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Décisions

CA Rennes, 3e ch., 25 novembre 1999, n° 98-01551

RENNES

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gayet

Avocat général :

M. Abrial

Conseillers :

MM. Buckel, Ségard

Avocat :

Me Chevallier.

TGI Brest ch. corr., du 29 sept. 1998

29 septembre 1998

RAPPEL DE LA PROCEDURE:

LE JUGEMENT:

Le Tribunal correctionnel de Brest par jugement contradictoire en date du 29 septembre 1998, pour :

Vente au détail sous forme de solde sans respect de période dont début est fixé par le préfet

a condamné M Joël à 10 000 F d'amende.

LES APPELS:

Appel a été interjeté par :

Monsieur M Joël, le 6 octobre 1998

M. le Procureur de la République, le 6 octobre 1998 contre Monsieur M Joël

LA PREVENTION:

Considérant qu'il est fait grief à M Joël d'avoir à Brest le 19 décembre 1997, vendu en soldes des marchandises neuves en dehors de la période autorisée fixée par arrêté préfectoral du 3 décembre 1997,

Infraction prévue et réprimée par les articles 28, 31 et 32 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, le Décret n° 964097 du 16 décembre 1996 et l'arrêté préfectoral du 3 décembre 1997 ;

EN LA FORME:

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme ;

AU FOND :

En décembre 1997, l'hypermarché G de Brest, dont Joël M est directeur salarié, passait un encart publicitaire dans la presse annonçant des "Prix Cadeaux" pour le vendredi 19 décembre. Cette publicité annonçait des prix réduits sur certains articles et en particulier des rabais de 20 % sur la décoration de Noël et les peluches, ces rabais étant valables pour le vendredi 19 et le samedi 20 décembre, hors sapins artificiels et promotions.

Deux représentants de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes se rendaient à l'hypermarché en cause et constataient l'existence effective de ces rabais concernant les bacs et linéaires de peluches et de décorations. Estimant qu'il s'agissait là de soldes illicites, ils dressaient procès-verbal pour infraction à la législation sur ce type de vente, l'opération s'étant faite en dehors des périodes fixées par arrêté préfectoral.

Joël M fait grief au jugement déféré de l'avoir retenu dans les liens de cette prévention.

Il rappelle que la législation sur les soldes résulte des dispositions de la loi du 5 juillet 1996, complétée par un Décret du 16 décembre 1996, l'article 28 de la loi définissant les soldes comme toute vente accompagnée de publicité et annoncée comme tendant par une réduction du prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock.

Il remarque en premier lieu que les publicités concernées n'ont nullement fait référence à l'écoulement d'un stock, non plus qu'elles n'ont utilisé le terme de solde, ni les termes qu'il est d'usage d'utiliser en un tel cas, alors que la notion légale de solde implique que l'opération soit expressément présentée comme destinée à permettre l'écoulement accéléré de marchandises d'un stock prédéterminé et non renouvelable.

Il précise qu'il est naturel pour un commerçant de rechercher une rotation accélérée de son stock, au besoin en pratiquant des réductions de prix qui sont une pratique habituelle du commerce, l'interprétation de l'Administration revenant en fait à interdire de manière générale de telles opérations promotionnelles.

Il ajoute qu'en l'espèce le stock n'était nullement prédéterminé, le magasin s'étant réapprovisionné en décembre pour les articles concernés, les livraisons continuant même pendant l'opération.

Enfin, les prix normaux avaient repris leur cours au lendemain des deux jours concernés.

Il sollicite donc sa relaxe.

La Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes estime que le stock était bien prédéterminé, s'agissant de produits saisonniers par nature, qui ne peuvent trouver acquéreur après la période des Fêtes, et qui se trouvent en nombre limité au sein des centrales d'achat du groupe. Elle fait en outre valoir que les livraisons successives au magasin de Brest ne sont que des pratiques de gestion tendant à limiter l'entreposage sur place et ne peuvent s'analyser en un véritable renouvellement du stock.

Elle demande donc la confirmation.

M. M fait valoir sur ces derniers points que, si l'on appréciait le déstockage au niveau des centrales d'achat, les poursuites ne devaient pas être engagées à l'encontre d'un directeur de magasin, mais au niveau de la direction même de ces centrales.

L'Avocat général requiert la confirmation.

Sur ce,

L'article 28 paragraphe I de la loi du 5 juillet 1996 prévoit que sont considérées comme soldes les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction du prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock.

Le paragraphe II du même article réglemente la pratique des soldes ainsi définies.

En l'espèce, la publicité faite par le magasin dont le prévenu est le directeur s'est bornée à mettre en valeur une réduction du prix sur certains articles. Elle n'a fait référence à aucun moment à la volonté d'écouler de manière accélérée un stock de marchandises.

L'administration fait valoir qu'il résulte des circonstances que la volonté réelle du magasin était de se débarrasser de son stock invendu d'articles de Noël à la veille des Fêtes, les objets concernés étant par nature difficilement vendables plus tard.

La cour ne peut cependant suivre un tel raisonnement, le principe d'interprétation stricte de la loi pénale interdisant que l'on étende une incrimination au-delà de sa définition légale, laquelle exige en l'espèce la volonté affichée dans la publicité de liquider un stock existant.

En outre, il est à relever que les deux jours de rabais se sont situés le 19 et 20 décembre, et ont donc pris fin avant la date des Fêtes proprement dites, de sorte que les marchandises en cause se sont trouvées ramenées à leur prix normal avant cette date, ce qui contredit la notion de braderie d'un stock avancée par l'administration.

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l'opération incriminée n'était qu'une opération promotionnelle destinée à attirer les chalands dans le magasin à une époque de concurrence forte entre commerçants, et de relaxer le prévenu des fins de la poursuite.

Par ces motifs : LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de M Joël ; En la forme, Reçoit les appels ; Au fond, Infirmant le jugement déféré ; Renvoie Joël M des fins de la poursuite.