CJCE, 6e ch., 12 novembre 1998, n° C-415/96
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Royaume d'Espagne
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kapteyn
Avocat général :
M. Jacobs
Juges :
MM. Hirsch (rapporteur), Murray, Ragnemalm, Ioannou
Avocat :
Me Pérez de Ayala Becerril.
LA COUR (sixième chambre),
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 décembre 1996, le Royaume d'Espagne a, en vertu de l'article 173 du traité CE, demandé l'annulation de la décision 97-242-CE de la Commission, du 18 septembre 1996, modifiant la décision 92-317-CEE concernant l'aide accordée par l'Espagne à Hilaturas y Tejidos Andaluces SA, aujourd'hui dénommée Mediterráneo Técnica Textil SA, et à son acquéreur (JO 1997, L 96, p. 30, ci-après la "décision litigieuse").
2. Hilaturas y Tejidos Andaluces SA (ci-après "Hytasa") était une société anonyme qui, à la suite de difficultés financières, a été reprise en 1982 par le Patrimonio del Estado (Office de la propriété d'État du ministère de l'Économie et des Finances). Elle fabriquait des produits textiles dans ses installations de Séville et de la région environnante.
3. En 1989, à la suite d'une plainte, la Commission a demandé aux autorités espagnoles de lui fournir des informations concernant d'éventuels apports de capitaux consentis à Hytasa à compter de l'année 1986, date de l'adhésion du Royaume d'Espagne aux Communautés. La réponse des autorités espagnoles a permis à la Commission d'établir que Hytasa avait bénéficié d'augmentations de capital pour un montant de 7 100 millions de PTA destinées à compenser les pertes d'exploitation.
4. En 1990, les autorités espagnoles ont informé la Commission que la privatisation de Hytasa était en cours. Parmi les conditions de privatisation figurait un apport de capital de 4 200 millions de PTA effectué par le Patrimonio del Estado.
5. En juillet 1990, la Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité CE à l'égard tant des apports de capitaux de 7 100 millions de PTA consentis à Hytasa par le Royaume d'Espagne entre 1986 et 1988 que de l'aide supplémentaire éventuellement accordée lors de la vente de l'entreprise.
6. Estimant que ces interventions financières constituaient une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE et que celle-ci ne semblait pas répondre aux conditions requises pour pouvoir bénéficier de l'une des dérogations prévues à l'article 92, paragraphes 2 et 3, du traité, la Commission a notifié l'ouverture de la procédure au Gouvernement espagnol par lettre du 3 août 1990.
7. Le 16 octobre 1990, le Gouvernement espagnol a présenté ses observations dans le cadre de la procédure, en faisant notamment valoir que la vente de Hytasa ne comportait pas d'aide puisque l'entreprise avait été vendue au plus offrant à l'issue d'un appel d'offres international. En outre, l'entreprise étant implantée à Séville, dans une zone pouvant prétendre à une aide régionale, la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité aurait dû s'appliquer.
8. Les autorités espagnoles ont répondu le 27 mars 1991 aux observations des tiers sur l'ouverture de la procédure. Elles ont également présenté un plan de restructuration élaboré par les nouveaux propriétaires d'Hytasa, lequel a été modifié le 13 juin 1991.
9. Le 25 mars 1992, la Commission a adopté la décision 92-317 (JO L 171, p. 54), dans laquelle elle a conclu que tant les augmentations de capital d'un montant total de 7 100 millions de PTA que l'apport de capital d'un montant de 4 200 millions de PTA constituaient des aides publiques qui avaient été accordées en violation des dispositions de l'article 93, paragraphe 3, du traité (articles 1er, premier alinéa, et 2, premier alinéa, de la décision 92- 317). La Commission a toutefois estimé que les aides d'un montant de 7 100 millions de PTA étaient compatibles avec le marché commun (article 1er, second alinéa, de la décision 92-317).
10. S'agissant de l'apport en capital d'un montant de 4 200 millions de PTA, la Commission a, en revanche, conclu qu'il s'agissait d'une aide incompatible avec le marché commun, parce qu'elle ne satisfaisait à aucune des conditions requises pour l'application des dérogations prévues à l'article 92, paragraphes 2 et 3, du traité (article 2, second alinéa, de la décision 92- 317).
11. En conséquence, la Commission a exigé la restitution de l'aide accordée (article 3 de la décision 92-317).
12. Aux termes de l'article 4 de cette même décision, "Aucun accord prévoyant l'indemnisation des acheteurs par l'État ou par le Patrimonio del Estado ne peut être exécuté comme conséquence de l'obligation de restitution de l'aide imposée par cette décision".
13. Enfin, par l'article 5 de cette décision, le Gouvernement espagnol devait informer la Commission, dans un délai de deux mois, des mesures prises.
14. Le 19 juin 1992, le Royaume d'Espagne a formé un recours au titre de l'article 173 du traité en demandant l'annulation des articles 2, 3, 4 et 5 de la décision 92-317, relatifs à l'apport en capital d'un montant de 4 200 millions de PTA. Par l'arrêt du 14 septembre 1994, Espagne/Commission (C-278-92 à C-280-92, Rec. p. I-4103), la Cour a partiellement fait droit à cette demande.
15. En particulier, elle a annulé l'article 2, second alinéa, de la décision 92-317, annulation qui a également entraîné celle des articles 3, 4 et 5 de la décision 92-317.
16. A cet égard, la Cour a jugé au point 49 de l'arrêt Espagne/Commission, précité, que le fait qu'une aide ne soit pas accordée dans le cadre d'un programme régional d'aides n'en exclut pas nécessairement la qualification en tant qu'aide régionale au sens de l'article 92, paragraphe 3, sous a). La Commission n'était donc pas dispensée pour ce motif d'examiner la compatibilité de l'aide à la lumière de cette disposition.
17. S'agissant de l'argument présenté par la Commission, à titre subsidiaire, selon lequel l'octroi de l'aide n'était pas accompagné d'un plan de restructuration garantissant la viabilité de l'entreprise, la Cour y a répondu en ces termes:
"53 La Commission relève au point VI, huitième considérant, de la décision litigieuse:
"Même si l'aide en question devait être considérée comme régionale, elle ne pourrait pas pour autant bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point a), car les aides accordées en vertu des dispositions dudit article doivent contribuer au développement à long terme de la région - ce qui, en l'espèce, aurait supposé pour le moins que cette aide ait été employée à rétablir la rentabilité de l'entreprise, objectif qui n'a pas été atteint par Hytasa si l'on en juge par les informations communiquées jusqu'à présent à la Commission (ce point a déjà été discuté dans la partie IV) - sans entraîner d'effets négatifs inacceptables sur les conditions de concurrence dans la Communauté."
54 Le point IV de la décision litigieuse, auquel se réfère la Commission, concerne la question de savoir dans quelle mesure l'intervention en cause contenait des éléments d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Il ne traite pas la question relative au rétablissement de la rentabilité d'Hytasa.
55 Cette question n'est pas non plus évoquée au point III de la décision. Après avoir résumé le contenu des deux plans de restructuration, la Commission s'interroge, au seizième considérant, sur la validité des affirmations avancées par les autorités espagnoles ou des prévisions de résultats. Selon elle, les multiples contradictions relevées entre les deux plans ne l'autorisent pas à partager les prévisions optimistes figurant en conclusion du plan révisé (même considérant). La Commission n'avance cependant aucun argument spécifique en ce sens que le nouveau plan de restructuration ne permettrait pas d'assurer la viabilité d'Hytasa.
56 Enfin, la Commission déclare au neuvième considérant du point VI que la question de savoir si les projets d'investissements d'Hytasa sont compatibles avec l'intérêt de la Communauté et celle de savoir s'ils contribuent à une restructuration efficace de la société sont "abordées dans les pages suivantes". En réalité, elle discute dans ces pages des effets dommageables de l'aide sur les conditions de concurrence, sans analyser l'incidence du plan révisé sur le rétablissement de la rentabilité d'Hytasa. Or, une telle analyse s'imposait en l'espèce, d'autant plus que le plan prévoyait une réorientation substantielle de la production vers la confection de vêtements.
57 Il convient donc de conclure que l'analyse de la Commission de la compatibilité de l'aide en question avec l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité ne satisfait pas aux critères établis par elle-même.
58 La décision concernant l'entreprise Hytasa doit par conséquent être annulée, dans ses articles 2, second alinéa, 3, 4 et 5."
18. Le 13 octobre 1995, la Commission a adressé au Royaume d'Espagne une lettre dans laquelle elle indiquait:
"Conformément à l'arrêt de la Cour de justice du 14 septembre 1994 (affaire C-278-92), annulant plusieurs articles de la décision de la Commission du 25 mars 1992, les services de la Commission élaborent un nouveau projet de décision définitive dans la procédure engagée conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité CE ... procédure qui, conformément à cet arrêt, reste encore ouverte. Ce projet sera présenté prochainement au collège des membres de la Commission en vue de son adoption."
19. Le 18 septembre 1996, la Commission a adopté la décision litigieuse. Selon la motivation de cette décision, celle-ci a été adoptée afin de tenir dûment compte de l'arrêt Espagne/Commission, précité (chapitre III, premier considérant). A l'issue de l'analyse du plan de restructuration, la Commission a conclu que ce dernier ne permettait pas d'assurer la viabilité à long terme de Hytasa. Elle est donc parvenue à la conclusion, au chapitre III, vingt-quatrième considérant, que l'aide ne pouvait être considérée comme compatible avec le marché commun en application de l'article 92, paragraphe 3, sous a). Pour la même raison, elle a conclu, au chapitre III, vingt-cinquième considérant, que la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous c), n'était pas non plus applicable.
20. Aux vingt-sixième et vingt-septième considérants du chapitre III, la Commission relève:
"Les interventions financières auxquelles les autorités espagnoles ont dû procéder en faveur de l'entreprise après 1992 confortent la Commission dans son opinion que le plan de restructuration précité n'assurait pas la viabilité de Hytasa. Ce plan n'a jamais été mis en œuvre. Après le dépôt de bilan d'un des propriétaires de l'entreprise, Hilaturas Gossypium, Improasa, la société de gestion du Patrimonio del Estado, a acquis, en 1992, 30 % des actions de MTT. Plusieurs biens appartenant à MTT ont été hypothéqués au bénéfice d'Improasa pour près de 726 millions de PTA. Improasa a également acquis des billets à ordre émis par MTT pour près de 4 660 millions.
En 1992, l'Instituto de Fomento de Andalucía (IFA) a accordé deux prêts d'un montant de 300 millions de PTA à l'entreprise, dans le cadre d'un régime d'aide approuvé par la Commission. MTT se trouve à présent dans une situation financière difficile, avec des dettes de près de 10 000 millions, si bien que les autorités espagnoles compétentes l'ont déclarée en cessation définitive de paiements en vue de sa liquidation puis de la vente de ses actifs en remboursement de ses dettes."
21. L'analyse effectuée en exécution de l'arrêt Espagne/Commission, précité, confirmant la conclusion à laquelle elle était déjà parvenue dans la décision 92-317, la Commission a remplacé dans le dispositif de la décision litigieuse les dispositions précédemment annulées par la Cour par des dispositions de contenu similaire.
22. A l'appui de son recours, le Royaume d'Espagne invoque deux moyens tirés d'une violation des articles 93 et 174 du traité CE, d'une part, et d'une violation des droits de la défense et des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, d'autre part.
Sur la violation des articles 93 et 174 du traité
23. Le Royaume d'Espagne soutient que, en arrêtant la décision litigieuse, la Commission a violé l'article 174, premier alinéa, du traité, aux termes duquel, "Si le recours est fondé, la Cour de justice déclare nul et non avenu l'acte contesté". Selon lui, "la force de la chose jugée", en vertu de laquelle un acte annulé ne peut faire l'objet d'un nouvel examen juridictionnel, s'oppose à l'adoption d'une nouvelle décision dont le contenu serait identique à la décision précédemment annulée.
24. A cet égard, il constate que, selon l'arrêt Espagne/Commission, précité, la Commission avait agi irrégulièrement, en ne procédant pas aux analyses nécessaires pour arrêter une décision correcte. Selon lui, il ne s'agit donc pas d'un simple défaut de motivation comme ce serait le cas si la Commission s'était bornée à arrêter un acte sans y exposer les motifs de son adoption. En l'espèce, la Cour reprocherait, cependant, à la Commission de ne pas avoir fait le nécessaire pour arrêter une décision dont le contenu serait conforme aux critères énoncés à l'article 92 du traité.
25. La cause de la nullité n'étant pas un simple vice de procédure ou de forme, mais une erreur beaucoup plus grave, l'effet de l'arrêt d'annulation devrait, en ce qui concerne l'acte faisant l'objet du recours, être tenu pour total et absolu. Il s'ensuit, selon le Royaume d'Espagne, que l'annulation de la décision 92-317 s'étend, en raison précisément du motif d'annulation, à l'ensemble des actes préparatoires pris par la Commission avant d'arrêter ladite décision. La Commission ne pourrait donc rectifier son erreur en se contentant d'arrêter une nouvelle décision, mais devrait, au contraire, reprendre la procédure dès le début.
26. La Commission considère, en revanche, qu'il ne saurait être déduit de l'article 174 du traité que l'invalidité de l'acte contesté doive "s'étendre" aux actes préparatoires. Ceux-ci ne seraient pas l'un des "effets" de l'acte contesté auxquels fait référence l'article 174, mais des actes préalables à cet acte. Hormis le cas où la nullité de l'acte contesté est précisément causée par un vice de l'acte préparatoire, il n'y aurait aucune raison que cet acte ne puisse servir de préalable à un nouvel acte pris en remplacement de l'acte annulé.
27. La Commission prétend que la Cour aurait annulé la décision litigieuse au motif qu'elle n'avait pas suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles elle était parvenue à la conclusion que le plan de redressement présenté par le Gouvernement espagnol n'aurait pas permis d'assurer le rétablissement de la rentabilité de Hytasa. Le vice qui a donné lieu à l'annulation serait donc un vice de forme, à savoir l'insuffisance de la motivation contenue dans la décision litigieuse en ce qui concerne la compatibilité des aides, et non un vice de fond visant les causes éventuelles de cette insuffisance, sur lesquelles la Cour n'aurait pu qu'avancer des spéculations.
28. Selon la Commission, eu égard aux termes de l'arrêt d'annulation, la seule obligation qui lui incombait était, conformément à l'article 176 du traité CE, d'adopter une nouvelle décision contenant une motivation adéquate quant à la compatibilité des aides. La décision litigieuse serait conforme à cette obligation, dans la mesure où la Commission y ferait une analyse détaillée de la compatibilité de l'aide à la lumière de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c). Cette analyse confirmerait la conclusion à laquelle elle était déjà parvenue dans la décision 92-317. C'est la raison pour laquelle elle se serait contentée de remplacer, dans le dispositif de la décision litigieuse, les dispositions annulées par la Cour par d'autres dispositions de contenu analogue.
29. En revanche, la Commission considère que l'exécution de l'arrêt d'annulation n'exigeait pas l'engagement d'une nouvelle procédure et, en particulier, la mise en demeure du Gouvernement espagnol pour qu'il présente de nouveau ses observations. Le vice censuré par l'arrêt d'annulation affecterait uniquement et exclusivement la forme de la décision finale et non les actes préalables à son adoption. La répétition de ces actes préparatoires était, par conséquent, inutile.
30. Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 174, paragraphe 1, du traité, si le recours est fondé, la Cour déclare nul et non avenu l'acte contesté.
31. En vertu de l'article 176 du traité, l'institution dont émane l'acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour. Ainsi que cette dernière l'a jugé dans l'arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission (97-86, 193-86, 99-86 et 215-86, Rec. p. 2181, point 27), pour se conformer à l'arrêt et lui donner pleine exécution, l'institution est tenue de respecter non seulement le dispositif de l'arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu'ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d'une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d'autre part, font apparaître les raisons exactes de l'illégalité constatée dans le dispositif et que l'institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l'acte annulé. La procédure visant à remplacer un tel acte peut ainsi être reprise au point précis auquel l'illégalité est intervenue (voir arrêt du 3 juillet 1986, Conseil/Parlement, 34-86, Rec. p. 2155, point 47).
32. En effet, selon une jurisprudence constante, l'annulation d'un acte communautaire n'affecte pas nécessairement les actes préparatoires(arrêt du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331-88, Rec. p. I-4023, point 34).
33. Dans le dispositif de l'arrêt Espagne/Commission, précité, la Cour a annulé les articles 2, second alinéa, 3, 4 et 5 de la décision 92-317. Au point 57 de cet arrêt, la Cour a conclu que l'analyse de la Commission de la compatibilité de l'aide en question avec l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité ne satisfaisait pas aux critères établis par elle-même.
34. Le Royaume d'Espagne ne conteste pas que, au moment de l'adoption de la décision 92- 317, les actes d'instruction accomplis par la Commission permettaient une analyse exhaustive de la compatibilité de l'aide au regard de l'article 92, paragraphe 3, du traité. L'analyse effectuée par la Commission étant cependant incomplète et entraînant ainsi l'illégalité de la décision 92-317 (voir point 17 du présent arrêt), la procédure visant à remplacer cette décision pouvait être reprise à ce point en procédant à une nouvelle analyse des actes d'instruction, dont le bien-fondé n'a d'ailleurs pas été mis en cause en l'espèce. L'exécution de l'arrêt Espagne/Commission, précité, n'imposait donc pas à la Commission de reprendre l'intégralité de la procédure prévue à l'article 93 du traité.
35. Dans ces conditions, il convient de rejeter le premier moyen.
Sur la violation des droits de la défense et des principes de sécurité juridique et de confiance légitime
36. Selon le Royaume d'Espagne, il a été porté atteinte aux droits de la défense et au principe de sécurité juridique. L'analyse de la Commission s'effectuerait, en effet, dans la perspective de la rentabilité de l'entreprise, ce qui n'avait pas été le cas dans la décision 92-317. Il ne saurait être affirmé que, dans la procédure initiale, c'est-à-dire celle qui avait donné lieu à la décision 92-317, le Royaume d'Espagne avait été effectivement entendu dans la mesure où il serait très différent de présenter des observations au sujet de la compatibilité des aides en 1990-1991 et de le faire des années plus tard, soit en 1996. Ce que le Gouvernement espagnol a pu exprimer à un moment précis ne coïnciderait pas exactement avec les observations qu'il aurait présentées en 1995 et en 1996. Aux vingt-sixième et vingt-septième considérants du chapitre III de la décision litigieuse, la Commission procéderait d'ailleurs à une analyse ex post facto. En faisant obstacle à ce que le Royaume d'Espagne présente de nouvelles observations au sujet de la compatibilité de l'aide accordée à Hytasa avec le marché commun, le principe du respect des droits de la défense aurait été violé.
37. En outre, une violation du principe de la confiance légitime résulterait du fait que, deux ans après le prononcé de l'arrêt Espagne/Commission, précité, et sans qu'il existât le moindre motif justifiant son retard, la Commission se contente d'informer le Royaume d'Espagne, par lettre du 13 octobre 1995, qu'elle a préparé une nouvelle décision en ce qui concerne une affaire traitée par elle-même six années auparavant.
38. La Commission estime, en revanche, que la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité ayant été scrupuleusement respectée, elle n'aurait pas violé les droits de la défense du Royaume d'Espagne.
39. Elle constate, en outre, que ce dernier n'expose aucune justification à l'appui de ses allégations relatives à une violation des principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime.
40. S'agissant de la violation des droits de la défense, il y a lieu de relever d'abord que, dans le cadre de la procédure au titre de l'article 93, paragraphe 2, ayant abouti à la décision 92-317, le Royaume d'Espagne a présenté ses observations tant sur la décision d'ouverture de la procédure que sur les commentaires présentés par les tiers intéressés. Cette décision étant annulée, la Commission a ensuite fondé sa nouvelle analyse, que le Royaume d'Espagne ne conteste pas au fond, exclusivement sur des informations dont elle disposait à l'époque de l'adoption de cette même décision. Dès lors que le Royaume d'Espagne avait déjà pris position sur ces informations, ainsi qu'il résulte des points 7 et 8 du présent arrêt, il n'y avait pas lieu de le reconsulter.
41. Le fait que la Commission examine, aux vingt-sixième et vingt-septième considérants du chapitre III de la décision litigieuse, la rentabilité de l'entreprise Hytasa dans une perspective ex post ne saurait être de nature à modifier la solution du litige. Il convient, en effet, d'admettre que cette analyse ne fait que confirmer celle contenue dans les considérants précédents (dix-neuvième au vingt-cinquième) en vertu de laquelle le plan de restructuration présenté par les autorités espagnoles ne permettait pas d'assurer la viabilité à long terme de l'entreprise. Une violation des droits de la défense ne saurait, dans ces conditions, être retenue.
42. Enfin, s'agissant de la violation des principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime, il suffit de constater que ces allégations ne sont étayées par aucun argument pertinent, en sorte qu'elles ne sauraient être accueillies.
43. Le second moyen ne pouvant pas davantage être retenu, il y a donc lieu de rejeter le recours.
Sur les dépens
44. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Le Royaume d'Espagne ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
déclare et arrête:
1°) Le recours est rejeté.
2°) Le Royaume d'Espagne est condamné aux dépens.