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Décisions

CA Rennes, ch. corr., 6 octobre 1989, n° 1430-89

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Menuiserie Bunel-Vaudru, Lecoeur (Sté), Delicourt, Mingant, Boisseau, Milin, Quere, Galipot, Briant, Le Foll, Corre, Berthelot, Bourdet, Coeurdray, Mel, Ruaux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Trotel

Substitut général :

M. Abrial

Conseillers :

Mme Riboulleau, M. Le Corre

Avocat :

Me de Morhery

TGI Dinan, ch. corr., du 10 nov. 1988

10 novembre 1988

LA COUR,

Statuant sur l'appel principal et général interjeté le 17 septembre 1988 par le Conseil de R Bernard et de Pierrette H, son épouse, et l'appel incident, interjeté le 18 novembre 1988 par le Ministère public près le Tribunal de grande instance de Dinan d'un jugement contradictoire rendu le 10 novembre 1988 par le Tribunal correctionnel de Dinan qui,

1°) Sur l'action publique

- a déclaré les époux R coupables des faits de publicité mensongère qui leur étaient reprochés ; En répression les a condamnés :

* Bernard R à un mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 F d'amende ;

* Pierrette H épouse R à 2 000 F d'amende

- a ordonné la publication du dispositif de sa décision dans le journal "Ouest-France", édition des Côtes du Nord

2°) Sur l'action civile

- a reçu les constitutions de partie civile de la Menuiserie Bunel-Vaudru, de Messieurs Delicourt, Mingant, Boisseau, Milin, Ruaux, Lecoeur, Quere, Galipot, Bourdet, Berthelot, Corre, Le Foll, Briant, Mel et Coeurdray ;

- a condamné les époux R à leur verser, à titre de dommages-intérêts, respectivement :

* à la Menuiserie Bunel-Vaudru : 6 285,80F + 2 000 F

* à Monsieur Delicourt : 7 519 F

* à Monsieur Mingant : 2 965 F + 2 000 F

* à Monsieur Boisseau : 4 388,20 F

* à Monsieur Milin : 5 930,00 F + 2 000 F

* à Monsieur Ruaux : 3 439,40 F + 1 000 F

* à Monsieur Lecoeur : 5 337 F

* à Monsieur Quere : 6 380 F

* à Monsieur Galipot : 6 285,80 F + 2 000 F

* à Monsieur Bourdet : 6 755 F

* à Monsieur Berthelot : 5 811,40 F

* à Monsieur Corre : 2 965 F + 2 000 F

* à Monsieur Le Foll : 6 760,20 F + 2 000 F

* à Monsieur Briant : 7 898,76 F

* à Monsieur Mel : 5 811,40 F + 2 000 F

* à Monsieur Coeurdray : 4 388,20 F + 1 000 F

Avec intérêts au taux légal, à compter du jour du jugement, a débouté les parties civiles du surplus de leurs demandes

Considérant que les appels sont réguliers et recevables ;

1 - Sur l'action publique

Considérant qu'il est reproché à Pierrette H épouse R et à Bernard R d'avoir, dans le courant des années 1986 et 1987 et ce en tout cas depuis temps non couvert par la prescription;

A Saint Casp, Matignon, et en tout cas sur le territoire national, par annonces notamment dans "Pub Hebdo", "Ouest France", "Le Télégramme de Brest" effectué des publicités comportant des allégations ou présentations de nature à induire en erreur, lesdites allégations portant sur la nature et les propriétés des services faisant l'objet de la publicité, sur les résultats pouvant être attendus de leur utilisation, ainsi que sur la portée des engagements pris par l'annonceur et les qualités de celui-ci (en l'espèce la rédaction des annonces laissait notamment supposer que la société des Xe était une entreprise de bâtiment et non une société publicitaire) ;

Considérant que les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle, sur ce point, la cour se réfère expressément ;

Considérant qu'en cause d'appel, les prévenus concluent :

- à la nullité de la procédure, celle-ci n'ayant pas été dressée par les agents habilités que l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 énumère ;

- à leur relaxe aux motifs que :

* les publicités incriminées ne visaient nullement à offrir des services mais seulement à susciter des candidatures, ensuite démarchées par les agents commerciaux de la société Y

* qu'elles n'étaient pas mensongères, s'adressant au surplus à des artisans professionnels avertis

* que l'élément intentionnel faisait défaut ;

Très subsidiairement, au cas où leur culpabilité serait retenue,

* à l'irrecevabilité des constitutions de parties civiles, leurs prétendus préjudices ne trouvant pas leur source dans la publicité incriminée ;

* au cas où, par extraordinaire, leur recevabilité serait admise, à ce qu'elle le soit seulement à l'encontre de Bernard R, en sa qualité de dirigeant de la société Y ;

Considérant, sur la nullité de la procédure soulevée, que l'énumération des fonctionnaires compétents pour dresser un procès-verbal en matière de publicité mensongère, faite par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, n'est pas limitative et n'exclut pas la compétence de droit des fonctionnaires de police également compétents ;

Que cette exception de nullité sera donc rejetée ;

Considérant, au fond, que les publicités incriminées étaient effectivement de nature à induire en erreur les artisans auxquels elles s'adressaient sur la nature des services proposés et la portée des engagements pris par l'annonceur, en l'espèce la société Y ;

Qu'en effet des encartsainsi rédigés :

" Les X recherchent des artisans ou entreprises du bâtiment dans le cadre de leur important développement national "

" Les X recherchent d'urgence des entreprises ou des artisans du bâtiment dans tous les corps d'état " ;

" Les X recrutent des entreprises ou des artisans sérieux " ;

" Vous êtes des professionnels du bâtiment, vous voulez un carnet de commande régulier, écrivez-nous "

pouvaient laisser croire à leurs lecteurs, spécialement parce qu'il s'agissait d'artisans souvent en proie à des difficultés économiques, que "les X", enseigne commerciale exploitée par la société Y, leur proposaient la fourniture de chantiers qu'éventuellement ils leur sous-traitaient alors qu'en réalité il ne s'agissait que d'une inscription sur un fichier télématique, accessible aux candidats à la construction;

Que d'ailleurs l'une des publicités, celle-là non incriminée, exposait, plus spécialement, les services réellement offerts par la société Y en étant ainsi libellée " vous êtes artisans du bâtiment, devenez "X", en vous inscrivant sur le fichier télématique de ces artisans-conseil "

Que cette référence à l'inscription sur un fichier télématique eut dû figurer sur toutes les publicités, de la société Y puisque là était, précisément, son unique objet

Considérant, en conséquence, que l'annonceur s'est ainsi bien rendu coupable du délit prévu et réprimé par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973

Que, par ailleurs, en cette matière, la preuve de la mauvaise foi n'a pas à être rapportée

Considérant, sur l'imputabilité, que si l'annonceur responsable de la publicité est, comme en l'espèce, une personne morale, la responsabilité en incombe à ses dirigeants

Qu'en l'occurrence seul Bernard R dirigeait, en fait, la SARL " société Y "

Considérant qu'en conséquence l'infraction n'est pas également imputable à son épouse qui bien que dirigeante de droit n'exerçait, en réalité, pas les pouvoirs de directrice qui étaient théoriquement les siens;

Qu'en conséquence, il convient de la relaxer des fins de la poursuite

Considérant, sur l'application de la sanction que les premiers juges en ont fait une juste appréciation qu'il convient de confirmer

Il - Sur l'action civile

Considérant que le préjudice subi par les parties civiles est composé d'une part des sommes versées à la suite de la souscription de contrats entre les parties civiles et la société Y suite à la parution de ses publicités mensongères, d'autre part de dommages-intérêts ;

Qu'il existe bien un lien direct entre les sommes versées par les parties civiles à la société Y et les annonces trompeuses ;

Considérant qu'il convient, sur ce point également, de confirmer la décision déférée tant sur la recevabilité que sur le montant des indemnisations allouées aux parties civiles

Par ces motifs : Et ceux non contraires des premiers juges que la cour adopte ; Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard des époux R, prévenus, et de la partie civile Ruaux, par défaut à l'égard des autres parties ; En la forme : Reçoit Bernard R, Pierrette H épouse R, le Ministère public près le Tribunal de grande instance de Dinan en leurs appels ; Au fond : 1 - Sur l'action publique ; Confirme la décision déférée sur le rejet de l'exception de nullité de la procédure ; Réformant, partiellement, la décision déférée ; Relaxe Pierrette H épouse R des fins de la poursuite ; Confirme la décision déférée sur la qualification des faits, la déclaration de culpabilité, l'application de la sanction, en ce qui concerne Bernard R ; Il - Sur l'action civile : Confirme intégralement les dispositions de la décision déférée. Condamne R Bernard aux dépens de première instance et d'appel liquidés à la somme deux mille huit cent quatre-vingt-quatorze F six centimes (2 894,06 F). En ce compris le droit fixe du présent arrêt, le droit de poste et non compris les frais postérieurs éventuels. Prononce la contrainte par corps. Le tout en application des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, et 1 de la loi du 1er août 1905, 734-1, 737 du Code de procédure pénale, 473, 749 et 750 du Code de procédure.