CA Angers, 2e ch. corr., 6 janvier 1972, n° 72-12
ANGERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Union syndicale des commerçants et artisans de la Région Choletaise, Syndicat de l'Ameublement de Maine et Loire, Fédération Nationale de l'Ameublement
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brochard
Conseillers :
M. Giraud, M. Ripert
Avoué :
Me Cordier
Avocats :
Me Roubach, Me Bornec
Le 29 avril 1971, les parties civiles, et le 30 avril 1971, le Ministère public ont interjeté appel d'un jugement rendu le 22 avril 1971, par le Tribunal correctionnel d'Angers, qui a relaxé le prévenu ; C. Daniel, des fins des poursuites intentées contre lui pour infraction à la législation sur les ventes au déballage.
A l'appel de la cause portée devant la cour à l'audience publique du 14 octobre 1971, sur citation du Procureur général, elle fut contradictoirement renvoyées à celle du 16 décembre 1971, audience à laquelle le Président a accompli les formalités prescrites par l'article 406 du Code de procédure pénale ;
Il a constaté que le prévenu ne comparaissait pas, mais que par lettre jointe il acceptait d'être jugé en son absence ; Me Bornec, avocat a déclaré le représenter ; la présence de C. n'ayant pas été jugée indispensable, il a été passé outre aux débats ; Me Cordier avoué a déposé des conclusions pour le compte des parties civiles ;
LA COUR,
Statuant sur les appels régulièrement interjetés par l'Union syndicale des commerçants et artisans de la Région Choletaise, le syndicat de l'Ameublement de Maine et Loire et la Fédération Nationale de l'Ameublement, parties civiles, et le Ministère public du jugement du Tribunal correctionnel d'Angers du 2 avril 1971 qui, saisi des poursuites intentées contre Daniel C. commerçant forain du chef d'infraction à la loi du 30 décembre 1906 modifiée par le décret du 26 novembre 1962 (vente déballage), a relaxé le prévenu des fins de cette poursuite et s'est déclaré incompétent pour statuer sur les conclusions de la partie civile,
Attendu que les appelants sollicitent réformation de cette décision, le délit étant constitué, le Ministère public requièrent l'application des peines prévues par la loi, les parties civiles demandant condamnation de C. à un franc de dommages-intérêts;
Attendu qu'il est constant que les 5 et 6 septembre 1970 C. a procédé à Cholet à une vente de différentes marchandises constituées par des tapis et des objets d'ivoire ; que cette vente au déballage, précédée et accompagnée d'une importante publicité par voie de presse, d'affiches et de prospectus, s'est déroulée 3 rue Pineau à Cholet (face au cinéma Palace) dans un local entièrement vide occupé précédemment par un sieur Langlois représentant des pièces d'automobile, et loué par le déballeur pour cette circonstance ;
Que sur la plainte du Président de l'Union des Commerçants reçue au Commissariat de police pour non respect des dispositions des textes législatifs en vigueur (absence d'autorisation municipale) C. interrogé a déclaré ne pas être astreint à cette autorisation, s'agissant de vente d'articles cédés à leur prix normal correspondant à son commerce habituel porté sur sa patente et ne présentant pas un caractère exceptionnel;
Que le tribunal, pour entrer dans la voie de la relaxe, a considéré effectivement que les conditions exigées par le décret de 1962, pour ne pas tomber sous le coup des sanctions prévues par la loi de 1906, étaient remplies, ledit décret n'exigeant pas que les ventes considérées aient lieu dans local où le commerçant exerçait lui-même son activité ;
Attendu qu'aux termes de l'article 4 du décret du 26 novembre 1962, " ne tombent pas sous le coup des dispositions de la loi du 30 décembre 1906 les ventes effectuées par des commerçants ambulants et forains, lorsque ces ventes ne présentent pas de caractère exceptionnel, correspondant au commerce dont il est fait mention sur la patente des intéressés et qu'elles sont réalisées sur des emplacements ou les commerçants exercent habituellement et régulièrement leur activité ";
Attendu qu'ainsi que les premiers juges l'ont à bon droit considéré, les deux premières conditions se trouvent remplies cette vente au déballage correspondant au commerce dont il est fait mention sur la patente de C. et à son activité habituelle ; que l'on ne saurait donc parler de vente à caractère exceptionnel au seul prétexte qu'elle pouvait être exceptionnelle pour les habitants de la ville de Cholet;
Mais attendu que contrairement à l'opinion du tribunal cette vente présentait bien un caractère exceptionnel eu égard au local ou elle se réalisait ; que d'évidence s'agissant de commerçant forain et ambulant, le législateur de 1962 a manifestement entendu viser les individus qui ont l'habitude de revenir sur certaines places de marchés ou dans certaines foires à intervalles réguliers et qui disposent à ce titre d'emplacements propres à recevoir une telle activité ;que C. ne saurait prétendre, qu'un local vide et désaffecté, loué pour les besoins de la cause et pour un temps très court, rentre dans cette définition ;que ce serait là dénaturer les termes et l'esprit de la loi et permettre tous les abus possibles, puisqu'il suffirait pour échapper à la réglementation en vigueur de s'installer dans un emplacement quelconque à la seule condition de le baptiser local commercial;
Attendu il est vrai que C. comprenant la fragilité d'un tel système se réfugie derrière sa prétendue bonne foi, alors que comme le font très justement observer les appelants c'est volontairement et de propos délibéré qu'il s'est mis en infraction avec la loi puisque, entendu par la police le 5 septembre 1970 à huit heures 30 c'est-à-dire quelques heures avant qu'il ne commence sa vente et averti du caractère illicite de celle-ci, il a déclaré vouloir passer outre à cet avertissement et a effectivement réalisé sa vente ;
Attendu qu'une peine d'amende suffira à sanctionner ce délit;
Attendu que la constitution de partie civile de l'Union syndicale des commerçants et artisans de la région choletaise, du syndicat de l'Ameublement de Maine et Moire et de la Fédération Nationale de l'Ameublement, est recevable en la forme et fondée, les agissements de l'intéressé ayant porté préjudice aux intérêts collectifs de la profession que les organismes susvisés représentent ; que néanmoins ceux-ci ne pouvant justifier que d'un préjudice de principe sera réparé par l'allocation de la somme de un franc à titre de dommages intérêts ;
Que C. paiera les entiers dépens;
Par ces motifs, Par arrêt contradictoire et en dernier ressort, En la forme, reçoit les parties civiles et le Ministère public en leurs appels jugés réguliers ; Et disant ces appels fondés, Réforme le jugement entrepris ; Déclare C. coupable du délit d'infraction à la loi sur les ventes au déballage, Le condamne à la peine de six cents francs (600 F) d'amende, Et recevant l'Union syndicale des commerçants et artisans de la région choletaise, le syndicat corporatif professionnel de l'Ameublement de Maine et Loire et la Fédération Nationale de l'Ameublement en leur constitution de parties civiles ; Condamne C. à payer à chacune des parties civiles, la somme de un franc à titre de dommages intérêts, Condamne C. en tous les dépens de première instance et d'appel dans lesquels pour ceux d'appel seront compris les frais de Me Cordier avoué dont la présence effective aux débats a été reconnue nécessaire, ces dits dépens d'appel liquidés envers le Trésor à la somme de : 68,69 F en ce non compris le montant en debet des droits d'enregistrement, de plaidoirie, de poste et les redevances de greffes.