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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 17 septembre 1997, n° 96-07390

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bertolini

Avocat général :

Mme Auclair

Conseillers :

Mmes Marie, Verleene Thomas

Avocat :

Me Caral Villa

TGI Paris, 31e ch., du 4 oct. 1996

4 octobre 1996

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LA PREVENTION:

G Michel, S Joël Ange sont poursuivis pour avoir à Paris et sur le territoire national depuis 1993 et jusqu'en 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la qualité substantielle des produits vendus, en présentant dans les catalogues dépliants ou bons de commande ;

- du bloc de foie gras de canard sous la dénomination foie de canard ;

- des spécialités aux fruits sous la dénomination marmelades mais ne répondant pas à la définition réglementaire des marmelades ou comme étant fabriquées avec des fruits frais alors que ceux mis en œuvre se présentaient sous la forme surgelée ou en fûts aseptiques

- de la farine avec l'appellation "type 202" qui n'existe pas réglementairement,

- du vin d'appellation "Côtes de Bourg" sous la dénomination "1ère côtes de bourg" qui n'existe pas et qui laisse supposer, en raison de la qualification "première" que ce vin est d'une qualité supérieure au "côtes de Bourg" traditionnel,

- du confit d'ail contenant des sulfites présenté comme exempt de conservateurs et additifs

LE JUGEMENT :

Le tribunal, par jugement contradictoire

- a donné acte à Joël-Ange S de sa comparution volontaire,

- a déclaré

G Michel coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis de 1993 à 1994, à paris et sur le territoire national, infraction prévue par les articles L.121-1, L.121-5, L.121-6, al.1 Code de la consommation et réprimée par les articles L.121-6, L.213-1 Code de la consommation

S Joël-Ange coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis de 1993 à 1994, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue par les articles L.121-1, L.121-5, L.121-6 al.1 Code de la consommation et réprimée par les articles L.121-6, L.213-1 Code de la consommation

Et par application de ces articles, a condamné G Michel à 50 000 F d'amende, S Joêl Ange à 50 000 F d'amende

A ordonné aux frais des condamnés la publication du jugement par extraits dans le magazine "ELLE" sans que le coût de l'insertion ne dépasse 50 000 F

A dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

- Monsieur G Michel, le 10 octobre 1996

- M. le Procureur de la République, le 10 octobre 1996 contre Monsieur G Michel

- Monsieur S Joël ange le 10 octobre 1996

- M. le Procureur de la République, le 10 octobre 1996 contre Monsieur S Joël-Ange

DÉCISION :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant sur les appels régulièrement interjetés par Joël-Ange S et Michel G, prévenus et par le Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour les termes de la prévention ;

Joël-Ange S, présent et assisté de son conseil, reconnaît les faits qui lui sont reprochés et sollicite la plus grande indulgence. Il soutient que le catalogue litigieux, s'il était à la disposition de la clientèle dans le magasin, n'a pas été diffusé de sorte que le préjudice étant limité, le montant de l'amende lui semble excessif ; Il demande qu'aucune publicité ne soit ordonnée ;

Il met formellement hors de cause Michel G.

Michel G présent et assisté de son conseil, par voie de conclusions, demande sa relaxe. Il fait valoir

- d'une part, qu'il a conclu courant décembre 1991 un accord de commercialisation des produits portant la marque "X", sans obligation d'exclusivité ou de quota minimal avec la société Y, ladite société n'étant en conséquence qu'un distributeur parmi d'autres ;

- d'autre part, que les publicités incriminées, catalogue, dépliants ou bons de commande ont été rédigés et distribués par la société Y au sein de laquelle il n'a aucune fonction, n'étant liée à elle que par le contrat de marque ;

Il précise que la SA Z qu'il a créée, dont il est le PDG et S l'actionnaire, n'a jamais eu d'activité et n'a aucun lien de droit ou de fait avec la société Y ;

A titre subsidiaire, il fait observer que si les infractions, qui ne lui sont pas imputables, semblent constituées pour la marmelade, le vin et le foie gras, il en est tout autrement pour le confit d'ail et la farine

RAPPEL DES FAITS

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes effectuait le 16 décembre 1993, un contrôle à l'épicerie fine portant l'enseigne "X" <adresse>à Paris, établissement exploité par la SARL Y gérée par S et ayant son siège social <adresse>à Paris depuis le 22 février 1993 ;

Michel G dit Michel X, écrivain, PDG de la SA Z ayant son siège <adresse>à Paris 16e et dont S était l'un des deux administrateurs, avait le 12 décembre 1991, concédé à la SA Y l'usage de la marque "X" comme enseigne des boutiques et pour la commercialisation des produits vendus ;

Elle constatait que certains produits étaient présentés selon des dénominateurs de vente et descriptions inexactes ou contraires à la réglementation notamment dans le catalogue de vente par correspondance automne/hiver 1993/1994 dont 17 exemplaires étaient à la disposition du public ;

- qu'étaient proposés à la vente des conserves étiquetées "blocs de foie gras de canard" fournies par les Ducs de Gascogne et figurant en tant que tels sur la fiche technique remise par ces derniers, alors que présentées au catalogue comme du "foie gras de canard",

- qu'étaient proposés à la vente divers produits étiquetés "Sélection X Spécialité aux fruits sans sucre ajouté", présentés sur le catalogue sous la rubrique marmelades et décrites comme étant fabriquées avec des fruits frais sans sucre ajouté alors qu'ils ne correspondaient pas à la définition de marmelade telle qu'elle résulte du décret du 14 août 1985 et que selon le cahier des charges concernant la fabrication et la composition du produit, les fruits utilisés étaient des surgelés ou en fûts aseptiques ;

- que le confit d'ail était commercialisé avec un étiquetage mentionnant les seuls ingrédients suivants ail 90 %, sel, jus de citron, et dans le catalogue présenté comme étant réalisé artisanalement sans colorant, ni conservateur, ni additif, ni amidon modifié alors qu'il résultait d'une expertise du produit dont les résultats n'étaient pas contestés, qu'il contenait des sulfites exprimés en anhydride sulfureux ;

- qu'une farine était mise en vente et décrite dans le catalogue comme étant une farine intégrale biologique type 202 alors que cette référence n'est pas homologuée,

- et qu'était commercialisé dans le catalogue et sur le bon de commande un vin de Bordeaux Château X comme étant un "1res Côte de Bourg" alors que seule existe l'appellation Côte de Bourg ;

Joël-Ange S, entendu le 18 janvier 1994 par la DGCCRF ne contestait pas ces "erreurs". Il indiquait qu'il n'avait pas fait réaliser d'analyses des produits qu'il commercialisait, il arguait de sa méconnaissance de la réglementation en vigueur ; il précisait que le catalogue de vente par correspondance incriminé était le premier que la société Y établissait il en avait arrêté la diffusion dès le contrôle. Sur les 55 000 édités, il estimait qu'environ 30 000 avaient été diffusés alors que les ventes par correspondance constituaient 20 % du chiffre d'affaires ;

Michel G déclarait le 30 juillet 1995 à la gendarmerie de son domicile qu'il appartenait à la société Y, bénéficiaire d'une concession de marque de respecter la législation relative à la fabrication et la commercialisation des produits ; il estimait n'être responsable que de leur conception ;

A l'audience du Tribunal, les prévenus soutenaient que les faits litigieux étaient imputables au rédacteur du catalogue et du bon de commande; ils prétendaient que ledit catalogue n'avait pas encore été diffusé. G affirmait que "l'on parle de foie gras en général quand on s'adresse au grand public", il admettait que tous les produits incriminés avaient été fabriqués à partir d'un cahier des charges qu'il avait établi.

Sur ce,

Considérant qu'il résulte des éléments de la procédure que le catalogue et le bon de commande litigieux comportaient des mentions fausses ou de nature à induire en erreur le client éventuel sur les qualités substantielles du produit vendu ;

Considérant que ces documents étaient manifestement diffusés puisque d'une part mis à la disposition du public dans la boutique, d'autre part, expédiés, selon S, en 30 000 exemplaires ;

Qu'en conséquence, l'infraction est caractérisée en tous ses éléments ;

Considérant que Joël-Ange S en sa qualité de gérant de la société Y est responsable des infractions commises par cette dernière, qu'il a délibérément cherché à induire en erreur le consommateur moyen visé par les publicités incriminées mises à la disposition et adressées au grand public ;

Considérant que les dénégations de Michel G ne sauraient emporter la conviction de la cour, eu égard aux pièces annexées au dossier et à ses propres déclarations à l'audience du tribunal ;

Qu'ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, il est établi qu'il participait pleinement à la politique commerciale de la société Y et avait parfaitement connaissance du contenu du catalogue sur lequel il est fait l'éloge de la méthode Montignac ainsi que la publicité des divers "ouvrages" de Michel X disponibles dans la boutique ;

Que notamment, la lettre du 12 octobre 1992 que G, sous la signature Montignac, adresse au producteur du vin de Bordeaux, Côte de Bourg, afin de donner ses instructions quant au graphisme de l'étiquette en cours de création, porte non seulement l'en-tête de la société Y mais aussi l'adresse de la SA Z <adresse>Paris 16e et par ses termes établit que son auteur est l'un des animateurs de la société Y "je vous confirme notre intention de vous acheter une partie de votre production qui sera revendue dans nos boutiques, sous notre marque" ;

Considérant en conséquence qu'il convient de confirmer le jugement déféré sur les déclarations de culpabilité ;

Considérant qu'une peine d'amende est parfaitement adaptée aux infractions commises ; que cependant il y a lieu de faire à chacun des prévenus une application différente quant à son montant, tenant compte de leurs ressources respectives, S justifiant qu'il est demandeur d'emploi depuis deux ans alors que Michel G tire de son activité d'écrivain de renom des revenus substantiels ;

Considérant qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur les mesures de publicité ordonnées et de dire qu'il n'y a pas lieu à y procéder compte tenu de ce que les prévenus n'ont jamais été condamnés et que les publicités ont cessé ;

Par ces motifs, LA COUR, et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de Joël-Ange S et de Michel G, reçoit les appels des prévenus et du Ministère public, rejette les conclusions de relaxe de Michel G. Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité l'infirmant en répression, condamne Joël-Ange S à une amende délictuelle de 20 000 F, condamne Michel G à une amende délictuelle de 80 000 F. Dit n'y avoir lieu à publication du présent arrêt. Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable chaque condamné.