sur les courses belges et ce qui les différencie des paris sur les courses françaises. Dès lors que les deux catégories de paris ne sont pas identiques, l'existence d'un avantage au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité ne saurait être automatiquement déduite de la différence de traitement dont ils font l'objet.
34. A cet égard, il convient d'abord d'observer que le pari mutuel est caractérisé par le fait que les enjeux constituent une masse commune qui, après différents prélèvements, est distribuée aux gagnants d'une manière égale, quelle que soit l'origine des paris, ce qui implique que la quotité des enjeux réservée aux gagnants ne peut varier selon les États dans lesquels les paris sont engagés. Le bon fonctionnement d'un tel système ne saurait donc être assuré que si le taux des prélèvements dont peut faire l'objet le montant des enjeux des paris sur une course de chevaux donnée est celui de l'État dans lequel se déroule la course.
35. Ensuite, il y a lieu de relever que le système de retenues légales et fiscales pour les paris sur les courses françaises a été adopté eu égard aux spécificités réglementaires et économiques de la course de chevaux et du pari mutuel en France. Il ne saurait être exigé que ce système soit transposé aux paris mutuels sur les courses belges, qui sont organisées dans un cadre réglementaire et économique différent. Par ailleurs, étant donné que les taux de prélèvement en France et en Belgique diffèrent et que l'application des taux belges aux paris engagés en France se justifie pour les raisons tenant à la logique du système du pari mutuel, mentionnées au point 34 du présent arrêt, la répartition de ce prélèvement entre les différents attributaires ne peut, en état de cause, avoir lieu exactement sur la même base dans les deux cas.
36. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché au législateur français d'avoir traité différemment en France les paris sur les courses françaises de ceux sur les courses étrangères, en prévoyant, par les dispositions de l'article 15, paragraphe 3, de la loi n° 64-1279, que les paris sur les courses de chevaux à l'étranger sont soumis aux retenues légales et fiscales en vigueur dans le pays où ces courses sont organisées.
37. Dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal a conclu, au point 63 de l'arrêt entrepris, que la thèse de Ladbroke selon laquelle le traitement en faveur des enjeux sur les courses belges, qui serait à l'origine de l'avantage dénoncé au profit du PMU belge, devrait être aligné sur le traitement appliqué au prélèvement revenant au PMU ne saurait être retenue.
38. Cette conclusion n'est, en outre, pas infirmée par le fait que, jusqu'à maintenant, le système général pour les paris sur les courses de chevaux à l'étranger n'a été appliqué qu'à l'égard de paris sur les courses de chevaux organisées en Belgique. Il y a lieu de relever, à cet égard, que l'article 15, paragraphe 3, de la loi n° 64-1279, qui prévoit la possibilité pour les sociétés de courses de chevaux autorisées à organiser le pari mutuel en dehors des hippodromes d'être habilitées à recevoir des paris engagés en France sur des courses étrangères, existait bien avant l'adoption du décret n° 91-118, ainsi que de l'accord litigieux, et que ces derniers suivent le système général créé par cette disposition.
39. Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le pourvoi.
Sur les dépens
40. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Ladbroke ayant succombé dans ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
41. Aux termes de l'article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supporteront leurs propres dépens. La République française supportera donc ses propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
déclare et arrête:
1°) Le pourvoi est rejeté.
2°) Tiercé Ladbroke SA est condamnée aux dépens.
3°) La République française supportera ses propres dépens.