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Décisions

TPICE, 5e ch. élargie, 26 février 2002, n° T-323/99

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Industrie Navali Meccaniche Affini SpA (INMA), Italia Investimenti SpA (Itainvest)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lindh

Juges :

MM. García-Valdecasas, Cooke, Vilaras, Forwood

Avocats :

Mes Roberti, Sciaudone, Abate, Cappelli, Conte

TPICE n° T-323/99

26 février 2002

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES (cinquième chambre élargie),

Cadre juridique

1. Aux termes de l'article 87, paragraphe 1, CE, "sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions".

2. Selon l'article 87, paragraphe 3, sous e), CE, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les "catégories d'aides déterminées par décision du Conseil statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission".

3. Le 21 décembre 1990 a été adoptée la directive 90-684-CEE du Conseil, concernant les aides à la construction navale (JO L 380, p. 27). Son texte a été modifié à plusieurs reprises, sans que cela affecte, toutefois, les dispositions pertinentes en l'espèce.

4. L'article 1er, sous d), de la directive 90-684 dispose, notamment, qu'il convient d'entendre par "aides", les aides d'État visées aux articles 87 CE et 88 CE et que "cette notion couvre non seulement les aides accordées par l'État lui-même, mais également celles octroyées par les collectivités régionales ou locales ainsi que les éléments d'aide éventuellement contenus dans les mesures de financement prises par les États membres à l'égard des entreprises de construction et de réparation navales sur lesquelles ils exercent un contrôle direct ou indirect et qui ne sont pas considérés comme du capital à risque fourni à une société selon les pratiques normales en économie de marché".

5. L'article 4, paragraphe 1, de la directive 90-684 prévoit, notamment, que "les aides à la production en faveur de la construction et de la transformation navales peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun, à condition que le montant total de l'aide octroyée pour un contrat ne dépasse pas en équivalent subvention un plafond maximum commun exprimé en pourcentage de la valeur contractuelle avant aide, ci-après dénommé 'plafond'".

6. Cette directive 90-684 a été prorogée en dernier lieu par le règlement (CE) n° 2600-97 du Conseil, du 19 décembre 1997, modifiant le règlement (CE) n° 3094-95 relatif aux aides à la construction navale (JO L 351, p. 18), qui dispose que, "dans l'attente de l'entrée en vigueur [de l'accord de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)], les dispositions pertinentes de la directive 90-684-CEE s'appliquent jusqu'à l'entrée en vigueur de cet accord et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre 1998".

7. Le règlement (CE) n° 1540-98 du Conseil, du 29 juin 1998, concernant les aides à la construction navale (JO L 202, p. 1), est entré en vigueur le 1er janvier 1999. Le Conseil constate, dans les deux premiers considérants de ce règlement, que l'accord de l'OCDE n'est pas encore entré en vigueur et que les dispositions pertinentes de la directive 90-684 ne sont d'application que jusqu'au 31 décembre 1998.

8. L'article 1er, sous e), du règlement n° 1540-98 donne une définition de la notion d'aides qui est, pour l'essentiel, identique à celle contenue à l'article 1er, sous d), de la directive 90-684 (voir point 4 ci-dessus).

9. L'article 3 du règlement n° 1540-98 dispose, notamment, que, "jusqu'au 31 décembre 2000, les aides à la production en faveur de contrats de construction et de transformation navales, mais pas de réparation navale, peuvent être jugées compatibles avec le marché commun, à condition que le montant total de toutes les formes d'aide accordée pour un contrat donné (y compris l'équivalent subvention de toute aide accordée à l'armateur ou à des tiers) ne dépasse pas, en équivalent subvention, un plafond maximal commun exprimé en pourcentage de la valeur contractuelle avant aide. Pour les contrats de construction de navires, dont la valeur avant aide excède 10 millions d'écus, ce plafond est fixé à 9 %; dans tous les autres cas, il est de 4,5 %".

Faits à l'origine du litige

10. Le chantier naval Industrie Navali Meccaniche Affini SpA (INMA) de la Spezia est une entreprise publique qui exerce, depuis 1945, ses activités dans le secteur de la réparation et de la transformation de navires et, depuis 1989, dans le secteur de la construction navale. Son capital est détenu à 100 % par l'entreprise publique GEPI SpA, devenue, en 1997, Italia Investimenti SpA (Itainvest).

11. De 1987 à 1998, INMA a reçu du ministère de la Marine marchande puis du ministère des Transports et de la Navigation divers montants au titre des lois italiennes nos 599-82, 111-85, 234-89 et 132-94.

12. De 1996 à 1998, Itainvest a consenti en faveur d'INMA des garanties, notamment des cautions, relatives aux commandes de navires passées par les armateurs Stolt Nielsen, Tirrenia, Pugliola et Corsica Ferries.

13. À la clôture de l'exercice 1996, les pertes d'INMA atteignaient 21,4 milliards de lires italiennes (ITL). L'assemblée des actionnaires du 13 novembre 1997 a décidé de couvrir ces pertes au moyen des réserves de l'entreprise pour un montant de 4,68 milliards de ITL et par un apport d'Itainvest de 16,7 milliards de ITL.

14. L'assemblée des actionnaires du 24 mars 1998 a constaté que les comptes d'INMA, arrêtés au 30 novembre 1997, présentaient déjà des pertes de 81,89 milliards de ITL. Itainvest a couvert ces pertes.

15. Lors de l'assemblée des actionnaires du 23 juin 1998, les comptes d'INMA ont révélé, pour l'exercice 1997, des pertes totales de 103,7 milliards de ITL. Itainvest a couvert la part de ce montant non déjà couverte, à savoir 21,81 milliards de ITL.

16. Enfin, INMA a été mise en liquidation lors de l'assemblée des actionnaires du 6 novembre 1998.

Procédure administrative

17. La Commission, dans le cadre de l'obligation d'information qu'elle a imposée en ce qui concerne certains types d'interventions d'Itainvest, a été avisée du transfert par Itainvest à INMA d'environ 100 milliards de ITL afin de couvrir les pertes enregistrées par cette dernière lors des exercices 1996 et 1997.

18. Par lettre du 1er octobre 1998, la Commission a demandé aux autorités italiennes de lui transmettre des informations complémentaires à cet égard. Les autorités italiennes ont déféré à cette demande en transmettant, par lettre du 9 novembre 1998, les comptes annuels d'INMA concernant les exercices 1992 à 1997.

19. La Commission a décidé d'ouvrir la procédure de l'article 88, paragraphe 2, CE au sujet des couvertures de pertes d'INMA par Itainvest. Elle en a informé les autorités italiennes par une lettre du 19 janvier 1999 qui a fait l'objet d'une communication publiée, le 5 mars 1999, au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 63, p. 2).

20. Dans la lettre du 19 janvier 1999, la Commission a invité la République italienne à transmettre, d'une part, ses observations et toutes informations utiles concernant les interventions d'Itainvest en faveur d'INMA sous forme de couvertures de pertes et de recapitalisation et, d'autre part, une ventilation complète des aides versées par le ministère de la Marine marchande puis par le ministère des Transports et de la Navigation. La Commission y constate également que la majorité des crédits bancaires d'INMA ont été couverts par des garanties consenties par Itainvest.

21. Les autorités italiennes ont répondu à cette lettre par courrier du 2 mars 1999.

22. Les commentaires des parties intéressées, déposés à la suite de la communication du 5 mars 1999, ont été communiqués aux autorités italiennes, qui y ont répondu par lettre du 30 juin 1999.

Décision attaquée

23. Le 20 juillet 1999, la Commission a adopté la décision 2000-262-CE, concernant l'aide d'État accordée par l'Italie au chantier naval INMA (JO 2000, L 83, p. 21, ci-après la "décision attaquée"), dont le point V, intitulé "appréciation de l'aide", peut être résumé comme suit.

24. À titre introductif, la Commission énonce que, s'agissant d'une entreprise de construction et de réparation navales, les aides incriminées doivent être examinées à la lumière de la directive 90-684 et du règlement n° 1540-98 (considérant 19).

25. Concernant les aides à la production et les aides aux investissements octroyées par le Gouvernement italien à INMA, pour la période 1991 à 1998, la Commission constate qu'elles sont conformes aux régimes d'aides prévus par les lois italiennes nos 599-82, 111-85, 234-89 et 132-94 qu'elle a autorisés. Elle relève cependant que, pour les contrats de construction navale conclus avec les armateurs Pugliola, Corsica Ferries et Stolt Nielsen, le taux d'aide maximal en vigueur à la date de la signature des contrats, prévu à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 90-684, a été ou sera octroyé (considérant 20).

26. La Commission rappelle que les autorités italiennes imputent les difficultés rencontrées par INMA à partir de 1996 à des erreurs de gestion des commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia". Cependant, elle constate que la bonne exécution de ces commandes a été garantie par Itainvest pour un montant total de 42 milliards de ITL dès mars 1996. Elle considère, en conséquence, qu'aucune institution financière n'aurait consenti une avance de fonds sans garantie d'Itainvest et que ces garanties constituent déjà des aides au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE (considérants 24 et 25).

27. La Commission estime, dès lors, que les autorités italiennes ne peuvent justifier les couvertures de pertes au motif qu'elles étaient moins onéreuses que la réalisation des garanties consenties, puisque ces garanties constituent une aide non notifiée (considérant 26).

28. La Commission relève que, les commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia" devant bénéficier ou ayant bénéficié du taux d'aide maximal défini à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 90-684, sous forme de subventions du ministère compétent, et les garanties susvisées, en raison de leur nature d'aides, devant être prises en compte dans le calcul du taux d'aide au contrat, le plafond de 9 % du prix contractuel avant aide sera ou a donc été dépassé (considérants 26 et 27).

29. La Commission estime également que l'affirmation des autorités italiennes, selon laquelle le déficit soudain enregistré par INMA, apparu en mai 1997, serait imputable à la mauvaise gestion des commandes de décembre 1995, n'est pas fondée dès lors que, dans la présentation des comptes annuels de l'exercice 1996, il est écrit que ces commandes n'ont pas contribué de manière substantielle aux résultats de l'exercice comptable en cause. La Commission en déduit que la mauvaise situation de l'entreprise est donc antérieure et a été causée par d'autres commandes (considérants 28 et 29).

30. À cet égard, la Commission constate qu'Itainvest a consenti à INMA une "garantie de mobilisation de crédit" liée à la commande des navires "Corsica Ferries I" et "Corsica Ferries II", pour une période de dix ans et d'un montant de 32,44 milliards de ITL. Toutefois, la Commission relève que les crédits garantis ont été utilisés dans la gestion globale du chantier, puisque ces deux navires ont été livrés en 1996 et que leur prix, en principe, a été payé. Elle considère que, s'agissant de garanties sur fonds publics, ce sont des aides d'État assimilées aux aides au fonctionnement relevant de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1540-98 et devant être incluses dans le plafond maximal des aides au contrat. Or, la Commission constate que le ministère compétent a déjà accordé 9 % du prix contractuel avant aide pour tous les navires déjà livrés, soit le maximum d'aides possible en vertu de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 90-684 (considérant 29).

31. La Commission estime que le nombre et les dates des engagements pour lesquels Itainvest s'est portée garante démontrent que celle-ci était, en sa qualité de société mère, étroitement liée à la gestion quotidienne et hasardeuse d'INMA et que, partant, elle ne s'est pas comportée comme un investisseur privé. Elle relève que, compte tenu du montant déjà élevé des pertes apparaissant à la clôture du bilan au 31 décembre 1996 et dont Itainvest devait avoir connaissance bien avant le mois de mai 1997, INMA était en cessation des paiements dès cette date et aurait dû déposer son bilan (considérant 30).

32. La Commission en déduit que les couvertures de pertes ne peuvent être considérées comme une aide au sauvetage au sens des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (JO 1994, C 368, p. 12) (considérant 31).

33. Elle considère également que les apports de 21,4 milliards de ITL en 1997 et de 103,7 milliards de ITL en 1998 destinés à couvrir les pertes enregistrées sont des aides, puisqu'ils ont été octroyés dans des conditions qui ne seraient pas acceptables pour un investisseur opérant dans des conditions normales de marché. Ces couvertures de pertes n'auraient donc été consenties que pour essayer de valoriser artificiellement INMA en injectant des fonds à perte, puisqu'il n'est pas démontré que le prix qu'aurait pu obtenir Itainvest en revendant celle-ci aurait couvert le montant de 120 milliards de ITL "investi", compte tenu, en particulier, de la situation sur le marché de la construction navale (considérants 32 et 33).

34. La Commission estime, à cet égard, qu'Itainvest n'a pas choisi la solution la plus rentable en décidant de couvrir les pertes d'INMA au lieu de faire procéder au dépôt de son bilan. Cette dernière solution aurait, en effet, permis de rendre les engagements contractuels caducs et de diminuer, de ce fait, le coût des engagements vis-à-vis des armateurs. La Commission relève que, si cela n'était pas le cas, cela renforcerait davantage sa conviction qu'Itainvest s'est engagée bien au-delà de ce qu'un investisseur privé aurait fait. La Commission note, de plus, qu'Itainvest a consenti une caution de 22,7 milliards de ITL pour la commande "Tirrenia" en mars 1998 et une caution de 9 milliards de ITL pour la commande "Stolt Nielsen" en mars et en mai 1998, soit postérieurement à sa décision de couvrir les pertes d'INMA au vu de l'arrêté de comptes au 30 novembre 1997 (considérant 34).

35. La Commission en conclut que les couvertures de pertes sont des aides d'État incompatibles avec le marché commun (considérant 35).

36. La Commission considère, dans les conclusions de la décision attaquée, que les autorités italiennes ont illégalement octroyé des garanties pour la construction des navires des commandes "Corsica Ferries", "Pugliola", "Tirrenia" et "Stolt Nielsen", et couvert les pertes d'INMA en 1997 et 1998 en violation de l'article 88, paragraphe 3, CE. Les garanties octroyées pour la construction des navires et les couvertures de pertes auraient dû être calculées dans les limites du plafond maximal des aides liées au contrat, prévu à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 90-684. Ces aides devraient donc faire l'objet d'une récupération (considérant 36).

37. Aux termes de l'article 1er de la décision attaquée:

"L'aide d'État accordée par l'Italie par l'intermédiaire du holding public Itainvest en faveur du chantier naval INMA S.p.A, sous forme de garanties pour les commandes 'Corsica Ferries', 'Pugliola', 'Stolt Nielsen' et 'Tirrenia' et de couvertures de pertes pour un montant de 120,4 milliards de [ITL] (62,2 millions d'euros), sont incompatibles avec le marché commun."

38. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée:

"L'Italie prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de son bénéficiaire l'aide visée à l'article 1er et déjà illégalement mise à sa disposition."

Procédure et conclusions des parties

39. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 novembre 1999, les requérantes ont introduit le présent recours.

40. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, prévues à l'article 64 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, auxquelles il a été répondu dans le délai imparti.

41. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal, lors de l'audience qui s'est déroulée le 7 juin 2001.

42. Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la décision attaquée;

- condamner la Commission aux dépens.

43. La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- condamner les requérantes aux dépens.

En droit

44. À l'appui de leur recours, les requérantes invoquent deux moyens. Le premier moyen est tiré d'une violation de l'article 87 CE, de l'article 1er, sous d), de la directive 90-684 et de l'article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1540-98. Le second moyen est tiré d'une violation des formes substantielles et d'un défaut de motivation.

45. En l'espèce, il y a lieu de procéder, en priorité, à l'examen de ce second moyen. En effet, ce n'est que si la motivation de l'acte est suffisante que le Tribunal pourra exercer son contrôle sur la validité du raisonnement de la Commission.

Arguments des parties

46. Dans le cadre de ce second moyen, les requérantes allèguent que la Commission n'a pas pris en considération, aux fins de son appréciation, les données et arguments relatifs à la situation financière et économique d'INMA fournis par les autorités italiennes lors de la procédure administrative, qu'elle a omis de leur demander ainsi qu'aux autorités italiennes des éclaircissements et qu'elle n'a pas examiné s'il existait des raisons économiques et financières pouvant justifier les interventions d'Itainvest en faveur d'INMA. En outre, les requérantes affirment que la décision attaquée se fonde sur de simples présomptions. Selon les requérantes, ces différentes carences ont affecté la décision attaquée d'un vice grave de motivation, qui les a empêchées de comprendre celle-ci et d'exercer leurs droits de la défense.

47. La Commission rétorque que ce moyen ne fait pas l'objet, de la part des requérantes, d'un développement adéquat, qu'il manque de références précises et n'identifie pas les vices de formes allégués. En outre, bien qu'étant individuellement impliquées depuis la première phase de la procédure engagée par la Commission conformément à l'article 88, paragraphe 2, CE, les deux requérantes n'auraient pas jugé utile d'intervenir en présentant des observations adéquates en temps utile. Les requérantes se fonderaient d'ailleurs sur des considérations singulières afin de justifier leur absence de rôle lors de la procédure administrative.

48. En tout Etats de cause, la lecture de la décision attaquée, qui contiendrait une partie consacrée à la description d'INMA, une partie consacrée aux observations détaillées formulées par les autorités italiennes dans leur lettre du 2 mars 1999 et une partie consacrée à l'appréciation des aides, permettrait de réfuter les arguments des requérantes.

49. À cet égard, la Commission souligne que les arguments qu'elle présente dans le cadre du présent recours n'ont nullement pour objectif de compléter la motivation de la décision attaquée qui est, en elle-même, exhaustive, mais simplement de répondre aux griefs formulés dans la requête et de les réfuter.

50. La Commission réfute également l'affirmation des requérantes selon laquelle son analyse se baserait sur une appréciation ex post des faits en question.

Appréciation du Tribunal

Observations liminaires

51. À titre liminaire, il convient de relever que la Commission allègue que ce moyen n'a pas fait l'objet, de la part des requérantes, d'un développement adéquat.

52. Certes, dans leur argumentation, les requérantes reprochent notamment à la Commission, sous couvert d'une violation de l'obligation de motivation, une erreur manifeste d'appréciation qui trouverait son origine dans l'insuffisance de l'instruction lors de la procédure administrative. Il convient donc de distinguer cette argumentation, qui met en cause la légalité au fond de la décision attaquée, du moyen tiré d'un défaut de motivation, qui relève de la violation des formes substantielles et qui doit, si nécessaire, être soulevé d'office par le juge communautaire (arrêts de la cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 67, et du 22 mars 2001, France/Commission, C-17-99, Rec. p. I-2481, points 35 et 38).

53. Il n'en demeure pas moins que les requérantes ont également fait valoir que la décision attaquée est entachée d'un vice grave de motivation en ce qu'elles n'ont pas été en mesure d'en comprendre les motifs.

54. Il s'ensuit que l'argument de la Commission ne saurait prospérer.

Sur la motivation de la décision attaquée

55. Il ressort d'une jurisprudence constante que la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56-93, Rec. p. I-723, point 86).

56. S'agissant d'une décision de la Commission constatant l'existence d'aides d'État incompatibles avec le marché commun, il convient de rappeler que l'exercice par elle de ses compétences, en vertu de l'article 87, paragraphe 3, CE, présuppose l'existence d'une mesure d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE. Il incombe donc à la Commission de vérifier en premier lieu si la mesure constitue une aide d'État au sens de cet article (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Alitalia/Commission, T-296-97, Rec. p. II-3871, point 73).

57. En ce qui concerne la qualification d'une mesure d'aide, il découle de l'article 253 CE que la Commission doit indiquer les raisons pour lesquelles elle considère que la mesure en cause entre dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE (arrêts du Tribunal du 30 avril 1998, Cityflyer Express/Commission, T-16-96, Rec. p. II-757, point 66, du 13 juin 2000, EPAC/Commission, T-204-97 et T-270-97, Rec. p. II-2267, point 36, et du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T-55-99, Rec. p. II-3207, point 59). La motivation ne peut, dans ce cadre, être limitée au constat que ladite mesure est une aide, mais doit contenir une référence aux faits concrets, de manière à permettre aux intéressés de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et au juge communautaire d'exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts de la cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296-82 et 318-82, Rec. p. 809, points 19 à 30, et du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission, C-329-93, C-62-95 et C-63-95, Rec. p. I-5151, point 52).

58. La Commission doit s'assurer, en deuxième lieu, que la motivation de l'acte litigieux permet d'identifier avec précision les aides considérées incompatibles avec le traité et devant être supprimées (voir, en ce sens, arrêt de la cour du 27 juin 2000, Commission/Portugal, C-404-97, Rec. p. I-4897, point 47).

59. En l'espèce, il importe de rappeler le contexte dans lequel s'est inscrite la décision attaquée et, plus particulièrement, les circonstances dans lesquelles s'est déroulée la procédure administrative au terme de laquelle la Commission a considéré que les mesures litigieuses constituaient des aides d'État incompatibles avec le marché commun.

60. À cet égard, il convient de relever que, dans sa lettre du 19 janvier 1999, la Commission a invité les autorités italiennes à transmettre des informations concernant, notamment, les interventions d'Itainvest en faveur d'INMA sous forme de couvertures de pertes. En ce qui concerne les garanties consenties par Itainvest à INMA, la Commission s'est bornée à constater que la majorité des crédits bancaires d'INMA avaient été couverts par des garanties d'Itainvest, sans toutefois demander la communication d'informations sur ces mesures.

61. Interrogée sur ce point lors de l'audience, la Commission a affirmé qu'il ne lui avait pas semblé opportun de demander aux autorités italiennes des renseignements sur les conditions d'octroi des garanties litigieuses. C'est donc en l'absence de tels renseignements que la Commission a porté son appréciation sur ces mesures et les a qualifiées d'aides d'État.

62. Dans leur courrier en réponse à la lettre du 19 janvier 1999, les autorités italiennes ont constaté, liminairement, que cette lettre concernait les interventions financières effectuées par Itainvest depuis 1997 en faveur d'INMA ainsi que les aides accordées à INMA par le ministère de la Marine marchande puis par le ministère des Transports et de la Navigation. Elles ont précisé qu'elles fournissaient dans leur courrier les éléments nécessaires à l'appréciation des interventions financières précitées.

63. À la suite de la présentation des données financières relatives, d'une part, aux couvertures de pertes et, d'autre part, aux garanties consenties par Itainvest en faveur d'INMA, les autorités italiennes ont exposé:

"Dans ces conditions, on peut conclure sans hésitation que les susdites interventions financières correspondent pleinement aux pratiques normales en économie de marché [article 1, sous d), de la directive]. En effet, compte tenu de la perte apparue en mai 1997, Itainvest a évalué de manière approfondie et avec prudence, avec l'assistance de sociétés de Conseil de premier plan, la situation globale de l'entreprise et les chances qu'elle possédait de la céder.

Dans ce contexte, et conformément aux principes communautaires précités, Itainvest a estimé à bon droit que l'apport de ressources financières limitées supplémentaires constituait, à ce moment-là, une solution objectivement préférable d'un point de vue économique et financier dès lors qu'elle était de nature à: a) éviter une situation de cessation de paiements du chantier qui aurait entraîné la [réalisation] immédiate des cautions émises à hauteur de plus de 223 milliards de ITL ainsi que d'autres coûts qu'il est possible d'estimer à 100 milliards de ITL environ; et b) procéder à la vente du chantier aux meilleures conditions."

64. Eu égard aux exigences de l'article 253 CE, compte tenu du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, il convient d'examiner si la Commission a motivé à suffisance de droit la qualification d'aides d'État, d'une part, des garanties litigieuses octroyées par Itainvest en faveur d'INMA et, d'autre part, des couvertures par Itainvest des pertes enregistrées par INMA.

- Sur la motivation de la qualification d'aides d'État des garanties consenties par Itainvest

65. À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 1er de la décision attaquée, les garanties portant sur les commandes "Corsica Ferries", "Pugliola", "Stolt Nielsen" et "Tirrenia" sont considérées comme des aides d'État incompatibles avec le marché commun.

66. Dans le cadre du point V de la décision attaquée, intitulé "appréciation de l'aide", les garanties mentionnées correspondent, d'une part, à celles consenties en 1996 pour les commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia", pour un montant de 42milliards de ITL (voir considérant 24 de la décision attaquée), et pour les commandes "Corsica Ferries", pour un montant de 32,44 milliards de ITL (voir considérant 29 de la décision attaquée) et, d'autre part, à deux cautions relatives aux commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia", consenties en 1998 pour un montant respectif de 22,7 et de 9 milliards de ITL (voir considérant 34 de la décision attaquée).

67. Dans leurs mémoires et leurs plaidoiries, les requérantes considèrent que sont visées à l'article 1er de la décision attaquée l'ensemble des garanties susmentionnées, les cautions comprises.

68. Toutefois, en réponse à une question du Tribunal lors de l'audience, la Commission a affirmé que seules les garanties mentionnées aux considérants 24 et 29 de la décision attaquée étaient visées par l'article 1er de celle-ci. Il s'agit des garanties consenties en 1996 pour les commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia", pour un montant de 42 milliards de ITL, et pour les commandes "Corsica Ferries", pour un montant de 32,44 milliards de ITL, à l'exclusion des cautions visées au considérant 34 de la décision attaquée.

69. Quant à la garantie concernant la commande "Pugliola", qui ne fait l'objet d'aucun développement particulier dans le cadre du point V "appréciation de l'aide" de la décision attaquée, la Commission a admis, lors de l'audience, que celle-ci n'aurait pas dû être visée à l'article 1er de ladite décision.

70. Il s'ensuit que l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé en tant qu'il vise la garantie pour la commande "Pugliola".

71. Quant aux cautions relatives aux commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia" consenties en 1998, il y a lieu de constater que celles-ci ne sont pas visées par l'article 1er de la décision attaquée. En effet, au considérant 34 de la décision attaquée, après avoir conclu qu'Itainvest s'était engagée bien au-delà de ce qu'un investisseur privé aurait fait dans des conditions normales de marché, la Commission s'est simplement bornée à "noter" que figuraient, en plus, dans le décompte des engagements d'Itainvest, lesdites cautions. Elle ne s'est toutefois pas prononcée, comme elle l'a relevé lors de l'audience en réponse à une question du Tribunal, sur leur qualification d'aides d'État incompatibles avec le marché commun. Les arguments des requérantes sont, dès lors, sans objet pour autant qu'ils se rapportent auxdites cautions.

72. En considération de ce qui précède, il convient d'examiner si la Commission a motivé, à suffisance de droit, la qualification d'aides d'État des garanties effectivement visées aux considérants 24 et 29 de la décision attaquée. À cet égard, il y a lieu de vérifier si ladite décision fait apparaître, de manière claire et non équivoque, le raisonnement qui a conduit la Commission à considérer qu'un investisseur privé n'aurait pas consenti ces garanties et, partant, que celles-ci constituaient des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

73. Il convient de rappeler à cet égard, que, dans sa lettre du 19 janvier 1999, la Commission n'avait pas demandé la communication d'informations concernant les garanties relatives aux commandes "Stolt Nielsen", "Tirrenia" et "Corsica Ferries" et qu'elle n'avait pas exposé, même sommairement, les raisons pour lesquelles leur octroi devait être considéré comme constitutif d'une aide d'État. Dans ces conditions et compte tenu de la circonstance qu'Itainvest était étroitement liée à INMA du fait qu'elle détenait 100 % du capital de celle-ci, il était d'autant plus nécessaire que la motivation de la décision attaquée soit suffisamment détaillée à cet égard.

74. S'agissant des garanties concernant les commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia", la Commission affirme au considérant 24 de la décision attaquée qu'"il s'avère, [...] à la lecture des différentes opérations de financement nécessaires à l'exécution des commandes en cours, qu'aucune avance de fonds par des institutions financières n'aurait pu être consentie sans une garantie d'Itainvest [et] donc sans recourir à des fonds publics".

75. Or, cette affirmation ne saurait constituer une motivation claire et suffisante de la qualification d'aides d'État des garanties en cause permettant aux intéressés de comprendre le raisonnement de la Commission quant à l'application en l'espèce du critère de l'investisseur privé et au juge communautaire d'exercer son contrôle. Il convient de constater, à cet égard, que la Commission n'a même pas fourni, à l'appui de son affirmation, de précisions concernant les opérations de financement mentionnées et d'explications relatives au lien existant entre l'octroi des garanties et l'intervention des institutions financières visées.

76. Certes, lors de la procédure contentieuse, la Commission a apporté certains éléments de nature à expliciter le considérant 24 de la décision attaquée. Elle a ainsi allégué que, si elle a considéré qu'aucune avance de fonds par des institutions financières n'aurait pu être consentie sans une garantie d'Itainvest, c'est en considération du "fait que cette dernière a délibérément octroyé ces garanties en dépit des graves difficultés qu'INMA connaissait, surtout pour des commandes très onéreuses acceptées à des prix prédateurs et par conséquent vouées au désastre financier". Toutefois, aucun de ces éléments ne figure dans la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 décembre 1996, Rendo e.a./Commission, T-16-91, Rec. p. II-1827, point 45, et du 25 mai 2000, Ufex e.a./Commission, T-77-95, Rec. p. II-2167, point 54).

77. En outre, dans le considérant 25 de la décision attaquée, la Commission se borne à affirmer que les garanties concernant les commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia" sont des aides d'État et cite, à cet égard, un extrait de sa communication aux États membres sur l'application des articles [87] et [88] du traité CEE et de l'article 5 de la directive 80-723-CEE de la Commission aux entreprises publiques du secteur manufacturier (JO 1993, C 307, p. 3). Or, en se contentant d'invoquer, à l'appui de cette affirmation, un extrait de ladite communication en omettant d'indiquer les considérations factuelles et juridiques pertinentes en l'espèce, la Commission n'a pas étayé à suffisance de droit la conclusion à laquelle elle est parvenue.

78. L'affirmation relative à la nature d'aides d'État de ces garanties est réitérée à la première phrase du considérant 26 de la décision attaquée sans que soient apportées davantage d'explications concernant une telle qualification.

79. Il s'ensuit que la motivation de la qualification d'aides d'État des garanties concernant les commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia" consenties par Itainvest en faveur d'INMA en 1996 fait défaut.

80. Concernant les garanties pour les commandes "Corsica Ferries", déclarées incompatibles avec le marché commun à l'article 1er de la décision attaquée, la Commission affirme, aux considérants 28 et 29 de la décision attaquée, que les premières pertes enregistrées par INMA ne sont pas apparues, comme l'allèguent les autorités italiennes, en mai 1997, mais à la clôture des comptes au 31 décembre 1996 et que la mauvaise situation d'INMA a été causée par d'autres commandes que les commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia". À cet égard, elle constate que les deux commandes "Corsica Ferries", qui ont également fait l'objet de garanties constructeurs par Itainvest, ont précisément été livrées en 1996. Les informations fournies par les autorités italiennes indiqueraient qu'Itainvest a consenti à INMA une garantie de mobilisation de crédit liée à ces deux commandes. Or, selon la Commission, les deux navires correspondant à ces commandes ayant été livrés et leur prix, en principe, payé, les crédits garantis ont été utilisés dans la gestion globale du chantier.

81. La Commission poursuit en indiquant que, "[p]uisqu'il s'agit de garanties sur fonds publics, ce sont des aides d'État assimilées à des aides au fonctionnement relevant de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1540-98, et elles devaient donc être incluses dans le plafond maximal des aides aux contrats et réduire le niveau des aides octroyées par le Gouvernement italien".

82. Il ressort de ces constatations que, s'agissant des commandes "Corsica Ferries", la motivation de la décision attaquée est particulièrement ambiguë. En effet, il est question au considérant 29 de la décision attaquée "de garanties constructeurs" et "d'une garantie de mobilisation de crédit liée à la commande". Seule la garantie de mobilisation de crédit liée à la commande semble toutefois avoir été considérée comme une aide d'État. Néanmoins, la Commission conclut, dans ce même considérant, que, "puisqu'il s'agit de garanties [au pluriel] sur fonds publics, ce sont des aides d'État".

83. Cette ambiguïté est renforcée par la circonstance que, au considérant 36 de la décision attaquée, la Commission constate que l'Italie a illégalement octroyé des garanties pour la "construction des navires des commandes 'Corsica Ferries'".

84. Il s'ensuit que la décision attaquée ne permet pas d'identifier clairement quelle est l'aide "sous forme de garanties pour les commandes 'Corsica Ferries'" visée à l'article 1er de la décision attaquée. De surcroît, la Commission n'a pas expliqué pourquoi la garantie de mobilisation de crédit liée à la commande des deux navires "Corsica Ferries I et II" déjà livrés pouvait être qualifiée, au considérant 36 de la décision attaquée, de garantie pour la construction desdits navires.

85. En tout Etats de cause, la motivation de la décision attaquée ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que ces garanties sont des aides d'État. En effet, ni les allégations relatives à la situation financière d'INMA à la clôture de l'exercice 1996 ni celles relatives aux crédits garantis ne permettent de conclure que, lors de l'octroi desdites garanties, la situation financière d'INMA était compromise et qu'Itainvest ne s'est pas comportée comme un investisseur privé.

86. Il s'ensuit que la motivation de la qualification d'aides d'État des garanties pour les commandes "Corsica Ferries" fait défaut.

87. Lors de l'audience, la Commission a allégué que la motivation de la qualification d'aides d'État des garanties litigieuses était également contenue dans le considérant 30 de la décision attaquée, aux termes duquel l'ensemble de ses constatations sur le nombre et les dates des engagements pour lesquels Itainvest s'est portée garante montre que celle-ci, en tant que société mère, était étroitement liée à la gestion quotidienne et hasardeuse d'INMA et que, par conséquent, Itainvest ne s'est pas comportée comme un investisseur privé.

88. Toutefois, il convient à nouveau de constater que, à l'appui de cette affirmation, la Commission n'a fourni aucune explication et que celle-ci ne saurait être trouvée dans les motifs précédents de la décision attaquée. En effet, la Commission se fonde sur des présomptions en omettant d'indiquer les faits concrets sur lesquels elle se base afin de considérer que la situation financière d'INMA était compromise au moment de l'octroi des garanties en cause et qu'Itainvest ne s'est pas comportée comme un investisseur privé.

89. Il s'ensuit que la Commission n'a pas, concernant la qualification d'aides d'État des garanties en cause, exposé les faits et considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision.

90. Cette conclusion ne saurait être infirmée par l'argument de la Commission selon lequel, en substance, elle n'a pas disposé des informations relatives aux conditions d'octroi de l'ensemble des garanties litigieuses parce que lesdites informations ne lui ont pas été transmises lors de la procédure administrative.

91. À cet égard, la Commission n'est pas fondée à invoquer le caractère fragmentaire des informations qui lui ont été transmises sur ce point lors de la procédure administrative afin de justifier le défaut de motivation de la décision attaquée, dans la mesure où elle n'a pas exercé tous les pouvoirs dont elle disposait pour amener les autorités italiennes à lui fournir les informations pertinentes concernant les conditions financières d'octroi de ces garanties (voir, en ce sens, arrêt de la cour du 13 avril 1994, Allemagne et Pleuger Worthington/Commission, C-324-90 et C-342-90, Rec. p. I-1173, point 29). En effet, ainsi qu'il a été précédemment constaté, la Commission n'a pas, dans sa lettre du 19 janvier 1999, demandé la transmission d'informations concernant les garanties litigieuses (voir point 60 ci-dessus). Interrogée sur ce point lors de l'audience, elle a d'ailleurs affirmé qu'il ne lui avait pas semblé nécessaire de requérir lesdites informations lors de la procédure administrative (voir point 61 ci-dessus).

92. Enfin, il importe de constater que, certes, la Commission a fait valoir dans ses mémoires un certain nombre d'éléments relatifs à la nature sociale des missions incombant à Itainvest, à la situation financière d'INMA et à la situation du secteur de la construction navale, tendant à démontrer que les garanties en cause devaient être qualifiées d'aides d'État. Toutefois, cette motivation ne figure pas dans la décision attaquée et n'est pas de nature à pallier le défaut de motivation précédemment constaté.

93. Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la motivation de la décision attaquée ne satisfait pas aux exigences de l'article 253 CE en ce qui concerne la qualification d'aides d'État des garanties en cause.

- Sur la motivation de la qualification d'aides d'État des couvertures de pertes

94. La Commission a constaté dans la décision attaquée que, dès le mois de mai 1997, INMA se trouvait en Etats de cessation des paiements (voir considérant 30 de la décision attaquée), qu'un investisseur privé n'aurait pas procédé aux couvertures de pertes auxquelles Itainvest a consenti en 1997 et en 1998 (voir considérant 32 de la décision attaquée) et qu'il n'est pas démontré, eu égard à la situation du secteur de la construction navale, que le prix qu'aurait pu obtenir Itainvest en revendant INMA aurait couvert le montant de 120 milliards de ITL "investi" sous forme de couvertures de pertes (voir considérant 33 de la décision attaquée).

95. Toutefois, dans leurs observations du 2 mars 1999, les autorités italiennes ont fait valoir, en réponse à la lettre du 19 janvier 1999, que les couvertures par Itainvest des pertes enregistrées par INMA en 1996 et 1997 correspondaient pleinement aux pratiques normales en économie de marché.

96. À cet égard, les autorité italiennes ont avancé, comme il a été précédemment constaté, qu'"Itainvest a estimé à bon droit que l'apport de ressources financières limitées supplémentaires constituait, à ce moment-là, une solution objectivement préférable d'un point de vue économique et financier dès lors qu'elle était de nature à: a) éviter une situation de cessation de paiements du chantier qui aurait entraîné la [réalisation] immédiate des cautions à hauteur de plus de 223 milliards de ITL ainsi que d'autres coûts qu'il est possible d'estimer à 100 milliards de ITL environ; et b) procéder à la vente du chantier aux meilleures conditions" (voir point 63 ci-dessus).

97. Il y a lieu de relever que l'argumentation des autorités italiennes développée dans leurs observations du 2 mars 1999 a été résumée par la Commission aux considérants 10 à 18 de la décision attaquée.

98. L'exigence de motivation, selon la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus, n'impose pas que la Commission discute tous les points de droit et de fait qui ont été soulevés par les intéressés. L'institution est toutefois tenue de répondre de manière motivée à chacun des motifs essentiels formulés par ceux-ci.

99. Les considérations factuelles susmentionnées ne constituent nullement un argument hors de propos, dépourvu de signification ou clairement secondaire des autorités italiennes, mais bien un argument essentiel, tendant à démontrer que les couvertures par Itainvest des pertes enregistrées par INMA lors des exercices 1996 et 1997 ne sont pas des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

100. Dans ce contexte, la Commission était tenue d'exposer de manière claire et non équivoque aux autorités italiennes les raisons pour lesquelles leur argument, aux termes duquel elles considèrent qu'Itainvest s'est comportée comme un investisseur privé en économie de marché en préférant couvrir les pertes d'INMA afin de minimiser les coûts susceptibles de lui incomber en qualité de garante et d'unique actionnaire, n'était pas fondé.

101. Certes, la Commission énonce au considérant 26 de la décision attaquée que, "lorsque les autorités italiennes veulent justifier l'intervention d'Itainvest sous forme de couverture de pertes en indiquant qu'elle était moins onéreuse, comparée aux obligations découlant des engagements sous forme de garantie, il y a lieu de souligner que ces obligations sont dès le départ le résultat d'une aide non notifiée au sens de l'article 87, paragraphe 1, [CE] et rentrant dans la définition des aides figurant à l'article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement [...] n° 1540-98".

102. À cet égard, il convient de relever que la réponse de la Commission à l'argument des autorités italiennes est fondée sur la constatation de la nature d'aides d'État des garanties consenties par Itainvest en faveur d'INMA. Or, ainsi qu'il a été précédemment constaté, la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la qualification d'aides d'État des garanties en cause ne satisfait pas aux exigences de l'article 253 CE. Dans ces conditions, le Tribunal n'est pas en mesure d'exercer son contrôle de légalité sur l'explication fournie par la Commission au considérant 26 de la décision attaquée.

103. La Commission expose également, au considérant 34 de la décision attaquée, qu'elle met "en doute le fait que, en préférant couvrir les pertes, Itainvest ait choisi le moindre coût, puisqu'un dépôt de bilan pur et simple aurait en principe eu pour effet de rendre les engagements contractuels caducs, notamment ceux concernant la commande 'Tirrenia', et par conséquent de diminuer le coût des engagements vis-à-vis des armateurs, étant donné que la mise en faillite a notamment pour effet de mettre d'abord tous les créanciers sur un pied d'égalité et ensuite de privilégier ceux qui ont réellement avancé des fonds et non pas ceux qui auraient droit à des indemnités pour non-respect d'une clause contractuelle". Elle ajoute que, "si ce n'était pas le cas, cela renforcerait encore plus [sa] conviction [...] qu'Itainvest s'était engagé bien au-delà de ce qu'un investisseur privé aurait pu faire dans des conditions normales de marché".

104. Toutefois, il ne ressort pas de manière compréhensible de ce considérant que la Commission se soit prononcée sur les conséquences qu'aurait produit un dépôt de bilan d'INMA sur les garanties consenties en sa faveur par Itainvest et, en particulier, sur la question de savoir si, dans cette hypothèse, ces garanties pouvaient être mises en œuvre.

105. L'explication de la Commission, en ce qui concerne la nature des engagements contractuels qu'elle vise à ce considérant, est ainsi à ce point imprécise et équivoque qu'elle n'est pas en mesure de permettre au Tribunal d'exercer son contrôle sur le fait de savoir si, eu égard à la circonstance qu'Itainvest avait consenti des garanties en faveur d'INMA, il était préférable, comme l'allèguent les autorités italiennes, de couvrir les pertes enregistrées lors des exercices 1996 et 1997.

106. Il ressort de ce qui précède que la motivation de la qualification d'aides d'État des couvertures de pertes ne permet pas de connaître les justifications du rejet de l'argumentation essentielle des autorités italiennes et au juge communautaire d'exercer son contrôle.

107. Il s'ensuit que la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la qualification d'aides d'État des couvertures de pertes n'est pas conforme aux exigences de l'article 253 CE.

108. Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la décision attaquée ne satisfait pas à l'obligation de motivation prescrite par l'article 253 CE en ce qui concerne la qualification d'aides d'État des mesures litigieuses effectivement visées à l'article 1er de ladite décision.

109. Par conséquent, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen invoqué, il convient d'annuler la décision attaquée pour violation des formes substantielles.

Sur les dépens

110. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie défenderesse ayant succombé en ses conclusions et les requérantes ayant conclu à sa condamnation, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie),

déclare et arrête :

1) La décision 2000-262-CE de la Commission, du 20 juillet 1999, concernant l'aide d'État accordée par l'Italie au chantier naval INMA, est annulée.

2) La Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les requérantes.