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Décisions

CA Angers, ch. corr., 10 novembre 1998, n° 98-00335

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Institut National Appellations d'Origines, Assedic Atlantique Anjou

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Chesneau

Substitut général :

M. Feron

Conseillers :

MM. Guillemin, Midy

Avocats :

Mes Funck-Brentano, Lovaert-Pessardiere

TGI Saumur, ch. corr., du 29 janv. 1998

29 janvier 1998

LA COUR,

Le prévenu et le Ministère public ont interjeté appel du jugement rendu le 29 janvier 1998 par le Tribunal correctionnel de Saumur qui, pour fausses déclarations en vue d'obtenir des indemnités Assedic, publicité mensongère et tromperie, a condamné André L à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et à 50 000 F d'amende.

Le tribunal a en outre statué en ces termes :

Ordonne la restitution aux Assedic de la somme de 309 043,15 F indûment perçue outre les intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Ordonne aux frais du condamné la publication par extraits de la présente décision dans les journaux suivants le Journal Officiel, la Nouvelle République, le Courrier de l'Ouest et la revue La Vigne ;

Dit que la première partie du cautionnement versé par André L dans le cadre du contrôle judiciaire du 1er juin 1990, garantissant sa représentation en justice, lui sera restituée;

Dit que la seconde partie de ce cautionnement ne pourra lui être restituée qu'après déduction :

1° du montant de l'indemnisation des parties civiles,

2° du montant de l'amende et des frais de justice ;

SUR L'ACTION CIVILE

Reçoit l'Institut National des Appellations d'Origines en sa constitution de partie civile;

Déclare André L responsable du préjudice subi par L'institut National des Appellations d'Origine;

Condamne André L à payer à l'Institut National des Appellations d'Origines la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Condamne André L à verser à l'Institut National des Appellations d'Origines, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la somme de 3 000 F ;

Reçoit L'Assedic Atlantique Anjou en sa constitution de partie civile ;

Déclare André L responsable du préjudice subi par l'Assedic Atlantique Anjou ;

Condamne André L à payer à L'Assedic Atlantique Anjou la somme de 25 000 F à titre de dommages-intérêts.

Régulièrement cité, le prévenu comparaît assisté de son conseil qui dépose des conclusions sollicitant la relaxe.

Le Ministère public requiert la confirmation du jugement.

Régulièrement cité, L'INAO est représenté par son conseil qui dépose des conclusions sollicitant la confirmation du jugement et 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Régulièrement citée, l'Assedic Atlantique Anjou comparaît en la personne d'un représentant dûment mandaté par les organes habilités de l'association. Elle réclame, outre la confirmation de l'obligation de remboursement, 100 000 F de dommages et intérêts et 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

André L est prévenu d'avoir à Nueil sur Layon

- entre le 1er février 1988 et le 1er juin 1990, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, trompé les consommateurs ou les clients, contractants, sur l'origine, les qualités substantielles et l'identité de vins soit en déclarant faussement qu'ils étaient mis en bouteille à la propriété soit en les vendant sous des noms de domaines fictifs, soit en confondant l'Anjou Rouge et le Saumur ainsi que le Bourgueil et le Chinon ;

- 1er février 1988 et le 1er juin 1990, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les étiquettes des bouteilles en indiquant faussement que le vin avait été mis en bouteille au domaine ou à la propriété ;

- entre le 1er février 1988 et le 31 août 1989, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, en faisant usage de fausse qualité de chômeur à la recherche d'un emploi, fait remettre ou délivrer des allocations et d'avoir par ce moyen escroqué partie de la fortune des Assedic Atlantique Anjou.

Faits prévus et réprimés par les articles 1er de ta loi du 1er août 1905, 44 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973, 405 de l'ancien Code pénal, L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation, 313-1, 313-7, 313-8 du Code pénal.

Motifs sur l'action publique

Le tribunal, par des motifs que la cour adopte, a fait une exacte application de la loi tant en ce qui concerne la culpabilité que la peine.

Sur l'obtention d'allocations de chômage indues par fausses déclarations

André L, dans ses conclusions, fait observer que la société X n'a été créée qu'en février 1988 et en conclut qu'il ne pouvait jusqu'à cette date, exercer une activité de gérant de fait d'une société qui n'existait pas.

Le tribunal a reconnu la valeur de cet argument en retenant que des déclarations mensongères d'André L lui avait permis d'obtenir un montant d'allocations de 309 043,15 F pour la période allant du 1er février 1988 au 31 août 1989, date à laquelle l'Assedic Atlantique Anjou a cessé le versement de ses prestations.

André L prétend qu'il n'a pas, postérieurement à cette date, exercé la gérance de fait de la société X en exposant qu'il n'avait aucun pouvoir financier, ne disposait pas de la signature ni d'aucune délégation générale.

Cette organisation constitue une preuve à charge dans la mesure où elle était nécessaire pour dissimuler l'activité réelle d'André L. Il est an effet tout à fait illogique, compte tenu de la situation et du contexte exclusivement familial de l'entreprise, qu'il n'ait pas disposé de la signature au moins pour faciliter la gestion des affaires courantes.

Le tribunal a relevé qu'André L, lors de la confrontation finale avec son épouse, avait minimisé son rôle dans la société.

André L estime qu'il serait inéquitable de retenir, comme l'ont fait les premiers juges, ses déclarations initiales devant les gendarmes auxquels il a avoué diriger la société X depuis sa création, en février 1988.

Les explications qu'il a données en dernier lieu, ne serait-ce que dans la manière dont il a répondu au magistrat instructeur, démontrent qu'il était en réalité le maître de l'affaire. Il a d'ailleurs reconnu qu'il travaillait pour la société X mais pas à temps complet et qu'au début, il n'y avait pas de possibilité de rémunération.

Il pense trouver une excuse en faisant valoir qu'il n'y avait pas d'intention frauduleuse de sa part mais tout au plus une erreur administrative par mauvais choix de financement car il aurait pu bénéficier, à la suite de son licenciement, de l'aide à la création d'entreprise.

Cette considération ne constitue pas une excuse car rien ne pouvait lui assurer qu'il obtiendrait une subvention aussi importante que les 309 043,15 F qui lui ont été versés par L'Assedic.

Elle le met également en avant en le désignant comme l'auteur de ce montage frauduleux et les quelques justificatifs de recherche d'emploi, qui étaient également nécessaires pour que les prestations continuent à être versées, ne démontrent en rien une volonté réelle de trouver par ce moyen, une activité salariée.

C'est donc par des motifs tout à fait pertinents que le tribunal a caractérisé une gestion de fait, qui a trouvé son issue logique en juin 1991 par la nomination d'André L en qualité de président du conseil d'administration, lorsque la société a été transformée en société anonyme. Cette gestion de fait, qui procurait un profit à André L par le développement de l'entreprise qu'il avait créée avec son épouse et faisait qu'il n'était plus en recherche d'emploi, lui interdisait de bénéficier des prestations qu'il a obtenues de I'Assedic.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu à l'encontre d'André L le délit de fausse déclaration en vue d'obtenir des prestations de chômage indues.

L'Assedic Atlantique Anjou n'est pas appelante et n'est donc pas recevable à demander une augmentation des dommages et intérêts qui lui ont été accordés. Ces dommages et intérêts ont été bien appréciés par le tribunal compte tenu des charges d'investigation et de contrôle qui incombent aux Assedic pour la recherche des fraudeurs.

Sur la tromperie par fausses appellations.

Le Ministère public n'insiste pas sur cette infraction et demande ta confirmation de la relaxe.

Le tribunal a regretté qu'une expertise des stocks de la société Y n'ait pas été ordonnée pour permettre d'apporter des éléments de preuve convaincants. Il sera ajouté qu'une telle mesure d'instruction, si elle était à présent ordonnée, s'avérerait inefficace compte tenu du temps écoulé et de l'impossibilité pratique de reconstituer les éventuels transferts de stocks entre la société X et la société Y.

Sur la tromperie par fausse indication de mise en bouteille à la propriété et sur la publicité mensongère

La mise en bouteille à la propriété est une qualité substantielle d'un vin car elle est la garantie qu'il ne s'agit pas d'un vin de mélange mais d'un vin issu d'un même savoir faire de vinification.

André L prétend que le vin provenant de l'exploitation d'André Rullier a été vendu à la société X en bouteilles.

Il se fonde pour cela sur un document daté du 29 juin 1988, intitulé "facture" et non signé et qui porte mention de 20 000 bouteilles au prix de 105 000 F.

Ce document n'a aucun sens car il porte la mention "ci-joint chèque bancaire de 105 000 F..." ce qui démontre qu'il a été rédigé par la société X car on imagine malle vendeur payer le prix de la vente.

Il est démonstratif de la mauvaise foi d'André L.

On s'en tiendra donc aux déclarations d'André Rullier qui s'est plaint d'avoir constaté qu'il était mentionné sur les étiquettes "mis en bouteille à la propriété" alors qu'il avait vendu ce vin en vrac. Le délit est donc constitué et peu importa que Madame L ait fait l'acquisition de la propriété puisque le vin n'a pas été mis en bouteille dans celle-ci mais dans les chais du négociant.

Le tribunal a également exactement tiré les conclusions des témoignages des autres viticulteurs mis dans le même cas qu'André Rullier pour retenir la prévention de tromperie par fausse indication de mise en bouteille à la propriété ou au domaine.

Le délit de publicité mensongère par indication de ces mentions sur les étiquettes est, pour ces mêmes motifs, constitué.Les mesures de publication ordonnées par le tribunal sont donc tout à fait justifiées, sauf toutefois la publication au journal officiel qui ne présente pas d'intérêt évident en l'espèce.

Sur la tromperie par utilisation de noms de domaines fictifs

André L se défend d'avoir utilisé des noms de domaines fictifs en produisant des photographies indiquant qu'un certain nombre de noms de domaine qu'il a utilisés existaient réellement. Cela n'est pas totalement exact. En outre, l'apposition sur les étiquettes de noms de domaines, ajoutée à la fausse mention de mise en bouteille à la propriété a au pour effet d'accroître l'idée fausse que se faisait le consommateur de ce que te vin qu'il achetait n'était pas un vin de négociant mais un vin commercialisé directement par le vigneron, sans risque de coupage. Cette utilisation a donc eu pour effet d'accentuer l'altération de cette qualité substantielle des vins.

Sur l'action civile de l'INAO

André L conclut à l'irrecevabilité de cette action au cas où la relaxe intervenue pour les appellations inexactes serait confirmée.

Il expose que l'INAO n'aurait pas subi de préjudice car il a pour unique mission de protéger les appellations d'origine.

L'étiquetage d'un vin d'appellation d'origine qui comporte des mentions fausses sur les qualités substantielles de ce vin, même si ces qualités ne concernent pas le droit à l'appellation, porte un discrédit sur cette appellation et cause un préjudice direct et certain à l'organisme qui a une mission de protéger l'authenticité de l'origine des vins.

L'INAO est donc recevable à demander la réparation du préjudice qu'il a subi. Le tribunal en a fait une exacte appréciation compte tenu des frais engagés par cet organisme pour la recherche des fraudes et des moyens qu'il met an œuvre pour favoriser le respect de la réglementation.

Il est équitable de faire application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale dans les conditions qui figurent au dispositif.

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré sauf à dire qu'il n'y a pas lieu à publication au journal officiel ; Y ajoutant, condamne André L à payer, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la somme de 3 000 F à l'INAO et la somme de 3 000 F à l'Assedic Atlantique Anjou. Ainsi jugé et prononcé par application des articles L. 365-1 du Code du travail, 1er de la loi du 1er août 1905, 44 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973, L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné conformément aux dispositions de l'article 1018-A du Code général des impôts.