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Décisions

CJCE, 14 janvier 1997, n° C-169/95

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Royaume d'Espagne

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Moitinho de Almeida, Murray, Sevón

Avocat général :

M. G. Tesauro.

Juges :

MM. Kapteyn, Gulmann, Edward, Puissochet (rapporteur), Hirsch, Jann, Wathelet

CJCE n° C-169/95

14 janvier 1997

LA COUR,

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er juin 1995, le royaume d'Espagne a, en vertu de l'article 173 du traité CE, demandé l'annulation de la décision 95-438-CE de la Commission, du 14 mars 1995, relative aux aides à l'investissement accordées par l'Espagne à l'entreprise Piezas y Rodajes SA, fonderie installée dans la province de Teruel, Aragon, Espagne (JO L 257, p. 45, ci-après la "décision attaquée").

2. Il ressort du dossier que la Commission a, par une décision du 26 mai 1987 (voir communication 88-C 251-04 JO 1988, C 251, p. 4), autorisé le régime général d'aides régionales en Espagne dont le projet lui avait été notifié par le Gouvernement espagnol le 30 janvier de la même année, conformément aux dispositions de l'article 93, paragraphe 3, du traité. Il était notamment prévu, dans le cadre de ce régime d'aides, autorisé au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, l'octroi d'aides régionales dans la province de Teruel, dans la limite d'un plafond fixé par ladite décision.

3. C'est dans cette province, sur le territoire de la commune de Monreal del Campo, que la société Piezas y Rodajes SA (ci-après "PYRSA") a engagé un programme d'investissements d'un montant de 2 788 300 000 PTA pour la construction d'une usine de fonderie destinée à produire des barbotins (roues dentées entraînées par des chaînes utilisées principalement dans l'industrie minière) et des équipements GET (pièces utilisées pour le nivellement du sol et l'excavation). Ce programme a bénéficié des aides suivantes:

- une subvention de 975 905 000 PTA du Gouvernement espagnol, qui n'est pas en cause dans la présente affaire,

- une subvention à fonds perdus de 182 000 000 PTA de la communauté autonome d'Aragon,

- une donation de la commune de Monreal del Campo, sous forme de terrains d'une valeur de 2 300 000 PTA,

- une garantie, pour un prêt de 490 000 000 PTA, accordée par la communauté autonome d'Aragon,

- une bonification d'intérêts sur le prêt susmentionné, accordée par la province de Teruel.

4. Par une plainte présentée à la Commission le 14 janvier 1991, la société britannique William Cook plc (ci-après "Cook"), qui produit des moulages d'acier et des équipements GET, a contesté la compatibilité de ces aides avec le marché commun.

5. En réponse à cette plainte, la Commission a tout d'abord informé Cook, par lettre du 13 mars 1991, que l'aide du Gouvernement espagnol de 975 905 000 PTA avait été accordée dans le cadre du régime général d'aides régionales et était, de ce fait, compatible avec les dispositions de l'article 92 du traité. Cette lettre faisait état, pour les autres aides, de l'ouverture d'une enquête auprès des autorités espagnoles.

6. A la suite de cette enquête, la Commission a informé la plaignante, par lettre du 29 mai 1991, de sa décision de "ne pas soulever d'objections" aux aides accordées à PYRSA. A cette lettre était jointe la décision référencée sous le n° NN 12-91 adressée au Gouvernement espagnol, dans laquelle la Commission constatait que ces aides relevaient du champ d'application des dispositions de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, selon lesquelles peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi. Cette décision était fondée sur deux motifs, dont l'un était que le sous-secteur des barbotins et des équipements GET ne connaissait pas de problèmes de surcapacité.

7. Saisie d'un recours formé par Cook contre ladite décision, la Cour l'a annulée, par arrêt du 19 mai 1993 (Cook/Commission, C-198-91, Rec. p. I-2487), en tant qu'elle portait sur les aides autres que la subvention de 975 905 000 PTA accordée par le Gouvernement espagnol. Dans cet arrêt, il était notamment relevé que la Commission, dès lors qu'elle entendait se fonder sur l'absence de surcapacité dans le sous-secteur d'activité considéré, aurait dû ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité, afin de vérifier, après avoir recueilli tous les avis nécessaires, le bien-fondé de son appréciation qui était de nature à soulever des difficultés sérieuses.

8. A la suite de cet arrêt, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure dont il s'agit (voir communication 93-C 281-07 JO 1993, C 281, p. 8). A l'issue de cette procédure, elle a, par la décision attaquée, notifiée au Gouvernement espagnol le 29 mars 1995 et publiée le 27 octobre 1995, déclaré les aides en cause illégales et incompatibles avec le marché commun et ordonné, en conséquence, leur suppression et le remboursement des sommes versées, majorées d'intérêts calculés sur la période comprise entre la date de versement des aides et la date de leur remboursement effectif.

9. C'est contre cette décision que le royaume d'Espagne a formé un recours en annulation, à l'appui duquel il soulève quatre moyens tirés respectivement:

- de la violation de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité,

- d'une erreur manifeste dans l'appréciation des faits,

- de l'atteinte portée aux principes de proportionnalité et de confiance légitime par l'obligation de remboursement,

- de l'atteinte portée aux mêmes principes par les intérêts réclamés.

10. La Commission demande le rejet de ce recours.

Sur le premier moyen

11. Le Gouvernement espagnol soutient que la Commission a fait une application incorrecte de l'article 92, paragraphe 3, sous a). Selon lui, d'une part, cette disposition ne vise pas des aides sectorielles, mais des aides à finalité régionale et, d'autre part, les aides litigieuses se rattachent précisément à un régime général d'aides régionales.

Sur les aides visées par l'article 92, paragraphe 3, sous a)

12. Le royaume d'Espagne estime que l'article 92, paragraphe 3, sous a), qui ne comporte pas la réserve figurant sous la lettre c) du même paragraphe, selon laquelle les aides mentionnées sous cette dernière lettre ne doivent pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, exige seulement que les aides en cause soient destinées à favoriser le développement des régions considérées. S'il n'est pas exclu que cette condition nécessite d'examiner l'impact sectoriel de ces aides, un tel examen ne peut, selon le Gouvernement requérant, être fait que pour déterminer si, compte tenu de la situation du secteur, lesdites aides peuvent ou non favoriser le développement économique de la région.

13. La Commission fait valoir que la rédaction différente des lettres a) et c) de l'article 92, paragraphe 3, ne saurait justifier qu'il ne soit pas procédé à l'examen de l'impact sectoriel d'une aide octroyée à une entreprise qui opère dans une région défavorisée. Elle rappelle d'ailleurs que, conformément à la jurisprudence de la Cour, l'exercice de son pouvoir discrétionnaire implique des appréciations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire.

14. L'article 92, paragraphe 3, du traité dispose:

"Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun:

a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi,

...

c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun,

..."

15. Ainsi que l'a déjà relevé la Cour, un programme d'aides à finalité régionale peut, le cas échéant, bénéficier de l'une des dérogations prévues dans l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c). A cet égard, l'emploi des termes "anormalement" et "grave" dans la dérogation contenue dans la lettre a) montre que celle-ci ne concerne que des régions où la situation économique est extrêmement défavorable par rapport à l'ensemble de la Communauté. En revanche, la dérogation contenue dans la lettre c) a une portée plus large en ce qu'elle permet le développement de certaines régions d'un État membre qui sont défavorisées par rapport à la moyenne nationale, sans être limitée par les conditions économiques prévues à la lettre a), pourvu que les aides qui y sont destinées "n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun" (voir arrêt du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248-84, Rec. p. 4013, point 19).

16. Inversement, l'absence de cette dernière condition dans la dérogation prévue par la lettre a) implique une plus grande latitude pour l'octroi des aides à des entreprises situées dans les régions qui répondent effectivement aux critères fixés par cette dérogation.

17. Cependant, la différence de formulation ainsi relevée ne saurait conduire à considérer que la Commission ne doive tenir aucun compte de l'intérêt communautaire lorsqu'elle fait application de l'article 92, paragraphe 3, sous a), et qu'elle doive se borner à vérifier la spécificité régionale des mesures en cause sans évaluer leur incidence sur le ou les marchés pertinents dans l'ensemble de la Communauté.

18. Conformément à une jurisprudence constante, l'article 92, paragraphe 3, confère à la Commission un pouvoir discrétionnaire dont l'exercice implique des appréciations d'ordre économique et social qui doivent être effectués dans un contexte communautaire (voir, notamment, arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730-79, Rec. p. 2671, point 24, et du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310-85, Rec. p. 901, point 18).

19. La Commission a informé à plusieurs reprises les États membres des orientations qu'elle entendait, en vertu des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés par les articles 92 et suivants du traité, appliquer aux régimes d'aide à finalité régionale. Tel est notamment l'objet de sa communication de 1988 sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), aux aides régionales (communication 88-C 212-02 JO C 212, p. 2), à laquelle fait référence sa décision d'ouvrir la procédure afférente aux aides en cause dans la présente affaire (voir communication 93-C 281-07, précitée).

20. Il ressort de ces orientations que l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) comme sous c), suppose la prise en considération non seulement des implications d'ordre régional des aides visées par ces dispositions du traité, mais également, au regard de l'article 92, paragraphe 1, de l'impact de ces aides sur les échanges entre les États membres et donc des répercussions sectorielles qu'elles sont susceptibles de provoquer au niveau communautaire.

21. Certes, comme le fait remarquer le Gouvernement espagnol, les conditions figurant à ce sujet à la partie I, point 6, de la communication 88-C 212-02, précitée, visent plus précisément certaines aides au fonctionnement que la Commission peut, par voie de dérogation, autoriser au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), si les aides liées à un investissement initial ne sont pas adéquates ou suffisantes.

22. Cependant, ainsi que l'a rappelé la Commission dans sa décision d'ouverture de la procédure, les aides régionales ne doivent pas susciter de surcapacités sectorielles au niveau communautaire. A cet égard, il est clair que la formulation de la partie I, point 6, deuxième tiret, de la communication 88-C 212-02, selon laquelle une aide "doit viser à promouvoir un développement durable et équilibré de l'activité économique" et ne pas aboutir à créer au niveau de la Communauté "un problème sectoriel... plus grave que le problème régional initial", peut s'appliquer à toute aide régionale, quelle que soit sa nature. De telles appréciations ne sont pas incompatibles avec la finalité de l'article 92, paragraphe 3, sous a). En effet, admettre le contraire permettrait de favoriser la réalisation d'initiatives économiquement précaires qui, parce qu'elles ne font qu'aggraver les déséquilibres dont souffrent les marchés intéressés, ne sont finalement pas de nature à résoudre de manière efficace et durable les problèmes de développement des régions concernées. La circonstance, relevée par la Commission, que PYRSA se trouve actuellement en cessation de paiement malgré les aides reçues démontre d'ailleurs qu'un tel risque n'est pas théorique.

23. Dans cette perspective, la Commission, lorsqu'elle se prononce sur la compatibilité d'un régime général déterminé d'aides à finalité régionale, indique, comme elle l'a fait dans sa décision précitée du 26 mai 1987, relative au régime général d'aides régionales en Espagne, que l'application du régime est soumise aux dispositions et conditions types du droit communautaire qui concernent certains secteurs d'activité.

24. Ainsi qu'il a été relevé au point 6 du présent arrêt, la décision initiale de la Commission de ne pas soulever d'objections aux aides litigieuses était d'ailleurs fondée sur deux motifs, dont l'un était précisément tiré de l'absence de problèmes de surcapacité. En estimant, au point 38 de l'arrêt Cook/Commission, précité, que la Commission aurait dû ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité afin de vérifier, après avoir recueilli tous les avis nécessaires, le bien-fondé de son appréciation à ce sujet, la Cour a déjà implicitement reconnu que cette appréciation pouvait porter sur un tel problème.

25. Il ressort de l'ensemble de ces considérations que, en déclarant les aides litigieuses incompatibles avec le traité en raison de la surcapacité existant dans le secteur d'activité concerné, la Commission n'a pas dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation.

Sur le rattachement des aides litigieuses à un régime général d'aides régionales

26. Le royaume d'Espagne soutient que, même si elle n'ont pas été approuvées préalablement à leur octroi, les aides litigieuses présentent les caractéristiques d'aides à finalité régionale et ont été accordées sur le fondement d'une réglementation nationale qui a été ultérieurement autorisée comme régime général d'aides régionales par une décision de la Commission du 29 janvier 1992 (voir communication 92-C 326-05, aide NN 169-91 JO C 326, p. 5). Selon lui, ces aides remplissent ainsi toutes les conditions permettant de les considérer comme compatibles avec le marché commun au sens de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité.

27. La Commission estime, au contraire, que lesdites aides ne peuvent pas être rattachées à ce régime général d'aides régionales et que, compte tenu de l'encadrement communautaire défini dans le secteur considéré, les autorités espagnoles auraient dû soit s'abstenir de les accorder, soit les notifier à l'état de projets. S'agissant d'aides ad hoc, il appartenait d'ailleurs au royaume d'Espagne, conformément à l'arrêt du 14 septembre 1994, Espagne/Commission (C- 278-92, C-279-92 et C-280-92, Rec. p. I-4103), d'établir qu'elles remplissaient effectivement le critère de spécificité régionale, ce qui n'a pas été fait.

28. Par la communication 88-C 320-03 (JO 1988, C 320, p. 3), la Commission a institué un encadrement de certains secteurs sidérurgiques hors CECA. Il ressort notamment des dispositions contenues au point 3, deuxième alinéa, de cette communication que, à la seule exception des aides octroyées en application d'un "régime général et régional existant et autorisé par la Commission", exception qui peut d'ailleurs ne pas jouer dans certains cas, les États membres sont soumis, conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité, à une obligation de notification préalable des aides accordées dans les secteurs concernés.

29. Il est constant que les aides litigieuses intéressent l'un de ces secteurs, celui des fonderies d'acier, et qu'elles ont été accordées sans avoir fait l'objet d'une notification préalable. A supposer même qu'elles puissent être rattachées à une réglementation nationale qui a été ultérieurement approuvée par la Commission comme régime général d'aides régionales, elle ne peuvent, en tout état de cause, être regardées comme ayant été octroyées en application d'un régime général existant et autorisé par la Commission.

30. Quant à la spécificité régionale desdites aides, il suffit de constater que la décision attaquée n'a pas déclaré ces aides incompatibles avec le marché commun parce qu'elles ne concernent pas une région susceptible de bénéficier de la dérogation prévue par l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, mais parce qu'elles contribuent à une nouvelle détérioration de la situation de surcapacité qui caractérise le secteur considéré. Or, ainsi qu'il a été relevé au point 25 du présent arrêt, un tel motif pouvait légalement justifier une décision prise au regard de l'article 92, paragraphe 3, sous a) ou c), du traité.

31. Le premier moyen du recours doit donc être rejeté.

Sur le deuxième moyen

32. Le royaume d'Espagne estime que l'appréciation sectorielle sur laquelle la Commission a fondé sa décision repose sur de simples hypothèses extrapolées à partir de données qui ne sont pas représentatives et qui se réfèrent à des années postérieures à celles qui pouvaient être prises en compte.

33. La Commission soutient, au contraire, que son appréciation est fondée sur des données suffisamment représentatives et objectives, qui ont d'ailleurs été confirmées par l'avis d'un expert technique indépendant.

34. Il convient tout d'abord de rappeler que, lorsque la Commission jouit d'une liberté d'appréciation importante, comme c'est le cas pour l'application de l'article 92 du traité, les juridictions, en contrôlant la légalité de l'exercice d'une telle liberté, ne sauraient substituer leurs appréciations en la matière à celles de l'autorité compétente, mais doivent se limiter à examiner si ces dernières seraient entachées d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir, notamment, arrêt du 14 mars 1973, Westzucker, 57-72, Rec. p. 321, point 14).

35. Il y a donc lieu d'examiner les conditions dans lesquelles a été portée l'appréciation contestée afin de déterminer si elle est entachée d'une erreur manifeste.

36. Ainsi qu'il a été relevé au point 8 du présent arrêt, la Commission a, conformément à l'arrêt Cook/Commission, précité, décidé d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité. Il ressort de sa communication 93-C 281-07, précitée, qu'elle a invité le Gouvernement espagnol, les autres États membres et les autres intéressés à présenter leurs observations sur la question de l'existence ou de l'absence de surcapacités dans les sous-secteurs concernés. Cette procédure a permis à la Commission de recueillir, ainsi qu'il est indiqué à la partie III de la décision attaquée, des observations d'un certain nombre d'entreprises situées au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, en Italie et en Espagne.

37. Le Gouvernement espagnol et la Commission sont en désaccord sur la représentativité de ces entreprises: le premier soutient que leur capacité totale de production n'est que de l'ordre de 3 à 4 % de la capacité disponible dans le secteur des fonderies d'acier, tandis que la seconde fait valoir que lesdites entreprises représentaient 15 % de la production communautaire en 1990 dans ledit secteur.

38. Il y a lieu de constater que la Commission a recueilli des données fournies par toutes les entreprises qui ont présenté des observations dans le cadre de la procédure engagée à cette fin et qu'elle a, en outre, obtenu l'avis d'un expert indépendant, qui a d'ailleurs confirmé les informations recueillies. Dans ces conditions, il ne peut être conclu à l'absence de représentativité et d'objectivité des données sur lesquelles la Commission a fondé son appréciation.

39. Les deux parties sont également en désaccord sur l'appartenance des produits fabriqués par PYRSA à un sous-secteur d'activité spécifique. Le requérant reproche notamment à la défenderesse d'avoir fondé son appréciation sur une seule opinion.

40. A cet égard, il peut être relevé, d'une part, que l'encadrement de certains secteurs sidérurgiques hors CECA prévu dans la communication 88-C 320-03, précitée, qui intéresse un certain nombre de secteurs et de sous-secteurs d'activité, ne distingue pas de sous-secteurs au sein du secteur des fonderies d'acier et, d'autre part, que les entreprises ayant fourni des observations et l'expert indépendant ont tous émis l'avis qu'il n'existait pas de sous-secteur spécifique des roues dentées et des équipements GET. Le Gouvernement espagnol ne peut donc prétendre que la Commission ne s'est fondée que sur une seule opinion pour arrêter sa position à ce sujet.

41. En ce qui concerne les années de référence, il est vrai que les informations les plus détaillées prises en compte par la Commission concernent les années 1990 et suivantes alors que les aides litigieuses ont été octroyées sur le fondement de décisions intervenues, selon le Gouvernement espagnol, entre 1988 et 1990.

42. Toutefois, il ressort clairement des points 2.1.9 et 3, troisième alinéa, deuxième tiret, de la communication 88-C 320-03, précitée, que le secteur des fonderies d'acier connaît des problèmes de surcapacité et de sérieuses difficultés d'ordre économique et financier. Les conclusions se dégageant des informations recueillies pour les années 1990 et suivantes n'ont donc fait que confirmer une constatation qui avait déjà justifié, en 1988, des mesures particulières dans le secteur considéré.

43. Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en estimant, dans la décision attaquée, que les aides litigieuses contribuaient à une nouvelle détérioration de la situation de surcapacité observée dans le secteur considéré, la Commission n'a pas entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

44. Le deuxième moyen du recours doit donc être rejeté.

Sur les troisième et quatrième moyens

45. Le royaume d'Espagne estime que l'obligation de remboursement des aides accordées et le mode de calcul des intérêts réclamés constituent des mesures disproportionnées et contraires au principe de confiance légitime. Selon lui, les circonstances dans lesquelles les aides litigieuses avaient été accordées à PYRSA avaient légitimement fait naître dans le chef de cette entreprise une confiance susceptible de protection juridictionnelle.

46. La Commission soutient, au contraire, que ces circonstances ne sauraient avoir d'incidence sur l'obligation qui découle de l'illégalité et de l'incompatibilité des aides en cause.

47. Il convient tout d'abord de rappeler que la suppression d'une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité. Par conséquent, la récupération d'une aide étatique illégalement accordée, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en matière d'aides d'État (arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142-87, Rec. p. I-959, point 66). Il en est de même en ce qui concerne la réclamation d'intérêts pour la période comprise entre la date du versement des aides et la date de leur remboursement effectif.

48. D'autre part, un État membre, dont les autorités ont octroyé une aide en violation des règles de procédure prévues à l'article 93, ne saurait invoquer la confiance légitime de l'entreprise bénéficiaire pour se soustraire à l'obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de l'exécution d'une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer l'aide. Admettre une telle possibilité reviendrait, en effet, à priver les dispositions des articles 92 et 93 du traité de tout effet utile, dans la mesure où les autorités nationales pourraient ainsi se fonder sur leur propre comportement illégal pour mettre en échec l'efficacité des décisions prises par la Commission en vertu de ces dispositions du traité (arrêt du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5-89, Rec. p. I-3437, point 17).

49. Certes, le moyen tiré par le Gouvernement espagnol de l'atteinte portée à la confiance légitime de l'entreprise bénéficiaire est invoqué non pas tant pour se soustraire à l'obligation découlant de l'exécution de la décision de la Commission que pour contester devant la Cour la validité même de cette décision.

50. Mais un tel moyen, au vu des circonstances de l'espèce, n'est pas fondé.

51. Ainsi que l'a jugé la Cour au point 14 de l'arrêt Commission/Allemagne, précité, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l'article 93 du traité, les entreprises bénéficiaires d'une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s'assurer que cette procédure a été respectée.

52. Or, il n'est pas contesté que les aides litigieuses ont, contrairement aux obligations imposées aux États membres par l'article 93, paragraphe 3, du traité, été octroyées sans avoir été préalablement notifiées.

53. La circonstance que la Commission a initialement décidé de ne pas soulever d'objections aux aides litigieuses ne peut pas être considérée comme susceptible d'avoir fait naître une confiance légitime de l'entreprise bénéficiaire dès lors que cette décision a été contestée dans les délais de recours contentieux, puis annulée par la Cour. Pour regrettable qu'elle soit, l'erreur ainsi commise par la Commission ne saurait effacer les conséquences du comportement illégal du royaume d'Espagne.

54. Dans ces conditions, la décision attaquée ne peut, ni en tant qu'elle prescrit le remboursement des aides litigieuses ni en tant qu'elle prescrit également le versement d'intérêts, être regardée comme portant atteinte à la confiance légitime de l'entreprise bénéficiaire desdites aides.

55. Les troisième et quatrième moyens du recours doivent donc être rejetés.

56. Aucun des moyens avancés par le Gouvernement espagnol n'ayant pu être retenu, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

57. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le royaume d'Espagne ayant succombé en ses moyens, il y a lieu, ainsi que le demande la Commission, de le condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

déclare et arrête:

1°) Le recours est rejeté.

2°) Le royaume d'Espagne est condamné aux dépens.