CJCE, 5e ch., 16 juillet 1998, n° C-210/96
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Gut Springenheide GmbH, Tusky
Défendeur :
Oberkreisdirektor des Kreises Steinfurt - Amt für Lebensmittelüberwachung, Oberbundesanwalt beim Bundesverwaltungsgericht
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gulmann
Avocat général :
M. Mischo
Juges :
MM. Wathelet, Moitinho de Almeida, Edward, Puissochet
Avocats :
Mes Stüer, Rabe, Berrisch
LA COUR (cinquième chambre),
1. Par ordonnance du 8 février 1996, parvenue à la Cour le 20 juin suivant, le Bundesverwaltungsgericht a, en application de l'article 177 du traité CE, posé trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation du règlement (CEE) n° 1907-90 du Conseil, du 26 juin 1990, concernant certaines normes de commercialisation applicables aux oeufs (JO L 173, p. 5).
2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige qui oppose Gut Springenheide GmbH (ci-après "Gut Springenheide") et son gérant, M. Tusky, à l'Oberkreisdirektor des Kreises Steinfurt - Amt für Lebensmittelüberwachung (directeur de la circonscription administrative de Steinfurt - Office de contrôle des denrées alimentaires, ci-après l'"Office de contrôle des denrées alimentaires"), au sujet d'une indication portée sur les emballages d'oeufs commercialisés par Gut Springenheide et d'une notice glissée dans ces emballages.
La réglementation communautaire
3. Le règlement (CEE) n° 2771-75 du Conseil, du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur des oeufs (JO L 282, p. 49), prévoit la fixation de normes de commercialisation pouvant porter notamment sur le classement par catégorie de qualité et de poids, l'emballage, l'entreposage, le transport, la présentation et le marquage des oeufs. Sur la base de ce règlement, le Conseil a adopté le règlement n° 1907-90 qui a abrogé et remplacé le règlement (CEE) n° 2772-75 du Conseil, du 29 octobre 1975, concernant certaines normes de commercialisation applicables aux oeufs (JO L 282, p. 56).
4. L'article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1907-90 énumère les indications qui doivent obligatoirement être portées sur les emballages d'oeufs. Parmi ces indications figurent le nom ou la raison sociale et l'adresse de l'entreprise qui a emballé ou fait emballer les oeufs, étant entendu que le nom, la raison sociale ou la marque commerciale utilisée par cette entreprise ne peuvent être indiqués que si cette indication ne contient aucune mention incompatible avec le règlement, relative à la qualité ou à l'état de fraîcheur des oeufs, au mode d'élevage adopté pour leur production ou à l'origine des oeufs [article 10, paragraphe 1, sous a)].
5. L'article 10, paragraphe 2, du même règlement prévoit que les emballages peuvent également porter un certain nombre de mentions supplémentaires, parmi lesquelles figurent des indications destinées à promouvoir les ventes, dans la mesure où ces indications et les modalités selon lesquelles elles sont réalisées ne sont pas de nature à induire l'acheteur en erreur [article 10, paragraphe 2, sous e)]. Cette dernière disposition a été modifiée par le règlement (CEE) n° 2617- 93 du Conseil, du 21 septembre 1993 (JO L 240, p. 1), en vue de préciser que les indications optionnelles d'ordre publicitaire apposées sur les emballages d'oeufs peuvent inclure des symboles et faire référence aussi bien aux oeufs qu'à d'autres produits. Cette modification est toutefois sans pertinence pour la présente affaire.
6. En vertu de l'article 10, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1907-90, des dates supplémentaires ainsi que les mentions relatives au mode d'élevage et à l'origine des oeufs ne peuvent être utilisées que conformément aux règles à définir selon la procédure prévue à l'article 17 du règlement n° 2771-75. Ces règles porteront notamment sur les termes utilisés pour les mentions concernant le mode d'élevage et sur les critères concernant l'origine des oeufs.
7. L'article 14 du règlement n° 1907-90 précise que les emballages ne peuvent porter aucune autre indication que celles prévues par ledit règlement.
8. Le 15 mai 1991, la Commission a adopté le règlement (CEE) n° 1274-91 établissant les modalités d'application du règlement n° 1907-90 (JO L 121, p. 11). L'article 18 de ce règlement énumère, en particulier, les mentions relatives au mode d'élevage visé à l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 1907-90, qui peuvent être portées sur les oeufs et les petits emballages. L'article 18 a été modifié par le règlement (CE) n° 2401-95 de la Commission, du 12 octobre 1995 (JO L 246, p. 6).
Le litige au principal
9. Gut Springenheide commercialise des oeufs préemballés sous la mention "6-Korn - 10 frische Eier" (10 oeufs frais - 6 céréales). Selon cette société, les six sortes de céréales en question entrent dans la composition de l'alimentation des poules à concurrence de 60 %. Une notice, glissée dans chaque boîte d'oeufs, vante les qualités que les oeufs tireraient de cette alimentation.
10. Après avoir fait part, à plusieurs reprises, à Gut Springenheide de ses réticences à l'égard de la mention "10 oeufs frais - 6 céréales" et de cette notice, l'Office de contrôle des denrées alimentaires a, le 24 juillet 1989, mis en demeure cette société de les supprimer. Une amende a par ailleurs été infligée à son gérant, M. Tusky, le 5 septembre 1990.
11. Par jugement du 11 novembre 1992, le Verwaltungsgericht Münster a rejeté le recours en constatation formé par Gut Springenheide et M. Tusky au motif que la mention et la notice litigieuses enfreignaient l'article 17, paragraphe 1, du Lebensmittel- und Bedarfsgegenständegesetz (loi sur les denrées alimentaires et les produits de consommation courante) qui interdit les indications trompeuses.
12. Gut Springenheide et M. Tusky ont fait en vain appel de ce jugement. La juridiction d'appel a en effet considéré que la mention et la notice en cause méconnaissaient l'article 10, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, sous e), du règlement n° 1907-90. D'après cette juridiction, la mention "10 oeufs frais - 6 céréales", qui est également une marque commerciale, et la notice qui l'accompagne sont de nature à tromper une partie non négligeable des consommateurs dans la mesure où elles suggèrent à tort que l'alimentation des poules est exclusivement composée des six céréales indiquées et que les oeufs présentent des qualités particulières.
13. Gut Springenheide et M. Tusky ont introduit une demande en "Revision" de cet arrêt devant le Bundesverwaltungsgericht. Ils ont soutenu que la mention et la notice litigieuses étaient absolument nécessaires à l'information du consommateur et que la juridiction d'appel ne se référait à aucun avis d'expert montrant qu'elles induisaient l'acheteur en erreur.
14. Le Bundesverwaltungsgericht estime que la solution du litige doit se fonder sur l'article 10 du règlement n° 1907-90, mais il éprouve des doutes en ce qui concerne l'interprétation de son paragraphe 2, sous e), qui autorise, sur les emballages, la mention d'indications destinées à promouvoir les ventes pour autant qu'elles ne sont pas de nature à induire l'acheteur en erreur. Selon la juridiction de renvoi, cette disposition peut en effet être interprétée de deux manières. Soit le caractère trompeur des indications en cause doit être déterminé par rapport à l'attente effective des consommateurs, auquel cas cette attente devrait, le cas échéant, être établie par le biais d'un sondage auprès d'un échantillon représentatif de consommateurs ou sur la base d'une expertise, soit la disposition en cause se fonde sur une notion objective de l'acheteur, qui n'appelle qu'une interprétation juridique, indépendante de l'attente concrète des consommateurs.
15. C'est dans ces conditions que le Bundesverwaltungsgericht a décidé de surseoir à statuer pour poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
"1) Pour apprécier, comme le requiert l'article 10, paragraphe 2, sous e), du règlement (CEE) n° 1907-90, si des indications destinées à promouvoir les ventes sont de nature à induire l'acheteur en erreur, faut-il rechercher ce à quoi les consommateurs sollicités s'attendent effectivement ou cette règle fait-elle référence à une notion objective d'acheteur n'appelant qu'une interprétation juridique ?
2) Au cas où c'est l'attente effective des consommateurs qui importe, les questions suivantes se posent :
a) Est-ce la conception du consommateur moyen informé qui compte ou celle du consommateur superficiel ?
b) Peut-on déterminer le pourcentage à partir duquel un groupe de consommateurs servira à établir une attente de référence du consommateur ?
3) Au cas où il est fait référence à une notion objective d'acheteur n'appelant qu'une interprétation juridique, comment faut-il définir cette notion ?"
Considérations préliminaires
16. En premier lieu, le Gouvernement français émet des doutes sur la recevabilité des questions posées au motif que le règlement n° 1907-90 est entré en vigueur le 1er octobre 1990, c'est-à-dire postérieurement aux faits de l'espèce au principal.
17. A cet égard, il convient tout d'abord de relever que les dispositions de l'article 10, paragraphe 2, sous e), de ce règlement qui intéressent la présente affaire sont substantiellement analogues à celles qui figuraient à l'article 21, deuxième alinéa, du règlement n° 2772-75, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1831-84 du Conseil, du 19 juin 1984 (JO L 172, p. 2), que le règlement n° 1907-90 a abrogé et remplacé.
18. Ensuite, il a été indiqué à l'audience, tant par Gut Springenheide que par le Gouvernement allemand et la Commission, que, l'action au principal tendant à faire constater que les agissements des requérants sont conformes à la réglementation en vigueur, la juridiction de renvoi doit prendre en compte les dispositions applicables au moment de rendre sa décision ou, à tout le moins, celles en vigueur lors de l'introduction du recours. Ainsi, l'action au principal ne porte pas sur l'amende qui a été infligée au gérant de la société requérante au principal.
19. Il y a lieu dès lors de répondre aux questions posées par le Bundesverwaltungsgericht (voir, dans le même sens, arrêt du 25 février 1992, Gutshof-Ei, C-203-90, Rec. p. I-1003, point 12).
20. En second lieu, le Gouvernement français estime qu'il n'est pas nécessaire de s'interroger sur l'interprétation de l'article 10, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 1907-90, sollicitée par la juridiction de renvoi, dès lors que celui-ci prohiberait en tout état de cause une indication comme celle en cause dans la présente affaire. Il fait valoir à ce propos que la mention "10 oeufs frais - 6 céréales" se réfère à l'alimentation des poules pondeuses et qu'elle se rattache donc au mode d'élevage des volailles visé à l'article 10, paragraphe 3, du règlement. Or, l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1274-91, qui énumérerait limitativement les mentions relatives au mode d'élevage que les emballages peuvent porter, n'indiquerait pas la mention litigieuse.
21. Cette interprétation ne peut être retenue.
22. En vertu de l'article 18 du règlement n° 1274-91, tel que modifié par le règlement n° 2401-95, les petits emballages contenant une certaine catégorie d'oeufs peuvent, le cas échéant, porter une des mentions suivantes relatives au mode d'élevage visé à l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 1907-90: "Oeufs de poules élevées en libre parcours", "Oeufs de poules élevées en plein air", "Oeufs de poules élevées au sol", "Oeufs de poules élevées sur perchoirs" et "Oeufs de poules élevées en batterie". Ces mentions ne peuvent être utilisées que pour des oeufs produits dans les élevages répondant aux critères énumérés à l'annexe II du règlement, lesquels concernent pour l'essentiel le terrain ou la surface disponible pour les poules, mais non leur alimentation.
23. Conformément au dix-huitième considérant du règlement n° 1274-91, ces dispositions visent à protéger le consommateur contre des affirmations qui pourraient être formulées dans l'intention frauduleuse d'obtenir des prix plus élevés que ceux applicables aux oeufs de poules élevées en batterie. Elles se limitent ainsi à réglementer les mentions de types d'élevage qui peuvent être apposées sur les emballages d'oeufs, indépendamment de l'alimentation fournie aux animaux. Celle-ci n'est au demeurant pas fonction du type d'élevage choisi.
24. Aucune conclusion différente ne saurait être tirée du règlement (CEE) n° 1538-91 de la Commission, du 5 juin 1991, portant modalités d'application du règlement (CEE) n° 1906-90 du Conseil établissant des normes de commercialisation pour les volailles (JO L 143, p. 11).
25. Certes, il est vrai que l'article 10 de ce règlement, lu en liaison avec son annexe IV, inclut dans les mentions facultatives du mode d'élevage celles concernant l'alimentation des animaux. Toutefois, il s'agit là d'une réglementation distincte, aux dispositions spécifiques, auxquelles, pour les raisons exposées par M. l'avocat général aux points 31 à 38 de ses conclusions, il ne saurait être recouru en l'espèce pour interpréter le règlement n° 1274-91.
26. Il résulte de ce qui précède que les dispositions des règlements n° 1907-90 et 1274-91 concernant les mentions relatives au mode d'élevage des poules pondeuses ne s'opposent pas à l'apposition sur les emballages d'oeufs d'une indication du type "10 oeufs frais - 6 céréales".
Sur les questions préjudicielles
27. Par ses trois questions, auxquelles il convient de répondre conjointement, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour quel est le consommateur auquel il convient de se référer afin de déterminer si une indication destinée à promouvoir les ventes d'oeufs est de nature à induire l'acheteur en erreur en violation de l'article 10, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 1907-90.
28. Pour répondre à ces questions, il y a lieu de relever tout d'abord que des dispositions analogues à cette dernière disposition, destinées à éviter toute tromperie du consommateur, figurent également dans un certain nombre d'actes de droit dérivé de portée générale ou sectorielle comme la directive 79-112-CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 1979, L 33, p. 1), ou le règlement (CEE) n° 2392-89 du Conseil, du 24 juillet 1989, établissant les règles générales pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisins (JO L 232, p. 13).
29. La protection des consommateurs, des concurrents et du public en général contre la publicité trompeuse fait, par ailleurs, l'objet de la directive 84-450-CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse (JO L 250, p. 17). Aux termes de son article 2, point 2, il faut entendre par publicité trompeuse toute publicité qui, d'une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d'induire en erreur les personnes auxquelles elle s'adresse ou qu'elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d'affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent.
30. Il convient également de rappeler que la Cour a été amenée à s'interroger, à plusieurs reprises, sur le caractère éventuellement trompeur d'une dénomination, d'une marque ou d'une indication publicitaire au regard des dispositions du traité ou du droit dérivé et que, chaque fois que les éléments du dossier à sa disposition lui ont paru suffisants et la solution s'imposer, elle a elle-même tranché ce point plutôt que d'en renvoyer l'appréciation finale au juge national (voir, notamment, arrêts du 7 mars 1990, GB-INNO-BM, C-362-88, Rec. p. I-667; du 13 décembre 1990, Pall, C-238-89, Rec. p. I-4827; du 18 mai 1993, Yves Rocher, C-126-91, Rec. p. I-2361; du 2 février 1994, Verband Sozialer Wettbewerb, C-315-92, Rec. p. I-317; du 29 juin 1995, Langguth, C-456-93, Rec. p. I-1737, et du 6 juillet 1995, Mars, C-470-93, Rec. p. I-1923).
31. Il ressort de ces arrêts que, pour déterminer si la dénomination, la marque ou l'indication publicitaire en cause étaient ou non de nature à induire l'acheteur en erreur, la Cour a pris en considération l'attente présumée d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sans avoir ordonné une expertise ou commandé un sondage d'opinion.
32. Ainsi, les juridictions nationales devraient généralement être à même d'apprécier, dans les mêmes conditions, l'effet trompeur éventuel d'une indication publicitaire.
33. Il y a lieu encore de relever que, dans d'autres affaires où elle ne disposait pas des informations nécessaires et où la solution ne lui paraissait pas s'imposer en l'état du dossier dont elle disposait, la Cour a renvoyé au juge national le soin de se prononcer sur le caractère éventuellement trompeur de la dénomination, de la marque ou de l'indication publicitaire litigieuse (voir, notamment, arrêts Gutshof-Ei, précité; du 17 mars 1983, De Kikvorsch, 94-82, Rec. p. 947, et du 26 novembre 1996, Graffione, C-313-94, Rec. p. I-6039).
34. Dans l'arrêt du 16 janvier 1992, X (C-373-90, Rec. p. I-131, points 15 et 16), la Cour a notamment jugé, à propos de la directive 84-450, qu'il appartenait à la juridiction nationale de vérifier, au vu des circonstances de l'espèce, si, compte tenu des consommateurs auxquels elle s'adressait, une publicité présentant des véhicules comme étant neufs, malgré le fait qu'ils avaient été immatriculés pour les besoins de l'importation, sans avoir toutefois jamais circulé sur la route, pouvait avoir un caractère trompeur dans la mesure où, d'une part, elle aurait pour objet de cacher la circonstance que les véhicules annoncés comme neufs avaient été immatriculés avant l'importation et où, d'autre part, cette circonstance aurait été de nature à faire renoncer un nombre significatif de consommateurs à leur décision d'achat. La Cour a ajouté qu'une publicité sur le prix moins élevé des voitures ne saurait être qualifiée de trompeuse que dans l'hypothèse où il serait établi que la décision d'achat d'un nombre significatif de consommateurs auxquels la publicité en cause s'adresse est prise dans l'ignorance de ce que le prix réduit des véhicules s'accompagne d'un nombre moindre d'accessoires équipant les voitures vendues par l'importateur parallèle.
35. Ainsi, la Cour n'a pas exclu que, dans certaines circonstances particulières au moins, un juge national puisse décider, conformément à son droit national, d'ordonner une expertise ou de commander un sondage d'opinion destiné à l'éclairer sur le caractère éventuellement trompeur d'une indication publicitaire.
36. En l'absence de toute disposition communautaire en la matière, il appartient au juge national, qui estimerait indispensable de commander un tel sondage, de déterminer, conformément à son droit national, le pourcentage de consommateurs trompés par une indication publicitaire qui lui paraîtrait suffisamment significatif pour en justifier, le cas échéant, l'interdiction.
37. Il y a lieu dès lors de répondre aux questions posées que, pour déterminer si une indication destinée à promouvoir les ventes d'oeufs est de nature à induire l'acheteur en erreur en violation de l'article 10, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 1907-90, le juge national doit se référer à l'attente présumée relative à cette indication d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Toutefois, le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que, s'il éprouve des difficultés particulières pour évaluer le caractère trompeur de l'indication en cause, il puisse recourir, dans les conditions prévues par son droit national, à un sondage d'opinion ou à une expertise destinés à éclairer son jugement.
Sur les dépens
38. Les frais exposés par les Gouvernements allemand, français, autrichien et suédois, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesverwaltungsgericht, par ordonnance du 8 février 1996, dit pour droit:
Pour déterminer si une indication destinée à promouvoir les ventes d'oeufs est de nature à induire l'acheteur en erreur en violation de l'article 10, paragraphe 2, sous e), du règlement (CEE) n° 1907-90 du Conseil, du 26 juin 1990, concernant certaines normes de commercialisation applicables aux oeufs, le juge national doit se référer à l'attente présumée relative à cette indication d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Toutefois, le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que, s'il éprouve des difficultés particulières pour évaluer le caractère trompeur de l'indication en cause, il puisse recourir, dans les conditions prévues par son droit national, à un sondage d'opinion ou à une expertise destinés à éclairer son jugement.