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Décisions

Cass. crim., 11 mars 1993, n° 91-80.958

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Bayet

Avocat général :

M. Libouban

Avocats :

Me Choucroy, SCP Desaché, Gatineau, SCP Tiffreau, Thouin-Palat

TGI Carcassonne, ch. corr., du 4 juill. …

4 juillet 1990

LA COUR: - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 44 et suivants de la loi du 27 décembre 1973, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a retenu R dans les liens de la prévention du chef de publicité mensongère;

"au motif que les faits concernent un élément essentiel de la politique économique de la société qui engage nécessairement la responsabilité pénale personnelle du chef d'entreprise indépendamment de toute délégation de pouvoirs;

"alors que si, en principe, la responsabilité pénale pèse sur le chef d'entreprise à qui il incombe de faire respecter la loi, il en est autrement lorsque celui-ci a délégué ses pouvoirs à un préposé, pourvu que ce préposé possède la compétence et l'autorité nécessaires et qu'aucune disposition de la loi du 27 décembre 1973 n'interdit au chef d'entreprise de déléguer tout ou partie de ses pouvoirs; que dès lors le dirigeant d'une société de vente par correspondance a la libre faculté de déléguer à un directeur commercial, dont la compétence et l'autorité ne sont pas discutées, la responsabilité d'un secteur d'activité particulier, spécialement l'organisation et la mise en œuvre des jeux promotionnels; qu'ainsi le motif critiqué se révèle inopérant et inapte à légalement justifier la décision attaquée ";

Vu lesdits articles; - Attendu que, sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires;

Attendu que Daniel R, gérant de la société X, spécialisée dans la vente par correspondance, est poursuivi pour publicité de nature à induire en erreur à raison de la diffusion de documents publicitaires portant proposition de la participation à un jeu de loterie accompagnée d'un bon de "commande-participation ";

Attendu que, répondant aux conclusions du prévenu faisant état d'une délégation de pouvoirs consentie au directeur commercial de la société, la cour d'appel se borne à énoncer que les faits visés à la prévention concernant un élément essentiel de la politique économique de la société, qui engage nécessairement la responsabilité pénale personnelle du chef d'entreprise, indépendamment de toute délégation de pouvoirs, il y a lieu de rejeter l'argument;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans examiner la valeur et l'étendue de la délégation de pouvoirs invoquée, la cour d'appel a méconnu le principe sus-énoncé; que la cassation est, dès lors, encourue;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés: casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, en date du 17 décembre 1990, mais en ses seules dispositions portant sur le délit de publicité trompeuse, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée: Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Lyon.