Cass. crim., 27 mars 1997, n° 96-82.890
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Culié
Rapporteur :
Mme Garnier
Avocat général :
M. Amiel
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié.
Rejet du pourvoi formé par X Khan, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 7 décembre 1995, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende et a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR: - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 388, 550 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de déclarer nulle la citation délivrée à Khan X le 27 juillet 1993;
"aux motifs que Khan X fait valoir que les faits, objet de la poursuite, ont donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire devant un juge d'instruction de Pau le 22 avril 1993 et qu'il ne peut valablement être cité pour les mêmes faits devant le Tribunal correctionnel de Saumur par le Ministère public postérieurement, en l'espèce le 27 juillet 1993; que cette exception soulevée in limine litis en première instance est recevable; qu'à supposer qu'il s'agisse effectivement des mêmes faits (la Cour n'étant pas en mesure de le vérifier à l'examen des pièces produites), il s'agit d'un conflit positif de compétence entre 2 juridictions, l'une d'instruction et l'autre de jugement, de ressorts différents; que les conflits de compétence sont réglés par la procédure de règlement de juges définie aux articles 657, 658 et 659 du Code de procédure pénale, qui prévoit limitativement les différents cas; que le Ministère public et les parties, notamment le demandeur à l'exception, avaient la possibilité par application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure pénale, en l'absence de décisions définitives contradictoires entre les 2 juridictions, de saisir par requête la Cour de cassation; qu'en l'absence d'une telle requête l'exception n'est pas fondée et il y a lieu de considérer que le tribunal était valablement saisi; que le jugement statuant sur ce seul incident de procédure en date du 7 octobre 1993 sera confirmé;
"1° Alors qu'il est de principe que le tribunal correctionnel ne peut plus être saisi par une citation dès qu'une instruction est ouverte; qu'en l'espèce, Khan X avait déposé des conclusions in limine litis devant le tribunal, conclusions intégralement maintenues devant la cour d'appel, demandant de constater qu'il avait été mis en examen par M Lecue, juge d'instruction près le Tribunal de grande instance de Pau pour les mêmes faits que ceux qui avaient fait l'objet de la citation pour l'audience du 7 octobre 1993 et ce préalablement à cette citation soit le 23 avril 1993 et demandait par voie de conséquence de déclarer nulle et de nul effet la citation qui lui avait été délivrée, et qu'en refusant de faire droit à cette demande la cour d'appel a violé le principe susvisé;
"2° Alors qu'il appartient aux juges correctionnels d'ordonner les mesures d'instruction dont la nécessité ressort de leurs énonciations et que, dès lors, si la cour d'appel considérait ne pas être en mesure de vérifier que la citation délivrée à Khan X portait sur les mêmes faits que l'instruction qui était ouverte au Tribunal de Pau, il lui appartenait d'ordonner la mesure d'instruction qui lui paraissait nécessaire dès lors que la défense ne pouvait, quant à elle, verser aux débats les éléments d'un dossier couvert par le secret de l'instruction ";
Attendu que, pour confirmer le rejet, par les premiers juges, de l'exception de nullité de la citation devant le Tribunal correctionnel de Saumur, soulevée par le prévenu, au motif qu'il se trouvait déjà mis en examen, à raison des mêmes faits, devant le juge d'instruction de Pau, la cour d'appel énonce qu'à supposer qu'il s'agisse effectivement des mêmes faits, il en résulterait un conflit positif de compétence entre 2 juridictions appartenant à des ressorts différents, l'une d'instruction et l'autre de jugement; que de tels conflits ne peuvent être résolus que par la procédure de règlement de juges, selon les dispositions des articles 657, 658 et 659 du Code de procédure pénale; que les parties, notamment le demandeur à l'exception, n'ayant pas saisi à cette fin la Chambre criminelle de la Cour de cassation de la requête prévue à l'article 659 précité, il y a lieu de considérer comme valable la saisine du tribunal correctionnel;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'aucune décision définitive n'avait été rendue, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision; d'où il suit que le moyen doit être écarté;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 121-1 et 121-3 du nouveau Code pénal, L. 121-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale:
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Khan X coupable de publicité mensongère;
"aux motifs que le prévenu Khan X, qui a pris la direction de la société Y au printemps 1988, admet dans ses écritures que la plaquette a pu être conçue en 1987; qu'en ne remettant pas en cause son contenu lors de sa prise de fonction puisqu'elle était présentée aux séminaires de formation en 1988 à Saumur, Khan X doit assumer la responsabilité de ce document commercial dès lors qu'il a accepté de prendre la direction de la société Y; que, si les époux Morin n'ont pas été destinataires de cette plaquette, cette condition de diffusion à une personne physique particulière n'est pas exigée, seule la diffusion auprès d'un public de consommateurs potentiels étant suffisante; or, la lecture du texte de la plaquette induit nécessairement qu'elle était destinée au public; que, conçue selon le prévenu en 1987, elle a servi de support publicitaire aux nombreuses réalisations immobilières de la société Y dont un aperçu figure au présent dossier; qu'en ne mettant en exergue qu'un exemple chiffré, d'ailleurs plausible, à l'exclusion de toute autre situation faisant ressortir par exemple un investissement supérieur, un apport personnel différent et l'éventualité d'un différentiel loyer-remboursement comme c'était le cas pour les appartements de grande surface, ce seul exemple et cette présentation tendancieuse étaient de nature à induire en erreur les consommateurs sur les qualités substantielles des résultats de l'investissement réalisé; qu'en laissant diffuser cette plaquette, le prévenu sera déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés;
"1° Alors qu'aux termes de l'article 121-1 du nouveau Code pénal, nul n'est responsable pénalement que de son propre fait; que, hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires; que, dans ses conclusions régulièrement déposées, Khan X invoquait une délégation de pouvoir très large au profit de MM. V et M et qu'en omettant d'examiner ce moyen de défense la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 593 du Code de procédure pénale;
"2° Alors que le délit de publicité de nature à induire en erreur suppose nécessairement que la publicité incriminée ait été susceptible d'induire en erreur le consommateur moyennement avisé; qu'ainsi que l'avait expressément constaté le jugement du Tribunal correctionnel de Saumur en date du 3 mars 1994, si la plaquette incriminée ne présente qu'un exemple d'investissement chiffré, elle comporte l'avertissement suivant: "Ces chiffres sont indicatifs et susceptibles de modification. Le conseiller financier de la Y pourra étudier avec vous l'investissement le plus adapté à votre cas personnel"; que cette réserve excluait évidemment la notion de présentation tendancieuse et que, dès lors, l'arrêt a statué par des motifs contradictoires;
"3° Alors qu'il n'y a de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur qu'autant qu'il y a diffusion auprès du public; qu'un document interne destiné strictement à la formation des commerciaux de l'entreprise ne peut être considéré comme une publicité au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation et qu'en ne constatant pas, abstraction faite de motifs contradictoires et erronés que la plaquette litigieuse ait été effectivement diffusée auprès du public, l'arrêt attaqué a méconnu les dispositions de l'articles L 121-1 précité;
"4° Alors qu'aux termes de l'article 121-3 du nouveau Code pénal, il n'y a point de délit sans intention de le commettre; que l'arrêt a constaté que Khan X ne pouvait être le concepteur de la publicité incriminée créée avant son arrivée à la direction de la société Y; qu'il s'était contenté de la "laisser diffuser" sans "la remettre en cause"; que, cependant, l'exemple chiffré que cette publicité représentait était plausible et que, dès lors, en ne constatant pas que Khan X avait laissé divulguer en connaissance de cause du caractère prétendument tendancieux de sa présentation, l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision ";
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile des époux Morin-Taveau sans répondre aux chefs péremptoires des conclusions de Khan X faisant valoir qu'il ressortait des propres écritures des parties civiles devant le tribunal que c'est à partir d'une étude personnalisée que les époux Morin se sont déterminés à acquérir et non à partir d'une quelconque plaquette dont ils reconnaissent eux-mêmes qu'elle ne leur a jamais été présentée et que, dès lors, la cassation est encourue pour violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ";
Les moyens étant réunis; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction;d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.